Glossaire alphabétique

Définition de quelques concepts et informations approfondies sur des thèmes abordés dans ce livre. En gros, vous trouverez ici tout ce qui n’a pas trouvé de place dans les notes de bas de page du livre.


Affaire des caricatures de Mohamed dans Jyllands-Posten en 2004 (page 20)

En 2004, le quotidien danois a eu le malheur de publier une série de caricatures de Mahomet, déclenchant ainsi des protestations violentes dans le monde islamique. En septembre 2005, en réaction à l’assassinat du cinéaste néerlandais Theo van Gogh par un islamiste radical désireux de venger son film Submission (le cinéaste y dénonce la soumission des femmes dans l’islam), le quotidien danois Jyllands-Posten publie une série de douze caricatures de Mohamad, dont une montrant le prophète coiffé d’un turban cachant une bombe. Dans un premier temps, ces caricatures n’ont qu’un écho modeste, surtout en Egypte. C’est seulement plusieurs mois après, flairant le potentiel propagandiste, que des islamistes radicaux danois font circuler un dossier contenant, outre les caricatures du journal danois, d’autres dessins à caractère plus obscène. Ce dossier, accompagné d’une campagne de désinformation et de mensonges, déclenche à son tour de violentes protestations dans le monde musulman contre les pays occidentaux accusés de tolérer ces blasphèmes scandaleux. Jusqu’en 2006, les islamistes continuent à faire circuler ces caricatures, déclenchant de nouvelles protestations. En tout, plusieurs centaines de manifestants meurent. 

L’apartheid des élites « bienveillantes » (page 72)

Régime de ségrégation systématique qui existait en Afrique du Sud entre Blancs et Noirs (aboli en 1991). Ruud Koopmans s’étonne dans l’introduction à son livre que, à l’opposé des fortes protestations des populations occidentales contre le régime sud-africain dans les années 1970-1980, dont les gouvernements ont imposé un blocus économique contre le régime d’apartheid et l’exclusion des athlètes des grandes compétitions internationales, personne aujourd’hui ne semble s’intéresser à ce remake de l’histoire qui sévit dans les pays musulmans en toute impunité et, à un moindre degré certes, dans la société parallèle ultra-patriarcale et rétrograde de nombreuses banlieues européennes. Nos jeunes activistes françaises préfèrent manifester contre les dévastations imaginaires du patriarcat en France, non contre celui, réel, exercé à l’encontre des femmes musulmanes. Il s’agit là d’une indécence infantile que rien n’excuse (voir aussi Koopmans, op. cit., p. 12). Ayaan Hirsi Ali, déjà présentée, recommande à ces jeunes féministes de faire un stage en Somalie, en Iran ou en Afghanistan au cours de leurs études, afin de faire l’expérience directe de ce que cela signifie là-bas d’être « juste » une femme. « Le féminisme doit avoir le courage de critiquer d’autres cultures au lieu de relativiser leurs crimes » (interview citée). Nouvel exemple de cet « apartheid » envers les femmes musulmanes : le nouveau président iranien Hasan Rohani, élu en juin 2021, appelle non seulement au rejet de toute influence de la culture occidentale, à l’islamisation des sciences et des universités (!), mais surtout à une ségrégation encore plus stricte des sexes dans l’espace public (« Auf dem Weg in eine Militärdiktatur » (En marche vers une dictature militaire), FAZ, 20 juin 2021).

Attentats islamistes en France: nombre de victimes (page 240)

Liste d’attentats islamistes en France (Source : Wikipédia) : cette page recense les attentats islamistes perpétrés en France et lesmanifestations du terrorisme islamiste en France. On distingue trois grandes vagues d’attentats : une première entre 1985 et 1986, une seconde entre 1994 et 1996, et une troisième depuis 2012, qui a causé 271 morts et dont la dernière attaque est l’attaque au couteau dans un commissariat à Rambouillet le 23 avril 2021. Un certain nombre de ces attaques visent des représentants des forces armées françaises (militaires et policiers), ainsi que des membres de la communauté juive ou chrétienne. 

