La crise économique française


Le Figaro, 15 janvier, article payant

Bertille Bayart: «Le monde de 2025 n’est pas fait pour la France (à moins que ce ne soit l’inverse)»

CHRONIQUE – La hausse des taux longs, l’appréciation du dollar et la guerre commerciale vont faire souffrir la France surendettée, importatrice et dépendante.

Extraits :

Il faudrait ne jamais partir. Car, quand on revient, comme cet industriel tout juste rentré du salon de la tech à Las Vegas, le choc est trop violent. Vertige devant un fossé qui est devenu un gouffre. « Le décalage est immense », dit-il, entre les enjeux mondiaux du moment et les sujets du débat public en France, entre le déluge d’investissements notamment consacrés à l’intelligence artificielle là-bas et nos calculs d’épiciers ici.

Pendant que nous ergotons sur les mérites comparés d’une « suspension » ou d’une « remise en chantier » de la réforme des retraites, aveugles au fait que nous serions le seul pays développé à engager une contre-réforme dans ce domaine, le monde autour de nous change, vite. Dans plusieurs domaines, il bascule, même. Et ce monde de 2025 n’est pas fait pour la France.

C’est un monde qui n’est plus du tout fait pour un pays surendetté. Déjà, la France a « monumentalement changé de catégorie » en tant qu’emprunteur, selon l’expression d’un ponte des questions monétaires. Cela se traduit par un écart de taux avec l’Allemagne, installé entre 80 et 90 points de base. En 2025, il y a pire. Deux phénomènes concomitants sont à l’œuvre. D’une part, 2025 marque la fin officielle d’une décennie d’argent magique. Depuis la fin de l’année dernière, la Banque centrale européenne n’achète plus de titres de dette souveraine. Son bilan va désormais se contracter sur un rythme de croisière de 40 milliards d’euros par mois. Un acheteur majeur et fidèle quitte ainsi la table du marché obligataire au moment même où la France devient, devant l’Italie, le premier émetteur de dette souveraine en zone euro (plus de 300 milliards d’euros). D’autre part, l’installation de Donald Trump augure d’une politique économique agressive, potentiellement inflationniste.

Cette conjonction se traduit par une réappréciation brutale et générale des taux d’intérêt à long terme, calquée sur le mouvement du marché américain. C’est à la fois sain – le temps et le risque ont de nouveau un prix – et dangereux. Ça l’est en tout cas pour la France. Le taux d’emprunt à dix ans approche les 3,5 % contre moins de 2,9 % en décembre. Or l’inflation est retombée – la prévision est à 1,6 % pour 2025 – et la croissance sera, probablement au mieux du fait de la crise politique, de 0,9 % (dernier chiffre de la Banque de France). Cela signifie que nous sommes passés en ce début d’année de l’autre côté du miroir, là où « r » est supérieur à « g » : les taux d’intérêt réels (« r » pour « rates ») sont désormais supérieurs à la croissance (« g » pour « growth »). Dans cette zone-là, les taux sont prédateurs. Nous sommes mécaniquement condamnés à voir la dette gonfler, encore et encore.

Le monde de 2025, c’est aussi un monde où il ne faut pas être importateur et dépendant. La France l’est, massivement, comme l’illustre le niveau du déficit commercial (84 milliards d’euros sur douze mois à fin novembre). Or, la facture va s’alourdir sous l’effet d’appréciation forte du dollar face à l’euro (de 1,12 dollar pour 1 euro cet été à 1,02 aujourd’hui), et probablement aussi du fait de la hausse des cours du pétrole et du gaz. Les efforts pour desserrer cet étau, par la réindustrialisation, vont être sapés par une double pression. Celle de la guerre commerciale qu’entend lancer à une échelle inédite Donald Trump dès la semaine prochaine. Et celle des surcapacités de production chinoises, qui chercheront cette année les débouchés en Europe qu’ils ne trouveront plus ni aux États-Unis ni sur leur marché domestique du fait du ralentissement de la croissance.

Le monde de 2025, c’est celui d’une compétition économique exacerbée. Il n’est pas fait pour les percepteurs. Les États-Unis s’apprêtent à engager une nouvelle étape de baisse des impôts, avec un président républicain qui entend ramener à 15 % l’impôt sur les sociétés. En Allemagne, la CDU de Friedrich Merz, favorite pour mener la coalition qui sortira des élections le mois prochain, vise un taux de 10 %. La France, contrainte à surtaxer les bénéfices de ses grandes entreprises pour cause de marasme budgétaire, va nager à contre-courant.

Le monde de 2025 sera encore plus rude que celui de 2024. Il n’est pas fait pour les fragiles. Avec Donald Trump à la Maison-Blanche, l’époque est aux hommes puissants et aux rapports de force. Or, le pouvoir en France est plus faible que jamais, dans le pays, au sein de l’Union européenne et sur la scène internationale.

Peut-être est-ce parce que ce monde de 2025 est si hostile que la France se met en marge. On rouvre, encore et encore mais sans imagination, les mêmes vieux débats sans lesquels il semble qu’il ne saurait y avoir de vie politique digne de ce nom dans notre pays : taxation des riches et des entreprises, et système de retraite. Arguments rebattus, conversation étriquée, impasse assurée puisque les lois de la gravité financière et de la réalité démographique sont pareillement ignorées. Le monde, en 2025, avance. Nous, on s’occupe. C’est une autre façon de faire l’autruche.

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/bertille-bayart-le-monde-de-2025-n-est-pas-fait-pour-la-france-a-moins-que-ce-ne-soit-l-inverse-20250115


Le Figaro, 13 janvier, article payant

Jean-Pierre Robin: «Rigueur oblige, l’État n’est plus en mesure de protéger les Français des multiples crises»

CHRONIQUE – La France a l’un des taux de croissance les plus faibles en Europe depuis la création de l’euro en 1999 et la plus forte augmentation de sa dette publique.

Extraits :

(…) Ainsi l’objectif de déficit des finances publiques, qui aura atteint 6,1% du PIB l’an dernier, sera « moins de 5,5% et plus de 5% (du PIB) », [indique Éric Lombard, le ministre de l’Économie et des Finances]. « Afin de préserver la croissance (économique) », a précisé notre grand argentier, au nom prédestiné, pour justifier ce relâchement par rapport au gouvernement Barnier, dont l’ambition était de ramener le déficit à 5 % du PIB. Le chiffre retenu par Bercy devrait finalement être de 5,4%, une différence de 12 milliards d’euros par rapport au scénario Barnier, ce qui n’est pas rien.

Ainsi l’objectif de déficit des finances publiques, qui aura atteint 6,1% du PIB l’an dernier, sera « moins de 5,5% et plus de 5% (du PIB) », a-t-il indiqué. « Afin de préserver la croissance (économique) », a précisé notre grand argentier, au nom prédestiné, pour justifier ce relâchement par rapport au gouvernement Barnier, dont l’ambition était de ramener le déficit à 5 % du PIB. Le chiffre retenu par Bercy devrait finalement être de 5,4%, une différence de 12 milliards d’euros par rapport au scénario Barnier, ce qui n’est pas rien.

Ces comptes d’apothicaire paraîtront d’autant plus dérisoires qu’ils sont entachés d’énormes incertitudes. Ils résultent en outre d’arbitrages peu glorieux visant à obtenir un minimum de stabilité politique, fût-ce au détriment de l’assainissement des comptes. (…)

Perclus de dettes et astreint à la rigueur que lui demandent ses créanciers ainsi que les règles de copropriété de la zone euro, l’État n’est plus en mesure d’assumer son rôle de régulateur de la conjoncture qu’il conviendrait de conforter en temps de vaches maigres. C’est là, faut-il le rappeler, l’une des trois fonctions des politiques publiques assignées par l’économiste américain Richard Musgrave, le premier à les avoir théorisées au début des années 1960. Les deux autres fonctions consistent en la fourniture de services publics et la lutte contre les inégalités par la fiscalité. (…)

Nous vivons une rupture historique. Traditionnellement, les gouvernements laissaient dériver les dépenses publiques en période de ralentissement économique et ils acceptaient le reflux inhérent des recettes fiscales, au prix d’une envolée des déficits. Ce jeu des « stabilisateurs automatiques », selon le terme technique, a toujours été plus marqué en France qu’ailleurs du fait même de dépenses publiques records dépassant 55% du PIB. « Ce qui explique pourquoi les récessions sont moins prononcées que dans le reste de l’Europe et pourquoi les reprises y sont plus lentes », note François Ecalle sur son site Fipeco. Avec pour conséquence aussi que depuis la création de l’euro, en 1999, la France a l’un des taux de croissance les plus faibles en Europe et la plus forte augmentation de sa dette publique. Et c’est devenu intenable.

Les Français découvrent avec effroi que la puissance publique est incapable de les protéger des crises. Loin d’être « un réducteur d’incertitudes », selon la définition du philosophe anglais Thomas Hobbes, l’État les aggrave.

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/jean-pierre-robin-rigueur-oblige-l-etat-n-est-plus-en-mesure-de-proteger-les-francais-des-multiples-crises-20250112


Le Point, 9 janvier, libre accès

Taux d’emploi : la France reste à la traîne

LE CHIFFRE DE LA SEMAINE. Le taux d’emploi des séniors, âgés de 55 à 64 ans, atteint 78 % en Suède, contre seulement 58,4 % dans l’Hexagone.

Extraits:

Selon l’Insee, le taux d’emploi, qui mesure le rapport entre le nombre d’individus ayant un emploi et le nombre total d’individus, s’est élevé en France à 68,4 % chez les 15-64 ans en 2023, en progression de 0,2 point par rapport à 2022 et à son plus haut niveau depuis 1975. Malgré cette hausse, le taux d’emploi reste en France inférieur à la moyenne de 70,4 % observée dans l’Union européenne (UE), où il varie de 61,5 % en Italie à 82,4 % aux Pays-Bas.

Dans l’ensemble de l’UE, le taux d’emploi des hommes (75,1 %) était en 2023 supérieur de 9,4 points à celui des femmes (65,7 %), soit un écart supérieur à celui de 5 points constaté en France (66 % pour les femmes, 71 % pour les hommes). De son côté, le taux d’emploi des jeunes âgés de 15 à 24 ans a progressé de 0,4 point dans l’UE en 2023 pour s’établir en moyenne à 35,2 %, avec de fortes disparités entre les pays.

Le taux d’emploi des jeunes est inférieur à 20 % en Grèce, en Roumanie et en Bulgarie, alors qu’il dépasse 50 % en Allemagne, en Autriche, au Danemark et même 75 % aux Pays-Bas. « Les écarts entre pays reflètent des différences de durée de scolarité, de cumul emploi-études (dont l’apprentissage), mais aussi des difficultés d’insertion des jeunes plus ou moins marquées sur le marché du travail », commente l’Insee. En France, le taux d’emploi des jeunes (35,2 %) a sensiblement augmenté ces dernières années et se situe désormais au même niveau que la moyenne européenne.

Enfin, le taux d’emploi des séniors âgés de 55 à 64 ans s’est établi en moyenne à 63,9 % dans l’Union européenne en 2023, en hausse de 20,7 points depuis 2009 (de 18,2 points en France). Les niveaux les plus élevés sont observés en Suède (78 %), aux Pays-Bas (75 %), en Allemagne (74,6 %) et au Danemark (74,2 %) et les plus faibles, en Roumanie (51 %) et en Grèce (54,1 %). La France se situe en dessous de la moyenne européenne, avec un taux d’emploi des séniors de 58,4 % en 2023.

https://www.lepoint.fr/economie/taux-d-emploi-la-france-reste-a-la-traine-08-01-2025-2579509_28.php


Le Monde, 24 décembre, article payant

Eric Lombard, un banquier « de gauche » à l’économie

Nommé à Bercy, l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations croit dans son profil et sa méthode pour faire adopter un budget 2025 combinant baisse du déficit et soutien à la croissance.

Extraits:

(…) Le visage de cet homme discret de 66 ans, diplômé d’HEC, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans la finance, va pourtant rapidement s’imposer aux Français. Numéro six dans l’ordre hiérarchique du gouvernement, M. Lombard hérite du dossier le plus explosif : le budget. Celui qui a fait tomber l’ancien premier ministre Michel Barnier, le 4 décembre, après le vote d’une motion de censure et qui déterminera la durée de vie du gouvernement Bayrou.

Si son seul mandat électoral se résume à un siège de conseiller municipal à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), entre 1995 et 2001, M. Lombard est un fin connaisseur des circuits ministériels et l’ancien banquier cachait de moins en moins son envie de s’engager. (…)

Son parcours atypique, Eric Lombard l’a raconté dans un livre, Au cœur de la finance utile, à quoi sert votre épargne, paru en février 2022 (L’Observatoire), une profession de foi visant, aux yeux des observateurs, à préparer une future ascension ministérielle. (…)

Même s’il est l’héritier d’une famille de riches industriels, M. Lombard ne se définit pas comme « libéral »Il a bien fait l’essentiel de sa carrière dans le saint des saints du capitalisme, la finance – banquier d’affaires chez Paribas à sa sortie de Bercy, puis patron de BNP Paribas Assurances, avant de partir, en 2013, pour diriger Generali France – mais il dit prôner un « capitalisme plus responsable ». « J’ai aujourd’hui la conviction que le capitalisme est déréglé, parce que le taux de rendement demandé par les actionnaires est trop élevé »disait-il au Monde, en février 2022. (…)

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/24/eric-lombard-un-banquier-de-gauche-a-l-economie_6464803_3234.html


Le Figaro, 24 décembre, article payant   

Gouvernement Bayrou : Éric Lombard, un financier de la gauche réformiste à Bercy

PORTRAIT – Le directeur général de la Caisse des dépôts devient le ministre de l’Économie et des Finances.

Extraits:

Il passe d’une institution publique réputée riche à la gestion des finances d’un État impécunieux. Son nom est peu connu du grand public, et pourtant, cela fait sept ans qu’Éric Lombard occupe l’un des postes les plus importants de la République : celui de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), que l’on qualifie souvent de bras armé financier de l’État. L’été dernier, déjà, son profil en avait fait l’un des premiers ministrables souvent cités dans la catégorie « technos », avant qu’Emmanuel Macron ne choisisse Michel Barnier

Éric Lombard, 66 ans, est un animal hybride. Un HEC qui a obtenu un poste, à la Caisse des dépôts, traditionnellement dévolu aux inspecteurs des finances. Pour le décrocher, il avait écrit une longue lettre manuscrite de candidature au président de la République. Il est aussi un héritier d’une histoire entrepreneuriale, celle des Devanlay (Lacoste), dont le cœur a toujours battu à gauche. Le nouveau locataire de Bercy est de la famille des rocardiens.

Il a fréquenté les think-tanks de cette deuxième gauche sociale-démocrate, d’abord En Temps Réel, où il a rencontré Emmanuel Macron, puis les Gracques. Éric Lombard a beaucoup travaillé dans le privé, dans le secteur de la banque et de l’assurance, chez BNP Paribas Cardif France, puis chez Generali. (…)

La direction de la Caisse des dépôts prépare sans aucun doute à entrer au gouvernement. (…)

Ami de François Baroin, Éric Lombard défend une vision sociale-démocrate de l’économie, appelant à la tempérance du capitalisme et à une « finance utile », selon le titre d’un livre publié en 2022. « L’économie mixte est loin d’être un concept dépassé », déclarait-il dans Le Figaro en juillet 2021. (…)

https://www.lefigaro.fr/politique/gouvernement-bayrou-eric-lombard-un-financier-de-la-gauche-reformiste-a-bercy-20241223


Le Figaro, 23 décembre, article payant   

Les Français ne travaillent pas assez pour financer leur modèle social

Retraite, maladie… le système de protection dont bénéfice le pays est plébiscité mais largement déficitaire. S’ils veulent le préserver, les Français vont être contraints de travailler davantage.

