
The Wall Street Journal, February 24
European Leaders Draft Peacekeeping Plan for Ukraine With U.S. Forces as ‘Backstop’
Macron and Starmer head to Washington as Europe designs a force to deter Russia

Extraits:
Britain and France are developing a plan to deploy up to 30,000 European peacekeepers in Ukraine if Moscow and Kyiv reach a cease-fire deal, European officials say.
But the European proposal hinges on persuading President Trump to agree to a limited U.S. military role—dubbed a “backstop” by British officials—to protect the European troops in Ukraine if they were put in danger and deter Russia from violating any cease-fire, the officials said.
An initial test of Trump’s willingness to consider U.S. security guarantees for Ukraine will come in the next few days when U.K. Prime Minister Keir Starmer and French President Emmanuel Macron are scheduled to hold talks with the president at the White House.
The emerging European plan wouldn’t require the U.S. to deploy its own forces in Ukraine, which the Trump administration has all but ruled out, but would seek to draw on U.S. military capabilities that European forces lack, the officials say.
The U.S., for example, might operate air-defense systems in neighboring countries that covered swaths of Ukraine while contributing other air-defense systems to the Europeans, European officials said. U.S. air power based outside Ukraine could be kept at the ready in case European troops were in danger. (…)
Without Trump’s backing, the European plan to send peacekeepers faces a difficult path, the officials said. (…)
British officials believe American involvement is critical to deter Russian attacks, encourage other European nations to also send troops and provide the multinational force with key capabilities in short supply among European militaries.
British and French troops, along with naval forces and air power, would form the backbone of a so-called reassurance force. It wouldn’t be deployed along the front line in Ukraine’s east, but rather would be tasked with protecting vital infrastructure, cities and ports, including in the Black Sea. Drones and satellites would monitor the front line to determine whether Russia was abiding by the cease-fire.
International efforts to help Ukraine field a sizable and capable military of its own would continue and the goal of the European force wouldn’t be to substitute for Kyiv’s forces.
As the British and French prepared for their visits, Polish President Andrzej Duda met with Trump on Saturday. While Poland isn’t planning to send peacekeeping troops to Ukraine, Duda is a strong backer of Ukraine and is trying to nurture dialogue between Trump and Zelensky. (…)
Le Point, 22 février
Général Gomart : « L’armée française a tout, mais en volume insuffisant et sans réserves »
ENTRETIEN. La guerre en Ukraine impose de repenser notre modèle de défense. L’ancien directeur du renseignement militaire analyse les faiblesses structurelles des armées européennes.

Extraits:
(…) L’armée française est-elle prête pour ce type de combat aujourd’hui ?
J’ai relu tous les Livres blancs de la Défense depuis trente ans. En 1994, c’est la dernière fois qu’un Livre blanc évoque un scénario de guerre de haute intensité. Depuis, dans les Livres blancs de 2008, 2013 comme dans la revue stratégique de 2017, on ne parle plus que d’une armée vue comme un « corps expéditionnaire ». L’armée française est dimensionnée pour cela. Elle dispose de la panoplie complète : porte-avions, frégates, sous-marins, chasseurs, transporteurs, ravitailleurs, avion AWACS pour coordonner, chars, canons et fantassins. Elle a tout, mais en volume insuffisant, et surtout sans réserves. Nous n’avons qu’une semaine de munitions en réserve. C’est là où, de mon point de vue, il faut absolument dépenser plus, non pas pour dépenser plus, mais pour recréer les stocks. Car nous avons puisé dans ces stocks pour donner aux Ukrainiens, ce qui est très estimable, mais nous ne les avons pas reconstitués.
Quelle estimation faites-vous de l’investissement nécessaire pour une remise à niveau de l’armée française ?
Nous sommes à peine à 2 % du PIB. Les Européens annoncent un objectif de 3 % du PIB. Je pense qu’il faut monter à 3 % au minimum. C’est d’ailleurs ce que je proposais lors de la campagne électorale pour les élections européennes. Si l’on considère que le budget actuel est de 50 milliards par an, il faut augmenter les dépenses militaires de 30 à 40 milliards d’euros par an. C’est un effort de longue haleine. Il faut des années pour reconstituer les stocks.
Emmanuel Macron a affirmé qu’il avait doublé le budget de l’armée dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM)…
On n’a jamais doublé le budget de l’armée, ce sont des mots. Avec l’inflation, le coût du travail, le coût des matériaux, à la fin de la LPM, vous avez moins de chars, moins de frégates qu’au début. C’est la réalité. Il faut vraiment revenir aux vrais chiffres : au début de la LPM, nous avions 220 chars ; à la fin de la LPM, nous aurons 200 chars. Et des munitions pour une semaine. Pour vous donner une idée, les Ukrainiens tirent 3 000 obus par jour ; la France a commandé 5 000 obus… pour l’année. (…)
Faut-il rétablir le service national ?
Non, cela coûterait beaucoup trop cher. Nous avons vendu toutes les infrastructures, les casernes. Comment loger entre 700 000 et 800 000 jeunes, des deux sexes ? (…)
Comment l’Otan pourrait-elle fonctionner si Donald Trump retire ses troupes ?
Les Américains ont encore 100 000 soldats basés en Europe, soit un peu moins que l’équivalent de l’armée de terre française. Mais je ne pense pas que l’actuel président des États-Unis le fera. Pour lui, l’Europe est un marché. Les Européens lui achètent environ 65 % de leurs équipements militaires espérant rester sous la protection du parapluie américain. Ce ne serait donc pas, selon moi, dans son intérêt de retirer ses troupes ni de quitter l’Otan.
Demain, nous ne nous battrons pas militairement avec les États-Unis heureusement – ils nous mènent plutôt une vraie guerre commerciale –, mais les pays détenteurs de matériels d’origine américaine ne pourront, sans leur accord, les utiliser. C’est bien évidemment le cas de leur avion de chasse F-35 (acheté par les Allemands, les Polonais et une douzaine de pays européens). En revanche, nous pourrons utiliser le Rafale. (…)
L’armée allemande est-elle opérationnelle ?
(…) C’est une armée qui a de bons équipements, comme les Allemands savent les faire. Mais elle n’est pas du tout opérationnelle au sens d’une armée britannique ou française. Les Allemands investissent dans d’excellents matériels – le Leopard 2, les Marders, le missile Taurus… –, mais ils n’ont pas l’expérience du feu.
Donc, les déclarations de Donald Trump sur le fait que l’Europe ne dépense pas assez pour sa sécurité sont très justes. Les pays européens ont passé 80 ans dans le confort. Nous avons fait une « sieste stratégique » de 80 ans. Je crois avoir lu ça dans Le Point ; la formule est excellente !
Est-il possible d’européaniser l’Otan, ce qui supposerait que le commandement en chef de l’Otan ne soit plus un militaire américain ?
Oui, il faut européaniser l’Otan. L’Otan est intéressante pour ses structures de commandement et de contrôle, ce qu’on appelle le C2. C’est crucial, car les gens parlent le même langage opérationnel.
Ce qui compte, ce n’est pas tant la nationalité des militaires mais la capacité des États à travailler ensemble. (…)
Avez-vous l’impression que Vladimir Poutine, après trois ans de guerre, arrive bientôt au bout de ses forces militaires ?
On dit ça depuis trois ans. Les Russes ont gardé leurs vieux T-72, leurs vieux chars, leurs vieilles munitions. Ils sont réellement passés en économie de guerre. Leurs industries ont été réorientées et fabriquent des matériels et équipements militaires comme des chars. Ils en ont perdu 2 000 en deux ans mais en reconstruisent 1 000 par an. Je pense que leur économie finira par s’épuiser, mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui.
Et la population, comme on l’a vu dans l’histoire, fait preuve de résilience. Un soldat meurt, la famille reçoit de l’argent, c’est un héros russe. Il y a tout un narratif qui fait que la population « accepte » – disons, tolère – les sacrifices, avec un taux d’acceptation plus élevé que chez nous. J’ai toujours dit qu’il fallait être prudent avec ces jugements hâtifs sur l’effondrement russe. J’ai appris le russe quand j’étais lieutenant car c’étaient nos ennemis à l’époque. C’était une grande armée, ils étaient forts, ils avaient des conditions terribles, mais ils tenaient. À la chute de l’Union soviétique, ils n’ont pas mis à la ferraille leurs vieux matériels, contrairement à nous.
Europe’s nightmare : How Europe must respond as Trump and Putin smash the post-war order
The region has had its bleakest week since the fall of the Iron Curtain. The implications have yet to sink in

Full text : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/21-fevrier-1.pdf
Le Figaro, 20 février
Jérémie Gallon : «Donald Trump, miroir des faiblesses, des lâchetés et des erreurs stratégiques de l’Europe»
TRIBUNE – Considérée par le président américain comme une ennemie sur le plan commercial, l’Union européenne semble désarmée pour répondre aux menaces et aux attaques des États-Unis, analyse l’essayiste.
Dernier livre paru de Jérémie Gallon : « Henry Kissinger, l’Européen » (Gallimard, 2021).

Article intégral : https://kinzler.org/wp-admin/post.php?post=6346&action=edit
The Economist, February 20
European security : Now is the time for Europe to show strength, not division, argues Sanna Marin
Finland’s former leader makes the case for stumping up tens of billions more for Ukraine

Full text :
https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/20-fevrier-1.pdf
Le Point, 19 février
« L’Europe est son pire ennemi » : le cri d’alarme de Mario Draghi
Intelligence artificielle, énergie, géopolitique : tous les retards européens se sont aggravés depuis son rapport de septembre. Mario Draghi sonne le tocsin, une fois de plus.

Extraits:
« Le temps ne joue pas en notre faveur », prévient Mario Draghi, lors d’un échange avec les eurodéputés, mardi à Bruxelles. Fidèle à sa réputation d’homme qui ne mâche pas ses mots, l’ancien patron de la BCE s’exprime cinq mois après la présentation de son rapport à la Commission. Or, tous les retards européens qu’il avait soulignés en septembre 2024 ont empiré. (…)
Sur l’intelligence artificielle, il note les progrès prodigieux et l’absence d’acteurs européens capables de lutter, malgré les efforts de Mistral AI. « Pour l’instant, la plupart des progrès se font encore en dehors de l’Europe. Huit des dix principaux modèles linguistiques actuels ont été développés aux États-Unis, les deux autres provenant de Chine, relève-t-il. (…)
Côté énergie, le tableau n’est guère plus reluisant. Les prix du gaz naturel font le yo-yo, en hausse de 40 % depuis septembre. Les tarifs de l’électricité ? Deux à trois fois plus élevés qu’aux États-Unis. Un handicap majeur pour la compétitivité européenne que « Super Mario » impute à des facteurs « de notre propre fait » : coordination limitée sur les achats de gaz, fonctionnement défaillant du marché de l’énergie, retards dans l’installation des capacités renouvelables, réseaux sous-développés, fiscalité excessive… Les Européens sont, en partie, responsables de leurs malheurs.
« Nous devons agir de plus en plus comme si nous étions un seul État », assène-t-il, bousculant les susceptibilités nationales. Une provocation ? Non, une nécessité vitale, selon lui.
Son triptyque IA-énergie-géopolitique dépeint une Europe qui se rêve en géant mais agit en nain. Mario Draghi ne se contente pas de tirer la sonnette d’alarme. Il propose un plan d’action radical articulé autour de trois axes : innovation, énergie et défense. « Nous devons créer les conditions pour que les entreprises innovantes grandissent en Europe plutôt que de rester petites ou de partir aux États-Unis », plaide-t-il avec constance depuis septembre. Comment faire ? En démantelant les barrières internes, en normalisant et harmonisant les réglementations nationales, en simplifiant les procédures. La Commission européenne a endossé la plupart de ses conclusions, mais la vitesse d’exécution sera un paramètre majeur pour le redressement européen. (…)
Reste l’immense question du financement. Il manque 750 à 800 milliards d’euros par an pour se remettre à niveau. Mario Draghi a livré une confidence, ce qui est rare chez lui. « Il y a quelque temps, avant même la conclusion du rapport, j’ai dit lors d’une réunion qu’on ne peut pas dire non à la dette publique, non au marché unique, non à la création de l’union des marchés de capitaux, glisse-t-il. On ne peut pas dire non à tout, sinon il faut être cohérent et admettre qu’on n’est pas capable de maintenir les valeurs fondamentales pour lesquelles cette Union européenne a été créée. » Un message à toutes les chancelleries et aux plus frugales d’entre elles (Allemagne, Pays-Bas…).
(…) L’Europe saura-t-elle enfin se réveiller ? La réponse appartient désormais aux dirigeants européens et aux législateurs au Parlement européen.
The Economist, February 18
From Munich to Paris : The nightmare of a Trump-Putin deal leaves Europe in shock
At an emergency meeting in Paris there are splits on sending troops to Ukraine

Full text : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/18-fevrier-4.pdf
Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17. Februar
Sicherheitskonferenz: Der Westen schwächt sich selbst
Der amerikanische Vizepräsident trägt den Kulturkampf in die NATO. Und Europa hat keine eigenen Ideen für ein Ende des Krieges in der Ukraine.

Extraits:
(…) In der Sache hatte Vance allerdings nicht ganz unrecht. Wer wollte noch ernsthaft bestreiten, dass die unkontrollierte Masseneinwanderung zu einem großen Problem in Europa geworden ist? Dass zu Konferenzbeginn in München ein Anschlag stattfand, spricht für sich selbst.
Auch andere Beispiele, die er nannte, waren nicht aus der Luft gegriffen. Dass in Rumänien, einem EU- und NATO-Mitglied, eine Präsidentenwahl mit fadenscheiniger Begründung annulliert wurde, ist besorgniserregend und in Europa viel zu nonchalant hingenommen worden. Dass AfD und BSW nicht an der Münchner Konferenz teilnehmen durften, ist angesichts des Zuspruchs, den sie bei den Wählern finden, kein Ausweis pluralistischer Diskursfähigkeit.
Streiten kann man sich über die Razzien des Bundeskriminalamts gegen Verfasser von frauenfeindlichen Inhalten im Internet. Wenn sie illegal sind, müssen sie strafrechtlich verfolgt werden. Hier ist das amerikanische Verständnis von Meinungsfreiheit breiter. Gerade die Europäer, die anderen Nationen routinemäßig Moralpredigten halten, sollten solche Kritik allerdings auch aushalten können.
Eine Grenze überschritt Vance allerdings mit der Forderung, die politische Brandmauer in Deutschland einzureißen, und mit seiner offenen Parteinahme für die AfD. Der Bundeskanzler und der Oppositionsführer verwahrten sich zu Recht gegen diese Einmischung in den deutschen Wahlkampf. Beide hatten sich auch nicht in die Wahlen in Amerika eingemischt. So sollte es sein unter Verbündeten.
Überzogen war auch Vances Vergleich des heutigen Europas mit den Regimen des früheren Ostblocks, was in Orbán’scher Manier nicht zuletzt auf die EU-Kommission zielte. Europa sollte es mit der Regulierung sozialer Medien nicht übertreiben, und manche Äußerung des früheren Binnenmarktkommissars Thierry Breton zu dem Thema war unangemessen. Aber Europa ist nicht weniger demokratisch als Amerika, und unter (verbündeten) Demokraten muss man Unterschiede respektvoll akzeptieren. Dass Vance stattdessen versuchte, einen Kulturkampf in die NATO zu tragen, stärkt den Westen nicht.
Die Europäer, um deren Schicksal es ja geht, hinterließen selbst keinen guten Eindruck. Scholz langweilte mit Ausführungen über die Schuldenbremse. Macron, Starmer, Meloni, Tusk und Sánchez waren erst gar nicht gekommen. Die zweite Reihe, etwa die EU-Außenbeauftragte Kallas, blieb bei der alten Idee, dass eine NATO-Mitgliedschaft der Ukraine die billigste und stärkste Sicherheitsgarantie sei. Die hatte jedoch schon Biden vom Tisch genommen, nicht erst Trump. NATO-Generalsekretär Rutte rief die Europäer völlig zu Recht dazu auf, nicht nur Mitsprache zu verlangen, sondern selbst konkrete Vorschläge zur Beendigung des Krieges zu machen.
Die wahre Erwiderung auf Vance kam von Selenskyj, der eine europäische Armee forderte. Das ist aus vielen Gründen illusorisch und sollte nicht von der Kernaufgabe ablenken, der auch Merz immer noch auffällig aus dem Weg geht: Die europäischen NATO-Mitglieder müssen kräftig aufrüsten, sich selbst und die Ukraine. Es ist schlimm genug, dass Putin mit seinem Landraub durchkommen könnte. Weiter nach Westen darf er nicht gelangen.
The Economist, February 17
Present at the destruction : Donald Trump’s assault on Europe
His invitation to Vladimir Putin to make a deal over Ukraine has thrown the transatlantic alliance into turmoil

(…) The paradox is that, despite these swirling anxieties, Europe and America both need each other. The Europeans are grappling with the fact that their principal security guarantor of 75 years is not just growing more distant, but, in some ways, is actively hostile. They are increasingly hedging against American retrenchment. But that is not something they will seek to bring about, if only for the cost of mounting a European-only defence against Russia, which one insider puts at 5-6% of GDP. The first course of action is, therefore, still to engage with Mr Trump, however madcap and rash his diplomacy.
More importantly, if Mr Trump truly wants a deal that will stick, he will need European aid and, perhaps, troops. And to give Europe the confidence to provide those, he will need to commit America to Europe’s security, rather than sign up to a Yalta-like carve-up. Rarely has the Munich conference seen such a frenzy. And yet the haggling, bullying and nail-biting that will determine the future of Ukraine and Europe has only just begun. ■
Full text : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/17-fevrier-1.pdf
Link: https://www.economist.com/international/2025/02/16/donald-trumps-assault-on-europe
The Wall Street Journal, February 17
The Trump Shock Comes to Europe
The allies receive bracing, if not always helpful, warnings from the U.S.

Extraits:
(…) Ukraine’s army today is larger and more capable than the German, French, Italian and British armies combined. Alongside Russia’s, it is also the only military in the world with a wealth of experience in large-scale modern warfare against a near-peer enemy.
If it is defeated, or neutered as part of a U.S.-negotiated agreement with Russia, the rest of Europe would be extremely vulnerable—especially if the American commitments to its security wither away.
In this environment, Europeans can’t afford to be politically naive, said Croatian Prime Minister Andrej Plenkovic. “If Russia spends 10% of the GDP on military spending, and 40% of the budget, this isn’t a short-term exercise. This is a war economy which has long-term goals,” he said. “And it is up to us to take this into account in the context of peace negotiations.”
Le Point, 15 février
😕 L’Europe hors jeu : Trump et Poutine négocient l’avenir de l’Ukraine sans nous
CHRONIQUE. Les Européens tombent des nues en constatant que Trump et Poutine négocient entre eux l’avenir de l’Ukraine et d’une partie du continent. Qu’attendons-nous pour nous réveiller ?