“Big Brother” (page 31 )

Personnage de fiction dans la dystopie 1984 de George Orwell, publiée en 1949. Personne ne voit jamais ce personnage qui ne semble être que la personnification fictive de l’État totalitaire du nom d’« Océanie ». L’expression « Big Brother is watching you » est depuis utilisée pour qualifier toutes les institutions ou pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus. Chez Orwell, le règne totalitaire est exercé par à peine deux pour cent de la population. Tous ses membres portent des lunettes.

Blasphème (page 14 et suivantes)

L’incrimination de blasphème a été abolie en France une première fois en 1791. Elle l’a été une seconde fois, concomitamment à la proclamation de la liberté de la presse en 1881, avec l’abrogation des délits d’outrage à la morale publique et religieuse ainsi qu’aux religions reconnues par l’État.

La Cour d’appel de Paris avait jugé en 2008 que les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo en 2006 ne constituaient pas une injure à l’égard des musulmans.

L’alliance d’une « cabale des dévots » [titre d’un livre de 1971 (sic !) de Jean-François Revel] d’un nouveau type, d’une part, et du souci exacerbé de ne pas heurter la sensibilité de l’Autre, d’autre part, va-t-elle conduire à revêtir d’habits neufs le délit de blasphème?

Camp de concentration de Buchenwald (page 11)

Camp de concentration (KZ) dirigé par les nazis, comme tout le monde le sait, entre 1937 et 1945, puis, de 1945 à 1950, sous le nom de « Camp spécial n°2 » et avec un taux de mortalité comparable, par les troupes de l’URSS.

Cliver: un joli nouveau verbe ancien (page 224)

Je clive, tu clives, il clive. Arrête de cliver ! Les propos clivants et extrêmement problématiques de monsieur Kinzler… » – Le Robert connaît ce verbe, ma directrice aussi. Son sens propre est d’ailleurs « fendre » (un corps minéral, un diamant) dans le sens naturel de ses couches.  PRONOMINAL Le mica se clive en fines lamelles). » Ce n’est que plus récemment qu’on a découvert son sens figuré, et on en abuuuuuse ! J’avoue que le jargon dont use le chercheur lambda (ainsi que la chercheuse bêta, cela va sans dire), m’est à tel point insupportable que la seule idée de l’affronter bientôt – la rentrée qui est imminente en cette fin de mois d’août 2021–, et ce, non seulement par mail mais de vive voix, me désespère au plus haut point…

Huntington, Samuel: Le choc des civilisations : The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order

Le livre de Samuel Huntington de 1996 a été traduit en français en 1997 sous le titre Le Choc des civilisations (Editions Odile Jacob, 1997). « Depuis sa fondation il y a quatorze siècles, l’islam a été l’ensemble humain le plus constamment et radicalement opposé à l’Europe. C’est pour cela précisément qu’il est aujourd’hui l’objet d’une telle complaisance dans une Europe qui ne veut surtout pas se reconnaître ni se ressembler. La rhétorique du « choc des civilisations » est superficielle. L’islam n’est pas simplement une autre religion, ou une autre civilisation. L’islam s’est défini et construit contre le judaïsme et le christianisme, contre les écritures juives et chrétiennes. Il entend rétablir la vérité révélée à Abraham, Moïse et Jésus, mais faussée et trahie par les juifs et les chrétiens. Pour l’islam, tous les hommes naissent naturellement musulmans. Pour le christianisme, être chrétien résulte d’un choix de la liberté – d’une conversion.L’Europe « post-chrétienne » vit encore de ce libre choix de l’âme dont elle prétend s’être libérée. Entre l’Europe et l’islam, la question de fond n’est pas celle de la démocratie ou de la laïcité, ni celle des « mœurs ». Elle concerne la vie de l’âme. » (Pierre Manent dans l’entretien avec Pascal Bruckner, art. cit., 10 septembre 2021).