Extraits:

Les Français travaillent-ils assez ? Le débat anime depuis toujours les discussions entre gauche et droite, entre représentants des salariés et des chefs d’entreprise et entre les Français eux-mêmes. Ce jeudi 19 décembre, une nouvelle étude de l’institut Rexecode vient mettre de l’eau au moulin des partisans d’un allongement du temps de labeur. Le constat est sans appel : Paris reste sous la moyenne européenne en la matière. La situation est particulièrement criante pour les salariés français à temps complet. 

Ces derniers ont passé en moyenne 1673 heures en poste en 2023. Soit 120 heures de moins que leurs voisins européens. Si l’écart a tendance à se résorber, il reste aujourd’hui d’environ trois semaines de travail avec l’Allemagne (1 790 heures), qui est à la moyenne européenne. Seules la Suède et la Finlande affichent des chiffres plus bas. Sauf qu’à la différence de l’Hexagone, ces pays profitent d’un taux d’emploi particulièrement élevé – 74 % en Finlande et 77,5 % en Suède, contre 68,4 % en France.

De la à en déduire que les Français ne travaillent pas assez… Mais les choses sont évidemment plus complexes. « La question du temps de travail est en réalité celle de la création de richesse dans le pays », éclaire Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode. C’est elle qui se traduit en pouvoir d’achat pour les actifs et les entreprises, mais également en recettes fiscales et sociales pour financer le train de vie de l’État et le généreux modèle social dont bénéfice le pays.

Or, celui-ci craque de toutes parts. Malgré la réforme des retraites, le régime est annoncé dans le rouge de 5,8 milliards d’euros cette année, selon les dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR). Sauf nouveau tour de vis, la situation ne peut que s’aggraver dans le futur. La Sécurité sociale ne va pas mieux. Le déficit prévu en 2024 s’élève à 18 milliards d’euros. Et là non plus, les prévisions ne vont pas vers un équilibre du régime.

Face à l’urgence, certains politiques se sont finalement emparés du sujet. « La quantité d’heures travaillées dans le pays ne suffit plus aujourd’hui à financer notre modèle social, a déclaré le ministre démissionnaire de l’Économie, Antoine Armand, le mois dernier. Si on veut le conserver, il faudra travailler davantage. » (…)

 La France peut espérer davantage de gains en augmentant le nombre de personne entre 15 et 64 ans en emploi. Pour les plus jeunes, une partie du chemin a été réalisée avec le développement de l’apprentissage. Mais pour égaler les meilleurs élèves de l’UE, il faut dorénavant résorber le nombre ceux qui ne sont ni en emploi ni en formation (les Neets). « La France en compte environ 250.000 de plus qu’un pays comme l’Allemagne, pointe le directeur des études de Rexecode, et si nous ne les intégrons pas aujourd’hui, nous laissons s’installer toute une carrière de précarité. » 

De l’autre côté du spectre, la réforme des retraites doit permettre de combler une large partie du retard en matière d’emploi des seniors. La part des 60-64 ans en poste a ainsi grimpé de près de 8 points entre 2017 et 2023 – de 31,1 % à 38,9 %. Avec le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, l’exécutif espère arriver à 60 % dès 2030. (…)

Pour espérer continuer dans cette voie, le dernier levier à actionner est celui du temps partiel choisi. Celui-ci est largement sous-développé en France : « Il représente 8 % de la population en âge de travailler (…) contre 21 % en Allemagne et 31 % aux Pays-Bas », illustre l’étude. Or de nombreux actifs ne peuvent exercer une activité à temps plein (usure physique, proche aidant, enfants à charge…). Sans alternative, ils sont aujourd’hui contraints d’arrêter totalement leur activité plutôt que d’alléger la charge de travail. 

Tous ces leviers montrent le chemin que Paris doit encore parcourir pour égaler la quantité de travail de ses voisins. Une chance, selon Olivier Redoulès, « cela montre qu’il y a encore de l’argent à dégager pour financer notre modèle social. Sans cela, il faudrait faire une croix dessus. »

https://www.lefigaro.fr/social/les-francais-ne-travaillent-pas-assez-pour-financer-leur-modele-social-20241219


Le Figaro, 22 décembre, article payant

L’éditorial de Gaëtan de Capèle: «Explosion de la dette française, une faute morale»

Face à 80% de députés enclins à dépenser plus, on voit mal comment François Bayrou va s’y prendre pour élaborer un budget crédible.

Extraits:

L’idée que, par irresponsabilité, par couardise, par égoïsme, nous soyons en train de fabriquer une bombe financière à retardement ferait-elle enfin son chemin ? À en croire les récents sondages, l’explosion de la dette entre désormais dans les préoccupations premières des Français. Cet accès de lucidité n’a, hélas, pas encore atteint l’Assemblée, où l’on trace des « lignes rouges » absurdes en se moquant comme d’une guigne de la marée qui menace de tout engloutir. 

Cette désinvolture ne laisse pas d’étonner, tant les chiffres donnent le vertige : l’an prochain, la France, déjà endettée jusqu’au cou (3300 milliards au dernier pointage !), empruntera encore 300 milliards sur les marchés. Non pour préparer l’avenir en investissant, mais pour boucler ses fins de mois, payer des pensions… et rembourser ses dettes. Pendant que dans les hautes sphères on regarde ailleurs, les signaux d’alarme se multiplient. Les agences de notation s’inquiètent de la chienlit qui paralyse le pays, privé de gouvernement et de budget. Les grands créanciers internationaux, guère plus rassurés, nous font payer plus cher nos emprunts.

On ne peut soupçonner François Bayrou d’ignorer la gravité de la situation. Il fait partie des quelques rares responsables politiques à sonner régulièrement l’alerte sur la montagne de dette accumulée, une « faute morale » à l’égard des futures générations. Mais, face à 80 % de députés enclins à dépenser plus, qui ont déjà œuvré pour détricoter les quelques mesures d’économies annoncées par son prédécesseur, on voit mal comment il va s’y prendre pour élaborer un budget crédible. Surtout en entamant les discussions par une faute inexcusable : la remise en question de la réforme des retraites. Quoi qu’en pensent ses détracteurs, la loi de 2023, portant l’âge de départ à 64 ans, est déjà dépassée. Le système, qui coûte chaque année plus de 30 milliards d’euros à l’État pour combler le déficit de la fonction publique, va replonger dans le rouge dès l’an prochain. Faire marche arrière sur la seule réforme des dernières années produisant des économies ruinerait définitivement le crédit de la France.

https://www.lefigaro.fr/vox/economie/l-editorial-de-gaetan-de-capele-explosion-de-la-dette-francaise-une-faute-morale-20241220


Le Point, 22 décembre, article payant    

Pourquoi il faut résister à la tentation de taxer les plus aisés ou les retraités

LA CHRONIQUE DE PATRICK ARTUS. Les Français ciblés puiseront dans leur épargne, qui manquera à moyen terme à l’investissement, donc à la croissance.

Extraits:

 (…) La tentation est grande alors de concentrer les hausses d’impôts sur les personnes à revenu élevé et sur les retraités, de manière à éviter un recul trop important de la consommation. Mais ce raisonnement suppose que l’épargne n’a pas d’utilité. Si les hausses d’impôts affectent surtout l’épargne et peu la consommation, il y aura moins d’épargne disponible. Le financement du déficit public restera évidemment assuré.

La réduction de l’épargne disponible peut alors avoir deux conséquences. Soit une réduction de l’investissement, et plutôt de l’investissement des entreprises (les personnes à revenu élevé ou les retraités ne modifieront pas leur investissement en logements) ; soit un supplément d’endettement extérieur qui compensera le recul de l’épargne domestique disponible pour le financement de l’investissement.

Dans le premier cas, il y aura un recul de la croissance potentielle, à la fois parce que moins de capital physique aura été accumulé et parce qu’il en résultera un recul des gains de productivité. Dans le second cas, il y aura une dépendance accrue de la France vis-à-vis des capitaux étrangers et une fragilité financière accentuée (les investisseurs étrangers sont moins stables que les investisseurs domestiques).

Un choix court-termiste pour réduire le déficit public

En réalité se pose la question de l’horizon de temps visé par les gouvernements. S’ils privilégient le court terme, il est vrai qu’en concentrant les hausses d’impôts sur les personnes à haut revenu ou âgées, ils évitent un recul important de l’activité et donc une perte de recettes fiscales. Mais s’ils privilégient le long terme, ils doivent refuser d’amputer l’épargne disponible et donc la croissance potentielle.

Il est vrai que se pose aussi un problème d’évaluation. Autant il est assez facile d’évaluer l’effet à court terme sur la consommation d’une hausse des impôts, autant les effets à moyen terme de cette hausse sur l’investissement et les capacités disponibles sont plus difficiles à estimer. Si l’objectif est de réduire le déficit public rapidement, la hausse des impôts sur les plus aisés et les plus âgés sera spontanément privilégiée, en ignorant les conséquences néfastes à moyen et long terme du recul de l’épargne disponible pour investir.

Patrick Artus, Economiste, Ecole polytechnique, ENSAE. Chef économiste. Professeur associé à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, professeur de sciences économiques à l’Ecole polytechnique. Membre du cercle des économistes. Ancien administrateur de l’Insee.

https://www.lepoint.fr/economie/pourquoi-il-faut-resister-a-la-tentation-de-taxer-les-plus-aises-ou-les-retraites-21-12-2024-2578474_28.php


Contrepoints, 18 décembre, libre accès

Dissolution, censure, volonté du peuple et avenir de la France

Extraits:

(…) Car en cet automne-hiver 2024, le malaise français est très loin de se limiter à ses impasses politiques. Il est aussi, et peut-être même surtout, le fait de ses impasses budgétaires, lesquelles ne sont finalement que la transcription dans nos comptes publics de la monumentale impasse idéologique où en est arrivé notre modèle social hyper-collectivisé, hyper-redistributif, hyper-égalitariste et, osons le dire, hyper-clientéliste – ce dernier point expliquant une bonne partie de la coupable couardise de notre classe politique dans sa façon de ne surtout pas aller au fond des problèmes. (…)

Sortir de la dépense, des aides, des subventions, de la redistribution et des monopoles d’État ? Il arrive qu’on en parle, mais personne ne songe à faire un budget en ce sens. Déréglementer, simplifier les procédures (comme pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris), libérer les énergies, laisser la créativité et l’innovation faire leur chemin ? Il arrive qu’on en parle, mais personne non plus ne songe à légiférer en ce sens.

J’en arrive à la dernière question. François Bayrou ? On voit mal comment il pourrait changer la donne ; ni son propre CV ni l’état d’esprit encore très étatiste des Français et de leurs représentants ne l’y prédisposent. Première grande réflexion du nouveau locataire de Matignon : réautoriser le cumul des mandats pour les parlementaires afin de « réenraciner les responsabilités politiques » dans la vie locale. On sent comme un léger décalage…

Le risque que la situation du pays se dégrade encore plus, jusqu’à un point de faillite qui ne trouverait de résolution ultime que dans la rue et/ou sous l’égide amère d’instances internationales telles que le Fonds monétaire international ou la Banque centrale européenne est tout sauf nul. Or ce sont dans ces moments où les institutions sont dépassées et où l’État perd son autonomie que l’État de droit souffre le plus et que les citoyens ont le plus à perdre.

Dans ces conditions, les acteurs et commentateurs de la libéralosphère dont je suis n’ont d’autre choix que de poursuivre inlassablement l’exposé de leurs arguments en faveur d’un État limité, en espérant qu’ils commencent à prendre sens auprès d’un nombre croissant d’électeurs et de responsables politiques avant qu’il ne soit trop tard.

https://www.contrepoints.org/2024/12/17/479919-dissolution-censure-volonte-du-peuple-et-avenir-de-la-france


Le Point, 17 décembre, article payant   

Ces 9 indicateurs économiques qui annoncent une année noire

Spread, dette, emploi… Quel sera le bilan économique d’Emmanuel Macron alors que les plus pessimistes parlent déjà de récession ?

Extraits:

Pendant longtemps, Emmanuel Macron a pu se vanter de son bilan économique. Il était le président du pouvoir d’achat, de la croissance et de l’emploi. Nos finances publiques ? Ce n’était pas un problème : tout serait réglé grâce à des réformes structurelles et des baisses d’impôts dopant l’activité. Petit à petit, la question des dépenses publiques, de la dette et du déficit a été reléguée au second plan par le locataire de l’Élysée…

Cette année, la bombe budgétaire a pourtant explosé, avec la chute du gouvernement Barnier sur le PLFSS et l’absence de loi de finances pour 2025. Au pire moment. Croissance morose, chômage en hausse, dette galopante : les perspectives des derniers et des prochains mois n’étaient déjà pas réjouissantes.

L’absence de budget vient alimenter la dégradation du climat. Tensions sur les taux français, méfiance des investisseurs, besoins de financements considérables, attentisme des ménages et des entreprises : le cocktail semble prêt pour une année noire. Les plus pessimistes parlent déjà de récession… Espérons qu’ils aient tort.

https://www.lepoint.fr/economie/ces-9-indicateurs-economiques-qui-annoncent-une-annee-noire-16-12-2024-2578031_28.php


Le Figaro, 17 décembre, article payant

Jean-Pierre Robin: «Les exonérations de charges sociales explosent et bénéficient à 93% des salariés»

CHRONIQUE – Sur les 17,4 millions de salariés du secteur privé, 16,2 millions ont bénéficié en 2023, à des degrés divers, d’exonérations.

Extraits:

C’est l’une des causes majeures du dérapage des finances publiques depuis 2019, quand le pays avait encore des comptes à peu près présentables, avant que tout ne se détraque avec le Covid. Les exonérations sur les cotisations sociales que les entreprises paient en plus du salaire brut («la part patronale») explosent, plombant le financement de la protection sociale. Leur coût global est passé de 57,7 milliards d’euros en 2019 à 78,4 milliards en 2024 selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). S’appuyant sur le rapport demandé l’an dernier par Élisabeth Borne, l’hôte de Matignon, à deux économistes, Antoine Bozio et Étienne Wasmer, et remis le 3 octobre («Les politiques d’exonérations de cotisations sociales: une inflexion nécessaire»), le gouvernement Barnier avait proposé de réduire l’ensemble de ces aides de 5 milliards d’euros. Avec, simultanément, un reprofilage des exonérations, aujourd’hui très dégressives, au point que les entreprises sont dissuadées de relever les salaires. Le rapport Bozio-Wasmer donne des exemples précis de ce mécanisme pervers: «En 2019, une augmentation du salaire brut mensuel de 3803 euros (45.636 annuels) à 3804 euros (au seuil de 2,5 smics) conduit pour l’employeur à une hausse du coût du travail annuel de 2756 euros, contre un gain net pour le salarié d’environ 9,50 euros sur l’année.» (…)

Selon l’institut de conjoncture Rexecode qui a dépouillé les statistiques de l’Urssaf sur les 17,4 millions de salariés du secteur privé, 16,2 millions d’entre eux, soit 93%, ont bénéficié en 2023 à des degrés divers d’exonérations. Les 9,8 millions de «bas salaires» constituent le plus gros contingent, soit plus d’un Français sur deux travaillant dans le secteur privé (les fonctionnaires et l’État employeur ne sont pas concernés). À l’opposé, seuls 1,2 million des salariés, soit 7% de l’ensemble – ceux dont le revenu brut est de 3,5 smics ou plus et représentent 22% de la masse salariale totale du secteur privé selon l’institut Rexecode – paient «plein pot» le taux «normal» et «maximal» des «cotisations employeurs» qui est de 47%. (…)

Loin d’être théorique, ce débat a une portée pratique considérable. La politique systématique de subvention des gens les moins formés menée depuis trente ans, outre la «smicardisation» de la société française, a-t-elle conduit à pénaliser les métiers les plus qualifiés et les secteurs de pointe? «Quand je regarde un ingénieur, il peut coûter jusqu’à trois fois plus cher en France qu’en Allemagne», s’inquiétait à l’hiver 2022, peu avant l’élection présidentielle, Bruno Le Maire. Non sans quelque exagération, le ministre de l’Économie pointait un fait bien réel: les charges d’assurance-maladie étaient alors plafonnées à 4837,5 euros de salaire mensuel outre-Rhin quand ce plafond était de 13.172 euros en France, pratiquement trois fois plus. En clair, l’ingénieur français cotise pour l’ouvrier spécialisé. Le Maire préconisait d’alléger les cotisations sociales au-delà de 2,5 smics, au nom de la réindustrialisation de l’Hexagone et de ses secteurs les plus performants à l’exportation. De facto les cotisations sociales sont devenues un impôt à taux très progressif, à l’instar de l’impôt sur le revenu.