Extraits:
Le plus étonnant dans les annonces récentes de Donald Trump sur l’Ukraine, c’est… l’étonnement des Européens. Depuis des mois, non seulement nous savions qu’élu, il entrerait rapidement en contact avec Poutine pour mettre fin à la guerre, mais nous connaissions plus ou moins les termes sur la base desquels il entreprendrait cette démarche. Le surprenant n’est donc pas là, mais dans l’impréparation des Européens, qui donnent l’impression de tomber des nues. (…)
Pourtant, tout était clair : Trump entendait passer par-dessus la tête de l’Ukraine et des alliés européens pour aboutir à un accord dont il demanderait ensuite à ceux-ci d’assumer la responsabilité financière et militaire. Qu’avons-nous fait pour avoir notre mot à dire, pour poser nos conditions ou, à défaut, pour nous y préparer ? Rien.
Comme le lapin dans les phares de la voiture, nous avons attendu l’inévitable, que nous abordons dans les pires conditions. L’Allemagne est aux abonnés absents pour plusieurs mois et la France ne vaut pas beaucoup mieux. Je comprends aujourd’hui les années 1930, lorsque des dirigeants intelligents et patriotes ont pu aller au désastre les yeux ouverts sans faire ce qu’ils savaient nécessaire au fond d’eux-mêmes. Les circonstances sont certes moins tragiques, mais ce lâche renoncement de nos pays présage mal de leur avenir dans le monde de fer qui vient.
Avec Trump ou avec Kamala Harris, je l’avais écrit dans mes chroniques, les États-Unis voulaient s’extraire d’un conflit qui n’était pas leur priorité et où ils ne s’étaient engagés que du fait de l’incapacité des Européens d’apporter un soutien militaire à la victime d’une agression russe dont ils ne pouvaient accepter un éventuel succès. D’ailleurs, ils étaient toujours restés discrets sur les questions territoriales contrairement aux déclarations va-t-en-guerre de certains Européens et ils s’étaient opposés à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan.
La vraie différence entre les deux candidats portait sur la méthode. (…)
C’est la tactique de négociation de Trump qui peut soulever des inquiétudes. Qu’il dévoile d’emblée les points principaux de la position américaine peut encore se justifier dans la mesure où elle correspond, d’une part, à la situation sur le champ de bataille et, d’autre part, aux lignes rouges russes. Ç’aurait été du temps perdu, par exemple, de se battre sur l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, dont on sait depuis longtemps qu’elle est inacceptable par Moscou. Or, Trump veut aller vite. C’est même là le problème essentiel.
En effet, d’expérience, je peux prédire que la Russie conduira la négociation à sa manière, c’est-à-dire, après avoir empoché les concessions américaines, ligne par ligne en ne cédant pas sur le moindre détail. (…)
Revenons aux Européens. Ils doivent maintenant être éveillés et comprendre ce qui les menace. Du moins, on l’espère. Pourquoi Français, Britanniques, Polonais et quelques autres ne se réunissent-ils pas de toute urgence pour définir une position et prendre les dispositions qui s’imposent ? Que feront-ils si la négociation échoue et si les États-Unis renoncent à soutenir l’Ukraine ? Et si elle réussit et si on leur demande de fournir une force sur le territoire de ce pays ? (…) Si c’est une force de combat, quels devraient être sa taille, son mandat et sa mission ? Les questions – il y en a beaucoup d’autres – sont multiples, concrètes et graves. Attendrons-nous passivement que le parrain américain nous dicte notre rôle, dont il aura défini avec la Russie la forme et le fond ? Je le crains.
Or, ce qui se passe aujourd’hui à Washington dépasse de loin la guerre en Ukraine. La réhabilitation spectaculaire de Poutine n’est rien moins que l’affirmation de relations internationales dont le seul fondement est le rapport de force le plus nu et le plus brutal. Le gendarme américain a rejoint les brigands. Le rêve européen d’une société fondée sur le droit international et le compromis s’évanouit. C’est la jungle. À nous de prendre la mesure de la gravité du moment pour y survivre.
Frankfurter Allgemeine Zeitung, 14. Februar
Trumps Plan für die Ukraine: Der Westen zerlegt sich, die Diktatoren triumphieren
Trump verbreitet „shock and awe“ – unter den Verbündeten. Die Europäer beklagen sich über den „Katzentisch“. Tatsächlich befinden sie sich in einem perfekten Sturm.

Extraits:
(…) Angeblich hatten sich die europäischen Regierungen so intensiv auf die Rückkehr Trumps ins Amt vorbereitet wie dieser selbst. Der Schockzustand nach den Paukenschlägen aus Washington spricht nicht dafür. Noch ist nicht zu erkennen, wie die Europäer die Rolle übernehmen könnten, die Amerika bisher für die Ukraine spielte. Selbst Staaten wie Frankreich und Großbritannien blieben bei der Unterstützung weit hinter Deutschland zurück mit der Begründung, sie hätten dafür nicht das Geld. Künftig müssen alle aber auch mehr für ihre eigene Verteidigung ausgeben – nicht nur, weil Trump es fordert, sondern weil die Kriegsgefahr in Europa wächst, wenn Putin den Überfall auf die Ukraine als Erfolg verbuchen kann.
Wer würde Friedenstruppen in die Ukraine schicken, wenn sie dort in Gefechte mit den Russen geraten könnten? Es ist kein Wunder, dass dazu in Deutschland wenige Tage vor der Wahl kein Minister auch nur eine Silbe sagen will. Umso lauter ertönt die Forderung, die Europäer dürften bei den Verhandlungen „nicht am Katzentisch sitzen“ (so Pistorius). Genau da sitzen sie aber, auch weil sie bis in die einzelnen Staaten hinein uneinig sind, wie sie in der Weltunordnung bestehen sollen, in der so viele alte Gewissheiten untergingen.
Neue Zürcher Zeitung, 13. Februar
Deutschland braucht eine neue Verteidigungspolitik: Schluss mit dem parasitären Pazifismus
Wladimir Putin bedroht den Westen, und Donald Trump erwartet von den Europäern, dass sie mehr für ihre Sicherheit tun. Die Bundesrepublik muss deshalb sehr viel schneller verteidigungsfähig werden. Ein Vorschlag in sieben Punkten.

Full text : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/13-fevrier-3.pdf
Le Point, 10 février
Défense européenne : même nos ponts ne sont pas prêts pour la guerre
Routes impraticables, ponts trop fragiles, délais administratifs kafkaïens : l’Europe n’est pas encore prête à déplacer rapidement ses forces armées en cas de conflit.

Full article: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/10-fevrier-1.pdf
The Economist, February 6
The Telegram : Allies will not appease Donald Trump forever
If Trump convinces partners that the post-1945 order really is dead, things will get ugly

Extraits:
THESE ARE heady times for supporters of President Donald Trump. In their telling, their champion has declared a new era in which America will use its strength without embarrassment to secure its interests, and the world is falling in line.
For leading members of Trumpworld, such a scuttling retreat is no surprise. As they see it, the globalised, America-led world order that followed the second world war had become a racket. Especially in the hubristic years after the Soviet Union crumbled, when Washington grandees surveyed a world seemingly without rivals, successive presidents allowed feckless allies and trade partners to freeride on American security and steal American jobs. Now, like thieves caught in the act, foreigners feel Mr Trump’s righteous, America First wrath, and know the game is up. (…)
Seen from Washington, it looks as if even rich, proud allies are in retreat. Take Europe. Mr Trump has demanded that America should buy the mineral-rich island of Greenland from Denmark. Rather than confront him, the Danes have asked European leaders to avoid statements that might provoke Mr Trump. Small wonder Mr Trump sounds serene, telling reporters last month that “we will get” Greenland. America must control the island because Denmark cannot defend the Arctic from China and Russia, insisted Mr Trump, mocking Danish plans to beef up its northern defences as adding “two dog sleds” (while neglecting to mention American armed forces already stationed in Greenland).
In truth, if Mr Trump thinks other governments are surrendering without a fight, and resigning themselves to a new, might-makes-right world order, he is miscalculating. Most allies believe in the post-1945 system that he so despises, and hope to defend its essential elements. Avoiding fights is an initial, tactical response. A second plan involves buying him off, explain senior figures in Brussels. Though European Union trade officials have spent months modelling the costs of various Trump tariffs on EU exports, and of retaliatory moves, the real ambition is to avoid all-out trade conflict. That explains Trump-pleasing proposals from European Commission chiefs to buy more American liquefied natural gas, ideally ending Europe’s need for Russian gas. It is why several members of NATO are promising to increase defence budgets, and to spend those extra billions on American fighter jets and other expensive kit.
But gestures of appeasement and tactical retreats on minor issues can buy only so much time, and Europe is realising that far harder choices loom. Mr Trump’s assault is broader and more profound than anticipated, says Steven Everts, director of the EU Institute for Security Studies, an EU policy-planning and research agency. “The attack was expected to come on trade and economics, we were ready for that.” Europe’s plan was to hedge its bets to keep globalisation alive, he relates: “There are 7.5bn people who aren’t Americans, let’s trade more with them.”
Mr Trump, however, is picking fights that touch on Europe’s core interests, as a bloc whose strength lies in unity and in rules. In Brussels a striking number of Eurocrats express angst about a legal dispute that pits Elon Musk and other American technology bosses against an EU law, the Digital Services Act. (…)
In the glass-walled corridors of Brussels power, there is real anger over Mr Trump’s support for populist nationalists in Europe, notably Hungary’s prime minister, Viktor Orban. Mr Orban’s pro-Russia, pro-China sympathies routinely lead him to block tough EU policies towards those powers. For centrist Europeans, it is not just a partisan move for Trumpworld to embrace Mr Orban. It is an attack on their continent’s unity and thus its security.
European leaders are trying to accommodate Mr Trump—for now. A handful of populist leaders share his views. A larger group is betting that he will become distracted and find other targets. Some hope to wait him out. But the moment that Mr Trump convinces allies that their favoured world order is dead, their incentives will reverse. With nothing to lose, even friendly European governments will try to deceive, resist and hedge against a hostile America. Already, influential voices in Brussels, Berlin and other capitals murmur that Europe should draw closer to China.
Mr Trump loves winning. Actually, many allies and rivals still hope that he may yet fail. Once they believe him, he will find the world harder to bend to his will. ■
https://www.economist.com/international/2025/02/04/allies-will-not-appease-donald-trump-forever
The Economist, February 3, pay wall
Charlemagne : Meet Europe’s Gaullists, Atlanticists, denialists and Putinists
As Donald Trump returns, so do Europe’s old schisms over how to defend itself

Full article : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/4-fevrier-1.pdf
New York Times, February 3, pay wall
Guest Essay : I’m the Foreign Minister of Poland. Europe Has Got the Message.

Article intégral : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/3-fevrier-2.pdf
Link: https://www.nytimes.com/2025/02/03/opinion/poland-europe-radoslaw-sikorski.html
😮 😕 Le Figaro, 3 février, article payant
Nicolas Baverez : «Le fantôme de la Communauté européenne de défense»
CHRONIQUE – La Commission européenne a entrepris de contourner la compétence des États membres pour construire une défense européenne intégrée à l’ensemble nord-américain, qui fragilisera davantage encore la sécurité de notre continent.

Extraits:
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, les guerres du Moyen-Orient puis l’élection de Donald Trump ont définitivement enterré la mondialisation et ouvert une nouvelle ère où la force prime le droit et où la violence est sortie de tout contrôle. La paix est désormais impossible et la guerre omniprésente.
Dans ce monde ensauvagé, l’Europe se découvre très vulnérable face aux empires. Économiquement, elle est prise en étau entre le renouveau économique et le protectionnisme des États-Unis d’un côté, le dumping chinois de l’autre. Stratégiquement, elle est confrontée à une menace existentielle venant de la Russie alors que les traités qui fondaient le cadre de sa sécurité ont disparu et qu’elle dépend entièrement des États-Unis. Militairement, elle reste désarmée avec un effort de défense limité à 1,7% du PIB et une industrie dont les ventes stagnent alors qu’elles augmentent de 5% par an dans le reste du monde depuis 2022. Moralement, elle demeure sidérée et tétanisée face à l’écroulement de la grande illusion selon laquelle la paix repose sur le droit et le commerce.
L’agression de l’Ukraine par la Russie et les sommations de Vladimir Poutine sur la reconstitution de l’empire russe en Europe ont certes constitué un électrochoc. Mais les mots n’ont pas été suivis par les actes. Les Européens se sont divisés face à la Russie comme face aux tests que leur ont fait subir Donald Trump et Elon Musk. (…) Les efforts de réarmement ont été subordonnés aux gages donnés aux États-Unis dans un déni complet de leur évolution – Joe Biden étant vu comme la résurrection de l’Amérique de 1945 – : ainsi 78% des nouveaux équipements achetés par les États européens depuis l’invasion de l’Ukraine ont été commandés hors de l’Union et 63% aux États-Unis.
Dans le monde multipolaire, violent et sans foi ni loi du XXIe siècle, l’Europe ne préservera sa liberté, son mode de vie et sa civilisation que si elle est capable d’assurer sa sécurité. Son réarmement ne doit pas être seulement militaire, mais politique et moral. Il passe par la réaffirmation de son unité autour d’un projet politique.
Or la Commission européenne emprunte une voie exactement contraire. Elle donne la priorité à l’élargissement de l’Union sur la souveraineté et de la sécurité. Elle a entrepris de contourner la compétence des États membres pour construire une défense européenne intégrée à l’ensemble nord-américain, qui fragilisera davantage encore la sécurité de notre continent.
Sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, la Commission, alors que les traités placent la défense hors de son champ d’action, a décidé de s’en saisir à partir de l’industrie pour remonter vers la stratégie. Avec pour ambition de sanctuariser une clause de préférence américaine dans l’espoir vain de convaincre Donald Trump de prolonger la garantie de sécurité des États-Unis et de limiter les sanctions commerciales visant l’Union. (…)
Ce projet annihilerait toute possibilité d’autonomie stratégique de l’Europe comme la stratégie d’indépendance de la France, notamment la pérennité de la dissuasion nucléaire. La création d’une autorité européenne de l’industrie de défense viole tant les traités que la souveraineté des États membres.
L’impuissance de l’Union à traiter de manière opérationnelle des questions de défense a été démontrée en Ukraine comme en Méditerranée et jusqu’au Groenland. L’institutionnalisation de la dépendance aux États-Unis est absurde au moment où l’Amérique prend ses distances avec la démocratie tout en affichant sa volonté de ne plus réassurer le monde libre. (…)
Le projet de défense européenne portée par la Commission se réduit à une nouvelle Communauté européenne de défense. Imaginé par Jean Monnet en 1950, ce projet entendait fondre les armées dans un cadre supranational pour habiller le réarmement allemand. Et ce afin d’assurer la défense de l’Europe face à l’URSS au lendemain du blocus de Berlin et du déclenchement de la guerre de Corée, tout en prévenant tout conflit entre la France et l’Allemagne. La ratification du traité, signé à Paris en mai 1952, fut à juste titre rejetée par l’Assemblée nationale le 30 août 1954 (…)
Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Europe sont trop graves pour que celle-ci puisse s’offrir le luxe de projets ruineux et contraires à sa sécurité. Face à Vladimir Poutine, à Xi Jinping, à Recep Tayyip Erdogan et à Donald Trump, l’Europe doit accorder la priorité à sa défense. Elle dispose de tous les atouts et de tous les moyens pour le faire. Mais elle ne doit se tromper ni d’objectifs ni de méthode. L’Union européenne de la défense est un non-sens stratégique, politique et historique. La défense du continent a vocation à être repensée et le réarmement conduit par un directoire composé de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Italie et de l’Espagne. L’Union peut être utile et jouer un rôle important, mais doit s’inscrire dans le cadre strict de ses compétences. (…)
Il revient donc à la France, dans la continuité de son engagement constant en faveur de l’autonomie stratégique de l’Europe, de mettre un veto définitif aux projets de la Commission, tout en accélérant le réarmement mais surtout en engageant une réflexion de fond sur la mise à jour de notre défense. (…)
Au moment où l’Amérique rompt le pacte originel qu’elle avait noué avec la démocratie, il est vrai que l’Europe redevient le sanctuaire potentiel de la liberté et de la raison politiques. Mais personne ne les défendra à notre place. Et la défense reste le monopole des nations et des citoyens.
L’Express, 27 janvier, article payant
Pierre Bentata : “Emmanuel Todd fait passer sa haine des Etats-Unis comme un fait scientifique”
Idées. L’économiste contredit les discours déclininistes en vogue qui annoncent la défaite de l’Occident face à la Chine ou la Russie.