Concentrations ethniques en France (page 69 )

Le manque de mixité observée en France et souvent déploré s’explique essentiellement par la déliquescence de l’école républicaine et son abandon de l’assimilation, conjuguée à une immigration homogène de masse qui a favorisé l’émergence du communautarisme (Le Figaro : « Visite de Macron à Montpellier : Le communautarisme de ces quartiers rend impossible la mixité », 20 avril 2021). Intéressant dans ce contexte : l’initiative controversée du gouvernement danois, dirigé par une social-démocrate, visant à lutter par voie légale contre les concentrations ethniques dans certains quartiers défavorisés. Dans les zones où la proportion de résidents « non occidentaux » est très élevée et où « le risque d’émergence de sociétés parallèles religieuses et culturelles est accru », le projet de loi présenté en mai 2021 au parlement prévoit de réduire la proportion de résidents « non occidentaux » à 30 % au cours des dix prochaines années. Les familles concernées doivent être réinstallées afin de mélanger davantage la population de ces quartiers (« “Ghetto-Liste“ und Zwangsumsiedlung“ – So rigoros ist Dänemarks Migrationspolitik », Die Welt, 2 mai 2021. Voir aussi : « Immigration : le Danemark veut durcir sa loi controversée sur les non-occidentaux », L’Obs, 17 mars 2021).

Le concours d’entrée en première année de l’IEP avant la pandémie (page 148)

En 2018, le taux de réussite au concours de 1ère année de l’IEP de Grenoble était de 12%. Pour comparer : IEP de Bordeaux : 9% ; concours commun des sept autres IEP de province : 12%. L’IEP de Paris est plus difficile à intégrer. Concours jusqu’en 2019/20 : 1) Une épreuve sur un ouvrage portant sur des enjeux de société contemporains. Deux questions sont posées sur l’ouvrage et une dissertation d’ouverture est ensuite demandée, où le jury attend une analyse argumentée et structurée autour d’éléments historiques et d’actualité.  2) Une épreuve écrite de langue étrangère testant la compréhension écrite et l’expression écrite des candidats.

Le CPE, une bonne réforme avortée (page 195 )

Projet de loi instituant en France le Contrat première embauche puis son adoption par l’Assemblée nationale le 31 mars 2006,entraînent en 2006 un important mouvement étudiant et lycéen soutenu par des partis politiques et par la plupart des syndicats, qui en demandent le retrait. Cette loi a pour objectif de lutter contre le chômage des jeunes, qui à ce moment atteint 25%. Un grand nombre d’AG demandent aussi l’abrogation de l’intégralité de la loi pour l’égalité des chances dont le CPE fait partie. Face aux manifestations, Dominique de Villepin annonce le 10 avril que « les conditions ne sont pas réunies » et la loi est retirée. Le taux de chômage des jeunes restera ensuite, et jusqu’à nos jours, à un niveau supérieur à 20%. Parmi mes collègues, on appelle cela « une victoire historique » !L’abandon du CPE a été – un cas de figure plutôt rare – le résultat d’une mobilisation énorme et durable des lycéens, étudiants, syndicats et des partis de gauche.

Crimes nazis, transmission orale : “L’oncle rare prêt à parler de la guerre” (page 86)

Un frère de mon père avait survécu au siège de Stalingrad et avait ensuite passé une dizaine d’années dans un camp de travail en Sibérie. Il n’a jamais voulu en parler, sauf un après-midi, j’avais environ 15 ans, où le hasard avait fait qu’on était seuls. Là, il n’a pas arrêté de parler pendant plusieurs heures, non pas du front de l’est, du siège de Stalingrad, mais exclusivement des moyens qu’il avait trouvés pour survivre dans les camps de Sibérie. Sur les 200.000 prisonniers allemands de la bataille de Stalingrad, seuls quelques milliers ont survécu. Après de longues négociations d’Adenauer avec le régime stalinien, ils ont pu retourner en Allemagne. 

Débats: « Culture du débat » / “Debattenkultur” (page 214)

En allemand on parle fréquemment de « Debattenkultur » ou de « Rede- und Streitkultur », termes que je n’ai jamais rencontrés en français (c’est louche, non ?). Faute d’équivalent, on pourrait les traduire par « culture du débat ». Les Allemands entendent par là une culture de la parole et du débat (aussi de la « dispute » – Streit –, ce qui suppose des citoyens « matures » (« mündig », au sens du philosophe allemand Emmanuel Kant et selon sa célèbre définition des « Lumières »), citoyens capables de se former leurs propres jugements, dans l’autonomie de leur esprit critique. Une telle « culture du débat » fait partie des fondements d’une société démocratique pluraliste. Débattre, c’est prendre position, peser les arguments, les exprimer de manière argumentée, mais aussi présenter des critiques. Mais les débats exigent également de s’écouter attentivement les uns les autres, de respecter les autres opinions et de s’exprimer avec précision.