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/jean-pierre-robin-les-exonerations-de-charges-sociales-explosent-et-beneficient-a-93-des-salaries-20241215


Le Figaro, tribune, 12 décembre, article payant

Jean-Marc Daniel : Emmanuel Macron: l’heure du bilan économique

Le président promettait de baisser les dépenses publiques, de s’attaquer aux rentes et de remettre la France au travail, rappelle l’économiste, professeur à l’ESCP. Il dresse un bilan critique des promesses économiques non tenues et stigmatise un pays vivant plus que jamais au-dessus de ses moyens.

Extraits:

(…) Un des textes fondateurs du macronisme remonte à la fin août 2015. Il s’agit du discours d’Emmanuel Macron à l’université d’été du Medef. Il y déclarait: «Lorsqu’on a 57 % de dépense publique rapportée au PIB, ça n’est plus possible. Ça n’est plus possible… parce que c’est reporter le problème sur les générations à venir, c’est créer une iniquité intergénérationnelle nouvelle! C’est considérer que le traitement de nos difficultés d’aujourd’hui, les jeunes le paieront demain et que ça n’est pas notre problème. Et c’est avoir une forme de discours irresponsable lorsqu’on constate que la moyenne des pays de la zone euro est de 8 points inférieure à la nôtre. Donc notre ambition, notre perspective, c’est, d’ici à 2022, de revenir à 50 % de dépense publique rapportée au PIB.» Dans le même discours, il martelait: «La gauche a pu croire, à un moment, il y a longtemps, que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C’était une fausse idée.»

(…) Dans son programme présidentiel de 2017, on trouve en outre cette assertion: «Notre projet est celui de la société du travail. Car c’est en travaillant que l’on peut vivre décemment, éduquer ses enfants, profiter de l’existence, apprendre, tisser des liens avec les autres.»

Emmanuel Macron ministre de l’Économie d’un gouvernement socialiste puis candidat de centre gauche à la présidentielle entendait donc baisser les dépenses publiques, se défaire du statut de la fonction publique et plus généralement des rentes, et invitait le pays à davantage travailler.

Où en sommes-nous aujourd’hui? Si on regarde l’évolution du PIB, celui-ci est passé de 2275 Mds € en 2017 à 2822 en 2023, soit 24 % d’augmentation, dont une partie tient néanmoins à l’inflation. Quant au taux de chômage en France métropolitaine, il était de 9,3 % au 1er trimestre 2017 et de 7,1 % au 2e trimestre de 2024. Si ce bilan paraît à première vue plutôt positif, une analyse plus précise conduit à une critique plutôt acerbe. La dépense publique, dont Emmanuel Macron déclarait en 2015 qu’elle était trop élevée, a gardé son poids dans le PIB (57 %) passant de 1 285 Mds € en 2017 à 1591 Mds € en 2023. Et une partie significative de cette dépense est et a été financée par des emprunts, si bien que la dette publique est passée de 97 % du PIB en 2017 à 110 % aujourd’hui.

(…) Nicolas Gregory Mankiw résume les fondements de l’économie. Son principe 8 énonce que «le niveau de vie d’un pays dépend de sa capacité à produire des biens et des services». Or la France d’aujourd’hui a un revenu supérieur à sa production. Et comme elle consacre une partie importante de ce revenu à la consommation, le pays importe massivement et s’enfonce dans le déficit extérieur.

Face à cela, Emmanuel Macron a concentré son combat contre ce qu’il appelle le déni de la réalité sur la nécessité de davantage travailler pour accroître la production. À juste titre, puisque, selon l’OCDE, en 2022, la France aura mobilisé 655 heures de travail par habitant quand la moyenne des membres a été de 805 heures. C’était la vraie justification du report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans (…).

En France où le taux d’investissement n’est pas particulièrement élevé (le ratio investissement sur PIB tournant autour de 20 % alors que la transition écologique en réclame de plus en plus), le diagnostic est clair: nous sommes victimes d’un déficit public abyssal et d’une «fringale de consommation». La France est un exemple parfait du problème des déficits jumeaux, c’est-à-dire d’un déficit extérieur nourri par le déficit budgétaire. (…)

En résumé, l’enjeu pour la France d’aujourd’hui est double. Il faut d’abord accroître la quantité de travail. (…)

Il faut ensuite générer de l’épargne pour affronter le vieillissement, et mieux gérer cette épargne. Cela suppose d’abord de réduire le déficit budgétaire en ramenant la dépense publique à 50 % du PIB comme le disait Emmanuel Macron en 2015. (…)

Pour que de telles mesures soient acceptées, il faut les défendre sans ambiguïtés auprès de la population. Il faut surtout affirmer la nécessité de l’effort de tous et pas exclusivement tantôt des retraités, tantôt des riches, tantôt des entreprises. En fait, ce dont a besoin le pays, c’est d’une politique fondée sur le triptyque «concurrence, travail, épargne», alors que le macronisme s’est transformé en une promotion de «protectionnisme, dette, consommation»…

Derniers livres parus: Nouvelles leçons d’histoire économique, Odile Jacob, 2024 ; Histoire de l’économie mondiale, Tallandier, 2023.

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/emmanuel-macron-l-heure-du-bilan-economique-20241213


Le Point, 13 décembre, article payant    

Pourquoi les moteurs du PIB français tombent en panne l’un après l’autre

L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Le choix solitaire d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée risque au final de coûter à l’économie française un « pognon de dingue »

Extraits:

(…) Au vu de l’extraordinaire confusion budgétaire et politique qui règne en France, il faut malgré tout s’étonner que la défiance de nos créanciers ne soit pas pour l’instant plus grande. Au vu du spectacle désolant du gouvernement de Michel Barnier, qui s’est montré incapable de couper dans la dépense publique, d’un Nouveau Front populaire au sadisme fiscal décomplexé, d’un Rassemblement national plus irresponsable et démagogique que jamais. Au vu de Français, enfin, qui refusent obstinément de travailler davantage et réclament pour les trois quarts d’entre eux l’abrogation de la réforme des retraites.

Les gérants des fonds de pension américains et des caisses de retraite japonaises ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Les chefs d’entreprise français aussi, qui naviguent en plein brouillard et qui du coup n’investissent plus et embauchent encore moins. Quant aux ménages, ils préfèrent prudemment et rationnellement épargner plutôt que consommer, même avec modération.

Bref, les moteurs du PIB tombent l’un après l’autre en panne et, alors qu’une croissance molle était attendue pour 2025, la menace d’une récession grandit chaque jour. (…)

Quitte à faire de la psychanalyse de comptoir, l’initiative du président mais aussi le rejet collectif d’efforts budgétaires pour réduire les déficits s’apparentent à une pulsion de mort financière et à une volonté d’autodestruction économique. On est au-delà du déni et de l’aveuglement, on a l’impression d’assister à un suicide en direct dont seuls des économistes freudiens pourraient identifier les raisons profondes. (…)

Certains spécialistes des marchés se veulent toutefois encore rassurants. D’abord en expliquant que, compte tenu de la taille de la dette française, il n’existe pas d’alternative aux OAT pour une épargne mondiale soucieuse de se diversifier géographiquement.

Ensuite en affirmant que la France est « too big to fail ». En clair que la Banque centrale européenne n’hésitera pas, en cas de trop fortes tensions, à racheter massivement des emprunts d’État français pour empêcher une nouvelle crise des dettes souveraines et une dislocation de la zone euro.

Mais la BCE mettrait des conditions drastiques à son soutien et imposerait un programme d’austérité et de réformes structurelles en comparaison desquels le traitement proposé par Michel Barnier relève de l’homéopathie. Il ne faut pas sous-estimer le ras-le-bol que suscite chez nos partenaires européens le laxisme budgétaire de la France.

L’économiste Gilbert Cette comparait l’autre jour sur BFM Business une crise financière à une avalanche, où le passage d’un skieur aventureux suffit à mettre en mouvement des milliers de tonnes de neige, où le pari spéculatif d’un hedge fund new-yorkais contre la dette française suffit à déclencher la vente de centaines de milliards d’euros d’OAT. De la voile au ski en passant par l’escalade périlleuse des spreads, les chroniques économiques deviennent pour le moins sportives.

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/pourquoi-les-moteurs-du-pib-francais-tombent-en-panne-l-un-apres-l-autre-13-12-2024-2577819_32.php


Le Figaro, 13 décembre, article payant

Face au désordre politique, les chefs d’entreprise en colère

DÉCRYPTAGE – Investissement en recul, commandes annulées, embauches gelées, le risque d’un engrenage délétère pèse sur l’économie.

Extraits:

« Il faut être fou pour investir et embaucher aujourd’hui », lâche un patron industriel, alors que la France attend toujours le nom du prochain locataire de Matignon. Depuis plusieurs mois déjà, les entreprises sont fébriles et inquiètes d’une impasse politique dont on ne voit pas l’issue. Bien que refroidi par un projet de loi de finances pour 2025 qui, à ses yeux, mettait fin à la politique de l’offre menée par Emmanuel Macron en faveur des entreprises, le patronat français est ébranlé par la chute du gouvernement de Michel Barnier. (…)

« La censure décalerait le redémarrage de notre économie en nous faisant basculer dans un “no man’s land” de l’indécision », alertait déjà François Asselin, le président de la Confédération des PME, fin novembre dans Le Figaro. (…)

Les enquêtes d’opinion auprès des chefs d’entreprise se suivent, se ressemblent et s’aggravent à mesure que la France, après la chute du gouvernement, s’enfonce dans une crise politique durable. Alors que 56 % des dirigeants de TPE et PME en France estiment que l’incertitude pèse sur leur activité selon la dernière enquête trimestrielle Bpifrance Le Lab/Rexecode, 45 % des petits patrons comptent reporter leurs projets d’investissement et 21 % prévoient de les annuler. Même chose sur le front de l’embauche où 35 % des sondés reportent leurs intentions d’embauche et 19 % les annulent.

Cette tendance ne se cantonne d’ailleurs pas aux petites entreprises, mais touche aussi celles de taille intermédiaire (ETI). (…)

Et la trésorerie se resserre pour plus de 40 % des ETI en cette fin d’année. Dans les plus petites entreprises, le solde d’opinion sur l’évolution de la trésorerie plonge aussi, atteignant son plus bas niveau jamais relevé (hors Covid) par Bpifrance depuis 2018. Une litanie de signaux qui laisse craindre le pire pour l’économie française, alors que les faillites approchent les 65.000. (…)

Et pourtant, les données réelles sur l’économie ne sont pas si alarmantes, nombre d’observateurs signalant que, malgré un horizon sombre, les fondamentaux demeurent solides. (…)

https://www.lefigaro.fr/economie/face-au-desordre-politique-les-chefs-d-entreprise-en-colere-20241212


Le Point, 13 décembre, article payant    

Mur de la dette : comment trouver 150 milliards

TRIBUNE. Selon les économistes Olivier Blanchard et François Ecalle, il faut baisser les dépenses, notamment sociales, et non augmenter les impôts pour être à la hauteur des enjeux budgétaires.

Voir « Article du Jour » !

https://www.lepoint.fr/economie/mur-de-la-dette-comment-trouver-150-milliards-13-12-


Neue Zürcher Zeitung, 11 décembre, article payant     

Börsenrekorde überall, doch Frankreich bleibt das Schlusslicht Europas – daran ist nicht nur Emmanuel Macron schuld, sondern auch Louis Vuitton

Der französische Aktienmarkt zeigt die schlechteste Performance aller europäischen Börsen. Das politische Chaos im Inland belastet die Aktien, aber auch die Abhängigkeit vom Absatz von Luxusgütern.

Extraits:

«L’exception française» – die französische Ausnahme – gilt auch an den Finanzmärkten. Die Börsen in den USA und teilweise auch in Europa markieren fast täglich neue Höchststände. Der deutsche DAX steht dieses Jahr 20 Prozent im Plus, die spanische Börse ebenso. Sogar der konservative Schweizer SMI hat 5 Prozent zugelegt.

Nicht die französische Börse, sie kam dieses Jahr kaum vom Fleck. Seit Staatspräsident Emmanuel Macron das Land nach Auflösung des Parlaments im Juni in die Regierungskrise stürzte, hat der französische Leitindex CAC 40 zeitweise fast zehn Prozent verloren. Die Pariser Börse zeigt damit die schlechteste Performance in Europa.

Der Grund ist vordergründig die Unsicherheit. Denn das politische Chaos ist noch lange nicht ausgestanden. (…)

Doch was als politisches Vakuum daherkommt, bedeutet kurzfristig Stabilität: Das Parlament wird bis zu möglichen Neuwahlen im Sommer nicht in der Lage sein, grössere wirtschaftliche Veränderungen zu beschliessen. (…)

Kurzfristig ist das gut für die Börse. So haben sich die französischen Finanzmärkte dank dem politischen Vakuum beruhigt. Der wichtigste Messwert für das politische Risiko, die Differenz zwischen den Renditen 10-jähriger französischer und deutscher Anleihen, der «Spread», ist wieder geringer geworden. Die Nervosität über Frankreichs Finanzsituation hat abgenommen. (…)

Der CAC 40 hat seit dem Rücktritt der Regierung Barnier sogar zugelegt. Besonders die Aktien grosser Luxuskonzerne wie LVMH, Kering und Hermès machten einen Kurssprung. Insbesondere LVMH und Kering mussten in den vergangenen Monaten wegen der lahmenden chinesischen Wirtschaft und der wenig spendierfreudigen Konsumenten in China schwierige Zeiten durchleben. Luxuskonzerne wie LVMH oder Richemont aus der Schweiz sind in hohem Masse von China und Hongkong als Absatzmärkten abhängig.

Die Regierungskrise ist somit nicht der einzige Grund, der die französische gegenüber anderen europäischen Börsen zurückhält. Zumal Frankreich für die CAC-40-Konzerne gar nicht so wichtig ist. Der französische Markt macht weniger als 15 Prozent des Umsatzes der 40 Unternehmen aus dem Index aus. (…)

Ein grösseres Problem ist die hohe Konzentration. Der CAC 40 wird von den Schwergewichten LVMH, Hermès und L’Oréal dominiert. Gemäss einer Auswertung des Vermögensverwalters Amundi ist die schlechte Performance auch auf diese Zusammensetzung zurückzuführen, die sich stark auf Luxus abstützt und auf Konsumgüter, die nicht zum Grundbedarf gehören, etwa Kosmetika. (…)

Das Problem der französischen Banken ist, dass sie einer der grössten Gläubiger französischer Staatsanleihen sind. Die sechs grössten Institute halten zusammen fast ein Fünftel aller ausstehenden Bonds. Das entspricht Anleihen im Gegenwert von rund 1500 Milliarden Euro. Gemäss Outin haben die Banken zwar die Lehren aus der Euro-Krise vor zehn Jahren gezogen, kurzfristige Zinsschwankungen würden ihnen nicht viel ausmachen. Aber es gebe die Gefahr einer «boucle fatale», also einer fatalen Schleife zwischen Staats- und Bankenschulden.