Article complet : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/01/27-janvier-1.pdf
Le Monde, 25 janvier, article payant
Éditorial: Réagir face à l’offensive technologique américaine
L’Europe aura beaucoup de mal à rivaliser avec les 500 milliards de dollars d’investissements dans l’intelligence artificielle annoncés par Donald Trump, au risque d’une vassalisation rampante.
Extraits:
Mario Draghi en a rêvé, Donald Trump l’a annoncé. « Stargate », le mégaprojet d’investissements dans les infrastructures pour développer l’intelligence artificielle (IA), dévoilé mardi 21 janvier par Donald Trump, est un message simple et efficace que l’Union européenne (UE) n’est toujours pas en mesure de délivrer. Celui d’une puissance qui se fixe comme objectif d’être aux avant-postes d’une nouvelle frontière technologique. Alors que l’UE en est encore à établir le diagnostic de son décrochage économique, pointé par le rapport Draghi, l’écart menace de se creuser encore davantage au profit des Etats-Unis, qui font une démonstration de force en alignant projet politique, avance technologique et capacité d’investissement.
Donald Trump s’est fait le porte-voix d’une initiative privée, qui s’engage à débourser 100 milliards de dollars (96 milliards d’euros) immédiatement, puis 400 autres milliards d’ici à la fin de son mandat, afin de construire, aux Etats-Unis, d’immenses centres de données et le système énergétique capable de les alimenter. A ce stade, en Europe, les investissements dans ces « usines de l’IA » plafonnent à 1,5 milliard d’euros. Le projet américain sera mis en œuvre par le spécialiste du cloud Oracle, le géant japonais des investissements Softbank, la start-up d’IA générative OpenAI. (…)
On pourra toujours objecter qu’il s’agit d’investissements qui étaient déjà en partie annoncés, que les acteurs du secteur n’ont pas attendu M. Trump pour anticiper la révolution en cours, que les financements restent à mobiliser et que les 100 000 créations d’emplois « immédiates » tiennent plus du slogan que de la réalité économique. N’empêche, force est de constater que l’Europe, une fois encore, aura toutes les peines du monde à répliquer. Ses capacités restent fragmentées, ses processus de décision demeurent laborieux, et sa capacité à attirer les investissements pour de tels projets ne peut pas rivaliser avec celle des Etats-Unis.
L’Europe reste recroquevillée sur des postures défensives face aux coups de boutoir de ses rivaux. Les initiatives se limitent à des normes, des lignes Maginot plus ou moins pertinentes et du saupoudrage d’investissements pour se donner l’illusion de l’action. Depuis l’investiture de Donald Trump, la planète vit au rythme de ses décrets, alors qu’entre la fin de la mandature du Parlement européen et les premières décisions de la nouvelle Commission attendues dans les prochaines semaines il se sera écoulé près d’une année. Ce fonctionnement n’est plus adapté au monde actuel.
Pour atténuer ce contraste cruel, tout est à revoir : la gouvernance, comme façon de mobiliser les capitaux et les initiatives. Surtout, les Vingt-Sept doivent se concentrer sur les domaines où l’Union est efficace pour affronter les menaces sur notre souveraineté et déjouer les risques de vassalisation rampante. Mais qui porte cette parole ? Les extrêmes estiment que l’Europe est le problème, pas la solution, tandis que le reste de la classe politique se contente d’incantations. Or, c’est maintenant qu’il faut agir. L’histoire ne repasse jamais les plats.
Le Monde, 27 janvier, article payant
Défense : les raisons du grand blocage de l’Europe
Politiques, industriels, financiers, techniques, stratégiques… De multiples obstacles empêchent l’Europe de la défense de décoller, en dépit de la guerre en Ukraine et des injonctions du nouveau président américain.
Extraits:
« Si l’Europe veut survivre, elle doit s’armer. » La déclaration tonitruante du premier ministre polonais, Donald Tusk, le 22 janvier, à Strasbourg, devant le Parlement européen, fait écho aux propos récents de plusieurs dirigeants des Vingt-Sept. Face aux pressions du président américain, Donald Trump, qui somme les Européens de financer bien davantage leur sécurité collective, alors que l’Ukraine est en difficulté face à la Russie, beaucoup de responsables du continent cherchent aujourd’hui à faire bouger les lignes sur la « défense européenne ». Mais, derrière la vigueur des propos, le chantier apparaît plus que jamais enlisé, suscitant de plus en plus ouvertement de l’inquiétude, voire de la consternation, chez de nombreux spécialistes.
« Avant, ces débats étaient relativement théoriques, mais maintenant, c’est devenu urgent », a lancé, mardi 21 janvier, Lembit Uibo, ambassadeur d’Estonie en France, devant l’Association des journalistes de défense. « Il n’y a pas assez d’argent, c’est une question de crédibilité face à l’adversaire », a souligné M. Uibo. Des propos alignés avec ceux de la nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, qui a lancé, le 22 janvier, un vibrant appel à « investir » face à une industrie russe de la défense capable, selon elle, de produire « en trois mois (…) plus d’armes et de munitions que nous en douze ».
Depuis 2022, les Européens ont certes réussi à faire beaucoup en commun pour soutenir l’Ukraine, de l’envoi d’équipement militaire (cofinancé par la « facilité européenne pour la paix ») à la production de munitions (par l’« action de soutien à la production de munitions »). Mais, alors qu’il s’agit maintenant de passer à la vitesse supérieure pour réarmer le continent, les blocages persistent. « L’Europe semble arrivée à son maximum, maintenant, c’est l’inconnue totale », se désole un fonctionnaire bruxellois.
« Les Européens ont, en effet, engrangé d’énormes progrès en matière de défense depuis 2022 : ils se réarment, ils arment l’Ukraine, ils rationalisent leur industrie d’armement, ils soutiennent financièrement la production industrielle, ils augmentent leur budget, rappelle Nicole Gnesotto, de l’Institut Jacques Delors, dans une récente note d’analyse. Or… rien ne change vraiment, le marché de l’armement reste largement un marché atlantique (…); et la guerre en Ukraine ne déclenche aucune innovation en matière de doctrine de défense de l’Union. » Le montant du fonds européen de défense reste par exemple à peine supérieur à 1 milliard d’euros par an.
Principal sujet bloquant du moment : le programme européen pour l’industrie de la défense, dit « EDIP ». (…)
Les conditions posées par la France compliquent les débats. (…)
Le principal point d’achoppement concerne la production, sous licence, sur le sol européen, d’armes étrangères, essentiellement américaines ou sud-coréennes aujourd’hui. Plusieurs pays de l’UE ont recours à ce système de production délocalisée. Depuis 2022, la Pologne a, par exemple, signé d’importants contrats avec la Corée du Sud, pour des obus de 155 mm, et avec les Etats-Unis, pour des lanceurs Patriot. Mais les Français sont résolument opposés au fait qu’un fonds européen puisse entretenir, à terme, cette dépendance. « C’est un non-sens historique ! », a clamé M. Lecornu, le 21 janvier sur France Inter, promettant d’être « particulièrement dur et très agressif » dans les négociations.
Le contentieux est sérieux. (…)
Au-delà des questions techniques, le dossier EDIP risque aussi de traîner en longueur en raison du contexte politique allemand. (…)
Pour ne rien arranger, la campagne électorale allemande pèse plus que jamais sur les discussions relatives aux pistes de financement de la défense européenne, qu’il s’agisse d’un nouveau grand emprunt conjoint, à l’instar de celui mis en œuvre lors de la pandémie de Covid-19, ou de réflexions pour sortir les dépenses de défense du pacte de stabilité, qui limite à 3 % les déficits publics annuels des Etats membres. Toutes ces idées ont, pour l’heure, été mises en sourdine, faute de consensus.
Pourtant, l’enjeu est d’autant plus pressant que Donald Trump exige aujourd’hui des alliés de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) – dont vingt-trois sont membres de l’UE – de dépenser jusqu’à 5 % de leur PIB pour la défense, contre en moyenne près de 2 % pour l’instant. (…)
Afin de faire progresser les réflexions malgré tout, les Européens se concentrent donc sur ce que les cercles militaires et diplomatiques appellent la « définition des besoins ». En clair, les discussions pour identifier les principales lacunes et s’accorder sur les urgences à combler. (…)
Les blocages sur la défense européenne sont enfin technologiques et doctrinaux. (…) Face à l’essor de la menace balistique, les Européens peinent à s’accorder sur le type d’armes à développer. Jusque très récemment, la France considérait même que son parapluie nucléaire suffisait à protéger « ses intérêts vitaux », avant d’amorcer un changement de posture face à la surenchère de Moscou.
« Tout cela est trop long, bien sûr », reconnaît l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, chef de file des Républicains (LR) au Parlement européen et rapporteur du programme EDIP. « Les Européens ont raté le coche de la construction de l’Europe de la défense depuis longtemps, mais cela va se faire. La France a les moyens de débloquer la situation et de faire valoir sa vision des choses », veut croire le parlementaire européen. A cause du temps perdu, les Français vont, toutefois, devoir composer avec l’administration Trump. Or si l’administration Biden n’avait déjà pas été tendre avec les intérêts de Paris lors de la première phase de négociation autour de l’EDIP, il y a peu de chances que Donald Trump et son entourage se montrent plus conciliants.
Neue Zürcher Zeitung, 24. Januar, nur für Abonnenten
Trump ist ein Raubtier, und die Europäer sind Sozialarbeiter. Es ist klar, wer da gewinnt
Der neue US-Präsident setzt auf Stärke. Die Europäer aber wollen die Schwachen fördern. Sie habenWettbewerb und Wandel verlernt.

Extraits:
In den Zeiten von Populismus und Protektionismus haben «neoliberale» Sozial- und Wirtschaftsreformen einen schlechten Ruf. Aber sie funktionieren. Seit Präsident Javier Milei den argentinischen Staat mit der Kettensäge zertrümmert, ist die monatliche Inflation auf den tiefsten Wert seit langem gesunken. Milei ist nach einem Jahr im Amt so populär wie keiner seiner direkten Vorgänger zu diesem Zeitpunkt.
Dabei liegt die jährliche Inflation noch immer bei fast 200 Prozent, und viele Argentinier leben in Armut. Warum also die erstaunlichen Zustimmungswerte für den Präsidenten? Die Menschen schöpfen nach Jahrzehnten der Misswirtschaft erstmals Hoffnung, dass sich die Lage zum Besseren wendet. Dafür sind sie bereit, weitere Mühen auf sich zu nehmen. (…)
Die argentinische Erfolgsgeschichte hält für Europa eine ungemütliche Lehre bereit. Solange die Bedingungen nicht verzweifelt sind, ist die Bereitschaft für Veränderungen begrenzt. Der Status quo ist bequem, fast jede Anspruchsgruppe hat etwas zu verlieren. Also ändert sich nichts. Das ist die Erfahrung Europas seit der Finanzkrise 2008.
Der Kontinent kommt nicht vom Fleck. Wirtschaftliche Dynamik findet sich in Asien und den USA, während die EU einen bürokratischen Albtraum nach dem anderen gebiert: Nachhaltigkeitsrichtlinie, Lieferkettenrichtlinie oder die Lasche, die den Deckel mit der Plastikflasche verbindet. Nichts ist zu gross, um reguliert zu werden, und nichts zu klein.
Deutschland befindet sich seit zwei Jahren in der Rezession, Frankreich türmt rekordhohe Schulden auf. Der Niedergang erfolgt schleichend. Es ist wie bei einem Autoreifen, aus dem unmerklich die Luft entweicht. Irgendwann fährt man auf der Felge.
Ist Europa noch reformfähig? (…)
(Trump) setzt auf maximale Konkurrenz und teilt die Welt in Gewinner und Verlierer ein. Sich selbst sieht er auf der ewigen Gewinnerseite. Trump zelebriert seine Erfolge mit einer Mischung aus kindlicher Freude und düsteren Drohungen und deutet alle Niederlagen in gestohlene Siege um.
Europa hat hingegen den Wettbewerb verlernt. Dass manche triumphieren und andere scheitern, gilt als Sozialdarwinismus. Das Mantra der sozialen Gerechtigkeit hat die einfache Wahrheit verdrängt, dass es Gewinner und Verlierer gibt. Allein dies auszusprechen, ist obszön. (…)
Trumps Raubtierinstinkten steht die Milde der europäischen Sozialarbeiter gegenüber. Alles muss inklusiv und partizipativ sein, obwohl sehr vieles exklusiv ist – zum Beispiel die Demokratie, die Teilhabe an die Staatsbürgerschaft knüpft. Die Asylpolitik ist ein Fiasko, weil man lange nicht akzeptieren wollte, dass nicht alle nach Europa kommen können, ohne die Staaten zu überfordern. Inklusion gilt als human, Zurückweisungen und Abschiebungen als unmenschlich. (…)
Auch der Sozialstaat hat die Inklusion auf die Spitze getrieben. Deutschland gibt jährlich 37 Milliarden Euro für Sozialhilfe aus, kann aber inmitten einer Rezession 700 000 Stellen nicht besetzen.
Der Sozialstaat balanciert an der Grenze zur Handlungsunfähigkeit. Er schafft keine Anreize für eine Arbeitsaufnahme, während sich die Normalverdiener benachteiligt fühlen. Dabei werden auch sie vom Kindergeld bis zur Rente subventioniert.
Am Ende sind alle unzufrieden, klammern sich aber an den Status quo. Der französische Premierminister François Bayrou hält sich nur im Amt, weil er eine Aufweichung der mühsam durchgesetzten Rentenreform in Aussicht stellt. Jede Veränderung bedroht Besitzstände und wird daher bekämpft. (…)
Seit zwei Dekaden drehen alle deutschen Regierungen die Reformen von Gerhard Schröder zurück. Das Resultat: Die Sozialhilfe, das sogenannte Bürgergeld, ist explodiert; die Rentenversicherung benötigt einen staatlichen Zuschuss von 113 Milliarden und produziert dennoch Altersarmut. Bürgergeld und Rentenzuschuss verschlingen fast ein Drittel des Haushalts.
Dabei liegen die Rezepte für den Ausweg aus der Bewegungslosigkeit vor. Dazu gehören eine Kürzung des Bürgergelds und der Aufbau einer kapitalgedeckten Rente als zweite Säule – obligatorisch und steuerlich gefördert. Die Bürger wären keine Almosenempfänger, sondern Investoren in die eigene Zukunft: mehr Eigenverantwortung anstelle des überbordenden Sozialstaats. (…)
Das eigentliche Drama ist also nicht der Erfolg rechtsnationaler Parteien, sondern die Zerstrittenheit und Zersplitterung des Zentrums. Reformen gelingen nur mit klaren Mehrheitsverhältnissen, wie sie Schröder mit 40 Prozent der Stimmen sowie einem kleinen und gefügigen Koalitionspartner hatte. Der vermutlich nächste Kanzler Friedrich Merz kann froh sein, sollte er 30 Prozent bekommen.
Wenn sich die Mitte nicht einigen kann, gibt es nur eine Alternative: Stagnation und Abstieg oder Koalitionen ohne Denkverbote, in der Hoffnung, dass sie mehr zustande bringen.
Trump steht für Disruption. Viele Europäer hoffen deshalb auf eine geschlossene Abwehrfront. Sie sollten die Kraft des Faktischen nicht unterschätzen, wie sie sich in Wien manifestiert. Italien, Österreich, einige osteuropäische Länder, auch Grossbritannien werden keine Fundamentalopposition gegen Trump betreiben. Und da ist noch Frankreich, das bald Marine Le Pen zur Präsidentin wählen könnte.
Die Machtverhältnisse verschieben sich. Die Kungelei zwischen Konservativen und Sozialdemokraten in Brüssel geht zu Ende. Der Kontinent ist nicht mehr vereint in seiner Ablehnung Trumps wie vor acht Jahren.
Auf beiden Seiten des Atlantiks gärt es. Die Europäer haben die Wahl, ob sie sich für Wandel und Wachstum entscheiden: Make Europe great again. Bleibt die Blockade, werden sich die Verhältnisse weiter verschlechtern. Irgendwann erklingt wieder das Lied von Janis Joplin, und Freiheit heisst dann, dass es nichts mehr zu verlieren gibt.
The Economist, January 24, pay wall
Charlemagne : Europe faces a new age of gunboat digital diplomacy
Can the EU regulate Donald Trump’s big tech bros?

Extraits:
In an era dominated by tech giants worth trillions of dollars, no European firm started from scratch in the past 50 years is today valued at more than a mere hundred billion (Spotify, a music-streaming service based in Sweden, hovers around the mark). The absence of entrepreneurial vigour is a recurring source of frustration for European politicians in search of economic pep and tax receipts. With no local corporate tech titans to berate into creating jobs, German chancellors, French presidents and their like have had to grit their teeth as they beseeched one visiting American bro after another to consider setting up a research facility, artificial-intelligence (AI) hub or gigafactory in their country. As both sides posed for the obligatory selfie, it could be hard to tell who had the upper hand: the elected leaders, or the globally known plutocrats with net worths bigger than most EU countries’ budgets? At least, the politicians could tell themselves, even the mightiest Amazons or Facebooks of the world would have to follow European laws as a condition of doing business there.
It turns out that this may be an imposition too many for the world’s techies. Even before their bosses flexed their political muscles by snagging prime seats at the inauguration of Donald Trump on January 20th, a refrain could increasingly be heard that the European Union’s nagging regulations are an annoyance that some of them would rather not abide by. Newish EU rules designed to ensure that digital markets do not turn into cosy monopolies, to limit the spread of harmful bilge on social networks and to regulate AI are increasingly being painted as a Euro-ploy standing in the way of Trumpian plans to make America great again (again). Europe is already dreading the prospect of a trade war with its biggest commercial partner by far, not to mention the future of its decades-old security guarantee from America as war rages in Ukraine. If Mr Trump orders Europe to ease up on American tech firms to please his new corporate chums, can his demands be resisted? (…)
Getting the EU to stand down would be a win for big tech. Not only is the European market second only to America when it comes to rich users, but regulations crafted by the EU are often copied by jurisdictions far beyond its borders. This “Brussels effect” is a point of pride for Europeans. Anu Bradford, a tech expert at Columbia Law School who coined the term, says she expects the EU will hold firm. “Nobody in Europe will look at big tech companies this week and think, ‘We wish they were more powerful’.” The fact that Mr Musk has used X to boost hard-right parties in Europe has made policymakers there all the warier.
Various EU officials insist it is business as usual and that its many investigations of big tech firms will be concluded and made public soon, fines and all. But the president of the European Commission, Ursula von der Leyen, told the World Economic Forum in Davos the day after Mr Trump’s inauguration, that Europe would have to be “pragmatic” in dealing with the new administration. The final stage of punishing tech giants is in part a political decision. There are reports of the commission “reassessing” how this might be done, though no clear sense of how this will happen in practice. Europe will find it very hard to stand down against big tech—but it may not like the price of standing firm. ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/23
Le Figaro, 24 janvier, article payant
Alain Bauer : «Si la chute de la natalité se poursuit en Occident, il risque de n’y avoir plus grand monde à “remplacer”»
ENTRETIEN – Dans son dernier livre, La Conquête de l’Ouest (Fayard), le professeur en criminologie se penche sur les différentes crises qui frappent l’Occident, comme les migrations climatiques ou la dénatalité. Selon lui, nous assistons aujourd’hui à la revanche de l’histoire et de la géographie.

Extraits:
LE FIGARO. – Dans La Conquête de l’Ouest , vous revenez aux origines de l’humanité et vous expliquez que les migrations sont une permanence dans l’histoire de l’humanité. Est-ce à dire qu’il est illusoire de vouloir les réguler ?
Alain BAUER. – Il est sans doute illusoire de vouloir les arrêter. Mais la régulation, par l’imposition de la frontière et des gardes-frontières, reste une option tout à fait réaliste. Encore faut-il savoir ce que l’on veut. Car depuis cinquante ans, avec l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing entouré d’une génération de libéraux, dérégulateurs et globalisateurs heureux, voire béats, la poussée générale à la suppression des contrôles, des règles, des protections étatiques, a produit un effondrement des dispositifs existant au nom du libre-échange des biens comme des individus. Curieusement, en dehors de crises migratoires nées de drames militaires ou de tragédies climatiques, l’Occident a su le plus souvent inciter à la venue de populations diverses, pour ses armées ou ses productions. Il est surtout submergé lorsqu’il est victime de ses incohérences, ballotté entre « morale » et « realpolitik ».
Vous insistez sur la permanence du paradigme impérial. Sommes-nous face à un retour en force des empires ? Avec quelles conséquences sur le plan migratoire ?
Les empires reviennent. La Turquie redevient ottomane, l’Iran s’affirme Perse, la Chine retrouve ses ambitions, la Russie veut retrouver son espace, plus orthodoxe que durant les tsars, les États-Unis veulent associer leurs contours économiques avec une expansion au nord (Canada, sujet envisagé dès 1781) et à l’est (Groenland, en partie occupé dès 1867). (…) La dernière saison, prémonitoire, de la série Borgen souligne l’ampleur des tentations des grandes puissances (Chine, Russie, États-Unis) pour cette immense réserve de terres rares. Seule l’Union européenne, comme souvent, reste à la traîne dans la gestion d’un territoire immense qui a décidé en 1985 de s’en retirer… Nous assistons à la revanche, la vengeance aussi parfois, de l’histoire et de la géographie. Nous avons cru à la disparition des peuples, de la foi, des frontières. Le roman national supplante le récit national. Et qui tient les frontières tient les flux.
Vous concluez votre livre sur un chapitre intitulé : « la nature a horreur du vide démographique ». « Le vide démographique », est-ce la grande faiblesse des pays occidentaux aujourd’hui ? L’immigration est-elle le seul moyen d’y remédier ?
En tout cas, au rythme de la dénatalité, occidentale ou russe, mais qui commence aussi à toucher la Chine, il n’y aura plus grand monde à « remplacer ». La France avait tenu en fécondité et en natalité avant de baisser de manière continue depuis 2011 (sauf exception en 2021). Le solde naturel devient infime et le taux de fécondité est passé en quinze ans de plus de 2,03 à 1,62… avec une mortalité qui reste à un niveau très élevé. Le « réarmement » démographique voulu par l’État s’est limité à sa proclamation sans action. Et encore, une partie importante des effets positifs (en natalité, en fécondité comme en solde) est portée par des populations issues de l’immigration. C’est tout le paradoxe du débat qui devrait avoir lieu sur la réalité des enjeux de prise en charge des coûts sociaux entre une population qui vit plus longtemps, travaille moins, et ne peut plus supporter, sans apports extérieurs, les charges de Sécurité sociale et de retraite. L’immigration n’est pas la solution, en tout cas pas la seule. Mais faute de s’engager véritablement dans une politique claire et cohérente liant les problèmes, rien ne saurait les résoudre.
Vous revenez sur les différents concepts d’« intégration », d’« assimilation » et de « communautarisation ». Que signifient ces différents termes ? Et quel modèle la France a-t-elle choisi ?
Aucun. (…)
Dans un État qui a créé la nation, à la différence de la plupart des autres, la succession des rabotages, réductions, minorations, a entamé une puissance devenue résiduelle. Ne voulant plus, à juste titre, d’une assimilation forcée qui n’avait pas fait que des heureux chez les Basques, les Bretons, les Alsaciens, etc., le remords colonial national a poussé à la communautarisation en ratant l’épisode intégration, qui permettait de trouver un bien commun, la nation. Le « vivre-ensemble », formule magique et incantatoire n’a permis que de se retrouver à côté les uns des autres, au risque du face-à-face.
Le Point, 22 janvier, article payant
FOG : « Le danger, c’est nous plutôt que Trump ! »
ÉDITO. « C’est la faute de Trump ! » clament par avance les néocollabos de LFI et autres islamo-gauchistes. Ce qui est sûr, c’est que Donald Trump va obliger l’Europe à prendre son destin en main.