Démographie : quel est le nombre de musulmans en France et en Europe ?

Selon le Pew Research Center, il y avait 25,8 millions de musulmans en Europe(Union européenne et Royaume-Uni) en 2016, soit 4,9 % de la population totale. En fonction du niveau d’immigration, on estime qu’il y aura en Europe en 2050 entre 35,8 et 75,6 millions de musulmans, soit entre 7,4 % et 14 % de la population total.

Personne ne connait le nombre exact des musulmans vivant en France, ce qui est assez fou quand on y pense. En effet, la jurisprudence en vigueur du Conseil constitutionnel considère que « si les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes […] peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race » (décision du 15 novembre 2007). Ce qui n’a pas empêché le magazine d’actualité en ligne Causeur de révéler une grande étude à partir des données de l’Insee de « France Stratégie », un organisme de prospective rattaché au premier ministre et réalisée en 2020, portant sur la proportion de la population d’origine extra-européenne en France Pour ne donner un aperçu, je cite Causeur : « Les données INSEE cartographiées par France Stratégie nous apprennent que les enfants immigrés ou nés de parents immigrés extra-européens sont majoritaires parmi les 0-18 dans plus de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis en 2017. Ce basculement est particulièrement marqué dans certaines communes : La Courneuve : 75% des 0-18 ans sont nés de parents immigrés extra-européens (moins d’un quart des mineurs résidant sur la commune est donc d’origine française ou européenne) / Villetaneuse : 73% / Clichy-sous-Bois : 72% / Aubervilliers : 70% / Pierrefitte-sur-Seine : 69% (« Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie : Un basculement démographique historique », Causeur, 24 août 2021). – A ce propos, voir également Philippe d’Iribarne : « Des pans entiers du territoire sont livrés à des populations immigrées qui n’ont que faire de la République et de ses lois et qui, au jeu de la natalité, sont plus fortes que les ”de souche”. Ces dernières fuient des quartiers où règne un ordre moral et social extra-européen face auquel les ”Blancs” ne peuvent pas lutter. » Dans cet article, d’Iribarne cite Pierre Bourdieu, peu suspect de sentiments anti-immigrés, dans La Misère du monde (Seuil, 1993). « Explorant, plus largement, un certain tragique du quotidien, il se propose de ”comprendre ce qui se passe dans des lieux qui, comme les “cités” ou les “grands ensembles”, et aussi nombre d’établissements scolaires, rapprochent des gens que tout sépare, les obligeant à cohabiter, soit dans l’ignorance et l’incompréhension mutuelle, soit dans le conflit, latent ou déclaré, avec toutes les souffrances qui en résultent.” » (Bourdieu, op. cit. p. 9), « Le triomphe des immigrés », Causeur, septembre 2021 qui titre : « Souriez, vous êtes grand-remplacés ! ».

Dresde, la « Florence de l’Elbe » (page 11)

La ville a été entièrement détruite sous les bombes alliées en février 1945. Les estimations sur le nombre de morts, civils pour la plupart, varient entre 25.000 et 100.000, voire 200.000. Ma mère, âgée de 15 ans à cette époque et qui avec sa famille fuyait l’arrivée des troupes soviétiques, a observé ce bombardement à 20 km de distance. La nuit, nous a-t-elle raconté, avait été claire comme le jour.

Economie cognitive (page 172)

Economie du savoir, l’économie de la connaissance, l’économie de l’immatériel ou encore le capitalisme cognitif. Selon certains économistes, il s’agit d’une nouvelle phase de l’histoire économique qui aurait commencé dans les années 1990. Le concept est forgé par Fritz Machlup en 1962 dans son ouvrage The production and distribution of knowledge in the United States (1962). Ses travaux de 1977 montrent que près de 45 % des employés aux États-Unis manipulent de l’information. Ces travaux sont repris dans un rapport officiel français paru en 1978, « L’Informatisation de la société », qui connaît un succès médiatique sans précédent sous le nom de ses auteurs Simon Nora et Alain Minc.