Diese könnte in einem Stress-Szenario eintreten, wenn der französische Staat länger Schwierigkeiten haben sollte, sich am Anleihemarkt zu refinanzieren, und es deshalb zu einem Liquiditätsengpass käme. Von einer solchen Situation ist Frankreich aber weit entfernt. (…)

Auch die Aussichten für Staatsanleihen werden besser. So haben alle grossen Agenturen das Qualitäts-Rating Frankreichs bestätigt. S&P etwa hat die AA-negativ-Bewertung beibehalten: Französische Anleihen würden von einem günstigen Umfeld im Zuge der Lockerungspolitik der Europäischen Zentralbank und der nachlassenden Inflation profitieren.

Die Analysten von Lombard Odier gehen davon aus, dass die Renditen französischer Anleihen weiter sinken, die Spreads aber nicht ansteigen werden. Frankreich sei in der Lage, seine Schulden im Inland zu finanzieren, und das Leistungsbilanzdefizit sei geringer als in Grossbritannien oder in den Vereinigten Staaten.

https://www.nzz.ch/finanzen/boersenrekorde-ueberall-doch-frankreich-bleibt-das-schlusslicht-europas-daran-ist-nicht-nur-emmanuel-macron-schuld-sondern-auch-louis-vuitton-ld.1861291


Le Point, 6 décembre, article payant    

L’emploi, trophée terni du macronisme

L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Auchan, Michelin, Valeo… Les plans sociaux s’accumulent en France, assombrissant le bilan vanté par Emmanuel Macron.

Extraits:

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». La formule de Jacques Chirac se vérifie aussi en économie. Déjà confronté à l’envolée du déficit, à la pression de Bruxelles, à la défiance des agences de notation et des marchés financiers, à la colère des agriculteurs, des cheminots, des pilotes de ligne, des fonctionnaires, des retraités et des riches, le gouvernement (…) doit également faire face à une détérioration du marché de l’emploi.

Après Auchan et Michelin, c’est au tour de Valeo d’annoncer un plan social tandis que, selon l’Insee, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 35 000 au troisième trimestre pour s’établir à 2,3 millions. Le taux de chômage, qui était tombé à un plus bas niveau de 7,1 % début 2023, est, quant à lui, remonté à 7,4 % et celui des jeunes de 15 à 24 ans à 19,7 %, soit 2,4 points de plus qu’il y a un an. (…)

Rien d’étonnant au vu de la croissance anémique en France et dans la zone euro, de la dégradation de la situation financière des entreprises et de la hausse du nombre de leurs défaillances (…).

Il faut dire aussi que le dynamisme affiché ces dernières années par le marché de l’emploi laissait les économistes perplexes. (…) Une divergence inédite qui s’est traduite par un recul alarmant de la productivité, l’économie française ayant eu besoin de plus de salariés pour produire la même quantité de travail et créer la même quantité de richesses. C’est d’abord cette anomalie qui est en passe d’être corrigée, les entreprises cherchant à alléger leur masse salariale et à tailler dans leurs effectifs pour regagner en productivité et restaurer leur profitabilité.

Si l’on ajoute à cela l’impact récessif qu’auront les hausses d’impôts et les baisses de dépenses prévues dans le budget 2025 pour tenter de contenir le déficit, l’horizon en matière de chômage est bien sombre. Les économistes de l’OFCE prévoient 140 000 destructions d’emploi l’année prochaine et un taux de chômage remontant à 8 % fin décembre.

Son recul était pourtant le trophée économique brandi dans le camp macroniste pour justifier le bien-fondé de la politique de l’offre et pro-business. (…)

Tout cela se trouve aujourd’hui remis en question. La courbe du chômage est en train de s’inverser, mais dans le mauvais sens. Non seulement l’objectif de plein-emploi à la fin du quinquennat visé par le chef de l’État s’envole, mais les succès remportés ces dernières années sont grandement fragilisés et relativisés. Notre taux de chômage reste deux fois plus élevé qu’en Allemagne (3,5 % selon Eurostat). (…)

Il apparaît surtout de plus en plus que la décrue du chômage a été largement obtenue à crédit, grâce à la politique du « quoi qu’il en coûte » et à l’injection massive d’argent public. Il faut mettre en regard les quelque 1,9 million d’emplois salariés créés depuis l’arrivée à l’Élysée d’Emmanuel Macron avec les 1 000 milliards d’euros supplémentaires de dette. Cela fait cher l’embauche.

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fin-de-partie-pour-le-recul-du-chomage-trophee-macroniste-06-12-2024-2577247_32.php


Le Point, 6 décembre, libre accès

Après la censure de Barnier, Moody’s va-t-elle baisser la note de la France ?

L’agence de notation a réagi à la chute du gouvernement de Michel Barnier. Elle s’inquiète de ses conséquences sur la politique de désendettement de la France.

https://www.lepoint.fr/economie/apres-la-censure-de-barnier-moody-s-va-t-elle-baisser-la-note-de-la-france-05-12-2024-2577200_28.php?at_variante=Community%20Management&at_creation=Twitter&at_campaign=Page%20Twitter%20Le%20Point&at_medium=Social%20Management


Le Point, 5 décembre, libre accès

Qu’est-ce que la « loi spéciale », qui pourrait être votée en l’absence de budget ?

La « loi spéciale » vise à garantir un fonctionnement minimal de l’État en l’absence de budget. Mais pas sûr qu’elle évite une hausse d’impôt pour plus de 17 millions de Français.

https://www.lepoint.fr/politique/qu-est-ce-que-la-loi-speciale-qui-pourrait-etre-votee-en-l-absence-de-budget-05-12-2024-2577184_20.php?at_variante=Community%20Management&at_creation=Twitter&at_campaign=Page%20Twitter%20Le%20Point&at_medium=Social%20Management


L’Express, 4 décembre, article payant      

“Si la France refuse de s’engager dans des réformes sérieuses…” : le scénario choc d’un économiste irlandais

Idées. L’instabilité politique qui règne en France et l’incapacité à mettre en œuvre même des réformes d’ampleur modestes sur le plan des finances publiques sont des signaux très alarmants, assure le chercheur Eoin Drea. Qui n’exclut pas que tout cela débouche sur “une crise majeure au sein de la zone euro”.

Extraits:

L’Express : Une dette astronomique, un déficit commercial qui se creuse… Le tout dans un contexte politique et budgétaire incertain. La France devient-elle l’homme malade de l’Europe?

Eoin Drea : La situation économique de votre pays est particulièrement intéressante. Comparée à l’Allemagne, la France s’est distinguée par des choix judicieux en matière d’énergie au cours des dernières décennies. Elle a développé un système nucléaire performant, ce qui lui a permis de maintenir des coûts énergétiques bas, un avantage crucial pour son industrie par rapport à l’Allemagne. Votre pays a également investi massivement dans ses infrastructures de transport, ce qui constitue un autre point fort en comparaison avec votre voisin allemand. Donc, à bien des égards, la France peut être perçue comme l’une des économies les plus solides d’Europe, car elle dispose de ces piliers sur lesquels elle peut vraiment s’appuyer. Vu de l’étranger, on a l’impression qu’Emmanuel Macron a réellement transformé l’image de son pays, à nouveau attractif pour les affaires et les investissements.

Mais cela ne suffit pas. En effet, la situation ne tourne vraiment pas rond au niveau des dépenses publiques et du déficit. Il suffit de regarder de près les propositions de Michel Barnier qui paraissent relativement modérées d’un point de vue économique. Son objectif, à savoir ramener le déficit à 3 % d’ici 2029, est loin d’être radical! Nous ne sommes pas devant un Premier ministre prêt à “prendre une hache” pour réduire drastiquement les dépenses publiques. Toutefois, si le RN de Marine Le Pen provoquait la chute du gouvernement français comme annoncé ou si les marchés venaient à estimer qu’aucun plan réaliste n’existe pour réduire le déficit, cela pourrait déclencher une crise majeure au sein de la zone euro.

Dans quelle mesure une crise économique en France peut-elle avoir de lourdes répercussions sur l’ensemble de la zone euro?

Eh bien, la France, ce n’est pas la Grèce. On parle ici de la deuxième plus grande économie d’Europe! La crise grecque était très grave, mais elle pouvait être contenue simplement en raison de la taille de son économie. Et il y avait une volonté politique à Paris et à Berlin de maintenir la Grèce dans la zone euro. Une crise économique en France, en revanche, représenterait un défi majeur pour l’avenir de la zone euro. Si Michel Barnier échoue, les marchés financiers pourraient remettre en question la stabilité de la région. Actuellement, cette cohésion repose en grande partie sur la politique de la Banque centrale européenne (BCE), prête à intervenir en achetant des obligations françaises en cas de crise majeure. Cependant, le niveau d’endettement de la France est considérable, et un soutien financier prolongé de la Banque centrale européenne ne serait pas viable à long terme sans réformes politiques significatives perçues par les marchés. Le rôle de la BCE en tant que filet de sécurité ne peut être efficace qu’à court terme, à moins que les marchés ne perçoivent également des réformes substantielles en France. Sur ce point, cette dynamique rappelle la situation de la Grèce, où des réformes substantielles ont été nécessaires pour restaurer la confiance des investisseurs.

Étant donné votre connaissance de l’économie française, quelle feuille de route donneriez-vous pour réduire certaines dépenses et mettre en place des politiques adaptées?

La France devrait déjà s’abstenir d’augmenter encore les taux d’imposition, qui sont déjà parmi les plus élevés en Europe. (…)

Selonle Baromètre des décideurs(L’Express-Viavoice-HEC-BFM Business) publié le 26 novembre dernier, 53 % des Français privilégient les coupes budgétaires pour assainir les comptes publics plutôt que les hausses d’impôts. Comment convaincre les 47 % restants?

L’argument, particulièrement éclairant lorsqu’on compare la France à l’Allemagne, repose sur une différence cruciale : bien que l’Allemagne a ses propres défis, comme la nécessité de se détourner de la Chine et les questions énergétiques, son ratio dette/PIB, qui s’élève à environ 65 %, lui offre une réelle marge de manoeuvre. Ainsi, l’Allemagne, au cours des prochaines années, ne subira pas de pression financière significative de la part des marchés financiers. Elle peut investir par exemple 2 % de son PIB par an pendant les dix prochaines années pour réorienter son économie, moderniser ses infrastructures et ouvrir de nouveaux marchés d’exportation.

En revanche, des pays comme la France, l’Italie ou la Belgique, qui ont un niveau d’endettement bien plus élevé, se trouvent dans une situation beaucoup plus contraignante. Ils n’ont pas le même accès à des liquidités à faible coût pour investir dans la croissance, et leur dette plus importante les expose à des taux d’intérêt bien plus élevés lorsqu’ils doivent emprunter. Ce manque de flexibilité financière peut rapidement engendrer un cycle vicieux : une croissance anémique, un endettement croissant, et un pouvoir d’achat qui stagne ou même recule en comparaison avec des économies dynamiques comme celle des États-Unis.

D’après vous, la France, mais aussi l’ensemble de l’Europe devraient s’inspirer de la Grèce pour sa dette et appliquer les mêmes recettes… Pensez-vous vraiment que les Français soient prêts à accepter la cure d’austérité imposée aux Grecs au début des années 2010.

C’est une question qu’on se pose souvent à Bruxelles [Rires]. À mon avis, l’expérience grecque offre des enseignements précieux. Premièrement, les réformes de type “big bang” – rapides et brutales – ne sont ni politiquement ni socialement viables. La crise grecque l’a montré clairement, notamment dans ses premières années où le niveau d’austérité imposé était tout simplement insoutenable. (…)

La deuxième leçon, tout aussi importante, est que les réformes doivent être pensées sur le long terme. En Grèce, la transformation économique et structurelle s’étend désormais sur plus d’une décennie. (…)

Vous semblez plus inquiet pour la France que pour l’Allemagne qui elle aussi n’est pas en très grande forme…

Oui. Principalement parce que je pense qu’une grande partie des problèmes de l’Allemagne sont psychologiques. L’attachement des Allemands au frein à l’endettement est profondément ancré, notamment pour des raisons historiques, mais il est probable que ce paradigme évolue après les prochaines élections fédérales. Les pressions économiques et structurelles forceront les Allemands à investir davantage, car ils n’auront tout simplement pas d’autre option.

Si l’on compare les économies de la France et de l’Allemagne à travers, disons, dix grands secteurs ou autres aspects, la France obtiendrait de meilleurs résultats en matière d’énergie, d’ouverture aux affaires, de transports publics, de services publics, etc. Cependant, ces forces ne peuvent se maintenir à long terme sans une stabilité budgétaire solide. (…)

https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/si-la-france-refuse-de-sengager-dans-des-reformes-serieuses-le-scenario-choc-dun-economiste-RUUBFWT3OFEGFJNWYKOCHJEKCM/


Le Point, 4 décembre, article payant    

Le syndrome du canard sans tête

L’ÉDITO DE FOG. Le meilleur comme le pire. La France est capable de reconstruire la charpente d’une cathédrale médiévale en cinq ans, mais pas de prendre des mesures fiscales pertinentes pour sortir de la spirale de la dette.

Extraits:

La France n’est pas celle que vous croyez : au moment où la cathédrale Notre-Dame de Paris est rendue à elle-même, cinq ans après l’incendie, comme promis, notre pays a donné, à l’Assemblée nationale, le spectacle d’un pays divisé comme jamais, rongé par les haines et les chimères comme par des puces.

Nous autres Français venons de donner une nouvelle preuve que nous sommes meilleurs et pires qu’on le pense. Alors que 2 000 artisans du bois, du métal et de la pierre avaient fini de reconstruire la cathédrale à l’identique dans le temps qui leur était imparti, une prouesse inouïe, les 577 députés avaient échafaudé un projet de budget qui ressemblait à une pièce montée, le gâteau de mariage de l’impéritie et de la honte. (…)

Thomas Sowell, le grand économiste afro-américain, a tout dit sur ce phénomène dans son célèbre manuel, « Économie basique » (1), enfin paru cette année en France. Dans cet ouvrage de vulgarisation, celui qui fut le penseur de Reagan montre, exemples à l’appui, qu’un taux d’imposition plus élevé ne se traduit pas nécessairement par une hausse des recettes fiscales. Quant aux baisses d’impôts, elles peuvent, elles, contrairement à la légende, rapporter gros. « En Irlande, observe ainsi Sowell, lorsque le taux d’imposition sur les sociétés a été progressivement ramené de 45 % à 18 % entre 1991 et 2001, les recettes fiscales ont triplé. » Pour être contre-intuitif, ça n’en est pas moins établi.

Dans un pays où l’économie est souvent ravalée au rang de sous-idéologie marxiste niveau maternelle, ce sont des choses qu’on ne peut pas entendre ni comprendre. À moins de les parquer derrière des barbelés, les patrons ou les riches sont mobiles, ils changent de pays, de type de placement, pour échapper au fisc. La fiscalité doit anticiper les réactions des contribuables. Puisse la droite oser un jour rompre, sur ce plan, avec la gauche punitive et réinventer une fiscalité intelligente, sans semelles de plomb.