Extraits:
De toutes les menaces qui pèsent sur nous, laquelle est la plus grande ? Une attaque des marchés financiers contre la France, une nouvelle offensive russe aux marges de l’Europe ou bien l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump et de son compère Elon Musk ?
En France, les bien-pensants sont convaincus que le danger principal vient de Trump. C’est normal, les grands médias les mettent en garde, qui sonnent le tocsin à longueur de journée. Il est vrai aussi que le président américain en rajoute, avec ses façons de croquemitaine qui adore faire peur aux enfants.
Il vaut toujours mieux avoir un ennemi sous la main. Ça évite d’agir ou même de réfléchir. Aux yeux de beaucoup d’Européens, le danger Trump efface la menace Poutine, que nous aurions tellement ostracisé, selon les néocollabos, qu’il a été contraint, le pauvre chat, d’attaquer l’Ukraine. Nous serions donc les principaux responsables de ce conflit. Il y a des gens pour le dire et pour le croire.
Si les islamistes attaquent l’Occident, c’est parce qu’il l’a bien cherché, assurent les mêmes néocollabos qui ont pignon sur rue.
L’ennemi, c’est nous ! Telle est la formule qui résume le mieux l’idéologie éléfiste ou islamo-gauchiste qui, en matière de politique étrangère, contamine une partie non négligeable de l’opinion française, jusqu’à la droite. (…)
Le trumpisme triomphant va-t-il obliger notre Vieux Continent à se repenser ? Trois ans après, l’Europe aux bras ballants n’a toujours pas tiré les leçons de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Sa stratégie reste celle des vaches qui regardent passer les trains. Après les annonces tonitruantes du président américain, ces dernières semaines, les seules réactions de nos politiciens ont été des condamnations morales ou des appels infantiles à boycotter le réseau X, propriété de Musk, qui ne veut pas entendre parler de censure. Soit dit en passant, que le Puy du Fou n’ait pas été, jusqu’à présent, jugé éligible au pass Culture, contrairement à la Fête de l’Humanité, en dit long sur le sectarisme sans limite de nos hautes sphères. Passons.
Le trumpisme est un nouveau reaganisme. Comme le 40e président américain Ronald Reagan (1981-1989), dont il a repris sans vergogne le slogan : « Make America great again » (« Rendre sa grandeur à l’Amérique »), le 47e locataire de la Maison-Blanche est convaincu qu’on obtient « la paix par la force », comme le disait un général chinois de l’Antiquité, Sun Tzu, qui, dans L’Art de la guerre, a théorisé le principe de la victoire sur l’ennemi sans conflit armé. De même que Reagan a donné les premiers coups de pioche contre l’empire soviétique, qui s’est rapidement effondré ensuite, Trump entend ramener à la niche la Chine populaire, qui a des visées sur Taïwan comme sur l’océan Indien, qu’elle commence à privatiser, au grand dam de l’Inde.
La doctrine de Trump est un mélange détonant d’impérialisme, d’isolationnisme et d’opportunisme, sur fond de populisme, avec un zeste de foldinguerie. Pendant la campagne présidentielle, il s’est présenté comme le président sous lequel les États-Unis n’avaient pas été impliqués dans une guerre. Il n’a pas tort. Si notre continent a des craintes à avoir, c’est avant tout sur ses projets économiques et technologiques. Que peut faire l’Europe ? Exister enfin ! Croire en elle, améliorer sa productivité qui décroche et investir dans la tech, notamment dans le numérique et les biotechnologies, comme le recommande le rapport de Mario Draghi. Jérémiades et pleurnicheries ne font pas une politique. Si notre vieux monde essoufflé semble en déclin, c’est d’abord dans les têtes. Telle est la « fragilité occidentale », comme l’affirme, avec un brin de provocation, Pierre Bentata dans un livre très intelligent à paraître le 29 janvier, La Malédiction du vainqueur (L’Observatoire). Qu’attendons-nous pour nous reprendre en main ?
The Economist, 17 janvier, article payant
Charlemagne : Can the good ship Europe weather the Trumpnado?
Tossed by political storms, the continent must dodge a new threat

Extraits :
The crew of a boat whose rudder has fallen off can do little but pray for calm weather and a speedy way to safe harbour. Democracies caught in political gales similarly hope for more placid times as they work out how to chart a new course. Alas, Europe finds itself in the midst of a perfect storm. Not only is its economy facing stiff headwinds; voters are routinely tossing their leaders overboard, and war on the continent has rocked the boat for three years now. Amid these heavy waters, an even more concerning prospect is focusing minds. A superstorm of uncertain severity—call it the Trumpnado—seems to be headed straight in this rickety craft’s direction. All hands are on deck to try to limit the damage. But the prospects for plain sailing look as distant as ever for the good ship Europe.
Navigators worry most about sailing uncharted waters. But Europe is actually familiar with the treacherous seas that await it come January 20th, when Donald Trump will be sworn in as America’s president. A nativist, America-first president will again fray the links that bind the two main parts of the West, and the international order the Atlantic alliance struggles to uphold. In 2017 Europe somehow managed to stay on course. But Mr Trump’s first term came under favourable conditions for Europe: its undisputed captain, Angela Merkel of Germany, had been at the helm for over a decade and its economy had entered calmer seas after the choppy years of the euro-zone crisis. Even so, it struggled. In 2019 Emmanuel Macron, France’s president (and, like Charlemagne, a fan of metaphors) told The Economist that Europe was teetering on the edge of a precipice, and that NATO was “brain-dead”.
Europe is in far worse shape as it awaits its second dose of Trumpism. Politics are at their most chaotic in years. Germany is headed to the polls on February 23rd, and will probably dump Chancellor Olaf Scholz—but a new government is unlikely to be in office before late April. France is facing its deepest political crisis in recent memory. A new government led by François Bayrou may prove longer-lasting than the previous one, which sank after a mere three months, but seems hardly seaworthy. Poland, another one of the European Union “bigs”, is due to elect a president in May. Should the candidate favoured by Donald Tusk, the liberal prime minister, fail to win, several years of paralysis could ensue. Belgian politicians are still haggling to form a government more than 200 days after elections were held. (…)
What political strength exists is hardly of the reassuring sort. A slew of hard-right politicians, including Herbert Kickl in Austria and Viktor Orban in Hungary, seem intent on capturing or scuttling the EU. They are being overtly supported by Mr Trump and his acolyte Elon Musk (…).
This is not a good time for Europe to take on foreign adversaries. Yet it now faces three global geopolitical powers at the same time. Russia is the most menacing, following up its big-gun salvo in Ukraine with cable-cutting in the Baltic. China and the EU have been edging towards a trade war; Europeans also resent China’s support for Russia in Ukraine. Mr Trump now promises a trade war of his own, along with vague threats against NATO (unless its members spend vastly more on defence) and outlandish provocations towards Greenland. Tech titans who have the ear of the president want him to neuter European regulations on social media. The mood below Europe’s decks is grim. (…)
The EU’s leaders know they need to chart a new common course—but do not yet agree what that might be. For Mr Macron, what matters is the “strategic autonomy” of Europe, meaning its ability to get stuff done without American support, for example by ensuring the continent develops its own military kit. Others, notably in central Europe, think that is delusional: to them it is clear America will be, for the foreseeable future, indispensable to guaranteeing the continent’s security. Buttering up the MAGA crowd by buying American jets and missiles is the surest way to show Mr Trump that Europe is a worthy ally.
Through the pelagic fog, are there signs of hope? Perhaps. (…)
Mr Trump’s arrival may yet lead to Europeans finally rowing in the same direction. On February 3rd the EU’s 27 leaders will meet at an informal retreat outside Brussels to discuss defence. The bloc has belatedly agreed that far more needs to be spent on military preparedness. (Sir Keir Starmer, prime minister of a former EU member and former great maritime power, will attend too.) By then the Trumpnado may have struck, or remain just a threat. Either way the choice facing Europe is simple: sink or swim. ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/16/can-the-good-ship-europe-weather-the-trumpnado
The Wall Street Journal, 15 janvier, article payant
Trump’s Return Leaves Europe on Its Own
The Continent can no longer count on the U.S. for unconditional security support.

Extraits :
Europe is beset by troubles, and the policies of the incoming Trump administration will deepen them.
During his first term, Donald Trump insisted that the North Atlantic Treaty Organization’s European members pay more for their own defense. While 23 NATO nations are now in compliance with the target of spending 2% of gross domestic product on defense, they remain far short of what it would take to defend themselves without America’s security guarantee.
Europe wasn’t always this weak. In 1988, West Germany’s army had nearly half a million soldiers; today, Germany’s active-duty army numbers only about 180,000. The army in the 1980s was equipped with more than 2,000 battle-ready tanks; today, only a few hundred are operational. After the fall of the Berlin Wall and the collapse of the Soviet Union, reunified Germany largely disarmed. So did countries throughout Western Europe. Governments gave priority to social programs over defense.
Shortly after Russia’s invasion of Ukraine in 2022, Chancellor Olaf Scholz announced a reorientation of Germany’s defense posture. It didn’t last long. Berlin’s 2025 budget included a modest increase of $1.3 billion for defense, and spending on military aid to Ukraine was cut in half from 2024’s level. This year Germany will give all families, regardless of income, a benefit payment of more than $3,000 per child—payable for offspring as old as 18 and in some cases 25. Annually, Germany will spend as much on that benefit alone as on defense. The country last year spent only 2.12% of its GDP on defense, compared with 27% on its social safety net.
Germany’s economic affairs minister has defended Germany’s expansive welfare state as necessary to “keep the country together” amid internal political strife and the rise of the populist right. If he’s correct, this bodes ill for the future of Germany’s willingness to contribute more to defense. Mr. Trump, meantime, insists the 2% defense spending threshold is too low. Something has to give, and it may be America’s security guarantee for European countries that can’t or won’t make hard fiscal choices.
Europe and the U.S. are also likely to collide on trade. (…)
The EU isn’t in a strong negotiating position. Its members are divided about the best response to Mr. Trump’s threats. France and Germany, its traditional leaders, are hobbled by weak governments. French President Emmanuel Macron’s disastrous decision to call elections last summer left him without a parliamentary majority. Mr. Scholz’s center-left Social Democratic Party is expected to lose next month’s German election to the center-right Christian Democrats and their allies, the Christian Social Union, after which it could take months to negotiate a new coalition.
Meanwhile, the crown jewel of European manufacturing—its automobile industry—is in crisis. (…)
European car manufacturers have lost their technological lead to China. (…)
This will likely result in a surge of Chinese exports, which higher U.S. tariffs will divert to Europe. This in turn will force Europe to choose between raising tariffs on Chinese imports, provoking Chinese countermeasures, and permitting the evisceration of its own auto industry.
In recent decades, Western European nations have made a series of bets that haven’t paid off. They assumed that they could remain economically competitive while government spending and regulatory burdens increased. They assumed that relations with Russia would remain manageable and that the flow of cheap Russian energy would continue. They assumed that they could absorb a record flow of immigrants from the Middle East and North Africa without disrupting social stability. Above all, they assumed that the trans-Atlantic alliance would endure indefinitely and that the U.S. would never tire of bearing a disproportionate burden for Europe’s defense.
As these bets failed, Europe’s citizens became dissatisfied with the dominant parties of the center left and center right and turned to right-wing populist-nationalists. (…)
Joe Biden is the last U.S. president for whom the trans-Atlantic alliance was a visceral commitment. Mr. Trump’s return to power proves that for most Americans, the postwar world is no longer living history. Everything depends on what replaces it.
Le Point, 14 janvier, article payant
Rendre à l’Europe sa grandeur
L’ÉDITO DE LUC DE BAROCHEZ. Décrochage économique, insignifiance politique, échec stratégique… Les États européens ont du souci à se faire dans un monde qui devient une jungle.

Extraits :
Au XXe siècle, l’Union européenne fut fondée par des hommes politiques visionnaires pour garantir la paix sur le continent après deux guerres mondiales apocalyptiques. Au XXIe, à l’inverse, sa raison d’être pourrait bien être de faire la guerre. (…)
Au moment où le scénario du pire devient possible – éclatement de l’Otan, victoire russe en Ukraine, guerre commerciale transatlantique, conflit en Asie autour de Taïwan… – l’Europe découvre qu’elle ne pèse plus grand-chose. L’écart avec la puissance américaine s’est dramatiquement creusé depuis le premier mandat de Trump (2017-2021). Contrairement aux prévisions des Cassandre, les États-Unis ont maintenu leur leadership économique, devant la Chine, grâce à une croissance économique vigoureuse. Ils ont, de surcroît, pris la tête de la course à l’intelligence artificielle.
L’Europe, elle, a décroché. Son économie est pratiquement à l’arrêt. Dans le Mississippi, l’un des États les plus pauvres des États-Unis, la richesse produite par habitant a dépassé celle de la France et s’approche de celle de l’Allemagne. Contrairement aux thèses défendues par Vladimir Poutine ou Xi Jinping, ce n’est pas « l’Occident global » qui est en déclin, mais bel et bien son pilier européen. Celui-ci est rongé de l’intérieur par les « ingénieurs du chaos »*, ces leaders populistes dont l’action délétère est désormais dopée par le soutien actif d‘Elon Musk et des autres oligarques de la tech américaine qui ont rallié Donald Trump.
Le repli économique, industriel et technologique du Vieux Continent s’accompagne de son échec stratégique. Au lieu de se doter des moyens de se défendre, les pays européens ont dilapidé les quatre années du mandat de Joe Biden. Malgré la guerre d’Ukraine, qui a révélé leur impéritie, ils n’ont pas mis en place l’économie de guerre qui pourrait leur permettre d’aider Kiev à faire la différence face à Moscou. Bien qu’ils totalisent, ensemble, les dépenses militaires les plus élevées du monde après les États-Unis, ils n’ont toujours pas créé un appareil de défense transnational autonome.
Conséquence, notamment, de cette absence, l’Europe reste un poids mouche sur la scène internationale. (…) Résultat, l’Europe aspire plus que jamais à se réfugier sous le parapluie américain, au moment même où Washington, à l’inverse, cherche à se dégager de la responsabilité de l’ex- « monde libre ». Dans le plus grand désordre, les leaders européens font assaut de complaisance envers Donald Trump, oubliant qu’ils ne font ainsi qu’étaler leurs faiblesses.
Les recettes pour rendre à l’Europe sa grandeur sont pourtant bien établies. Elles figurent noir sur blanc dans le rapport inspiré que l’Italien Mario Draghi a remis l’an dernier à l’UE : recentrer l’économie européenne sur l’innovation ; améliorer sa compétitivité ; créer un choc d’investissement en mobilisant 800 milliards d’euros par an d’ici à 2030 au profit notamment des secteurs industriels, technologique et militaire ; et surtout, accélérer l’unification du marché intérieur, notamment pour les capitaux, afin d’effacer la fragmentation si dommageable de l’économie du continent.
Il reste à trouver des dirigeants courageux pour appliquer les prescriptions de l’ancien président de la Banque centrale européenne. Malheureusement, ce n’est ni à Berlin ni à Paris, qu’ils peuvent être trouvés ces jours-ci. Il est tragique que la France se soit enfermée dans une impasse politico-budgétaire qui ruine sa crédibilité internationale, au moment où son projet d’autonomie stratégique européenne devient si crucial.
* Lire l’essai du même nom de Giuliano da Empoli (JC Lattès, 2019).
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/rendre-a-l-europe-sa-grandeur-14-01-2025-2579896_32.php
The Economist, 11 janvier, article payant
Falling stars: Europe could be torn apart by new divisions
The continent is at its most vulnerable in decades
Article en PDF: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/01/11-janvier-II.pdf

The Wall Street Journal, 11 janvier, article payant
Trump’s New NATO Spending Target
Committing 5% of GDP to defense is a fine idea, for the U.S. too.

Extraits :
Amid his musings about potentially annexing Greenland and invading Panama, President-elect Trump also seemed to float a major policy change on defense spending at his rollicking Tuesday press conference. Now U.S. allies have to ask: Was that part of the trolling, or was he serious?
Amid his musings about potentially annexing Greenland and invading Panama, President-elect Trump also seemed to float a major policy change on defense spending at his rollicking Tuesday press conference. Now U.S. allies have to ask: Was that part of the trolling, or was he serious?
Amid his musings about potentially annexing Greenland and invading Panama, President-elect Trump also seemed to float a major policy change on defense spending at his rollicking Tuesday press conference. Now U.S. allies have to ask: Was that part of the trolling, or was he serious? (…)
This is a big change from 2017, Mr. Trump’s first year in office, when only four allies (Estonia, Greece, the United Kingdom and the U.S.) hit the target. (…)
If Mr. Trump wants a 5% goal, godspeed. He can start at home: The U.S. was on track last year to spend about 3.4% of GDP on defense, according to NATO’s data, roughly the average of Mr. Trump’s first four years in office. It isn’t enough for these dangerous times. Doing better would be easier if the U.S. could free up cash by cutting wasteful spending and, dare to say it, reforming entitlements.
There’s also the problem of withering defense-industrial capacity. Europe has struggled to produce the ammunition it has committed to Ukraine, and the U.S. faces manufacturing backlogs and bottlenecks replenishing its own arsenals. If Mr. Trump is serious on a higher spending target for NATO, the U.S. should lead the way.
Le Point, 11 janvier, article payant
Nicolas Baverez : L’Europe déclinante face aux défis du XXIe siècle
ÉDITO. L’Union ne pourra renouer avec la croissance et la puissance que si, et seulement si, la France et l’Allemagne se redressent.