Ecriture inclusive: bientôt obligatoire à l’université ?  (page 176)

Des exemples existent, y compris à Sciences Po Paris, où un enseignant de sociologie a accordé des points bonus pour l’usage de l’écriture inclusive. Dans ses consignes pour l’examen, l’enseignant précise que l’écriture inclusive « est encouragée » mais que « son non-usage ne sera pas pénalisé, les étudiant.e.s étrangers.ères pouvant avoir davantage de difficultés à la mettre en œuvre. […] Toutefois, un demi-point ‘‘bonus’’ sera attribué à celles et ceux qui tenteront de l’utiliser ». La suite de l’énoncé explique aux étudiants l’utilisation du point médian, l’une des pratiques les plus répandues de cette graphie. (Voir : « A Sciences Po Paris, des points bonus accordés pour l’utilisation de l’écriture inclusive », Le Figaro Etudiant, 25 février 2021). L’Allemagne n’est pas épargnée : en 2021, les premiers étudiants ont saisi la justice pour se défendre contre ces pratiques encore isolées.

Entrisme (page 166)

Au mois de mars, j’ai reçu le message de soutien d’un certain Adel Paul Boulard, franco-égyptien, docteur en sciences physiques, coach de dirigeants d’entreprises (et professeur d’arts martiaux). Il m’a envoyé – fort opportunément – le livre qu’il venait de faire publier : Le tabou de l’entrisme islamique en entreprise (Va Editions, mars 2021). Derrière les solutions qu’il propose dans ce « Guide du manager » aux dirigeants confrontés aux difficultés consécutives à l’invasion du « fait religieux (islamique) » dans de nombreuses entreprises, on trouve la philosophie d’une « troisième voie, ni confrontation, ni complaisance ». Adel Paul Boulard, avec sa double culture et son expérience de coach, sait de quoi il parle. Ses solutions sont concrètes et frappées au coin du bon sens. Un passage du livre (pp. 95-95) qui m’a stupéfait est celui où il explique que la comparaison entre la traditionnelle « pause cigarette » et la (nouvelle) « pause prière » chère à ceux qui veulent imposer le droit pour les salariés d’interrompre leur travail (généralement deux fois) pour accomplir leur obligation de prière : « Une pause cigarette », dit-il, « correspond en moyenne à 10 minutes, ce qui fait en gros 20 minutes de temps de travail perdu par jour pour l’entreprise. Une seule pause pour la prière d’un musulman exécutée selon les règles, par contre, prend environ une heure, ce qui fait deux heures par jour de travail, soit l’équivalant d’un quart d’une journée de travail ». Edifiant.   [1] Islamogauchisme : peu importe

Espéranto (page 147)

Langue construite internationale, utilisée comme langue véhiculaire par des personnes provenant d’au moins 120 pays à travers le monde, y compris comme langue maternelle. N’étant la langue officielle d’aucun État, l’espéranto vise à établir un pont neutre entre cultures ; certains locuteurs nomment « Espérantie »  la zone linguistique formée des lieux géographiques où ils se trouvent. Nécessitant un court apprentissage pour être utilisable, l’espéranto est ainsi présenté comme solution efficace et économiquement « équitable au problème de communication entre personnes de langues maternelles différentes » (Source : Wikipédia). Ce qu’on omet de dire : ce projet, conçu en 1897, a été un immense flop. Dans notre monde globalisé, notre esperanto est l’anglais.

“Foules pakistanaises” (page 14 et suivantes)