1. Économie basique. Guide de bon sens en matière économique, de Thomas Sowell (Valor, 900 p., 32,90 €).

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/le-syndrome-du-canard-sans-tete-04-12-2024-2577096_32.php?at_variante=Community%20Management&at_creation=Twitter&at_campaign=Page%20Twitter%20Le%20Point&at_medium=Social%20Management


Wall Street Journal, Opinion, 3 décembre, article payant      

Is France Now Greece on the Seine?

Markets fret about a budget crisis, but slow economic growth is the underlying problem.

Extraits:

Investors are fretting that France may be on the verge of triggering a new eurozone crisis, and the amazing thing is that it took this long for everyone to notice that the country’s public finances, and its economy, are a mess.

We don’t mean to make light of the worry gripping markets in recent days as the National Assembly has failed to pass a budget. (…)

But it’s strange that this should happen as a result of the failure of a budget plan that’s largely illusory anyway. (…)

Mr. Macron’s job is safe, but Mr. Barnier’s isn’t. (…)

Brussels technocrats and many investors are worried about the details of the Barnier budget, on the theory that he could reduce France’s projected fiscal deficit of 6.1% of GDP this year to something nearer the eurozone’s 3% annual target by 2029. But Mr. Barnier mostly tinkered around the edges with adjustments to inflation-indexation of pensions and the like. Some of his proposed tax increases, such as on electricity, couldn’t survive the National Assembly, while many others (including wealth and corporate taxes that may be more popular) would be awful for economic growth.

Which, as ever, is the real crisis. Economic growth has underperformed for years and unemployment remains persistently high. Mr. Macron’s reform agenda, especially concerning labor laws, helped for a time. Then the pandemic hit, and France never quite recovered. (…)

Many investors and the media-Brussels industrial complex fret that the budget bust-up will empower Marine Le Pen of the insurgent-right National Rally, or the various unsavory leftist politicians who make up the New Popular Front—none of whom care about EU fiscal strictures. But that already happened when those parties gained in the election. The budget fiasco is a symptom of France’s political crisis, which is an outgrowth of its economic malaise. (…)

Will this mess explode into a eurozone crisis akin to the disasters of 2010? Volatility is dangerous in such an unhealthy economy when any number of things can break suddenly. It doesn’t help that this is happening at the center of the eurozone rather than edges such as Greece, Ireland, Portugal and Spain.

The fix, as in those countries, would be an agenda that gets the economy growing again. No one in Paris seems to have such ideas, and that’s the biggest crisis of all.

https://www.wsj.com/opinion/france-budget-michel-barnier-emmanuel-macron-marine-le-pen-d6ff3148?mod=hp_opin_pos_5#cxrecs_s


The Financial Times, Opinion, 3 décembre, article payant

Le Shutdown: a budget rejection would hit France’s credibility with investors

Markets hate uncertainty and the stakes in the current constitutional turmoil could not be higher

Extraits:
Markets are so used to dealing with recurring fears of shutdowns in Washington that US government bonds sometimes rise amid such tensions, even if only because Treasuries are seen as a haven in times of turmoil. But markets are not likely to grant France such largesse if a current stand-off over the national budget leads to its rejection by parliament We have had a foretaste of a possible reaction with the spread on yields on French government over German debt widening out to the highest levels since the Eurozone crisis. At one point, yields on benchmark French bonds briefly rose above those of Greece. (…)
What would happen if the budget was rejected? There is considerable legal debate in France around this — and this is the first major problem. Markets hate murky scenarios. If no one can clearly explain what the process is to get through this with state expenses being paid, this is a concern. (…)

Obviously, the political cost of rejecting budgets will increase with the fear of payment default, but with political shenanigans ongoing, the risks and stakes are high. (…)
I also do not think that the European Central Bank or the European Commission would change course. The commission has backed the proposed French budget, and I do not expect it to formally comment until a new one is fully adopted by parliament. As for the ECB, the final arbitrator of Eurozone government bond markets, shutdown fears would provide a rationale for market intervention and support for bond prices. But the ECB could very well wait for a little volatility to help French politicians get their act together before stepping in. (…)

Investors are a different story. Long-term, “real-money” investors in double A-rated government bonds (think life insurance companies, Japanese banks and so on) hate uncertainty. They want boring, predictable returns. And short-term, speculative investors love to play on those fears and bias. The main issue with a failed budget will be the sheer complexity of the situation. (…)

So let us not fool ourselves: heading into the new year without a budget, and with a caretaker government trying to explain that debts will be paid somehow, will remind the French people of a famous quote in Mathieu Kassovitz’s film, La Haine, telling the story of a man falling from a 50-storey building: “So far, so good. But what matters is not the fall, it’s the landing.” The good news is that the EU has always been better at managing the landing than the fall.

https://www.ft.com/content/9d49184a-1165-4414-b1e9-7d07d7bce994


The Financial Times, 3 décembre, article payant

Is France heading for a Greek-style debt crisis?

Investors have been rattled by political paralysis and parlous public finances

Extraits:

France’s borrowing costs have surpassed those of Greece as investors fret about the French government’s ability to pass a deficit-trimming budget — and its ability to survive at all. The far-right Rassemblement National, led by Marine Le Pen, has threatened to back a censure motion against the government as soon as next week unless its demand for changes to the 2025 finance bill are met.

Prime minister Michel Barnier responded by dramatising the situation in the hope that his opponents will back down or risk being blamed for market chaos. He earlier this week warned of “a big storm” on financial markets if his minority government was toppled.

Government spokesperson Maud Bregeon said France was facing a possible “Greek scenario”.

“For the moment, it is a complete exaggeration,” said Éric Heyer, an economics professor at Sciences Po.

France has full access to debt markets. It raised €8.3bn on Monday. The 10-year yield on French government debt stands at some 3 per cent. At the height of its debt crisis, the yield on Greek debt climbed above 16 per cent. The Greek economy had cratered, made worse by punishing austerity measures, and Athens engaged in a bitter fight with Berlin and Brussels over the terms of a Eurozone bailout. (…)

Nonetheless, investors are rattled by the combination of political paralysis and parlous public finances. The public deficit is likely to hit 6.2 per cent of GDP and Paris is under pressure from the markets and the EU to take corrective action. (…)

The difficulties in passing the budget do not bode well for the long-term survival of Barnier’s government or the future governability of France.

Ultimately, prolonged paralysis is likely to heap pressure on Macron to resign to allow for a political reboot through a fresh presidential election. Bristielle said: “I’m not sure that leaving power is at the centre of his strategy. Nevertheless, he has shown that he can surprise us, to say the least.”

https://www.ft.com/content/a3dc5b2b-3061-48fe-8961-75081e2cc7cc


Le Figaro, 3 décembre, article payant

Antoine Foucher : «Les gens qui ne travaillent pas ou plus vivent mieux que ceux qui travaillent»

ENTRETIEN – Dans un essai stimulant, Sortir du travail qui ne paie plus, le spécialiste des questions sociales*
fait le constat d’un changement de paradigme majeur dans la société française : il n’est plus possible d’augmenter son niveau de vie en travaillant.

*Antoine Foucher est un ancien directeur de cabinet de la ministre du Travail de 2017 à 2020, il dirige aujourd’hui le cabinet Quintet.

Extraits:

LE FIGARO. – Vous écrivez que, entre 1950 et 1970, le pouvoir d’achat a évolué de 4 % à 6 %, et que le niveau de vie moyen a doublé. Aujourd’hui, pour la première fois, travailler ne permet plus à la grande majorité des travailleurs de changer de vie. Est-on arrivé à un point de bascule ?

ANTOINE FOUCHER. – Je le crains. Et ce, pour deux raisons : l’une relève du passé, l’autre concerne le futur. La raison passée, c’est que la dynamique qui a duré 60 ans, pas 30 – car mon livre n’est pas nostalgique des Trente Glorieuses – est finie depuis quinze ans. Le fait que cette situation dure écarte l’hypothèse qu’elle ne serait qu’une parenthèse : nous avons basculé dans une autre époque.

La raison future, c’est la démographie et la transition énergétique, autrement dit le vieillissement de la population conjugué à la nécessité d’investir en tenant compte de l’objectif de décarbonation. Il ne s’agira pas de produire plus et mieux, mais de produire autant, tout en consommant moins de carbone. Donc le niveau de vie pourra augmenter encore un peu, mais dans une moindre mesure. De ce point de vue là, oui, nous avons changé d’époque. (…)

Le désinvestissement vis-à-vis du travail vient-il seulement du fait que le travail ne « paie plus » ?

Une étude de l’Insee révèle que 60 % d’une génération a au moins un niveau bac + 2. Or, dans la structure de l’économie française, 55 % des emplois sont configurés pour des profils ayant le bac ou un diplôme inférieur. Une partie des jeunes est donc formée pour des emplois qui n’existent pas en termes qualification. Ce décalage entre la qualification et l’offre d’emploi entraîne une frustration qui participe, dès le plus jeune âge, au sentiment d’injustice et au désinvestissement vis-à-vis du travail.

Par ailleurs, il y a un décalage entre le contenu de ce que les jeunes apprennent et ce dont ils ont besoin dans les entreprises. Et ce décalage a un impact sur la productivité et, in fine, sur le salaire. En France, on peine à distinguer niveau de qualification et niveau de longueur d’études. (…)

Peut-on imaginer que l’on se dirige vers une sorte de grande apathie collective plus que vers une multiplication des conflits sociaux ?

Qu’est-ce qui fait que nous n’aurons pas le destin du Portugal du XVe ou l’Espagne du XVIe siècle ? Je ne veux pas croire que nous, Français, nous résoudrons à rester un peuple de consommateurs, de moins en moins libres et à la traîne des évolutions techniques et économiques dans le monde.

J’essaie de tordre le cou à ce qui a longtemps prévalu, à gauche en tout cas, comme l’idéal collectif d’une société libérée du travail, car cet idéal nous plombe. Dans le paradigme des Trente Glorieuses, il y a aussi le fait qu’on vivra de mieux en mieux, en travaillant de moins en moins, grâce à un travail plus productif. Mais il faut sortir d’une analyse sous-jacente qui verrait le travail comme une aliénation. J’essaie de proposer un autre idéal collectif : celui d’une société dans laquelle chacun choisirait son travail. C’est moins ambitieux que la vie après la mort ou le progrès matériel infini, mais cela a le mérite d’être à portée de mains.

https://www.lefigaro.fr/vox/economie/antoine-foucher-les-gens-qui-ne-travaillent-pas-ou-plus-vivent-mieux-que-ceux-qui-travaillent-20241129#:~:text=*Antoine%20Foucher%20est%20un%20ancien,aujourd’hui%20le%20cabinet%20Quintet.&text=LE%20FIGARO.,de%20vie%20moyen%20a%20doubl%C3%A9.


Der Spiegel, 3 décembre, article payant

Frankreichs populistische Politik und finanzielles Risiko gefährden Europa

Frankreich schiebt 3,2 Billionen Euro an Schulden vor sich her. Gestiegene Zinsen und eine aus den Fugen geratene Politmaschinerie gefährden die finanzielle Stabilität. Und jetzt könnte noch die Regierung stürzen.

Lisez l’article en PDF : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/3-decembre.pdf

https://www.spiegel.de/wirtschaft/unternehmen/frankreich-gefaehrliche-spirale-aus-schulden-und-steigenden-zinsen-droht-a-765babaf-e397-4446-8de3-bc72aa3fdfdc


Jean-Eric Schoettl: «49.3, censure, ordonnances… Comment échapper à une France sans budget ?»

TRIBUNE – Alors que plusieurs options sont sur la table pour permettre au gouvernement d’adopter le budget 2025, l’heure est à la responsabilité pour tous les partis politiques, estime l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.

Extraits:

À l’heure où ces lignes sont écrites, la question n’est plus de savoir si le gouvernement sera censuré avant la fin de l’année, mais à quelle occasion : loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ou loi de finances ? (…)

Et quelle alternative politique à peu près viable y a-t-il à l’actuel socle commun ? Une alliance entre la macronie et les socialistes est une illusion : d’abord, parce que les socialistes veulent en finir avec la politique de l’offre, ADN et succès du macronisme (il n’y en a pas tant que cela) ; ensuite, parce qu’une telle alliance ne suffirait pas quantitativement à compenser la défection des LR et de l’aile droite du camp présidentiel ; enfin, parce qu’elle ne ferait qu’aggraver la situation du pays sur les plans financier, sécuritaire et migratoire. Quant à un gouvernement technique, il serait encore plus vulnérable que l’actuel aux embardées d’une Assemblée constitutivement rebelle et que survolteraient encore davantage les difficultés du pays et l’exaspération de l’opinion.

Last but not least : le renversement du gouvernement par les voix conjuguées de la gauche et du RN compromettrait les chances de la seule alternative au blocage politique actuel, qui résulte du fractionnement de l’opinion et de l’Assemblée en trois pôles. Cette alternative consisterait à élargir l’arc républicain en construisant, entre le bloc central et le RN et ses alliés, sinon une coalition, du moins un accord de non-agression et de respect mutuels, que cimenterait leur convergence de vues sur les questions régaliennes. Hélas, la surenchère du RN, qui a choisi de multiplier récemment ses lignes rouges, au lieu de célébrer la victoire obtenue du Premier ministre avec l’abandon de la taxe sur l’électricité, le fait rechuter dans une posture tribunicienne. Elle met à mal les efforts entrepris par lui pour devenir un parti de gouvernement.

Mais tout n’est pas joué. Il est encore temps, pour les formations politiques, de faire prévaloir l’intérêt supérieur du pays sur leurs stratégies, leurs idéologies et… leurs humeurs.

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/jean-eric-schoettl-49-3-censure-ordonnances-comment-echapper-a-une-france-sans-budget-20241202


Le Monde, 2 décembre, article payant

Fractures françaises : « Comment vivent les Français ? »

Le secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès, Gilles Finchelstein, dresse un portrait des Français « à l’échelle humaine », à partir de douzième vague de l’enquête annuelle « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour « Le Monde », la Fondation Jean Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne.

Extraits:

Et si nous analysions les « Fractures françaises », l’enquête réalisée par Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès, le Centre de recherches politiques de Sciences Po et l’Institut Montaigne, réalisée du 14 au 21 novembre auprès d’un panel de 3 000 personnes,non pas en partant des opinions sur la France mais du ressenti des Français ? Et si nous essayions d’esquisser un portrait en kaléidoscope des Français, un portrait « à l’échelle humaine », du nom de l’ouvrage (Gallimard, 1945) rédigé en captivité par Léon Blum (1872-1950), figure du Front populaire de 1936 ?

Premier angle de vue : comment disent-ils vivre, eux que l’écrivain Sylvain Tesson voyait comme des gens qui vivent « au paradis » et « se croient en enfer » ? Ils vivent difficilement et le chiffre doit être médité : 55 % déclarent qu’il leur est difficile de « joindre les deux bouts » – c’est-à-dire d’assumer non pas le petit plaisir superflu ni la grosse dépense exceptionnelle mais les seules « dépenses courantes ». Ce chiffre-là explique beaucoup – et notamment pourquoi le pouvoir d’achat reste, de loin, en tête de la hiérarchie des préoccupations.

Dans le même temps, ils sont bien intégrés dans un réseau de sociabilités : 61 % se déclarent « entourés », et davantage encore les seniors (74 % chez les plus de 70 ans) ; 92 % des Français se trouvent « écoutés » et disent avoir à qui parler de leurs problèmes personnels (même si ce n’est souvent, à 55 %, qu’à une ou deux personnes). Ils sont très nombreux, 73 %, à être partis en vacances durant les douze derniers mois – 19 % dans leur région, 48 % ailleurs en France, 29 % à l’étranger. Et ils se déclarent plutôt satisfaits de leur vie : sur une échelle de 0 à 10, 50 % se placent entre 7 et 10 et 40 % supplémentaires dans une position moyenne, entre 4 et 6.