Extraits :
Le premier quart du XXIe s’achève sur la clôture du cycle de la mondialisation et l’ouverture d’une nouvelle ère placée sous le signe de la rivalité des puissances, de la primauté des États, de la priorité à la sécurité. Le système mondial est désormais multipolaire, hétérogène, volatil et incertain. La hiérarchie des nations et des continents s’en trouve bouleversée.
L’année 2025 actera ainsi le basculement du rapport de force en faveur des États-Unis, qui renouent avec l’hyperpuissance grâce à la croissance de leur population, aux gains de productivité du travail, à la domination des secteurs clés de l’énergie, de la technologie, de l’espace et de la finance, enfin à leur suprématie militaire. À l’inverse, la Chine est encalminée dans une déflation à la japonaise.
La Russie paie l’invasion de l’Ukraine d’un naufrage démographique, économique et stratégique. L’Iran assiste impuissant à l’implosion de son empire. Recep Tayyip Erdogan sort renforcé de la chute de Bachar el-Assad en Syrie, mais reste fragilisé par la déconfiture économique et financière de la Turquie. L’émergence du Sud est durablement freinée par l’implosion de la mondialisation et par son alignement sur la Chine et la Russie.
La grande perdante de cette nouvelle donne reste cependant l’Europe. En 2025, pour la première fois depuis 1945, elle subira un découplage économique, commercial, juridique, financier et stratégique avec les États-Unis. Et ce, au moment où la réorientation des exportations chinoises, bloquées en Amérique, submergera son grand marché. (…)
Au-delà de cette année à haut risque, l’Europe paraît promise au déclin du fait de son impuissance face aux défis de long terme qu’elle doit relever. Défi économique, avec une croissance potentielle réduite à 0,4 % par an contre 2,5 % aux États-Unis, qui ramènera en 2050 son poids dans le PIB mondial à 15 % contre 35 % pour l’Amérique. La démographie chute, avec une fécondité de 1,5 enfant par femme ; la productivité stagne, en raison de la faiblesse de l’innovation et de la dégradation de l’éducation ; l’investissement est limité à 11,5 % du PIB contre 14 % aux États-Unis.
Défi industriel, avec la prise en tenailles entre les États-Unis, qui dominent l’IA, et la Chine, qui s’est construite à grand renfort d’aides publiques un monopole dans les technologies de la transition écologique. Défi social, avec la paupérisation qui résulte de la décroissance, l’écart de richesse par habitant avec les États-Unis, qui atteint 52 %, étant rapidement amené à doubler.
Défi financier, avec l’exportation de 300 milliards d’euros par an d’épargne vers les États-Unis et une balance des investissements directs étrangers négative de 2 % du PIB quand les besoins pour la réindustrialisation, l’IA, la transition écologique et le réarmement s’élèvent à plus de 5 % du PIB. Défi stratégique, face à la menace existentielle de la Russie et au tournant isolationniste des États-Unis, alors que l’Europe n’affecte que 1,7 % de son PIB à sa défense contre un objectif réaliste de 3 % du PIB. Défi politique, avec la montée des populismes et des régimes illibéraux, qui contestent les valeurs de l’Union et entendent désormais en prendre le contrôle.
Face à ces enjeux (…) les divisions entre les États membres ne cessent de s’aggraver, qu’il s’agisse de la politique monétaire et budgétaire, de l’agriculture et de l’énergie, de l’Ukraine et de la défense, de la posture à adopter face à Donald Trump, de la ligne à tenir face à la Chine et à la Russie, et même de la définition de la démocratie.
L’Union est d’autant plus fragilisée que, si la situation de l’Europe du Sud s’améliore, l’Allemagne et la France traversent une profonde crise. L’Allemagne devra choisir, lors des élections législatives du 23 février, entre un rafistolage voué à l’échec de son modèle mercantiliste ou une modernisation qui implique l’abandon du frein constitutionnel à l’endettement.
La France se trouve dans une impasse institutionnelle, économique, financière et stratégique. Elle a perdu la maîtrise de ses finances publiques avec une dette de 3 300 milliards d’euros, soit 113,7 % du PIB, sans budget pour 2025, ce qui laisse craindre un déficit de l’ordre de 6 % du PIB. François Bayrou dirige un gouvernement en sursis dont la chute poserait la question de la démission d’Emmanuel Macron. (…)
L’année 2025 sera donc décisive pour l’Europe, qui se trouve à un point de bascule de son histoire avec trois évolutions possibles. (…)
L’Europe dispose de nombreux atouts pour s’ériger en puissance. Mais elle doit modifier radicalement ses principes et ses objectifs. La priorité consiste à s’extirper du piège de la croissance faible et de la paupérisation en soutenant la natalité, en augmentant le volume et la productivité du travail, en mobilisant l’épargne au service de l’investissement productif, de l’innovation, de la transition écologique.
La réorientation de l’Union a pour corollaire le redressement vigoureux des deux hommes malades du continent, la France et l’Allemagne. (…)
Dans Le Figaro du 5 août 1949, au cœur de la guerre froide, Raymond Aron avait défini le dilemme européen dans des termes qui restent parfaitement actuels : « L’Europe ne reprendra vraiment confiance en elle-même que le jour où elle sera de nouveau capable de se défendre. L’Europe a un avenir dans la mesure où elle est capable de reconquérir indépendance et autonomie politique. »
Le Figaro, 11 janvier, article payant
François d’Orcival: «La Pologne, nouveau pays fort de l’Europe»
CHRONIQUE – Possédant déjà la première armée européenne, la Pologne va exercer, par l’entremise de Donald Tusk, la présidence de l’Union pendant six mois.

Extraits :
Vingt et un ans après son adhésion à l’Union européenne, quatorze ans après en avoir déjà assuré la présidence, la Pologne, incarnée par Donald Tusk, vient de succéder à la Hongrie à la tête, pour six mois, du conseil de l’Union. Dans un document présentant la vision stratégique de son pays, le premier ministre polonais décrit, en désignant la Russie, «la menace existentielle qui pèse sur l’Europe», «la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale» – et souligne le double rôle que jouent son pays et ses voisins: bouclier terrestre sur la frontière ukrainienne et biélorusse, ligne de défense navale sur la Baltique.
Insistant sur la sécurité militaire, économique et énergétique du continent, il ajoute qu’il entretient désormais «la première armée du continent». Laquelle consomme 4 % du PIB du pays. (…)
The Guardian, 27 décembre, libre accès
Can Europe switch to a ‘wartime mindset’? Take it from us in Ukraine: here is what that means
Nato’s warning reached me as I braced for a missile attack in Kyiv – where we’ve learned how to survive in the era of Russian hybrid warfare

Extraits:
Day 1,024 of the invasion. Kyiv, 7am. Friday the 13th. In a former life, someone would have observed that this is a day that portends bad luck. But in a country where shelling is a daily occurrence, it has become irrelevant. I wake up to the sound of an app on my phone warning me of an increased missile threat. While my partner and I are hiding in the corridor, I read the news that the Nato chief, Mark Rutte, has called on members of the US-led transatlantic alliance to “shift to a wartime mindset”.
With the first bang of the air defence system, a thought strikes me: for those who have not already been living with it for nearly three years, how would you explain this mindset? What is this wartime thinking?
Let’s start with the basics. Try to accept the thesis that Russia is your enemy. Everything Russian is your enemy. I know this is complicated. But Russia has been using literally everything as an instrument of hybrid warfare: sports, ballet, classical music, literature, art – these are all platforms for promoting its narratives. Evenyour neatest Russian Orthodox church could conceal Russian intelligence officers, just waiting for the command to put down their incense burners and take up arms. Don’t forget that for advocates of the political doctrine known as “the Russian world”, this world is potentially limitless; it exists wherever the Russian language is spoken and monuments to Pushkin have been plonked down. (…)
It’s hard to believe, but it won’t be Vladimir Putin himself invading your country. It will be hundreds of thousands of ordinary Russians who have been told for decades that your values are evil. No one will care about the nuances and subtleties of your specific leftism, libertarianism or liberalism. What Putin calls the “collective west”, he regards as uniform, and evil. (…)
Wartime mindset means having a “bug-out bag” packed and ready to go, to fit your whole life into one backpack. Copies of documents. A few family photos. A first aid kit. A power bank. A spare pair of underwear and socks. Something you can leave home with.
The most difficult thing to believe is that war could be on your doorstep. And this doorstep is not symbolic, but very real: the doorstep of your own home. The loss of your favourite porcelain, your parents’ books, childhood photos of your grownup children, the inability to take your beloved cat, dog or hamster while being evacuated – all of this is real.
It always seems that war is something that happens to someone else, in some poorer part of the world. They can’t just start dropping bombs on the capital of a European country in the 21st century! Wartime mindset is the realisation that they can.
And no matter how hard you try to prepare, one day you will wake up to an enemy missile attack. You will think that it will be over in two or three weeks, another month at most. Soon you will lose track of the days. But you will love your country with all your heart. You will fall in love with the national humour and character again, and rediscover your national cuisine. In fact, you will come to regard every national dish cooked in the dark (as there will be no electricity) as an element of national resilience and resistance.
While waiting for a miracle, I really want to believe that none of this will happen to you, as it has happened to us.
Kyiv, 10am. End of the air-raid alert. The Russians have launched 90 missiles and 200 killer drones targeting civilian infrastructure. The goal remains the same: to force Ukrainians to live without electricity, heat and gas. Terrorising civilians is a method typical of a terrorist country. An ordinary morning of abnormal reality, and yet the world’s common will is not forceful enough to stop it.
I realise that I have run out of time to tell you the most important things of all: give your partner a kiss right now; take a course in tactical medicine, and another in firearms training; buy a power bank; write a will; and find out where the nearest bomb shelter is. For no reason. Just in case miracles don’t happen, and you find yourself called upon to shift to a wartime mindset.
Oleksandr Mykhed is a writer and member of PEN Ukraine. His book The Language of War was published by Allen Lane in June 2024
Le Monde, 27 décembre, article payant
« Les Européens sont plus que jamais pris en étau entre Vladimir Poutine et Donald Trump »
Alors que le flou persiste sur les intentions du président élu des Etats-Unis, les capitales européennes n’ont pas encore trouvé le moyen de décupler leur soutien à l’Ukraine afin de prendre leur destin en main, analyse dans sa chronique Philippe Ricard, journaliste au « Monde ».
Extraits:
es Européens promettent d’être au rendez-vous de 2025 aux côtés de l’Ukraine face à la Russie. Mais, en réalité, ils sont plus que jamais pris en étau entre Vladimir Poutine et Donald Trump. Le premier pousse son avantage dans l’est du pays, où ses troupes progressent, sans être en mesure de vraiment percer. Le second entend mettre fin au conflit aussitôt que possible, même s’il semble bien incapable de le faire en « vingt-quatre heures », comme promis pendant sa campagne électorale. A moins de quatre semaines de la prise de fonctions du président élu, le 20 janvier 2025, rien ne dit que les capitales européennes seront en mesure de contenir le choc du retour au pouvoir du tribun populiste, que le président russe s’est dit prêt, le 19 décembre, à rencontrer « à n’importe quel moment ». (…)
L’enjeu est crucial pour le continent, bientôt trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie : les Vingt-Sept et leurs voisins, comme le Royaume-Uni ou la Norvège, savent que la sécurité européenne passe plus que jamais par celle de l’Ukraine. Une Ukraine au minimum stabilisée, sinon victorieuse de la Russie sur l’ensemble de son territoire, du moins libre et démocratique, arrimée de près ou de loin à l’Union européenne et à l’OTAN.
Evidente dans les Etats en première ligne face à Moscou, comme la Pologne et les pays baltes, cette prise de conscience s’est affirmée au fil du conflit, même dans des pays plus éloignés du front, comme la France, ou soucieux, à l’instar de l’Allemagne, d’éviter l’escalade avec une puissance dotée de l’arme nucléaire. Au-delà des déclarations d’intention, les capitales européennes n’ont cependant pas encore trouvé le moyen de décupler leur soutien à Kiev afin de prendre leur destin en main. Et, dans l’hypothèse encore lointaine d’un cessez-le-feu, elles divergent sur la question des « garanties de sécurité » à offrir à Kiev afin d’empêcher toute nouvelle offensive russe. Qu’il s’agisse de l’envoi de troupes au sol ou d’une invitation à rejoindre l’OTAN.
Trois raisons peuvent expliquer cette sorte d’inertie européenne. (…) la faiblesse d’une partie des gouvernements continentaux, en premier lieu en France depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, et en Allemagne avant les élections législatives de février 2025, entrave toute prise de décision audacieuse.
La deuxième raison tient, précisément, au flou qui persiste sur les intentions de Donald Trump. (…)
La troisième raison susceptible d’expliquer le flou européen concerne Vladimir Poutine lui-même. Jusqu’ici, le président russe joue l’escalade, à grand renfort de soldats nord-coréens et d’armes iraniennes, sans oublier le soutien de la Chine pour faire tourner l’économie de guerre russe. Mais la chute de son allié Bachar Al-Assad en Syrie montre les limites de la stratégie belliciste du Kremlin.
Face à l’envahisseur, les Occidentaux, Européens en tête, auraient tort de baisser la garde trop tôt, par lassitude ou par souci de complaire à Trump. La petite musique chère aux oreilles du président élu sur un éventuel cessez-le-feu, et de possibles négociations, peut faire le jeu de Poutine, au détriment de la sécurité continentale. Selon les Européens les plus mobilisés au côté de Kiev, ce plan ne doit pas permettre au président russe de sortir la tête haute du conflit, en le gelant par exemple, alors que la défaite stratégique du maître du Kremlin est déjà patente.
La Russie occupe certes près de 20 % du territoire ukrainien, mais la Suède et la Finlande ont rejoint l’OTAN. La mer Baltique est plus otanienne que jamais. La mer Noire est coupée du monde, en raison de la fermeture des détroits vers la Méditerranée pour les navires militaires russes. Et les sanctions occidentales contribuent à laminer peu à peu l’économie russe. Avant de se précipiter vers les pourparlers suggérés par Donald Trump, l’enjeu est donc plutôt pour les Européens de savoir combien de temps Vladimir Poutine pourra prolonger son sanglant effort militaire en Ukraine.
Le Monde, 27 décembre, article payant
« La trahison de l’Ukraine signerait l’arrêt de mort du projet européen »
Dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités et de citoyens parmi lesquels Daniel Cohn-Bendit, Ariane Mnouchkine, le général Vincent Desportes et Adam Michnik, appelle à la mise en place d’une coalition entre Etats européens accordés sur quelques mesures vitales pour un pays qui défend sa liberté et protège les nôtres.
Extraits:
L’Ukraine vit des heures angoissantes. L’armée russe, forte d’un budget militaire de 106 milliards d’euros, qu’elle veut porter à 135 milliards en 2025, poursuit son invasion au prix de dizaines de milliers de morts et de la destruction systématique des infrastructures vitales de l’Ukraine : ses centrales énergétiques, ses hôpitaux, ses usines.
Malgré la résistance héroïque des Ukrainiens, elle gagne du terrain grâce aux demi-mesures et aux retards de l’aide apportée par leurs alliés, qui se gardent bien de désigner la seule issue admissible de cette guerre : le retrait de la Russie dans ses frontières.
Paralysés par le « chantage au nucléaire » de Vladimir Poutine, Joe Biden et les dirigeants occidentaux ont livré à contretemps des armements en quantité et de portée limitées, sans procurer à l’Ukraine les moyens de la victoire. Préoccupés avant tout par le souci de ne pas concourir à une « escalade », ils ont laissé le Kremlin franchir successivement toutes les étapes de la surenchère militaire, jusqu’à l’arrivée ces derniers jours de 10 000 soldats nord-coréens, couronnée par l’emploi de charges chimiques et d’un missile balistique hypersonique.
Tétanisés par les rodomontades de Donald Trump, les gouvernements européens se préparent-ils mezza voce à accepter, avec un lâche soulagement, que la nouvelle administration américaine négocie un accord de cessez-le-feu au détriment de la volonté ukrainienne ?
La trahison de l’Ukraine signerait l’arrêt de mort du projet européen : triomphant aujourd’hui, Poutine reprendrait dans deux, cinq ou sept ans ses guerres de conquête contre l’Ukraine, mais aussi contre la Géorgie, la Moldavie ou les pays baltes. L’ensemble du continent glisserait vers l’abîme. Notre sécurité, nos libertés et nos valeurs sont directement menacées. Il faut donc agir, vite. (…)
The Jerusalem Post, Guest Essay, 24 décembre, article payant
Europe can succeed in an uncertain world, but it has to rethink the way it operates – opinion
To demonstrate leadership, Europe must form agile alliances among its states to promote research, innovation, and joint ventures.

Extraits:
The last few years have brought significant changes to the global economic and geopolitical landscape. The wars in Ukraine and Gaza have reinforced a division in the world reminiscent of the Cold War era: a West-led coalition vs the BRICS+, which is a broad alliance now that it has been enlarged to include Middle East and Global South member countries.
The geopolitical tensions that these two wars highlight are augmented by the technological competition between the United States and China, leading to the reemergence of protectionism and government-led industrial strategies.
Unlike the last Cold War between the United States and the Soviet Union, this one is not about ideology. It is not geared to prove that one political system is superior to the other. Rather, it is driven by economic competition, centered around a race for gaining, in the case of China, or maintaining, in the case of the US, leadership in the development of cutting-edge technology and innovation.
While China and the United States are fighting for the top spot in the world’s economic order, Europe’s position is far more uncertain. Suffering from underinvestment in technology and innovation, a bloated public sector, stifling regulations, a fragmented capital market, high debt levels, and deteriorating demographics, the European Union faces an existential threat. This could trigger the EU’s eventual demise or spark its evolution into a vibrant new Europe, fit for the 21st century and beyond.
Europe enjoys advantages that it must exploit to unlock its growth potential. It has a high-quality education system that produces graduates across all fields, and boasts world class universities and research centers. These are sources of innovation, technology, and leadership in areas where Europe has either the ability or potential to add value, be it in engineering, biotech, aerospace, new materials, or the food industry.
Europe also has democratic, stable institutions that uphold the rule of law. This framework reduces political risk and is an environment that welcomes entrepreneurship, provided businesses are unleashed from overbearing regulations and lengthy judicial processes.
While deteriorating demographics strain labor availability, automation, robotics, and digitalization can help here, allowing Europe to produce high-quality goods at competitive prices.
And whereas all the buzz these days is about technology and the products of the “Magnificent Seven,” the world needs more than simply technology. It needs a range of products that incorporate technology and that are at the same time high quality, safe, healthy, environmentally friendly, and aesthetically pleasing. Europe can be a leader in this.
To demonstrate that leadership, Europe must form agile alliances among its states to promote research, innovation, and joint ventures. It needs to focus on industries that will grow the economic resilience of the continent by decreasing reliance on other economic powers, developing skills within its workforce, and weaning itself off imported energy. Small modular nuclear plants can be the answer, drawing on existing expertise in countries like France and the UK.
To shape up for the future, it may be tempting for Europe to embark on a round of large debt issuance. That could be a mistake in the face of tepid growth and high existing debt.
Instead, the first move should be to rationalize spending, decrease waste of public funds, and prioritize projects that can add to Europe’s growth potential. Such targeted projects are more likely to be funded by a group of countries or entities with common interests in their success.
Europe can compete successfully in this, an uncertain world. But there is much to be done, and Europe has to rethink the way it operates. Faced with the technological competition between the world’s two major economies and the ideologically agnostic BRICS+ alliance, this is the time for a new Europe that embraces a business-minded approach to governing.
The writer is head of Pictet Research Institute.
https://www.jpost.com/opinion/article-834619
👎😮 New York Times, Guest Essay, 22 décembre, article payant
Europe Had a Terrible Year. It’s Probably Going to Get Worse.
Mr. Jäger is a lecturer at Oxford University. Mr. Daniels is writer based in Brussels.