Le 12 février 1989, à Islamabad, capitale du Pakistan, une foule en colère d’une dizaine de milliers de personnes tente de prendre d’assaut et d’incendier le Centre culturel américain, pour faire pression sur le groupe Viking-Penguin dont la filiale américaine s’apprête à publier le livre Les Versets sataniques de Salman Rushdie sur le territoire américain le 22 février. Cette attaque fera cinq morts et une centaine de blessés. Un gardien du centre culturel est lynché. Dans les jours qui suivent, d’autres émeutes ont lieu dans plusieurs villes pakistanaises et au Cachemire, province indienne à majorité musulmane, mais aussi à Djakarta et à Karachi, aux cris de « Dieu est grand » et de « À mort Rushdie ! ». Le 14 février, dans un communiqué sur les ondes de Radio-Téhéran, l’ayatollah Rouhollah Khomeini, guide spirituel de la Révolution islamique et du monde chiite iranien, édicte une fatwa (décret religieux musulman) lançant un appel à tous les musulmans d’exécuter l’écrivain britannique d’origine indienne Salman Rushdie pour des « propos blasphématoires » envers l’Islam qui seraient contenus dans le livre, ainsi qu’envers ses éditeurs et toute personne ayant connaissance du livre. Selon la Constitution iranienne, le décret est immédiatement exécutoire et le gouvernement annonce une récompense de 200 millions de rials (21.500 dollars) pour tout Iranien exécutant la sentence de mort, 70 millions de rials (7.500 dollars) pour un musulman d’une autre nationalité. L’ambassadeur de l’Iran auprès du Vatican déclare être « prêt à tuer Rushdie de ses propres mains ». Le jour même, la Grande-Bretagne met Salman Rushdie sous protection policière. Il le restera pendant dix ans, en vivant sous une fausse identité.

“Generation Golf” (page 64 )

Essai de Florian Illies (Fischer Verlag, 2000) devenu un bestseller. Le titre ne se réfère pas au sport favori des riches mais au modèle à succès « Golf » de la marque Volkswagen, vendu jusqu’à aujourd’hui à 35 millions d’exemplaires.

Huis clos” de Sartre victime de la cancel culture (page 77)

Pièce de théâtre la plus jouée de Jean-Paul Sartre (1905-1980), représentée pour la première fois le 27 mai 1944 à Paris. Cette pièce où, après leur mort, trois personnages se rencontrent en enfer, dans un « huis clos » d’où il n’y a pas moyen de s’échapper, est symbolique de l’existentialisme, mouvement littéraire du début du XXème siècle qui définit l’être humain par ses actes. Garcin est journaliste. Il a été fusillé pour son pacifisme. Il se prend pour un héros, la pièce le révélera plutôt perfide et nuisible. Inès est lesbienne. Elle s’est suicidée. Quant à Estelle, c’est une mondaine, épouse d’un vieil homme riche. Elle a été la maîtresse d’un jeune homme et a commis un infanticide, avant de décéder d’une pneumonie. Elle est aussi une menteuse pathologique. Sartre pensait avoir écrit une pièce drôle (Source : Wikipédia). Cet exemple américain rappelle évidemment le débat du mars 2019 autour de la pièce de théâtre Les Suppliantes d’Eschyle : la pièce n’a pu être jouée, en raison de la protestation de manifestants accusant la mise en scène d’être « racialiste », parce que certains acteurs portaient des masques noirs. Le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) a lancé un appel au boycott. Sous le titre « Blackface : propagande coloniale à la Sorbonne », Ghyslain Vedeux, son président, écrit sur son site que « la grande majorité des étudiants de cet établissement refusent d’être associés à cette propagande afrophobe, colonialiste et raciste » (L’Obs, 28 mars 2019).

Hypnos, dieu grec : la statue à l’entrée de l’IEP de Grenoble (page 209)

Statue acquise dans le cadre du « 1% artistique » (procédure spécifique de commande d’œuvres à des artistes qui s’impose à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales) et signée de l’artiste espagnol José Seguiri, Hypnos, le dieu grec du sommeil et du repos est une figure divine de l’Antiquité, représentée dès cette époque avec une tête ailée. L’œuvre est haute de deux mètres, faite en bronze et a été posée à la fin du mois de janvier 2018 devant la nouvelle entrée du bâtiment de l’IEP de Grenoble.

Hashtag « Je suis Charlie » (p. 210) : le slogan a été créé par Joachim Roncin, un graphiste français. L’une des nombreuses variantes, la photo à droite, montre un manifestant turc qui, le 13 septembre 2020 à Istanbul, proteste contre la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo à l’occasion du procès des attentats de 2015.