Deuxième angle de vue : comment se définissent-ils ? Si nous sommes dans ce que Norbert Elias avait appelé en 1987 la « société des individus » (du nom d’un ouvrage paru en France en 1991 chez Fayard), où chacun se construit et se bricole sa propre identité, il n’en demeure pas moins que des lignes de forces se dégagent clairement lorsque l’on interroge les Français sur les trois éléments qui les caractérisent le mieux. Il y a, d’abord, à 40 %, la nationalité – nous sommes d’abord Français. Il y a, ensuite, la génération : 38 % des Français pensent être définis par leur âge et ce sentiment monte à 52 % à partir de 60 ans.

Il y a, enfin, et ce doit être souligné, les relations sociales plutôt que les éléments identitaires : nos amis (33 %), nos loisirs (32 %) ou notre métier (28 %) sont bien davantage privilégiés pour nous définir que notre genre (18 %), nos opinions politiques (18 %) ou nos convictions religieuses (9 %) – il est d’ailleurs frappant de constater que, par ailleurs, 76 % des Français déclarent que la religion n’occupe pas une place importante dans leur vie.

Troisième angle de vue : comment se positionnent-ils, relativement au passé et aux autres ? Par rapport au passé, les Français sont tiraillés entre une nostalgie abstraite – 73 % partagent l’idée que « c’était mieux avant », soit près de 10 points de plus qu’en 2017 – et une hésitation concrète – par rapport à leurs parents au même âge, 28 % estiment leur situation « plus mauvaise » et à peu autre autant, 32 %, « meilleure ». (…)

Quel que soit l’angle par lequel on examine ce portrait des Français, il est plus nuancé et moins sombre que ce que l’on présente souvent. (…)

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/02/fractures-francaises-comment-vivent-les-francais_6424861_823448.html


The Economist, 30 novembre, article payant      

Breaking down  : Will the trouble ever end for Volkswagen and its rivals?

From strikes to Trump tariffs, calamities abound

Extraits:

Car dashboards have an array of indicators that illuminate to warn of trouble. If the boardrooms of Europe’s carmakers had similar systems they would be lit up like a Christmas market. Volkswagen (VW), the largest of the lot by sales, is bracing for strikes beginning on December 1st in response to its plan to close three factories in Germany and cut wages. Northvolt, a once-promising Swedish battery startup in which VW and BMW invested, has collapsed into bankruptcy. Meanwhile, across the Atlantic, Donald Trump is threatening to upend supply chains by imposing a 25% tariff on imports from Mexico and Canada.

These troubles come amid an already difficult year for Europe’s auto industry. (…)

Not long ago European carmakers were on a tear. A shortage of microchips during the pandemic helped them pursue a strategy of “value over volume”, as they prioritised putting scarce chips into their most profitable vehicles. VW broke its record for operating profit each year from 2021 to 2023. Stellantis (whose largest shareholder, Exor, is a part-owner of The Economist’s parent company) generated its highest-ever revenue and profit in 2023. BMW and Mercedes also enjoyed bumper years. A restructuring programme at Renault also began to pay off.

Lately, however, the picture has darkened. Demand for cars in Europe has stalled and may be headed for structural decline. Europe will never return to its pre-pandemic heights of 16m sales a year, concedes Arno Antlitz, vw’s chief financial officer. (…)

European carmakers are also being squeezed on price at home by Chinese competitors. (…)

Meanwhile in China, European firms are losing out to domestic rivals. The world’s largest car market has long been an important source of profit for Europe’s auto industry. Those days are drawing to an end. According to ubs, a bank, foreign brands’ market share has plummeted from 63% in 2020 to 37% now, with Chinese carmakers proving better at stuffing their vehicles with the whizzy technology that the country’s consumers demand. VW has been hit especially hard. (…)

Business in China is also getting harder for Germany’s upmarket firms. BMW and Mercedes earn 48% and 37% of their operating profit, respectively, in the country. Although they have so far shed only a few percentage points of market share, both rely heavily on petrol cars in a country where half of sales are now electric. (…)

Stellantis, which has largely pulled out of China, is nevertheless in a battle with Chinese competitors in South America and the Middle East, both important regions for the firm. Its bigger problem, though, is its plunging profit in North America. (…)

All this points to a painful period of readjustment for Europe’s carmakers that will need to start with tackling overcapacity at home. Efforts to do so, however, are already encountering resistance. VW’s unions are not the only ones taking industrial action. Last month Italian auto workers staged a one-day walkout, their first national strike in 20 years. Strikes have also hit auto suppliers in France and have been threatened at two tyre plants set to close by 2026.

Politicians, too, are taking a dim view of factory closures. “Possible wrong management decisions from the past must not be at the expense of employees,” Olaf Scholz, Germany’s beleaguered chancellor, has said in relation to VW’s planned closures. Carlos Tavares, the boss of Stellantis, has been chastised by the Italian government for sending jobs to low-cost countries. But unless European car companies can deal with rising costs and sliding sales their plight will only worsen. The warning lights are flashing more urgently now. ■

https://www.economist.com/business/2024/11/28/will-the-trouble-ever-end-for-volkswagen-and-its-rivals


Le Figaro, 29 novembre, article payant

Grèves, voyages gratuits, retraites précoces… Ce que nous coûte vraiment les privilèges des cheminots

ENQUÊTE – Alors que la menace des manifestations plane sur les fêtes de fin d’année, plongée au cœur des nombreux et gros « petits plus » des cheminots de la SNCF.

Extraits:

Yaura-t-il des trains à Noël ? Ce pourrait être le titre d’un mauvais feuilleton télévisé servi tous les ans à l’approche des fêtes de fin d’année ; ou une invitation à voyager dans l’absurdistan ferroviaire français… La question est sur toutes les lèvres, au menu de presque tous les repas de famille. Comme chaque fois, les syndicats de cheminots prendront-ils les usagers de la SNCF (15 millions de voyageurs chaque jour) en otage, espérant obtenir des réponses à leurs revendications protéiformes : un moratoire contre le démantèlement de Fret SNCF, plus de douceur dans les modalités de l’ouverture à la concurrence des lignes régionales, davantage de générosité en matière de revalorisations salariales… ? (…)

Chaque jour de grève coûte en effet plus de 20 millions d’euros à la SNCF. Soit plus de la moitié du prix d’une rame TGV neuve (35 millions d’euros). Que d’investissements partis en fumée, alors que la SNCF n’a pas connu une seule année sans mouvement social depuis soixante-dix-sept ans ! Encore dans toutes les mémoires, les 27 jours de grève de décembre 2019 contre la première réforme des retraites d’Emmanuel Macron ont engendré un manque à gagner, en termes de chiffre d’affaires, d’environ 690 millions d’euros pour l’entreprise ferroviaire (près de 20 TGV !). 

Le coût de la grève de Noël 2022 ? De l’ordre 100 millions d’euros (3 TGV…). Et à chaque fois, que dire des conséquences dramatiques du blocage des transports pour les entreprises mises subitement à l’arrêt ; de la galère des millions de salariés qui ne peuvent aller travailler ou sont contraints de jongler entre les solutions de rechange, quand elles existent… Chaque jour de grève dans les transports occasionne une perte pour l’économie française de l’ordre de 300 millions d’euros par jour.

Mais même lorsque les cheminots ne font pas grève, la SNCF coûte cher aux contribuables. Et même de plus en plus cher, comme l’a démontré l’institut Fipeco : de 13,7 milliards d’euros en 2016 (rapport Spinetta, février 2018), le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) est passé à 18,5 milliards en 2021 puis à 20 milliards en 2022. (…) « Sur un chiffre d’affaires de 41,4 milliards d’euros en 2022, dont 49 % pour les activités ferroviaires, les versements des administrations publiques en représentaient près de la moitié. », reconnaît François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et fondateur de Fipeco. 

Parmi les sommes à la charge des contribuables figurent notamment les « subventions » aux coûts de fonctionnement de la SNCF, à hauteur de 10,1 milliards d’euros. (…)

À cela s’ajoutent 6,2 milliards d’euros de subventions d’investissement reçus par l’entreprise (…) ce qui n’empêche pas l’entreprise ferroviaire d’afficher encore un endettement en or massif : 24 milliards d’euros à fin 2023. Bien que la SNCF réalise des bénéfices depuis trois ans (1,3 milliard d’euros en 2023), il lui faudra plusieurs années dans le vert pour éponger ses dettes par ses propres moyens. (…)

Et ce n’est pas tout : chaque année, l’État verse une subvention d’équi libre de 3,3 milliards d’euros à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, en charge du régime spécial de retraite des cheminots. Beaucoup pensaient celui-ci disparu à la faveur de la réforme des retraites ; il n’en est rien ! Certes, la loi de 2018 a prévu que les recrutements de cheminots au statut cessent le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé. Mais cette mesure n’aura de conséquences que pour les nouveaux embauchés. Tous les autres ne sont pas concernés par le recul de l’âge légal de départ à la retraite et vont continuer de partir à la retraite entre 54 et 59 ans, comme avant, creusant toujours un peu plus le déficit abyssal du régime. (…)

Quel salarié du secteur privé, confronté à la rigueur salariale et à la menace des plans sociaux, ne serait pas estomaqué en apprenant qu’entre 2022 et 2024, la rémunération moyenne des 278.600 collaborateurs de la SNCF a progressé de 17 %, et même de 21 % pour les premiers niveaux de salaires, soit nettement plus que l’inflation cumulée de 13 % constatée durant ces deux années post-Covid ? (…)

Ainsi, les salariés de la SNCF, de même que les retraités, bénéficient de la gratuité de circulation sur l’ensemble du réseau ferroviaire. Leurs enfants et conjoints (notion étendue aux concubins et partenaires de PACS) se voient proposer pour leur part huit « cases gratuites » par an (une case gratuite permet d’obtenir la gratuité sur tout voyage réalisé à partir de la date inscrite dans la case jusqu’au surlendemain midi, ce qui autorise par exemple un aller-retour gratuit sur un week-end) et de 90 % de réduction sur les voyages suivants.

Enfin, les ascendants (parents et grands-parents) de l’agent, mais aussi de son conjoint (les beaux-parents de l’agent, donc !) ont droit à quatre cases gratuites par an. Cela finit par faire du monde. En 2017, le nombre de bénéficiaires du système était de 1,3 million (en hausse de 20 % par rapport à 2011) dont seulement 467.733 (35 % du total) étaient des agents en activité ou leurs ayants droit directs (conjoint, enfants). (…)

Vous ne voulez toujours pas travailler à la SNCF ? Peut-être serez-vous sensible aux généreuses aides au logement proposées par l’entreprise à ses agents. (…)

Tous ces avantages proposés aux cheminots de la SNCF ont un coût, que François Ecalle évalue à environ 10 % de la masse salariale brute (…).

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/greves-voyages-gratuits-retraites-precoces-ce-que-nous-coutent-vraiment-les-privileges-des-cheminots-20241129


Le Figaro, 29 novembre, article payant

Henri de Castries : «Sommes-nous la nation la plus bête du monde ?»

ENTRETIEN – Pour le président de l’Institut Montaigne, la victoire de Trump et le contexte géopolitique doivent obliger les Européens à investir davantage dans la défense ou l’énergie pour peser dans le nouvel équilibre mondial. La France, elle, doit urgemment entamer une politique de réformes pour enrayer l’appauvrissement accéléré du pays.

Extraits:

(…) Il n’est par ailleurs plus possible de repousser certains investissements, dans l’énergie, la défense, la technologie ou encore de refuser de s’interroger sur la perte de croissance et de compétitivité qui résulte de l’excès de réglementation. La capacité de l’industrie européenne à accéder à une énergie bon marché reste la mère de toutes les batailles en matière de compétitivité. Le fait qu’on ait évité la pénurie depuis le début de la guerre en Ukraine ne signifie pas qu’on ait trouvé la solution. Là où les États-Unis ont continué à accroître la compétitivité de leur offre énergétique, l’Europe n’a trouvé que des substituts temporaires. Pour conserver son industrie, il est donc vital qu’elle prenne un certain nombre de décisions. Et l’éléphant dans la pièce, c’est le nucléaire. J’espère que les élections allemandes feront bouger les lignes sur ce sujet.

La défense est aussi bien sûr un enjeu majeur. Concrètement, dépensons-nous assez, de la bonne manière et aux bons endroits ? La guerre en Ukraine, qui est une guerre mixte, a montré qu’un conflit demande une combinaison de moyens extrêmement sophistiqués avec des moyens extraordinairement basiques. Même si l’on tente de se rassurer en se disant que la Russie a le PIB de l’Italie, la vérité reste la même : comme les achats européens sont dispersés, l’Europe ne bénéficie pas d’effets d’échelle et elle tarde à monter en cadence. Sur ce point, l’Allemagne semble faire le nécessaire en augmentant massivement ses dépenses de défense. Elle a toutes les marges de manœuvre pour le faire – on a plus de marge avec 60 % de dette sur PIB qu’avec 115 % ou 120 %. Mais, pour se traduire en réelles capacités opérationnelles, il faudra du temps.

Tout cela représente le défi majeur pour l’Europe, car Trump va être un partenaire de discussion infiniment plus exigeant. Jusqu’à maintenant les Américains étaient avec nous dans le rôle de l’oncle complaisant qui nous tapotait simplement sur l’épaule. Maintenant, ils vont devenir l’oncle revêche. Notre capacité à peser va directement et crûment être liée à l’ampleur de nos efforts, plus qu’à l’historique de nos relations. (…)

Si l’Europe veut peser, il faut qu’elle renforce sa main en faisant les efforts qu’elle a repoussés jusqu’à maintenant. Le réarmement européen est une nécessité parce qu’il est le prix de la paix. Il y a cette vieille devise romaine : « Si vis pacem para bellum », « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Ce qui était valable du temps de l’Empire romain l’est encore aujourd’hui. Pourquoi l’Empire romain s’est-il effondré ? Parce que Rome a renoncé à sa puissance militaire en prenant des mercenaires, mais aussi à cause « du pain et des jeux ». L’Empire a mis en place de plus en plus de prestations sociales provoquant l’oisiveté du peuple romain.

La victoire de Trump signifie-t-elle la victoire du protectionnisme ou, au contraire, d’un certain libéralisme ? Quelles conséquences pour l’économie américaine ?

(…) Toute l’histoire économique depuis plusieurs siècles nous enseigne qu’un libre-échange convenablement organisé est générateur de croissance et de prospérité. Alors que le protectionnisme fait monter les prix et réduit la croissance en appauvrissant tous les secteurs et toutes les personnes obligées d’acheter des biens plus chers qu’elles n’auraient pu les avoir si on avait ouvert les frontières, sans que l’offre intérieure représente une vraie alternative. Paradoxalement, les États-Unis risquent moins de croissance et plus d’inflation. (…)

Musk a promis de débureaucratiser l’Administration américaine. Qu’est-ce que cela va changer ? Quels enseignements la France peut-elle en tirer ?