Extraits:
(…) Europe’s growing far right, meanwhile, has only entrenched its position. This summer’s European elections were marked by breakout performances for the hard right across the union, and there were major advances on the national level, too. In the Netherlands, Geert Wilders’s Party for Freedom forged a government coalition; Giorgia Meloni, Italy’s post-fascist prime minister, saw her popularity deepen; and the far-right Alternative for Germany surged to become the country’s second-most-popular party.
Europe’s extreme right has moved past the point of normalization — now a regular force of government, it is becoming almost banal. For Europe, its consolidation caps a year of tumult. Judging from the continent’s parlous economic situation and general social disarray, matters are only going to get worse. (…)
Today, the costs of this aggressive aversion to change have become starkly apparent. In the past decade and a half, continental growth indicators have gone from stagnant to concerning. In a recent X-ray of the European economy, Mario Draghi, a former head of the European Central Bank and former prime minister of Italy, sounded a belated alarm as to the grim extent of the decline: lack of innovation, lagging productivity and general economic underperformance. The continent’s economic future looks impossibly bleak.
The wallop has been a long time coming. Occupied with disciplining Europe’s periphery, policymakers in Berlin missed a reckoning with Germany’s economic model. A book published this year by the German commentator Wolfgang Münchau required no more than two syllables to sum up the results of this procrastination: “Kaput.” Mr. Münchau’s list of causes for the downturn are familiar: the pandemic and Russia’s invasion of Ukraine, which together spurred a global price fever and cut off the usual source of energy on which German factories ran — an inflationary spiral compounded by America’s trade wars. For an economy coasting by, these shocks proved worse than destabilizing. (…)
Economically, the Merkel consensus sowed the seeds of stagnation. Politically, it wound up destroying dissidence to its left while allowing discontent on the right to thrive. As inflation pushes the cost of living skyward and real wages stagnate, European electorates have been left with the sense that the levers of policy are slipping from their grasp. Railing against immigration — long a source of ire for many across the Western world — and engaging in Americanized culture wars at least allow a cathartic release and the illusion of control.
In this environment, far-right forces have predictably prospered, alternately tolerated and co-opted by the political center. In seven out of 27 countries in the European Union, from Finland to Italy, the far right now directly participates in government. In the newly assembled European Commission led by Ursula von der Leyen, a key ally of Ms. Meloni holds an important vice-presidential position. Rather than the bloc fending off the far right, the prospect seems to be a far-right European Union, in which the mainstream chases the extremes.
To some outsiders this might give off an image of strength. Where foreign policy, military affairs or energy independence are concerned, however, Europe appears more and more rudderless in a stormy world. For a continent that once saw itself as a middle way between the unbridled market capitalism of the United States and the various authoritarians stationed farther east, it’s a bitter irony that it now seems headed for pale imitations of both. And with Donald Trump around the corner, the hard times may have only just begun.
https://www.nytimes.com/2024/12/22/opinion/europe-germany-france-trump.html
😕 Le Point, 22 décembre, article payant
2024 ou le crépuscule de l’Occident
LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Le retrait en vue des États-Unis et l’affaiblissement de l’Europe vont créer un inquiétant « appel d’air » sur la scène internationale.

Extraits:
Une année s’achève. Que retenir de 2024 ? Des guerres, hélas, en Ukraine et au Moyen-Orient, qui ont toutes deux mis en évidence l’impuissance de l’Occident.
Dans le premier cas, Américains et Européens, par choix ou par faiblesse, ont reculé devant l’effort qui aurait été nécessaire pour permettre à l’Ukraine de l’emporter. Ils se sont contentés d’éviter sa défaite mais ils n’ont pu, ou pas voulu, empêcher le bulldozer russe de se mettre en marche et d’avancer kilomètre par kilomètre à coups de milliers de morts. Le brouillard des enthousiasmes irréalistes s’est dissipé et chacun sait aujourd’hui que la question n’est pas la reconquête de territoires définitivement perdus, mais la préservation de l’indépendance d’un pays épuisé et surclassé par son ennemi, ce qui n’est même pas assuré.
Autre guerre, la poursuite des opérations israéliennes à Gaza et au Liban. Là aussi, échec de l’Occident tant Israël fait litière de toutes les prétentions de celui-ci à défendre le droit international. Le silence est assourdissant, de Washington à Berlin en passant par Londres et Paris, alors que deux millions de Palestiniens sont soumis à Gaza à des conditions humanitaires et sanitaires abominables et que la population de Cisjordanie est laissée sans défense face aux violences répétées de colons protégés par les forces de l’ordre ; indifférence qui alimente dans le reste du monde l’accusation justifiée d’un « deux poids deux mesures ».
Lorsque l’Allemagne, la France et d’autres cherchent des excuses pour ne pas mettre en œuvre des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale, comment croire encore à la justice internationale ? Nos prétentions morales sont mortes à Gaza. 😕
Il faut dire que, en Occident même, le ver est dans le fruit. En Europe, les trois principaux acteurs traversent des crises qui leur interdisent de peser et d’entraîner leurs partenaires. L’Allemagne est soudain devenue l’« homme malade » du continent. (…)
La France sombre dans une crise politique et budgétaire dont on ne voit pas d’issue à court terme, alors qu’elle vient de se faire expulser ignominieusement d’Afrique. Le Royaume-Uni n’a pas trouvé dans la victoire du parti travailliste le sursaut dont il avait besoin après le Brexit.
Au même moment, partout en Europe, tous les voyants économiques se mettent au rouge et semblent annoncer au mieux chez certains un ralentissement de la croissance et au pire une récession.
Mais l’événement essentiel de l’année aura été évidemment la réélection de Donald Trump à la présidence. (…)
Sa vision du rôle de son pays semble être celle d’un géant certes surarmé, mais qui définirait ses intérêts essentiels de manière restrictive, muni d’un « gros bâton » mais pour ne pas l’utiliser. En tout état de cause, c’en est fini du gendarme américain qui, tout maladroit et brutal qu’il était, assurait un minimum d’ordre. (…)
Les deux piliers de l’ordre international hérité de 1945 renoncent ainsi à en assurer le maintien, l’Europe par faiblesse et les États-Unis par lassitude, et risquent même de se déchirer. C’est un tournant des relations internationales, le crépuscule d’une suprématie occidentale dans la gestion des affaires du monde. En géopolitique comme ailleurs, la nature a horreur du vide. Affaissement de l’Europe et retrait des États-Unis créent, à cet égard, un « appel d’air ». Les prédateurs auront carte blanche. Quelles conséquences en tireront les Russes, les Turcs, les Iraniens, les Chinois et de moindres sires ?
https://www.lepoint.fr/monde/2024-ou-le-crepuscule-de-l-occident-22-12-2
Politico, 22 décembre, article payant
‘Powerful consiglieri’ run von der Leyen’s Commission, EU transparency chief says
Emily O’Reilly says she was “never at ease” with members of the president’s cabinet who are “intelligent people” but “not elected.”

Extraits:
BRUSSELS — The EU ombudsman described a powerful unelected and untransparent culture at the top of the European Commission, laying the blame squarely at the feet of its president, Ursula von der Leyen.
Emily O’Reilly, who’s served as the EU’s accountability and transparency watchdog for more than a decade, told POLITICO’s EU Confidential podcast that the Commission’s opacity has got worse over time.
O’Reilly, who leaves the post in February, said that over her 11-year tenure she didn’t once meet von der Leyen, and was “never at ease” with the “powerful consiglieri” who sit in the Commission president’s cabinet. “Consiglieri” is typically used in English as a term for advisers of a mafia boss.
They are “intelligent people — but they’re not elected,” she added.
“The culture always comes from the top,” O’Reilly said, referring to a lack of transparency in the EU executive. She added that if information is being “held back for political reasons and that culture comes from the top — then yeah, it probably is the president [von der Leyen] and her cabinet who are setting the culture.”
She called out the Commission’s reticence when it comes to handing over documents, saying the trend is “worrying.”
“You can understand the frustration when we patiently for months go through an access to documents case, we’re quoting [European Court of Justice] law, we’re doing all of this — and they still say no,” she said. “That is frustrating.”
The ombudsman’s role within the EU is to uphold transparency norms and root out possible conflicts of interest, including between industry and the EU institutions. But its judgments are non-binding and at the mercy of those same institutions to implement them. (…)
O’Reilly hit out at the Parliament for not holding the Commission to account, urging the lawmaking body to remember its powerful oversight role.
“On several occasions, the MEPs asked me, how can we make the Commission more accountable? How can we get them to give us the documents we need? How can we get them to be open about this, that or the other? And I thought, they’re asking me?” she said.
“I’m the ombudsman, with 80 people … They are the institution that’s supposed to hold the Commission to account, so if they’re asking me for advice, I think that is concerning,” she added.
“If the Parliament starts to internalize this idea that it can’t exercise proper oversight over the Commission, that’s the way it’s going to go.”
Le Figaro, 21 décembre, article payant
Londres, «capitale européenne de la charia»
Selon une enquête du Times, quelque 85 «cours de la charia» régiraient les mariages – pour certains polygames –, les divorces ou les successions, créant une justice «privatisée» défavorable aux femmes.
Extraits:
Londres serait devenue la « capitale européenne » des tribunaux de la charia, selon une grande enquête du Times. Ces « conseils de la charia » seraient aujourd’hui au nombre de 85 dans le pays et cette justice serait souvent préférée à celle de l’État. Le quotidien montre aussi que la polygamie est normalisée dans de larges pans de la société britannique.
Dans ces « conseils de la charia », les hommes peuvent simplement mettre un terme à leur mariage en prononçant trois fois le mot « divorce ». La polygamie est un fait ouvertement acquis. Les journalistes ont ainsi testé une application mobile conçue pour la rédaction de « testaments islamiques ». Les hommes peuvent indiquer combien ils ont de femmes, avec un choix allant de 1 à 4. Cette application, approuvée par une « cour de la charia, donne aux filles le droit à moitié moins d’héritage que les garçons.
Alors que la première de ces « cours de la charia » est apparue en 1982, elles seraient aujourd’hui au nombre de 85, réparties dans tout le pays. Elles sont composées d’érudits islamiques et opèrent comme des institutions informelles, régissant les mariages et autres actes de la vie familiale. Quelque 100.000 mariages auraient déjà été enregistrés devant ces cours, la plupart n’étant pas déclarés aux autorités civiles. Ces cours britanniques attireraient de plus en plus de musulmans européens et même nord-américains. (…)
Des parlementaires s’alarment de cette contre-société s’installant au sein des villes anglaises. Ancienne infirmière, universitaire et membre de la Chambre des Lords, Caroline Cox estime ainsi que ces cours de la charia forment un « système alternatif quasi-juridique en plein développement ». Elle a porté un projet de loi visant à protéger les femmes contre les discriminations fondées sur la religion. Quand elle était ministre de l’Intérieur, l’ancienne première ministre conservatrice Theresa May avait commandé une étude indépendante sur le sujet. Celle-ci avait suggéré la création d’un régulateur gouvernemental afin d’encadrer ces conseils avec un code de pratique. Le gouvernement conservateur avait rejeté la proposition, estimant qu’une telle réglementation risquait de légitimer les conseils de la charia comme une alternative à la loi britannique. (…)
Directeur de la National Secular Society, Stephen Evans se dit « préoccupé par le glissement vers une justice privatisée et des systèmes juridiques parallèles au Royaume-Uni, qui sapent le principe d’une loi unique pour tous, et par l’impact négatif que cela a sur les droits des femmes et des enfants ». Au Times, un porte-parole de Downing Street a déclaré que « la charia ne peut en aucun cas faire partie du droit en Angleterre et au Pays de Galles et la norme veut que les couples se marient dans le cadre d’un mariage légalement reconnu, qui apporte protection, sécurité et soutien ».
Au printemps dernier, un sondage réalisé par le groupe de réflexion Henry Jackson Society avait déjà suscité une certaine émotion. Seul un musulman britannique sur quatre estimait réels les meurtres et les viols commis par le Hamas le 7 octobre. L’étude montrait aussi que 32% des musulmans interrogés considèrent comme « souhaitable » l’instauration de la charia au Royaume-Uni d’ici à 20 ans, 45% préférant ne pas se prononcer. Une large majorité des sondés (63%) souhaitait aussi l’implantation de salles de prières dans les lieux non-religieux, comme les entreprises ou les écoles.
https://www.lefigaro.fr/international/la-grande-bretagne-capitale-europeenne-de-la-charia-20241220
Le Monde, 19 décembre, article payant
Tribune : « En Europe, le risque de la fragmentation partisane est politique, économique et stratégique »
Les dangers liés à la montée des populismes diffèrent aux Etats-Unis, où elle débouche sur une polarisation extrême, et en Europe, où le multipartisme alimente une fragmentation partisane croissante, estime le politiste dans une tribune au « Monde ».
Extraits:
La montée rapide et généralisée des partis populistes a bouleversé le paysage politique des deux côtés de l’Atlantique. Mais ses effets sont clairement distincts du fait de la différence des systèmes électoraux.
Aux Etats-Unis, l’élection présidentielle américaine met en évidence une polarisation politique poussée à l’extrême, qui s’exprime dans un affrontement de plus en plus brutal entre républicains et démocrates. Elle reflète une « polarisation de la réalité », pour reprendre l’expression de l’économiste Stefanie Stantcheva : les Américains sont divisés, non seulement dans leurs opinions politiques, mais aussi dans leurs perceptions de la même réalité factuelle, qu’il s’agisse des inégalités, de la fiscalité, de l’immigration ou des politiques publiques. Les choix politiques et les interactions économiques sont de plus en plus perçus comme un jeu à somme nulle : l’amélioration du sort des uns ne peut se faire qu’au détriment des autres.
Si cette polarisation est aussi à l’œuvre en Europe, et particulièrement en France, elle ne se fait pas selon une logique binaire. La principale conséquence de la montée du populisme dans la plupart des pays européens est une fragmentation croissante, que l’on observe aussi à l’échelle de l’Union européenne (UE). Il faut de plus en plus de partis pour former des coalitions gouvernementales. Par conséquent, les gouvernements sont moins stables et leur cohésion interne est affaiblie. Cela rend la prise de décision plus complexe et plus longue, surtout dans des pays qui n’ont pas d’expérience des gouvernements de coalition. Le débat sur le budget en France en est un exemple évident.
Le risque de cette fragmentation européenne est politique, économique et stratégique. Politique, parce que l’incapacité de décider accroît l’insatisfaction populaire et nourrit le populisme, qui à son tour renforce la fragmentation politique ; la séquence de la dissolution de l’Assemblée nationale en France en témoigne. Economique, parce que l’incertitude politique conduit les acteurs économiques à différer leurs investissements, ce qui pèse sur la croissance. Stratégique, parce que l’incapacité de décider nous affaiblit face aux autres puissances. Un système européen fragmenté aura plus de difficultés à répondre non seulement aux régimes autoritaires, mais aussi à des Etats-Unis disposant d’un gouvernement unifié appliquant un programme radicalisé par la polarisation interne. (…)
Dans une situation de vulnérabilité accrue en matière de compétitivité et de sécurité, l’Europe est d’autant plus exposée que sa fragmentation politique l’empêche de s’entendre et de décider. La question-clé est donc de savoir comment organiser un tel système politique fragmenté ? Comment se préparer au bras de fer avec Donald Trump qui s’ajoutera à celui avec Vladimir Poutine ou avec Xi Jinping ?
L’expérience des crises récentes suggère deux pistes. La première est celle d’un front uni des chefs des institutions européennes (Commission, Banque centrale, Conseil, Eurogroupe, Parlement) pour s’entendre sur quelques priorités et concentrer le capital politique sur celles-ci. Au niveau européen, c’est ce qui a permis de sortir de la crise de la dette souveraine : la réforme de la gouvernance économique de la zone euro fut le résultat d’un agenda commun défini dans un rapport cosigné par les présidents des principales institutions européennes. La seconde consiste à désigner une personnalité pour conduire les négociations sur la base d’un mandat qui lui est confié par les autorités politiques, en rapportant régulièrement à celles-ci et en s’appuyant sur l’administration publique de manière transversale. Au niveau européen, c’est le rôle qu’a joué Michel Barnier et sa « Brexit Task Force », garantissant l’unité et la cohésion européennes dans les négociations avec le Royaume-Uni. Une solution similaire pourrait être adoptée pour préparer les positions européennes face à la Russie, à la Chine et à Trump. (…)
La polarisation trumpiste conduit à une version exacerbée et illibérale de la théorie de l’« exécutif unitaire », selon laquelle la Maison Blanche doit disposer de l’ensemble des pouvoirs sur la branche exécutive. De leur côté, malgré leur fragmentation et leur polyarchie, l’UE et ses Etats membres doivent mettre en œuvre le principe selon lequel les Européens seront plus forts ensemble. Pour cela, ils doivent s’organiser et se mettre en ordre de bataille sans tarder.
Thierry Chopin est professeur invité au Collège d’Europe à Bruges (Belgique), il enseigne également les « affaires européennes » à l’Ecole polytechnique. Il a dirigé « Une Europe pour aujourd’hui et pour demain : souveraineté, solidarités et identité commune » (La Documentation française, 2022).
The Economist, 19 décembre, article payant
Georgia on your mind : Keep the Caucasus safe from Russia
Georgia’s protesters and president need help

Extraits:
Georgia was once seen as a vital island of democracy in the Caucasus. A year ago the European Union still hoped to fasten it to the West, formally recognising it in December 2023 as a candidate for full membership. Since then, almost everything has gone wrong.
First, in May, the ruling Georgian Dream party passed a law requiring organisations that received money from abroad to register as “foreign agents”, a trick used in Russia and in Hungary, under the autocratic Viktor Orban, to harass pro-democracy outfits. Georgian Dream is led by a reclusive billionaire-oligarch, Bidzina Ivanishvili, who made a fortune in Moscow in the 1990s before returning home. He has tried to position his country in equipoise between Russia and the West, but has found himself ever more firmly under Vladimir Putin’s thumb. (…)
As the protests and thuggery persist, a crisis looms. (…)
How should the West respond? Ms Zourabichvili needs support for her brave refusal to hand her office to Russia’s choice. Those who back democracy should continue to recognise her, not her rival, as president. In addition, sanctions should be imposed on those responsible for the violence and for cooking the election. Some countries, including America, Ukraine and the Baltic states, have made a start, with travel bans on a few top officials, and in some cases on Mr Ivanishvili, who holds no government position. These could be reinforced by reaching further down the power structure (to cover those who run the state media, say), as well as extending them to the subjects’ families. Those most responsible should have their assets frozen.
Two big omissions from the list of those imposing personal sanctions stand out. One is Britain. Like many other countries, it has halted most forms of official co-operation, but that hits mainly the innocent. The other is the EU. This week its impressive new foreign-affairs chief, Kaja Kallas, proposed a list of people for sanctions, but her move was blocked by the vetoes of Hungary and Slovakia, both led by apologists for Mr Putin. If you needed an emblem of the EU’s shameful weakness in the face of autocracy, that would be hard to beat. ■
https://www.economist.com/leaders/2024/12/18/keep-the-caucasus-safe-from-russia
Wall Street Journal, 17 décembre, article payant
Why the U.S. Economy Is Trouncing Europe’s
Americans do worse in education scores, but the Continent lacks the U.S. risk-taking culture.
Voir « Article du Jour » !