Identité allemande (page 87)

L’Allemagne est, comme l’Italie, ce que les historiens appellent une « nation tardive ». L’Allemagne n’existe comme entité politique que depuis 1871. Depuis le XVème siècle, quand les humanistes « allemands » ont commencé à rêver de l’« Allemagne » en utilisant par contresens le texte « Germania » de l’historien romain Tacite, les intellectuels patriotes avaient fait le même rêve. Mais face à l’impossibilité politique de sa réalisation, ils avaient fini par se résigner en acceptant, amèrement, le lot d’être les habitants non pas d’une vraie nation, comme l’étaient la Grande-Bretagne ou la France, qu’on regardait jalousement, mais d’une « Kulturnation », dont seules l’histoire, la langue, la littérature et la musique unissaient ses habitants mais qui était dépourvue d’un cadre étatique, pourtant condition d’unité et, surtout, de puissance. Comme les Français ne l’ont pas oublié, le vieux rêve d’une Allemagne unie politiquement et organisée dans un Etat fort n’a pu être réalisé que par Bismarck, par « le fer et par le sang », par une guerre sanglante avec la France. C’est cette longue quête d’une patrie unie qui, combinée à la catastrophe nazie, explique pour une large part la difficulté qu’éprouvent les Allemands encore aujourd’hui à savoir « ce qu’ils sont ». En allemand : Vergangenheitsbewältigung : le mot composé est formé sur les mots Vergangenheit (le passé) et Bewältigung (le verbe bewältigen signifie surmonter, accomplir une tâche. Ce terme suggère donc que la chose qu’il décrit est possible). La notion d’Aufarbeitung der Geschichte » (travail de mémoire sur l’histoire) en est un synonyme. Le philosophe libéral Hermann Lübbe a reproché à l’élite allemande (de gauche libérale) de cultiver ce qu’il a qualifié de « Sündenstolz der Deutschen » (formule polémique qu’on pourrait traduire par « la fierté des Allemands d’être les plus grands pécheurs du monde », c’est-à-dire : d’avoir commis le plus grand crime de l’histoire (Stolz : fierte / Sünde : péché).

Identité victimaire (page 69 )

Le « mécanisme victimaire » comme « violence fondatrice » joue un rôle important dans la pensée de l’historien et anthropologue René Girard (1923-2015). Voir : Christine Orsini, René Girard, dans la collection « Que sais-je », PUF, 2018.

L’idéologie française (page 207)

Livre du philosophe Bernard-Henri Lévy (Grasset, 1981). Dans cet essai, l’auteur se propose de rechercher les sources philosophiques qui alimentent en France les discours de la droite et de la gauche radicales, d’étudier quelles sont les stratégies à l’œuvre dans ces discours, en quoi elles se différencient, mais en quoi aussi elles se rejoignent pour produire un fascisme spécifique à la France et profondément ancré dans son tissu social — fascisme qui peut se révéler « abject » comme sous le régime de Vichy, mais qui peut également prendre un « visage humain », inoffensif, sympathique, quitte à se révéler aussi « abject », pour peu que les circonstances s’y prêtent — et d’essayer d’entrevoir quelles leçons en tirer. Bénéficiant d’un écho médiatique important en France lors de sa parution, l’ouvrage a été fortement critiqué en raison de ses distorsions avec la réalité historique et de son ton grandiloquent (Source : Wikipédia).

Intégration, assimilation : la nation française selon Ernest Renan

Ernest Renan (1823-1892) est un écrivain, philologue, philosophe et historien français, auteur, entre autres, de Qu’est qu’une nation ? (1882). Pour Renan, « l’enjeu de la cohésion nationale conditionne l’avenir même de notre nation. Elle est cette “conscience morale“ qui se manifeste à travers “la possession en commun d’un riche legs de souvenirs“ et aussi “le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis“ » (David Lisnard et Naïma M’Faddel) : «Renouons avec le modèle assimilationniste qui a fait la force de la France », Le Figaro, 8 juillet 2021) – Personnellement, immigré que je suis, j’ai toujours été séduit par cette belle phrase de Renan qui, lors d’une célèbre conférence qu’il a tenue à la Sorbonne en 1882, définit la nation en ces termes : « La nation, c’est un plébiscite de tous les jours. » C’est ainsi qu’à mon arrivée en France, on m’a appris que l’identité des Allemands était basée sur le sang, alors que celle des Français l’était sur la volonté de chaque citoyen de faire partie de ce collectif… Etc., etc… Aujourd’hui, presque 40 ans plus tard, je sais que les choses sont plus compliquées que cela et qu’en plus, elles ont changé. En France et en Allemagne. Mais c’est un autre sujet… 