La débureaucratisation promise par Musk va être passionnante à observer. Car l’Amérique est loin d’être le pays le plus bureaucratique du monde. Si l’on parvient à faire des gains significatifs dans un pays où les dépenses sont déjà faibles grâce à la réintroduction du bon sens et à l’utilisation des nouvelles technologies, cela va ouvrir de nouveaux horizons. L’un des grands maux français, c’est que la bureaucratie a réussi à convaincre l’opinion qu’elle n’était pas réformable et que les premières victimes de toute tentative de réforme seraient les citoyens. Il n’y a rien de plus faux ! Les recrutements de fonctionnaires en France ont continué à un niveau élevé et la multiplication d’agences indépendantes et d’autorités diverses ont conduit à des dérives budgétaires et bureaucratiques. (…)

Mais une réforme de l’État est-elle possible ?

Sommes-nous la nation la plus bête du monde ? Pourquoi serions-nous les seuls incapables de la faire ? Voulons-nous être les derniers ? (…) Notre modèle est insoutenable. Regardons sur les sept dernières années : tout cela se traduit par 1000 milliards de dette de plus. Qu’est-ce que cela signifie ? Que le pouvoir d’achat a été maintenu par l’accroissement de la dette. En clair, depuis plus de 30 ans, la France vit au-dessus de ses moyens. C’est un pacte faustien : il y a un moment où il faut payer sa dette. Que nous le voulions ou non, ce qui se passera si nous ne réformons pas c’est un appauvrissement accéléré du pays qui a déjà commencé. Il n’y a pas de fatalité. La réforme est la seule voie possible. Elle est exigeante, mais possible.

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/henri-de-castries-sommes-nous-la-nation-la-plus-bete-du-monde-20241128


Le Figaro, 26 novembre, article payant

Anne de Guigné : «Pourquoi il est aberrant de taxer davantage l’électricité»

CHRONIQUE – L’État ne peut pas inciter à l’électrification d’une main, tout en surtaxant l’électricité de l’autre. D’autres voies existent pour rétablir les finances publiques.

Extraits :

De concessions en concessions auprès des membres du bloc central, Michel Barnier n’a cessé de détricoter son budget ces derniers jours. Difficile dans ces circonstances, et alors que la tension sur la dette française se renforce, de réclamer un dernier effort. Et pourtant, il le faudrait. La surtaxation de l’électricité, au-delà du niveau pré-crise du Covid, n’a en effet aucun sens. Marine Le Pen, comme beaucoup d’autres parlementaires, demande d’y renoncer au nom du pouvoir d’achat. Ce sujet de fin de mois compte mais au-delà, il s’agit avant tout d’une question de cohérence de l’action publique.

Le projet de loi de finances contient en effet plus de 13 milliards d’euros de dépenses en faveur de la production et de la consommation d’électricité. Avec la nouvelle surtaxation, les taxes atteignent de leur côté 12 milliards. Elles appuient dans le sens inverse des dépenses puisqu’elles viennent freiner la demande, et par ricochet, limiter les besoins de production.

Derrière le prix de l’électricité, se joue l’avenir du pays en termes de compétitivité, de souveraineté et de décarbonation. En ce domaine, la France bénéficie d’une longueur d’avance historique grâce aux programmes nucléaires depuis les années 1960, et avant même à l’hydraulique, la fameuse « houille blanche » que défendait déjà Georges Clemenceau. Aujourd’hui, notre pays s’impose ainsi comme le premier exportateur d’électricité en Europe, avec une prévision de 90 TWh d’exportations cette année. Malgré cette performance, les prix pour les usagers n’ont cessé d’augmenter depuis plus de dix ans. Trois à quatre fois plus vite que l’inflation même, depuis 2012, pour les particuliers et les plus petites entreprises.

Conséquence : la demande d’électricité des particuliers baisse en France depuis cette date. (…)

Les industriels souffrent aussi de prix exorbitants. Selon les données de Bloomberg, en moyenne en 2023, parmi les grandes nations industrielles, seules les entreprises de Grande-Bretagne, d’Allemagne et d’Italie se sont acquittées de tarifs plus élevés que les Françaises. (…)

« La politique et l’économie sont liées l’une à l’autre comme le sont l’action et la vie » [écrivait de Gaulle dans ses Mémoires]. Le même bon sens s’impose aujourd’hui : à l’ère de l’électrisation de l’économie et des menaces géopolitiques, la politique publique doit se fixer comme objectif la baisse des prix de l’électricité.

D’un point de vue strictement budgétaire, compte tenu de l’urgence de la situation française et de la difficulté à réformer la sphère publique, on comprend le choix de Bercy : à court terme, grâce à l’évolution favorable des prix de marché, la hausse des accises paraît indolore pour les particuliers. Il existe pourtant d’autres pistes pour compenser ces 3 milliards de recettes. La logique voudrait d’abord de chercher du côté des dépenses fiscales dites « brunes », c’est-à-dire émettrices de CO2, chiffrées à plus de 8 milliards d’euros dans le PLF. (…)

Le sénateur Jean-François Husson a déposé un amendement en ce sens au projet de loi de finances où il affirme que « le risque serait d’inverser “l’ordre de mérite”, c’est-à-dire que le gaz devienne bien plus avantageux que l’électricité, à rebours de nos ambitions climatiques et des enjeux de souveraineté énergétique ».

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/anne-de-guigne-pourquoi-il-est-aberrant-de-taxer-davantage-l-electricite-20241124


IREF / Contrepoints, 25 novembre, libre accès  

Le ministre de la fonction publique n’attend pas le vote de la loi pour agir contre l’absentéisme

Extraits :

Nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique, a un plan pour lutter contre l’absentéisme dans l’administration. Il consiste à imposer trois jours de carence (au lieu d’un) et à porter à 90% (au lieu de 100%) le taux de remplacement de la rémunération des agents durant les arrêts maladie de courte durée. Des dispositions, alignées sur celles en vigueur dans le secteur privé, qui pourraient faire gagner 1,2 milliards d’euros (Md€). C’est même 6 Md€ que l’on pourrait économiser en ramenant le taux d’absentéisme des agents publics à son niveau d’avant pandémie de covid-19.

Les sommes en jeu sont colossales. C’est sans doute pourquoi le ministre de la Fonction publique avance imperturbablement dans la mise en œuvre de son plan au grand dam des syndicats. (…)

Guillaume Kasbarian a décidé de présenter un projet de décret au prochain Conseil commun de la fonction publique (CCFP) prévu le 3 décembre 2024, pour que la mesure puisse s’appliquer aux contractuels en même temps qu’aux fonctionnaires si la loi est votée par le Parlement. Bien évidemment, précise le ministère, le décret pour les contractuels ne sera pas signé si la mesure pour les fonctionnaires n’est pas approuvée.

Les syndicats, qui contestent toutes ces dispositions, s’opposent aussi à la méthode. Pour eux, le ministre cherche à passer en force. Ils menacent donc de boycotter le CCFP. (…)

Même si nous aurions souhaité que Guillaume Kasbarian s’attaque aussi au statut de la fonction publique, nous saluons sa célérité dans cette affaire. Espérons qu’il fasse preuve d’autant d’empressement dans les autres chantiers qui l’attendent. Et souhaitons que les autres ministres, qui ont tous à réformer leur administration, en prennent de la graine !

https://fr.irefeurope.org/publications/les-pendules-a-lheure/article/le-ministre-de-la-fonction-publique-nattend-pas-le-vote-de-la-loi-pour-agir-contre-labsenteisme/


Le Monde, 21 novembre, libre accès

Éditorial : Economie française : le risque de la spirale négative

Les difficultés que la France rencontre (baisse de l’investissement, plans sociaux, remontée du chômage…) tombent au plus mauvais moment, car la compétition mondiale s’intensifie. Or les débats parlementaires, marqués par de profondes dissensions, se résument à des postures et à des discours électoralistes.

Extraits :

Les difficultés budgétaires que rencontre la France et que la représentation nationale a tant de mal de résoudre se doublent d’une autre menace : depuis la rentrée, l’économie française connaît un net retournement conjoncturel. L’investissement ralentit, la courbe du chômage s’inverse, les plans sociaux et les faillites se multiplient, l’attractivité du pays se dégrade, le climat social se tend.

Les raisons sont multiples : quatre ans après la crise pandémique, les mesures qui avaient été prises pour protéger le tissu économique arrivent à leur terme, provoquant un retour à la réalité douloureux pour les entreprises les plus fragiles. L’Allemagne, notre principal partenaire commercial, connaît une récession qui commence à avoir un impact sur l’activité en France. Enfin, le contexte politique crée un environnement peu favorable à la prise de décision des acteurs économiques : face à l’incertitude fiscale, les ménages épargnent et les chefs d’entreprise freinent sur l’investissement.

Ces difficultés tombent au plus mauvais moment, car la compétition mondiale s’intensifie. (…)

L’Union européenne s’alarme. (…)

Par contraste, l’absence en France de toute réflexion rationnelle sur la conduite de la politique économique saute aux yeux. Les débats parlementaires, marqués par de profondes dissensions, se résument à des postures et à des discours électoralistes. La gauche s’enferme dans le dogme du tout-impôt. La droite dénonce à juste titre le mauvais état des comptes publics, mais préfère flatter ses clientèles (retraités, élus locaux) plutôt que de soutenir une stratégie de redressement cohérente. (…)

En s’installant à Matignon dans des conditions particulièrement difficiles, Michel Barnier a tenté de lancer ce que la France a toujours eu le plus grand mal à opérer lorsqu’elle est au pied du mur : mener de pair le redressement budgétaire et la préservation de l’outil de production. L’équilibre qu’il a proposé pour tenter de résoudre la difficile équation paraissait raisonnable : un peu plus d’impôts, concentrés sur ceux qui peuvent le supporter, beaucoup moins de dépenses publiques. Mais il a présumé de ses forces. A ce stade, toute la copie est déconstruite, et le seul message qui émerge est que chacun veut continuer à dépenser plus. Le réflexe est sans doute légitime dans un pays en quête de protection, exprimée par une partie de la population, mais il n’est pas réaliste dans le monde tel qu’il se présente.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/20/economie-francaise-le-risque-de-la-spirale-negative_6404732_3232.html


L’Express, 19 novembre, libre accès  

Comment l’Italie est devenue le quatrième exportateur mondial : ces recettes qui pourraient inspirer la France

Commerce international. Seuls la Chine, les Etats-Unis et l’Allemagne la devancent désormais. Un exploit qui ne doit rien au hasard.

Extraits :

(…) Le modèle italien a été longtemps sous-estimé, voire méconnu. A tort. “Nous avons toujours eu les yeux rivés vers l’Allemagne, car c’est le leader européen en termes de taille et de densité, même si son industrie souffre aujourd’hui”, confirme Olivier Lluansi, professeur au Cnam et auteur de Réindustrialiser. Le défi d’une génération (Les Déviations). L’Italie a pourtant des arguments à faire valoir face à la première économie du Vieux Continent. Sa principale force? Un tissu industriel hyperconnecté composé à 99 % de petites et moyennes entreprises. En 2022, elle comptait près de 366 000 firmes industrielles, contre moins de 210 000 en France, pour un poids de valeur ajoutée dans le PIB de 23,5 %, selon la Banque mondiale, contre 16,8 % dans l’Hexagone. (…)

La situation politique semble aujourd’hui stable. Ce ne fut pas toujours le cas… Depuis la crise financière de 2008, huit gouvernements se sont succédé – et plus de 70 depuis 1945. Une inconstance qui a conduit les entreprises à s’organiser par elles-mêmes. “La réussite de l’Italie n’est pas due à l’Etat central. Elle s’explique d’abord par la capacité des entrepreneurs présents dans chaque région à conserver des métiers qui, pour certains, remontent au Moyen Age. Elle tient aussi au maintien de la production sur leur territoire plutôt qu’aux délocalisations”, détaille Edoardo Secchi. “L’administration n’est pas capable de lancer des grands travaux et de prendre des décisions rapides. Alors, les entreprises se débrouillent”, abonde Denis Delespaul, président de la chambre de commerce et d’industrie France-Italie. Le pays a tout de même su se relever de la crise des dettes souveraines, au début des années 2010. “Il faut mettre une partie de ce redressement au crédit des réformes structurelles prises à ce moment-là. C’est parfois douloureux, mais cela paie”, juge Olivier Redoulès, directeur des études chez Rexecode. (…)

“L’Italie est extrêmement bien intégrée dans les chaînes de valeur comme fournisseur de produits intermédiaires. Son rôle a pris encore plus d’importance quand il y a eu des problèmes d’approvisionnement, au moment de la pandémie de Covid-19”, remarque Cristina Mitaritonna, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales.

Il n’est pas rare de croiser une machine italienne dans les usines européennes… même en Allemagne, pourtant pionnière du genre. Surtout, l’industrie italienne a su opérer ces dernières années une montée en gamme spectaculaire. (…)

Le tableau, enviable, présente toutefois quelques ombres. A mesure que la population italienne continue de vieillir – plus rapidement que dans les autres pays de l’Union européenne -, la transmission générationnelle tourne au casse-tête. L’Italie, comme l’Allemagne, a vu le coût de l’énergie monter en flèche avec la guerre en Ukraine. Un boulet pour la compétitivité de son industrie. A force, enfin, de se reposer sur ce secteur, l’économie italienne passe à côté d’autres segments prometteurs. “En dehors de la manufacture, il y a un déficit de compétences. Très peu de gens sont aujourd’hui formés aux métiers d’avenir comme ceux liés à l’intelligence artificielle”, regrette Edoardo Secchi. Une carence préoccupante, d’autant que cette technologie se diffuse partout, y compris dans l’industrie.

https://www.lexpress.fr/economie/comment-litalie-est-devenue-le-quatrieme-exportateur-mondial-ces-recettes-qui-pourraient-inspirer-la-


L’Opinion, 13 novembre, article payant      

Peur sur l’industrie, le retour

Depuis quelques mois, les plans sociaux se multiplient, comme les défaillances d’entreprises industrielles. L’Europe et la France courent la compétition mondiale avec de multiples boulets aux pieds

Extraits :

Depuis quelques mois, les plans sociaux et les défaillances d’entreprises se multiplient. L’Europe et la France courent la compétition mondiale avec de multiples boulets aux pieds Depuis septembre 2023, la CGT a recensé plus de 180 plans de licenciements en cours. 100 000 emplois sont menacés, selon la centrale syndicale. (…)

Dans l’automobile, l’annonce de la fermeture de deux usines Michelin, à Vannes et à Cholet, avec la suppression de 1 250 emplois a sonné comme un coup de tonnerre, après l’annonce faite cet été par l’équipementier Valeo qu’il allait était à la recherche de repreneurs pour trois sites en France, menaçant 1 120 emplois. Dans la foulée de la dissolution, « tout le monde a levé le crayon sur le mode : je n’investis pas tant que je ne sais pas ce qu’il va se passer en France et en Europe. Les industriels ont passé l’été ainsi, au moment où ils travaillent leurs budgets et leurs grandes orientations stratégiques », constate le patron d’une grande fédération du secteur. Et puis il y a eu les annonces budgétaires du gouvernement Barnier avec l’augmentation exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises et 5 milliards de rabot sur les allègements de charges, qui va toucher de plein fouet l’industrie. « Ils ont donc démarré la rentrée avec tous les curseurs au plus bas du fait de décisions politiques qui visent à supprimer les bonus et primes pour les véhicules électriques, de notre incapacité à faire baisser les coûts de production de ces véhicules en France et de l’annonce de livraisons de véhicules moins chers venus de Chine », regrette la même source.

Coût de l’énergie. Le président de Michelin, Florent Menegaux, a dressé la longue liste des contraintes auxquelles il fait face. Dont la surréglementation sur le Vieux Continent. Cela fait des mois que l’Allemagne et la France disent vouloir s’y attaquer… Michelin va par exemple devoir assurer la traçabilité du caoutchouc naturel qu’il utilise. Une facture estimée « entre 150 et 200 millions d’euros par an, mais aucun de nos concurrents ne respectera cette réglementation, et aucun contrôle ne sera fait », a-t-il déploré dans une interview aux Echos.