The Economist, 14 décembre, article payant
Charlemagne : Europeans are hoping they can buy more guns but keep their butter
Reports of a “war economy” are much exaggerated
Extraits:
Russia produces enough military kit to build an army the size of Germany’s every six to 12 months. Under its revanchist president, Vladimir Putin, it is busy invading one European country while meddling in the affairs of several others. Western intelligence officers seem to think a Ukraine-style attack on a NATO ally by 2030 is a distinct possibility. Faced with this sobering analysis, Europeans might have been forgiven for panicking into splurging on all things military, and doing real harm to the continent’s economy in the process. But worry not. With politicians bickering about pensions and social spending, and loth to raise taxes, the reality is of a continent unwilling to inconvenience itself for something so trifling as fending off a potential invader. Europeans want more military spending, sure; some churn out ludicrous soundbites about building a “war economy”. But God forbid that anyone make voters endure the cost of it.
Scrimping on defence is nothing new for Europeans. After the cold war ended, cutting military budgets became the norm, like taking August off or retiring in one’s prime. By 2014 today’s 27 European Union members were spending under 1.4% of their collective GDP on defence—less than on alcohol and tobacco. The military figure has since increased at a steady, if unspectacular, pace (just as booze and fags have gone out of fashion). This year the EU’s members will together finally meet the 2% target set by NATO, to which most belong, after Mr Putin first had a crack at Ukraine a decade ago. A few big countries, notably Italy and Spain, are still far below that level. (…)
Donald Trump, as he prepares to return to the White House, has made clear he will no longer tolerate Europe spending roughly a third of what America does on defence. On December 8th he reiterated that he was willing to stay in NATO only as long as Europeans “pay their bills”. To appease the incoming blusterer-in-chief and dissuade Mr Putin, Europe knows it must find more money. The trouble is, many national exchequers are bare and politics across the continent is messier than ever. Chaos reigns in France; Germany is in the early throes of an electoral campaign that will probably result in a new chancellor only after months of coalition-building. Collective action at EU level is impeded by the fact that certain prime ministers, such as Hungary’s Viktor Orban, respect the Kremlin more than they do fellow European leaders.
Everyone knows their armies need more cash, not least to replenish stocks sent to Ukraine. So how might it be done? The simplest way is for national governments, who after all oversee their armed forces and spend most of the tax levied in Europe, to cut larger cheques. A few already do. Poland says it will spend 4.7% of its GDP on defence next year, the most of any NATO member. But others are constrained by having maxed out their national credit card: France, Italy and Spain all have debt-to-GDP ratios of over 100%, and are under pressure from both markets and EU wallahs to improve their public finances. Apart from countries bordering Russia, voters clobbered by covid and then by soaring energy prices are in no mood for less social spending or higher taxes. Do not deprive us of butter, is the gist of Europe’s current politics.
Another way to boost defence expenditure is to do it at EU level. (…) Perhaps the money could be borrowed by EU members collectively instead, as it was to fund a €750bn pandemic-recovery fund in 2021? France has mooted such a joint bond, which would help skirt the issue of fiscal constraints. But more EU-level debt is unacceptable to “prudent” countries like the Netherlands that see common borrowing as a scheme to make frugal northerners pay for spendthrift southerners. (…)
Europe thus needs clever tricks to fund military stuff without crossing various red lines. One idea is for a “coalition of the willing” in Europe to raise €500bn by creating a fund essentially backed by promises of higher future defence spending. (…)
Details of the plan are vague. Its main selling point is that it has not been shot down since the Financial Times reported iton December 5th. A big figure would help send Mr Trump the message that Europe is doing something. In practice an extra €500bn would push outlays to just 2.4% of EU GDP (meanwhile a new NATO target of 3% is being floated). And a squabble would ensue over spending. Who decides whether to buy Europe-made kit (as France prefers, to ensure the long-term “strategic autonomy” of the EU) or off-the-shelf weaponry from America (as many others would like, to ensure the stuff is delivered soon), say? Raising money for defence is hard, paying it out may be even harder. ■
Le Figaro, 17 décembre, article payant
«Ursula von der Leyen échappe à son créateur» : comment Emmanuel Macron a perdu pied à Bruxelles
DÉCRYPTAGE – La présidente de la Commission européenne n’a désormais que peu d’égards pour le président français.

Extraits:
« Conflit d’agenda » ou « problème de communication interne » ? La porte-parole d’Ursula von der Leyen a peiné à trouver la bonne justification pour expliquer l’absence de la présidente de la Commission européenne aux cérémonies de réouverture de Notre-Dame, samedi 7 décembre, où sa présence avait été confirmée 48 heures plus tôt, parmi une cinquantaine de dignitaires étrangers, dont Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Entre-temps, son aller-retour express à Montevideo a provoqué la fureur de l’Élysée. « VDL », comme elle est communément désignée à Bruxelles, y est allée conclure les négociations du traité de libre-échange avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), auquel Paris est fermement opposé. Humiliation suprême : elle embarquait au moment même où la motion de censure faisait chuter le gouvernement de Michel Barnier.
Un casus belli pour Paris. Et un signe supplémentaire des tensions croissantes entre la seconde puissance économique européenne et une présidente de la Commission, tout juste reconduite pour un second mandat, qui semble faire peu de cas de ce qu’elle doit à son président. « Elle lui échappe, elle s’affranchit de son créateur », note Sébastien Maillard, conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors. (…)
Les relations ont commencé à se dégrader dès les prémices du second mandat d’Ursula von der Leyen. Après les élections européennes de juin 2024, alors qu’elle fait campagne pour sa reconduction, on fait savoir à l’Élysée qu’on réfléchit à d’autres personnalités. Le fiasco de la dissolution et la claque électorale des macronistes aux législatives changent la donne. Pris par le casse-tête politique intérieur, Macron se range derrière la candidature de VDL, adoubée en juillet par une majorité des Vingt-Sept. Même si le Quai d’Orsay s’inquiète de la perspective de la voir devenir incontrôlable. (…)
L’accord avec le Mercosur est un nouvel acte de défiance. « C’était maladroit de la part de von der Leyen de partir à Montevideo en laissant penser qu’elle ait pu profiter de la situation politique en France, alors que, sur le fond, l’accord avec le Mercosur est dans notre intérêt », commente Sébastien Maillard. L’Élysée s’étrangle et dénonce le risque pris par von der Leyen sans s’assurer du feu vert de la France. Un risque calculé. « D’évidence, elle se sent plus libre, juge Gilles Boyer, eurodéputé (Horizons), membre du groupe Renew. Si le dossier du Mercosur était encalminé depuis cinq ans, c’est parce que la France bloquait. S’il se débloque maintenant, c’est en partie en raison de la situation intérieure de la France. » (…)
Le feuilleton de la crise politique, combiné au dérapage incontrôlé des finances publiques, entame l’influence de la France et rebat les cartes des rapports de force entre les Vingt-Sept. (…)
« Ursula von der Leyen a compris que Macron était affaibli et voit une crise de leadership européen qu’elle peut combler. Elle est en début de mandat et veut s’affirmer », estime Eric Maurice, analyste au European Policy Centre, à Bruxelles. « L’époque où un froncement de sourcils de Mitterrand ou de Chirac suffisait à stopper un projet de la Commission est terminée, assure un vétéran des affaires européennes. Il n’y a pas de raison que VDL mette un genou à terre sur le Mercosur simplement parce que la France y est opposée. » (…)
Sur l’Europe de la défense, autre enjeu poussé par Emmanuel Macron, la France est aussi en difficulté face à ses homologues européens. Alors qu’on parle de centaines de milliards d’euros d’investissement, elle peine à résister à la pression des Baltes ou de la Pologne, « faucons » très atlantistes, qui sont prêts à en faire bénéficier des fournisseurs d’armement américains, au détriment de la préférence européenne revendiquée par Paris. (…)
Autre promesse non tenue : Emmanuel Macron s’était engagé à son arrivée à mettre de l’ordre dans les finances françaises avant de donner des leçons aux autres. Cela a été le cas jusqu’en 2019. Depuis, l’irresponsabilité héritée du « quoi qu’il en coûte » met en péril l’équilibre des nouvelles règles budgétaires de la zone euro, âprement négociées. Sous procédure de déficit excessif (avec sept autres pays) et sans perspective claire de redressement, la France pourrait menacer la stabilité et la croissance de la zone euro à moyen terme. Une situation peu propice à défendre l’idée d’un nouvel endettement en commun pour financer la montagne d’investissements nécessaires, un sujet sur lequel les dirigeants français se font très discrets. (…)
The Economist, 14 décembre, article payant
If Europe wants peace, it must plan for war
But none of its major governments seems ready to face the future (By Edward Carr, Deputy editor, The Economist)

Extraits:
The security of Europe is entering a perilous and enduring decline. In 2025 Russia will have the upper hand in Ukraine. America, looking towards Asia under President Donald Trump, will become viciously transactional. Not since the 1930s have European leaders so urgently needed to summon the courage to face reality and the statesmanship to take action. Unfortunately, Europe’s leaders are weak and distracted by their problems at home. Instead of standing up they are more likely to bury their heads deeper in the sand.
The danger begins in Ukraine. It comes not only from Russia’s slow, relentless advance in the east—though, as the Ukrainian army is hollowed out, that looks ever more likely to cause the front to collapse. The real problem is that Russia’s president, Vladimir Putin, knows the West has been unwilling to give Ukraine enough money or weapons to defend itself.
What is more, Mr Putin knows the West has failed to stop Russia, even though doing so would avoid the costly, dangerous alternative of defending the frontiers of northern and eastern Europe instead. He will rightly surmise that Europe is too weak-willed and complacent to face the changing geopolitical reality. If he concludes that he has more chances to disrupt NATO, his behaviour will become yet more aggressive.
The election of Mr Trump multiplies the threat. Ukraine has shown how much European security still depends on American hard power, 30 years after the end of the cold war. But the United States is globally over-extended and needs Europe to take more responsibility for its own defence. Even under a Democratic president, America’s attention would have been drifting towards Asia.
Mr Trump will accelerate this process. (…)
No matter that America also gains from its alliances diplomatically and militarily, in ways that Mr Trump ignores. If America is to continue to back Europe, Mr Trump will want something tangible in return, whether on trade, military contracts or direct payments. He could even do a deal with Mr Putin, over the heads of European leaders, to carve up Ukraine.
Either way, as members of an explicitly transactional NATO, European countries will no longer feel they can depend on America’s cast-iron promise to fight alongside them if they are attacked. Mr Putin knows this, too, and that will be a further incentive for him to destabilise and attack the places to his west.
His motive is simple, but existential—at least in his eyes. After the collapse of the Soviet Union, Russia discovered that it could not thrive in the ordered, democratic, American-led world. The only way for Russia to claim its place as one of the great powers is to destroy the foundations of that order, including NATO, the European Union and the credibility of Western democracies. (…)
It is hard to say which is in shorter supply: money or leadership. Germany, under the small-thinking Olaf Scholz, is tearing itself apart. In France a minority government survives at the behest of the pro-Russian Marine Le Pen, while the political classes position themselves ahead of the presidential election in 2027. (…)
None of them is ready to face the future. The possibility of Mr Trump’s return has long been clear, but Europe has been unable to draw up a coherent plan if he pulls the plug on Ukraine, as he has threatened to. Though Brussels will redirect a chunk of EU money to defence, Europe has suffered persistent shortages of arms, despite warnings that its defence industry is underpowered. National budgets will have to rise, too.
The task of making Europe safe is immense, and will take years. All the more reason to start work now. Leaders must be clear to their people about the dangers ahead, starting with the idea that Russia wants to destroy the EU and NATO, not just Ukraine.
Another requirement is for European countries to forge a common front. Both Mr Putin and Mr Trump will strive to divide them. For Mr Putin division is an end in itself; for Mr Trump it is a means to undermine Europe’s leverage in negotiations. Britain’s departure from the EU is an obstacle to industrial mobilisation. But it is a member of NATO and the Joint Expeditionary Force, a northern European partnership.
The last requirement is to start building a deterrent to Mr Putin. Europe needs larger armed forces. They need to be equipped by a defence industry with greater capacity. They need a command structure, in case Mr Trump refuses to let America fight. It will not come cheap. Europe has been unable to muster enough willpower to prevent a Ukrainian defeat. In 2025, does it have the resolve to avert something even worse?
https://www.economist.com/the-world-ahead/2024/11/20/if-europe-wants-peace-it-must-plan-for-war
The Economist, 13 décembre, article payant
European (g)ratification : Can an agreement with the EU resurrect Mercosur?
A big geopolitical deal

Extraits:
It took a full quarter of a century, but on December 6th, at the second attempt, the European Union (EU) and Mercosur, a bloc based on Brazil and Argentina, finalised the text on a wide-ranging treaty that enshrines trade and political co-operation. Its impact on world trade will be modest. But its geopolitical symbolism is far bigger. With the United States poised to become even more protectionist under Donald Trump, and with China’s influence in Latin America large and growing, it marks an effort to strengthen relations between two democratic regions long linked by culture and history. But its ratification by the Europeans is far from certain, since the continent’s influential farmers are fearful of Mercosur’s highly efficient agribusinesses. (…)
Over the past 18 months Lula, now back in the presidency, and Ursula von der Leyen, president of the European Commission, sought to conclude the deal. (…)
If the commission was prepared to be more flexible than in the past, it is because Russia’s invasion of Ukraine and Mr Trump’s return have made many European leaders rethink. “For the EU, this is important economically, but [it is] very much a geopolitical decision,” says Cecilia Malmström, a former European trade commissioner. “With a possible tariff war coming up, Europe needs friends and allies.”
The deal is hardly a free-trade revolution. It will remove tariffs on around 90% of trade in goods between the two sides, but mostly over a period of up to 12 years and in a few cases longer. Agricultural exports from Mercosur will be subject to gradually rising quotas. Nevertheless, the agreement is a big one. Mercosur’s core members, which also include Paraguay and Uruguay, have a combined population of 275m people—and a total GDP of $3trn, making it the EU’s biggest economic partner after Japan and Britain. (Bolivia joined Mercosur this year, but is not party to the agreement). Total trade between the two blocs is close to $150bn a year. (…)
Lula’s switch from sceptic to champion of the deal reflects his desire for Brazil to retain its autonomy in a world where Mr Trump and China both push countries to take sides. Brazil has been discomfited by China’s drive to expand the BRICS group into an anti-Western front. “Having alternatives is crucial,” says Oliver Stuenkel of Fundação Getulio Vargas, a Brazilian university. (…)
To ease ratification in Europe, the trade part has been duplicated in a separate agreement that requires assent only by the European Council and the European Parliament for it to take effect. The full treaty must be approved by national parliaments. The council is likely to discuss the deal in the summer.
It is torn between its protectionist instincts and geopolitical calculation. France opposes the trade agreement but may not be able to get the necessary blocking minority of at least four countries totalling 35% of the EU’s population. With Germany, Spain and Sweden strongly in favour, the outcome may depend on Poland and Italy. The EU’s credibility as an economic partner will be at stake. ■
https://www.economist.com/the-americas/2024/12/12/can-an-agreement-with-the-eu-resurrect-mercosur
Le Figaro, 13 décembre, article payant
«Le danger se rapproche de nous à grande vitesse»: l’Otan presse les Européens de dépenser «beaucoup plus» pour leur défense
DÉCRYPTAGE – L’Europe étudie des pistes pour dégager 500 milliards d’euros. L’Otan pourrait relever de 2% à 3% du PIB le seuil requis d’investissements militaires.
Extraits:
Le président élu américain a répété dimanche à NBC qu’il serait « absolument » prêt à sortir de l’Otan, si les alliés européens ne payent pas « leurs factures ». Il s’est targué de les avoir déjà poussés à investir 600 milliards de dollars supplémentaires grâce à des injonctions similaires durant son premier mandat. Ce n’est pas faux : de 3 pays membres de l’Otan à consacrer au moins 2% de leur PIB à la défense il y a dix ans, on est passé à 23 cette année.
Cela ne suffira pas. L’Otan doit dépenser « beaucoup plus » pour prévenir une « grande guerre » en Europe, plaidait jeudi son nouveau secrétaire général, Mark Rutte. « Le danger se rapproche de nous à grande vitesse », a-t-il justifié, dans un discours à Bruxelles. Il a rappelé que les alliés avaient « gagné » la guerre froide en consacrant plus de 3% de leur PIB à leur défense. Un chiffre aujourd’hui discuté comme nouvel objectif potentiel, qui pourrait être adopté lors du prochain sommet de l’Otan à La Haye en 2025, selon le Financial Times . Passer de 2 % à 3 % représenterait quelque 200 milliards d’euros par an en plus.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évalué l’effort nécessaire à 500 milliards d’euros sur dix ans pour l’Union européenne. Pour l’heure, l’essentiel des investissements militaires est réalisé par les États. Les budgets de l’UE en la matière sont lilliputiens. Mais, vu la situation budgétaire de certains pays, comme l’Italie, qui ne consacre que 1,4% de son PIB à sa défense, et la nécessité de mutualiser les coûts, la montée en puissance d’une défense européenne s’impose comme une priorité absolue. (…)
Gage de ces ambitions, l’UE s’est dotée d’un commissaire à la Défense, une première. L’ex-premier ministre lituanien, Andrius Kubilius, appelle à un «big bang ». Or, l’Europe avance bien souvent au rythme d’une tortue. Les Vingt-Sept savent qu’ils vont devoir dégager des moyens budgétaires pour la défense dans le prochain budget multi-annuel de l’UE pour la période 2028-2035. Mais ce sera trop tard. « La Russie peut être prête à lancer une attaque militaire contre un pays de l’UE ou de l’Otan avant 2030 », a mis en garde Andrius Kubilius, citant plusieurs rapports des services de renseignements. (…)
Plusieurs pistes sont évoquées pour résoudre l’équation budgétaire, et trouver des fonds rapidement. L’idée d’« obligations défense » (defence bonds) est régulièrement évoquée. Mais le rejet par l’Allemagne ou les Pays-Bas de toute idée d’emprunt commun conduit à devoir « faire preuve d’imagination », comme le dit Kaja Kallas, la nouvelle chef de la diplomatie de l’Union européenne. Dans une interview au Figaro , jeudi, elle plaidait pour la confiscation des quelque 200 milliards d’euros d’avoirs financiers russes gelés en Europe. Les réticences juridiques sont, là aussi, nombreuses. (…)
Dans cette quête de ressources, la Banque européenne d’investissement (BEI), dont le mandat interdit pour l’heure le financement de projets purement militaires, devrait aussi être sollicitée. Les États « frugaux » poussent, de leur côté, pour se servir de tous les fonds de tiroirs de budgets de l’UE non utilisés. (…) Pour financer quoi ? Varsovie et Berlin plaident pour un bouclier de défense aérien européen – un projet qui, à lui seul, coûterait plusieurs centaines de milliards. Perplexe, la France, assez isolée parmi les Vingt-Sept, cherche à imposer que les investissements européens financent des projets européens, et non des entreprises américaines.
The Economist, 13 décembre, article payant
Cancel that : Why Romania cancelled a pro-Russian presidential candidate
Sketchy allegations of interference let a court block a kook

Extraits:
He believes nanobots are secretly inserted in cans of Pepsi. Covid does not exist, and the moon landings were faked. He thinks a global political struggle is being waged between Satan and the Archangel Michael. He admires Vladimir Putin and would cut aid for Ukraine. On December 8th Calin Georgescu (pictured) might have been elected president of Romania. But two days earlier the country’s constitutional court annulled the election and instructed that it be run again. Romanians are divided between those who think the court has saved their democracy and those who think it has been subverted.
A month ago Mr Georgescu was seen as a crankish no-hoper, drawing about 5% in polls. But in the first round of the election on November 24th he came first with 23%. Just before the second-round run-off against Elena Lasconi, a lacklustre centre-right candidate, one poll had him leading with 58%. This was a political earthquake.
Mr Georgescu is a former soil scientist and specialist in sustainable development. Oana Popescu, head of the GlobalFocus Centre, a think-tank in Bucharest, knew him in his moderate days, and says he later “went bonkers, turning into this fascistic, QAnon, deep-state conspiracist”. He joined the hard-right Alliance for the Union of Romanians party, but left it in 2022 over criticism of his pro-Russian and anti-NATO views (and his praise of the Iron Guard, Romania’s inter-war fascists). With no party organisation, few took Mr Georgescu’s presidential candidacy seriously.
The president can significantly influence foreign and security policy, so Mr Georgescu’s threats to end Romania’s staunch support for Ukraine are not taken lightly. Mr Georgescu says he is pro-peace, not pro-Russian. But his contempt for NATO and the EU would obviously have been a gift to Mr Putin, and to Russia-friendly leaders in Hungary and Slovakia.
How did Mr Georgescu go from nowhere to first place in two weeks? On November 28th the Romanian intelligence services presented evidence of illegal campaign financing, illegal use of social media and “Russian hybrid actions” against the country’s internet infrastructure. They compared the influence operation to those apparently carried out by Russia during Moldova’s presidential election and referendum on joining the EU in October. The constitutional court ordered a recount, but found no major issues. On December 5th it gave the go-ahead for the second round, only to reverse itself next day.
The court said it was annulling the election because voters were “misinformed” and that the candidate had benefited illegally from “the abusive exploitation of social-media platform algorithms”. (…)
Russia is certainly trying to influence elections in nearby states. Moldova accuses the Kremlin of spending $15m to bribe its citizens to vote against joining the EU. Georgia’s election last month saw widespread allegations of ballot-stuffing by the Russia-friendly governing party. But the evidence that Russia was behind social-media manipulation in Romania is preliminary. Annulling a presidential election, on the other hand, is an extraordinary step. Those who voted for Mr Georgescu will feel ignored. When the presidential election is rerun, he will probably be excluded. But the reasons why Romanians voted for him cannot be banned. ■
L’Express, 9 décembre, article payant
Face à Vladimir Poutine, comment la France peut-elle “européaniser” sa dissuasion nucléaire ?
Défense. Face à la menace russe et en cas de désengagement américain, la France aurait intérêt à élargir sa dissuasion à des alliés, estiment plusieurs analystes.

Extraits:
Comment adapter la dissuasion française, structurée par la guerre froide, au nouveau contexte stratégique? La question a occupé plusieurs années l’état-major particulier (EMP) de l’Elysée et les hautes sphères travaillant sur ce domaine, lors du premier mandat présidentiel de Jacques Chirac (1995-2002). L’URSS et son Pacte de Varsovie ont disparu, et avec eux la menace d’une invasion soviétique du continent et de la France. Dans la foulée, l’Otan se donne comme mission principale non plus la défense territoriale, mais la résolution de crises extérieures – ex-Yougoslavie, puis Afghanistan.
Une fois la séquence de la reprise des essais en Polynésie achevée, Jacques Chirac annonce qu’il “faut avoir suffisamment [d’armes nucléaires] pour être respecté, mais pas trop [non plus]”. La composante terrestre est démantelée : aussi bien les missiles balistiques stratégiques des silos du plateau d’Albion, que ceux, mobiles, d’une portée de près de 500 kilomètres, de la force Hadès. Si les Forces aériennes stratégiques (FAS) – missiles nucléaires emportés par des avions – est maintenue, le nombre de sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) de classe Le Triomphant à construire passe de six à quatre. Reste à ajuster la doctrine. (…)
C’est bien à cette époque que la dissuasion française, telle qu’elle se présente aujourd’hui, se stabilise. Un quart de siècle plus tard, il serait judicieux de l’adapter pour véritablement l’européaniser, dans l’intérêt de la France et de ses alliés, font valoir deux experts, Etienne Marcuz et Stéphane Audrand. Ils n’appartiennent pas aux cénacles stratégiques officiels, dont l’une des missions est de travailler la doctrine, dans la discrétion, pour le président. Ils jugent cependant utile qu’un débat public s’amorce, dans un contexte de profonds bouleversements de l’ordre international – invasion russe de l’Ukraine, possible désengagement européen des Etats-Unis avec la nouvelle administration Trump, montée en puissance de la Chine.
Une ouverture a d’ailleurs été amorcée par Emmanuel Macron. Comme ses prédécesseurs depuis Jacques Chirac, le président a souligné à plusieurs reprises qu’il y avait une “dimension européenne” dans les intérêts vitaux de la France, défendus par sa dissuasion et qu’il y avait matière à discussion avec ses alliés. “Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible, a-t-il encore proposé dans un entretien au groupe de presse régional Ebra, en avril. La France gardera sa spécificité mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen.”
Analyste en systèmes stratégiques, pédagogue du nucléaire militaire sur les réseaux sociaux, Etienne Marcuz propose ainsi la création d’une “Initiative européenne de dissuasion intégrée”. Elle regrouperait des pays du continent qui s’appuieraient notamment sur les armes nucléaires de la France et du Royaume-Uni, les deux seules puissances dotées en Europe. (…)
Pour Etienne Marcuz, la dissuasion française actuelle ne permet pas de jouer d’un signalement nucléaire fin et modéré, à une échelle européenne, auprès d’un adversaire comme Vladimir Poutine. C’est également ce que pense Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux et officier de réserve. Dans un article publié par la revue Le Grand Continent, il défend l’idée que la meilleure manière “d’européaniser” la dissuasion française serait, à terme, une force mobile de missiles balistiques sol-sol capables de frapper dans la profondeur avec de l’armement conventionnel, et d’accueillir des têtes nucléaires sous le contrôle de la France. Des “Hadès”, ces missiles démantelés par Jacques Chirac, mais à plus longue portée.
“Cette composante pourrait être fondée dans les pays volontaires européens, sur la base d’accords bilatéraux, propose-t-il. (…)
Ces deux idées étaient déjà mentionnées, très succinctement, dans un article publié cet été par la revue de défense Le Rubicon, intitulé “Européaniser la bombe”, où il est évoqué, comme options, “le déploiement de Rafale dotés de capacités nucléaires sur le territoire de partenaires européens, et éventuellement la réintroduction de têtes nucléaires similaires au système Hadès dans les pays du flanc Est de l’Europe.” (…)
Héloïse Fayet, de l’Institut français de relations internationales (…) défend également une augmentation de l’arsenal conventionnel à l’est de l’Europe, à commencer par les systèmes de frappes en profondeur. “Cela permettrait d’augmenter le coût d’une attaque pour un adversaire, en complément de la dissuasion nucléaire”, explique-t-elle. Elle estime qu’un parapluie nucléaire assuré par Paris sur le continent, à la manière des Américains, n’est pas réaliste.
Elle donne cependant deux propositions concrètes pour renforcer la crédibilité, auprès de ses alliés, de la dissuasion assurée par Paris. D’abord, même si l’idée n’a pas le vent en poupe chez les militaires, la France pourrait rejoindre le Groupe de planification nucléaire de l’Otan, dont elle n’a jamais fait partie. Elle pourrait aussi ouvrir un escadron des Forces aériennes stratégiques à des pilotes européens à former sur Rafale, comme elle l’a écrit dans Le Rubicon. “Le plus important pour la France, insiste-t-elle, c’est qu’elle fasse preuve d’une humilité dont elle n’a pas coutume, en intensifiant une conversation de fond sur le sujet avec ses partenaires européens et en se tenant à leur écoute.” Un échange qui pourrait s’accélérer, si Donald Trump décide qu’il est temps pour les Etats-Unis de tourner le dos aux Européens.
New York Times, Guest Essay, 9 décembre, article payant
She Won Over Italy. Now She’s Bringing Trumpism to Europe.
Mattia Ferraresi is a staff writer for the Italian newspaper Domani.

Extraits:
Unless Donald Trump decides to communicate with European allies solely in the acerbic language of tariffs, he will have to address the famous question usually attributed to Henry Kissinger: Who do I call when I want to talk to Europe?
For Mr. Trump, an America First president-elect whose affection for Europe seems to extend only to its golf courses, it’s not easy to answer. There’s Prime Minister Viktor Orban of Hungary, the most Trumpian character on the continent. Yet the autocratic Mr. Orban is a political pariah, constantly clashing with European Union institutions, and he leads a small country whose economic output is comparable with that of Kansas. (…)
For that role, Mr. Trump should look elsewhere: to Giorgia Meloni, Italy’s post-fascist prime minister. According to people close to her, she is already positioning herself to act as a bridge between the incoming Trump administration and Europe’s leaders. After successfully cementing her rule in Italy, where she has balanced her authoritarian instincts with pragmatism, Ms. Meloni is clearly ready for her next task: bringing Trumpism into the heart of Europe.
The stars seem to be aligning in her favor. Ms. Meloni has been running the third-largest economy in the Eurozone for over two years, a remarkably long time by Italy’s standards, and remains reasonably popular. The continent, meanwhile, has been moving swiftly to the right. Far-right parties like the one Ms. Meloni leads are now involved in governments in seven E.U. countries and are on the rise almost everywhere, including in France and Germany.
At the international level, Ms. Meloni has proved herself to be a canny operator. To the surprise of critics, she has forged warm relationships with President Biden and the president of the E.U. Commission, Ursula von der Leyen. She’s at the helm of the European Conservatives and Reformists group — a relatively moderate force in the European Parliament, compared with the populist hard-liners, that includes the U.S. Republican Party in its global network — and has a reputation for skilled diplomacy. (…)
Ms. Meloni is rising as Europe’s major leaders appear to be falling. President Emmanuel Macron of France was already weakened by summer elections; the collapse last week of a minority government he put together has dealt another major blow to his authority. Things for Chancellor Olaf Scholz of Germany are, if anything, worse: He is wildly unpopular and, after the fall of his government last month, facing elections his party is almost certain to lose. (…)
Ms. Meloni is well placed to profit from their weakness. Her advantages are many: She leads a founding E.U. member and a key NATO partner, with military bases facing the Middle East; she has built a strategically ambiguous profile and can play hardball nationalism or wrap herself in a European flag, as the circumstances require; and she’s a team player adept at navigating the shoals of Brussels. Taken together, she is set to become central to the bloc’s leadership.
It helps that she has an in with Elon Musk. (…)
What does that look like in practice? First and foremost, it involves pushing a hard line on immigration. (…)
Lastly, there’s the war in Ukraine. This is the trickiest topic for Ms. Meloni, who has from the beginning of the conflict been an unwavering supporter of Ukraine and a staunch Atlanticist, often clashing with her coalition partners such as the openly pro-Russia League party. Recently, though, she has been softening this stance. She’s spoken about “Ukraine fatigue” and refused to allow Italian weapons to be used in Russian territory. Combined with her commitment to military spending, this could be a prelude to her supporting in Ukraine that most Trumpian of things: a deal. (…)
Mr. Trump’s disdain for Europe is legendary. He reportedly vowed not to defend the continent if it’s attacked and recently referred to it as a “mini China” — about as far from a compliment from him it’s possible to get. Punishing tariffs and belligerent demands to spend more on security could soon make that antipathy manifest. But Europe is not what it was during Mr. Trump’s first term. Ms. Von der Leyen now leads the most right-wing European Commission in history and the bloc is shifting more and more toward conservative positions.
With Ms. Meloni leading the way, Mr. Trump might find there’s something he likes in Europe other than golf.
https://www.nytimes.com/2024/12/09/opinion/meloni-trump-europe.html
The Economist, 6 décembre, article payant
Will Giorgia Meloni turn out to be Europe’s Trump card?
The Italian leader is among those angling to be the linchpin of the transatlantic relationship

Extraits:
Generations of Italians have flocked to America in search of opportunity and enchantment. One recent arrival to New York, albeit only for a short trip in September, looked like she had hit upon both. Giorgia Meloni, the Italian prime minister, found herself feted in unique style at a glitzy ceremony on the sidelines of the annual United Nations confab in Manhattan. Bestowing an award upon her was none other than Elon Musk, a peddler of electric cars, rockets and political influence. The world’s richest man declared Ms Meloni “someone who is even more beautiful on the inside than she is on the outside”, among other compliments. Reciprocal flattery ensued: Mr Musk is a “precious genius”, apparently. Pictures of the two staring deep into each other’s eyes soon had tongues wagging. It fell to the entrepreneur’s mother to pour cold water on the rumours: Musk mère had been accompanying her son and could attest he had returned to his hotel alone that night.
Ms Meloni is back in Europe now, while Mr Musk can at times be found at Mar-a-Lago, the Floridian lair from which Donald Trump is preparing his return to the White House. His second term is the cause of much anxiety in Europe, a place that depends on America for its defence (through NATO, but also by ensuring the flow of weapons to Ukraine) and flogs it lots of cars, handbags and other European trinkets. Awkwardly for Europe, Mr Trump says he wants to end the war in Ukraine “within one day” (pesky details to be confirmed), thinks of NATO as a ploy to bilk America and loudly promises to throttle imports by means of tariffs. Desperate for a “Trump-whisperer” to soften the blow, Europeans are scouring their ranks for someone to rein in the mercurial president, should such a thing even be possible. Ms Meloni has perhaps the most credible claim. But getting closer to America could jeopardise more important relationships with her EU peers.
Two groups of Europeans are jostling for Mr Trump’s affections. The first is the continent’s old guard—the leaders of France, Germany and Poland, as well as grandees of the European Union and NATO—who have traditionally handled the European end of the transatlantic relationship. Though they may privately loathe Mr Trump, all think they have an “in” with him. (…)
The second group of Trump hopefuls are his ideological chums. Viktor Orban, the Hungarian prime minister, has cultivated ties with the MAGA movement (he promises to Make Europe Great Again, details also to be confirmed) and publicly backed the once-and-future president’s candidacy. Alongside others who share his autocratic bent, such as Robert Fico of Slovakia, he has swept aside checks and balances in ways Mr Trump can only aspire to. But for that very reason Mr Orban would make for a wobbly liaison between the EU and America: influential as he might be in Trumpian circles, he is not trusted by anyone in Europe. If he is a bridge from the MAGA right, it is a bridge to nowhere.
Ms Meloni in contrast finds herself with a foot in both camps. She hails from the hard right, and can bash migrants and “woke” types with as much aplomb as anyone at a Trump or Orban rally. Beyond her ties to Mr Musk, for years she was cosy with Steve Bannon, a MAGA ideologue (though he has since denounced her as a turncoat pro-globalist, and his allies now dub her “phoney Meloni”). In power since 2022 and not facing elections for another three years, Ms Meloni has adroitly managed to stay in the EU mainstream. (…)
Mr Trump is likely to have his share of gripes with Italy, which does two things he considers reprehensible. The first is to ship too many posh loafers (among other things) America’s way; Italy is the EU’s second-biggest goods exporter to America after Germany, and buys comparatively little from there. The second is to scrimp on defence. Italy spends a mere 1.5% of GDP on its armed forces, well short of the 2% target agreed a decade ago by NATO allies.
Ms Meloni faces a balancing act: how to benefit from her proximity to Mr Trump without alienating existing EU allies. (…)
Ms Meloni’s Italy could end up as a sort of swing vote, a large EU country with the ability to sway the bloc in line with Mr Trump’s world-view. But only up to a point. “Giorgia Meloni has a lot to lose picking fights with Brussels,” notes Riccardo Alcaro of the Institute for International Affairs, a think-tank in Rome. Italy has high debts and tepid economic prospects, and it benefits from EU funds as well as implicit guarantees on its borrowings. Ms Meloni may have a new friend in Washington, but she will need to stay on good terms with her old ones closer to home. ■
https://www.economist.com/europe/2024/12/05/will-giorgia-meloni-turn-out-to-be-europes-trump-card
Le Point, 6 décembre, article payant
François, le pape qui déteste la France et la liberté
L’ÉDITO DE NICOLAS BAVEREZ. L’absence du souverain pontife lors de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris en dit long sur sa vision du monde.

Extraits:
(…) La décision du pape François de ne pas venir à Paris pour un événement qui n’a pas été pensé et organisé par l’Église pour célébrer Notre-Dame mais par l’Élysée pour raviver le culte qu’Emmanuel Macron voue à sa propre personne est parfaitement légitime. Et ce alors que l’incendie de la cathédrale est imputable à l’État – qui a pillé les recettes des visites des tours pour financer ses autres monuments en laissant un système de sécurité obsolète et défaillant –, que les travaux de restauration ont été financés par les seuls dons du secteur privé à hauteur de 850 millions d’euros et que la mission magnifiquement remplie par le général Jean-Louis Georgelin consista avant tout à remédier à l’inefficacité chronique, aux dysfonctionnements et aux guerres intestines des administrations.
Le choix de visiter la Corse est tout aussi cohérent avec les lignes directrices qu’a fixées le pape François pour son pontificat. Dès son élection, le 13 mars 2013, Jorge Mario Bergoglio entendit marquer une triple rupture, justifiée par la profonde crise de l’Église qui avait contraint Benoît XVI à la démission. Il s’engagea en faveur d’« une Église pauvre pour les pauvres » – avec pour symbole le nom de François, en hommage à saint François d’Assise.
Il entendit libérer l’Église des abus du cléricalisme, mis en lumière par la multiplication des scandales financiers et sexuels. Il se donna pour objectif de construire une Église réellement universelle en tirant les conséquences de la fin du monopole de l’Occident sur l’Histoire et en privilégiant le Sud, jugeant que l’avenir de l’Église se jouait en Asie, en Afrique et en Amérique latine, et non dans une Europe qui se sécularise ni une Amérique qui se radicalise.
La Corse s’inscrit parfaitement dans ces priorités. Elle tranche avec la France déchristianisée puisque 90 % des Corses se déclarent catholiques. La foi est profondément enracinée dans la culture et l’identité corses comme dans le patrimoine architectural, pictural et musical de l’île. (…)
Pourquoi le pape François n’aime pas la France
L’animosité de François pour notre pays, dont il s’est expliqué à plusieurs reprises, tient à trois raisons : son aversion pour les Lumières et pour une raison qu’il juge stérile ; sa critique de la laïcité, qu’il estime trop rigide et qui ferait de la religion une sous-culture repoussée aux marges de la société ; son adhésion à la pensée décoloniale, qui voit dans la France l’un des acteurs majeurs et des pires symboles de l’impérialisme.
Le pape François est assurément dans son rôle en s’engageant aux côtés des plus vulnérables plutôt que des puissants, en s’intéressant aux régions périphériques plutôt qu’aux métropoles, en renforçant la place du Sud au sein de l’Église. Mais son exécration de la France, pour son passé colonial, de l’Europe, dont il dénonça en 2014, devant le Parlement européen, « la fatigue et le vieillissement d’une grand-mère qui n’est plus ni féconde ni vivante », et de l’Occident, au nom du ressentiment du Sud, masque une hostilité inquiétante envers la démocratie et la liberté qui contraste avec son indulgence pour les empires autoritaires et l’islamisme.
François a ainsi non seulement poursuivi le dialogue avec le patriarche Kirill, inféodé à Vladimir Poutine, mais a aligné le Vatican sur le narratif russe. (…)
De même, voulant à tout prix établir le dialogue avec la Chine de Xi Jinping, le pape François a signé en 2018 puis reconduit un accord avec Pékin qui légitime l’Église officielle, au prix de la validation implicite de l’annexion de Hongkong et de l’acceptation d’une répression féroce de l’Église clandestine. (…)
Tout à son tropisme en faveur du Sud, le pape François est aussi resté très discret sur l’élimination des chrétiens du Moyen-Orient, leur exclusion du Maghreb, leur extermination par les islamistes dans la majeure partie de l’Afrique, leur éradication par les géants émergents, de l’Inde au Nigeria. Le pape des migrants témoigne ainsi d’une étonnante indifférence pour les 365 millions de catholiques qui sont persécutés dans 78 pays et qui sont les premières victimes du fanatisme religieux. (…)
Jean-Paul II reste le pape de la liberté, qui joua un rôle décisif dans la chute de l’Union soviétique et le dénouement pacifique de la guerre froide. Benoît XVI fut le pape de la réconciliation de la foi et de la raison qu’il tenta d’ériger en digue contre le retour du fanatisme religieux. François est le pape d’un ressentiment contre l’Europe et l’Occident qui ne peut que se retourner contre l’Église. Car le monde post-occidental voulu par les empires autoritaires et les puissances du Sud est certes un monde post-démocratique mais c’est aussi un monde post-catholique. (…)
Le pape François est fidèle à sa mission quand il rappelle l’exigence de la charité vis-à-vis des plus faibles. Il pèche contre l’esprit quand il oublie que l’Église a été façonnée par la civilisation et la culture de l’Europe et de ses nations, quand il refuse de considérer que les Lumières furent enfantées par le catholicisme. Il est aussi faux et dangereux de nier les racines chrétiennes de l’Europe que de nier les racines européennes de la chrétienté.
Articles du 6 décembre au 14 juin 2024