Autre grief qui revient régulièrement : la concurrence étrangère « déloyale ». (…)

« A chaque crise européenne, nous descendons d’une marche », déplore Bruno Grandjean, président du directoire de Redex. « En France, l’industrie n’intéresse plus personne, moyennant quoi nous n’avons plus la taille critique dans de nombreux domaines. Les crises fortifient les forts et affaiblissent les faibles », poursuit le patron de l’ETI spécialisée dans les biens d’équipement. (…)

Mais même certains ministres espèrent surtout discrètement que le coup de rabot sur les allègements de cotisations sociales sera finalement abandonné, comme le demande le groupe EPR au Parlement. « On ne peut pas constater que l’industrie est en difficulté et attendre le doigt sur la couture du pantalon », considère l’un d’entre eux. « Combien y aura-t-il de destruction d’emplois ? Ça dépendra de ce qu’on fait maintenant. »

https://www.lopinion.fr/economie/peur-sur-lindustrie-le-retour


Le Figaro, 12 novembre, article payant

Face au choc fiscal qui s’annonce, les entreprises réduisent déjà la voilure en France

DÉCRYPTAGE – Le vote solennel de la partie recettes du projet de loi de finances est programmé ce mardi. La nouvelle donne fiscale oblige les petits et grands patrons, qui finalisent leur propre budget 2025, à de douloureux arbitrages.

Extraits :

« Depuis quelques semaines, nous voyons nos clients de plus en plus inquiets, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité, assure Angélique Acosta, directrice associée du cabinet de conseil Spartes. La plupart n’auront pas d’autre choix que de réduire leurs dépenses de fonctionnement. » Pour faire face au mur de charges qui les attend à partir de 2025, certaines entreprises activent déjà tous les leviers possibles pour trouver des économies. Gestion plus fine de la paie, de l’absentéisme ou des contrats d’assurance collective, optimisation du parc immobilier, de la consommation d’énergie… la chasse aux économies est ouverte.

« Je compte faire un bilan clair des dépenses de santé réelles des collaborateurs », confie Roger Reynaud, à la tête d’Alliance Environnement, une entreprise de traitement de l’eau et de valorisation des déchets basée dans le Sud. Pis, 37% des très petites entreprises envisagent de modérer les salaires, selon une enquête menée par le Syndicat des indépendants (SDI). « Notre service juridique reçoit beaucoup d’appels de TPE qui se posent la question de la possibilité qu’elles ont de se séparer de leurs collaborateurs », alerte Marc Sanchez, secrétaire général du SDI, alors que 27% des entreprises craignent d’avoir à supprimer des postes. (…)

« Si j’ai moins de compétitivité, j’investis moins dans les magasins et dans les baisses de prix et je crée moins d’emplois », a prévenu Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, premier employeur privé de France. Rodolphe Saadé, patron de l’armateur CMA CGM, l’un des groupes français les plus florissants de ces dernières années, a, lui, brandi la menace dans une interview au Figaro  : « Je vais certainement devoir revoir certains de mes investissements. Dans la logistique, nous faisons traditionnellement de la croissance externe : il se peut que certaines opérations ne se fassent pas. »

Plans d’économies, projets industriels et d’acquisitions remis en cause, menaces sur l’emploi… Le budget 2025 n’a pas encore été voté, mais ses effets secondaires se font déjà sentir. « C’est un vent fiscal très puissant qui s’abat sur les entreprises, déplore un conseiller de plusieurs patrons du CAC 40. Tout entrepreneur ne peut qu’être saisi d’un fort sentiment d’insécurité à la vue des débats actuels à l’Assemblée nationale. » Toutes les entreprises ont senti le vent tourner. La politique de l’offre favorable à l’investissement impulsée par Emmanuel Macron depuis 2017 ? Oubliée, face à l’urgence du moment : contenir la dérive des finances publiques. (…)

https://www.lefigaro.fr/societes/face-au-choc-fiscal-annonce-les-entreprises-reduisent-deja-la-voilure-en-france-20241111


Les ports français sont parmi les plus mauvais du monde (IREF, 23 octobre, libre accès)

La Banque mondiale vient de publier l’édition 2023 de son indice de performance des ports de conteneurs dans le monde. Ce CPPI (pour Container Port Performance Index) compare le temps passé par les navires dans les ports.

Le décompte commence au moment où le navire arrive au mouillage jusqu’à sa sortie du port. Plus ce temps est court, mieux le port est classé. En 2023, c’est le port de Yangshan (Chine) qui tient la première place, suivi par Salalah (Oman) puis Carthagène (Colombie). Tanger (Maroc) est 4ème et Tanjung Pelepas (Malaisie) 5ème. (…)

Et les ports français ? (…)

Les ports français de Métropole se classent 215ème (Brest), 217ème (Bordeaux), 262ème (Nantes-St Nazaire), 354ème (Marseille) et 372ème (Le Havre) sur 405 ports notés par la Banque mondiale. Bref, ils sont dans les profondeurs du classement. Pour un pays qui a le deuxième espace maritime mondial derrière les États-Unis, et la troisième entreprise mondiale de transport maritime de conteneurs (CGA-CGM), c’est affligeant et inquiétant. (…)

Cette piètre performance des ports français s’explique par une modernisation insuffisante, une mainmise des syndicats (essentiellement la CGT) qui organisent des grèves à répétition, et une réglementation tatillonne.

Pour remédier à la situation, le Gouvernement n’a rien trouvé de mieux, dans le projet de budget pour 2025, que d’instaurer une « taxe exceptionnelle » sur les grandes entreprises de fret maritime (c’est-à-dire CMA-CGM, c’est la seule), dont il espère tirer 500 millions d’euros.

Taxer plutôt que réformer, tel semble être la devise de Monsieur Barnier !

Les ports français sont parmi les plus mauvais du monde – IREF Europe FR


Le Figaro, 8 novembre, article payant

«Un gâchis humain et financier» : l’absentéisme des agents de la Ville de Paris sous le feu des critiques

DÉCRYPTAGE – Alors que le gouvernement entend lutter contre ce fléau chez les fonctionnaires, le cas de la Ville de Paris interpelle : en 2023, les agents de la municipalité ont été absents 39 jours en moyenne, selon un rapport. Des chiffres dénoncés par la droite locale.

Extraits :

La mairie de Paris est-elle championne du monde d’absentéisme ? Mardi, au Sénat, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, est revenu sur ce sujet qu’il avait déjà développé quelques semaines plus tôt dans nos colonnes. L’occasion pour le membre du gouvernement de pointer du doigt la gestion coûteuse des ressources humaines à la mairie de Paris, dans un contexte de disette budgétaire. Dans les rangs des agents de la capitale, «le taux d’absentéisme atteint 9,14%, soit le double du secteur privé, a souligné le ministre. Le nombre de jours d’absence par agent et par an est assez parlant : 11,6 jours dans le privé, 14,5 jours dans la fonction publique, 39,6 jours à la Ville de Paris», a-t-il égrené, interpellé par la sénatrice Agnès Evren, lors des questions au gouvernement.

39,6 jours d’absence par an et par agent : l’exécutif ne pouvait rêver meilleur plaidoyer pour justifier son projet de durcir les conditions d’indemnisations des arrêts-maladies des fonctionnaires, comme le prévoit le budget de la Sécu. À première vue, aucun doute, les fonctionnaires de la Ville de Paris n’ont pas volé leur titre de champions de l’absentéisme. En parcourant le rapport social unique 2023 de la municipalité, on constate que les agents «permanents», au nombre de 36.248, ont bien comptabilisé 1.435.760 jours ouvrés d’absence, tous motifs confondus, en 2023, ce qui correspond effectivement à une moyenne de 39,6 jours cette année-là.

Sollicitée par Le Figaro, la Ville de Paris préfère souligner la dynamique baissière des absences pour raisons de santé, résultat des «actions entreprises en matière de prévention de l’inaptitude, de mise en place de dispositifs passerelles ou d’accompagnement à la reconversion». (…)

Pas de quoi convaincre la sénatrice Agnès Evren, pour qui l’absentéisme «irrationnel» de la Ville de Paris résulte avant tout d’une «mauvaise gestion» des ressources humaines. Car les absences des agents parisiens ne se limitent pas aux seuls arrêts-maladie et assimilés. Juste derrière les congés de parentalité, viennent les absences pour grèves qui pèsent pour 5,3% des journées de travail manquées par les agents. Rien d’étonnant aux yeux de la sénatrice, qui revient sur le rôle qu’a joué l’édile lors de la dernière mobilisation sociale d’opposition à la réforme des retraites. (…)

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/un-gachis-humain-et-financier-l-absenteisme-des-agents-de-la-ville-de-paris-sous-le-feu-des-critiques-20241108


Jacques de Larosière : Le Déclin français est-il réversible ? (Contrepoints, critique de livre, 14 octobre, libre accès)

Extraits :

Ancien directeur du Fonds monétaire international (1978-1987), puis gouverneur de la Banque de France (1987-1993) avant de devenir président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (1993-1998), Jacques de Larosière vient de faire paraître un livre dans lequel le lecteur de sensibilité libérale se plongera avec intérêt : Le Déclin français est-il réversible ? (Paris, Odile Jacob). On ne compte plus les livres et les articles qui décrivent par le menu le déclin économique, éducatif et culturel de notre pays. Mais, de son propre aveu, l’auteur entend ici retracer la genèse de ce déclin tout en proposant des solutions pour en sortir.

Le spectre du déclin ne plane certes pas seulement sur la France. Dans les pays scandinaves toutefois, nous dit l’auteur, les journalistes ont tendance à poser sans détours aux politiques des questions essentielles – quel est l’état des dépenses publiques, du budget de l’État, ou encore de la dette publique ? – sans possibilité pour les personnes interrogées de se dérober (p. 9). En France, par comparaison, les politiques de tous bords ont tendance à bavarder plus qu’à entreprendre les réformes qui devraient s’imposer, et nombre de journalistes sont enclins à se montrer conciliants, afin d’éviter les questions trop dérangeantes – chose qui contrevient d’ailleurs aux principes fondamentaux de l’éthique journalistique, qui est de toujours chercher et relater avec exactitude la vérité.

Dans son dernier livre, Jacques de Larosière tire donc le signal d’alarme : nos finances publiques et notre dette sont dans un état critique, et la situation continuera d’empirer si rien n’est fait pour y mettre un terme, un refus d’agir qui serait profondément irresponsable de la part de nos dirigeants et qui aurait des conséquences potentiellement désastreuses pour les générations à venir. Mais afin de pouvoir prendre de bonnes décisions pour le futur de notre pays, il conviendrait déjà pour Jacques de Larosière de nous défaire d’un certain nombre de servitudes d’ordre idéologique (p. 9-10) : servitude à l’égard des politiques de type keynésien d’augmentation de la demande globale, qui ne marchent pas et aggravent les déficits ; servitude à l’égard du discours rassurant, qui consiste à minimiser voire à mettre sous le tapis les graves problèmes économiques qui minent notre pays ; enfin, servitude du politiquement correct, qui n’est autre que le règne sans partage d’une « pensée unique » qui exclut par principe les faits et les idées qui n’entrent pas dans son système d’interprétation du réel.

Un des enseignements du livre de Jacques de Larosière est que le déclin que connaît actuellement notre pays ne saurait être imputable à un quelconque faisceau de causes externes : si la performance économique de la France s’est dégradée, si sa croissance est freinée, et si notre taux de chômage reste trop élevé, ce n’est la faute ni de la mondialisation, ni de l’Amérique ni de quelque autre bouc émissaire commode : c’est au contraire en nous qu’il faut voir les causes de notre échec. Dans le domaine éducatif, si la France a été classée 26e au sein de l’OCDE dans la publication du PISA 2022, c’est parce que notre enseignement s’est inexorablement délité ces dernières années. Et le fait que les jeunes ne maîtrisent pas tous, une fois arrivés à l’âge adulte, les fondamentaux du calcul et de la langue française, ne peut que les pénaliser de manière durable dans leur vie professionnelle et sociale, car ils se trouvent dès lors jetés dans une société dont ils méconnaissent largement le fonctionnement, et dans laquelle ils auront les plus grandes difficultés à s’insérer. Que faut-il faire pour renverser la tendance ? Plusieurs objectifs, nous dit l’auteur, devraient être poursuivis de manière prioritaire, comme donner davantage d’autonomie aux établissements éducatifs, améliorer le niveau des enseignants (p. 19), revaloriser la fonction enseignante, ou encore avoir un recours accru à l’initiative privée (associations caritatives, fondations…) afin de remédier aux carences du système hypercentralisé de notre Éducation nationale (p. 21).

Jacques de Larosière se montre également convaincant lorsqu’il remet en perspective les bons chiffres apparents de l’apprentissage en France. Longtemps considérée comme étant à la traîne vis-à-vis de l’Allemagne dans ce domaine, la France serait aujourd’hui en passe de rattraper son retard, étant susceptible de compter un million d’apprentis à horizon 2027. Un succès en trompe-l’œil car même si le nombre d’apprentis a été multiplié par plus de deux depuis 2019-2020, cela « vient essentiellement de l’octroi par l’État aux entreprises recrutant des apprentis d’une prime ‘exceptionnelle’ de 6 000 euros par an » (p. 22). Nous assistons en réalité dans notre pays à un dévoiement de l’apprentissage, lequel « tend désormais à devenir surtout un moyen commode pour les étudiants de trouver un emploi payé par l’État pendant qu’ils poursuivent leurs études supérieures » (p. 25). « Il permet aussi aux entreprises, ajoute l’auteur, de maintenir un niveau d’emploi satisfaisant grâce à l’aide publique » (ibid.).

Un autre volet important du livre est celui consacré à la débâcle des finances publiques. L’auteur nous rappelle que la dette publique de la France était de 20% du PIB en 1980, avant de monter à 111% en 2023 ! Elle est passée sur cette période de 100 milliards d’euros à environ 3 000 milliards ! (p. 51). De plus, nos déficits budgétaires ne cessent de s’alourdir. Comme l’IREF vient d’ailleurs de le rappeler, nous célébrons cette année en France le triste anniversaire du 50e déficit public consécutif ! Les dépenses publiques continuent leur folle course en avant : en 2023, c’est même le record planétaire de 57,3% du PIB qui a été atteint – contre 50,1% pour la moyenne de la zone euro (p. 52). Quant aux prélèvements obligatoires, c’est la même tendance qui s’observe : de 500 milliards d’euros en 1995, ils sont passés à 1 200 milliards en 2022, une hausse vertigineuse même si l’on tient compte de l’inflation (p. 53). Le jugement de l’auteur est sans appel : « Si nous voulons arrêter le déclin qui nous mine et qui risque de faire de la France un pays en voie de sous-développement, il est impératif et urgent de porter remède à notre situation des finances publiques » (p. 57-58).

Les problèmes auxquels la France d’aujourd’hui est confrontée ont pour origine non les supposés dysfonctionnements du capitalisme mais bien plutôt les déficiences de notre système public (p. 93). C’est à lui en effet qu’on doit notamment la dette publique abyssale, le délitement de notre système éducatif, ainsi que le chômage et la pauvreté dans notre pays. Il nous faut donc renverser la vapeur, conclut l’auteur, avant qu’il ne soit trop tard. « Si nous ne renversons pas la table, écrit-il, il y a de fortes chances pour que notre déclin continue jusqu’à la catastrophe dans quelques années ». (…)

Jacques de Larosière : Le Déclin français est-il réversible ? – IREF Europe FR