Islam : Qu’est-ce que l’islam ? Définition de ce dont on parle dans ce livre

Deux précisions à ce propos : Précision 1 : Comme le dit Pascal Bruckner : « L’islam n’est pas un bloc, heureusement, il est divisé et pluriel. […] Ne méconnaissons pas l’impatience de la liberté au sein des sociétés arabo-musulmanes: les progrès de l’athéisme, les conversions secrètes ou tout simplement l’indifférence religieuse vont en augmentant. L’Orient lui aussi est touché par la grande promesse des Lumières. » (Entretien entre Pierre Manent et Pascal Bruckner, art. cit., 10 septembre 2021). Cette analyse est partagée par le chercheur canadien Rachad Antonius : « […] dans le monde arabo-musulman, les critiques de l’islam comme idéologie politique se sont fait entendre de plus en plus. Face aux courants fondamentalistes se dressent des conceptions laïques de la société et de l’État, qui vont jusqu’à critiquer les fondements mêmes de l’islam. Ces courants ne revendiquent pas nécessairement la laïcité comme principe, mais ils l’expriment concrètement dans les arts, la culture, la littérature, les comportements sociaux et aussi la politique. Ces critiques ne sont pas nouvelles : très visibles dans la première moitié du XXe siècle et jusqu’après l’ère des indépendances, elles avaient été étouffées par la montée de l’islam conservateur à partir des années 1970, puissamment appuyé par le régime saoudien. Mais on les voit émerger à nouveau à présent. Dans de nombreux pays arabes, on peut voir par exemple des groupes se disant explicitement athées proliférer sur les réseaux sociaux tout en gardant un certain anonymat par peur de représailles. […] D’autres critiques radicales confrontent le récit officiel de l’histoire glorieuse de l’islam et contestent les rapports de domination justifiés au nom du dogme religieux. » (Rachad Antonius : « L’après 11 septembre : la lutte contre l’islamophobie est nécessaire, mais elle ne doit pas être un appui à l’islamisme » (The Conversation ,10 septembre 2021). Personnellement citerai deux exemples de cette « résistance » contra le dogmatisme islamiste : la Tunisie et le Maroc. Dans la première, la révolte populaire contre le parti islamiste Ennahda a conduit, en juillet 2021, à la suspension du parlement par le président ; dans le second, les islamistes au pouvoir ont essuyé une sévère défaite en septembre 2021 et ont perdu quasiment l’ensemble de leurs sièges au parlement. Précision 2 : Dans le monde islamique, il y a une multitude d’endroits qui continuent à vivre à l’écart de la lecture rigoriste de leur religion par les islamistes. Le beau livre paru en 2021 de Susanne Schröter, une ethnologue allemande qui dirige le « Forschungszentrums Globaler Islam » à l’université de Francfort, qui s’inscrit en faux contre une perception simpliste et superficielle de l’islam qui, per se, serait rétrograde et intolérant. Pour ce faire, elle insiste sur la multitude de formes de l’islam, une diversité qu’elle appelle « le multivers de l’islam ». Les exemples qu’elle décrit ne sont pas représentatifs d’Etats à majorité musulmane entiers mais ne concernent que régions, de tribus et des minorités, parfois persécutées par les islamistes fondementalistes, à l’intérieur de pays comme la Turquie (les derviches soufies Mevlevi- und Naqschbandi et leur mystique particulière), l’Albanie, le Sénégal (les adeptes d’Amadou Bamba), le Soudan, l’Oman, le Pakistan (les Hijras transgenres) et la Malaisie. Voir : Susanne Schröter: « Allahs Karawane ». Eine Reise durch das islamische Multiversum (La caravane d’Allah : Un voyage dans le multivers de l’islam), C.H. Beck, 2021.

Islam (1) : La misogynie de l’islam (page 70 )

Le rôle de la femme dans l’islam d’aujourd’hui est le grand absent des débats en Europe. C’est ce qu’affirme Lale Gül, une jeune Néerlandaise de 23 ans qui a décidé de vivre librement et qui, depuis qu’elle a écrit un livre sur sa vie, a déjà reçu plus de 70 menaces de mort de la part d’un groupe d’islamistes. Elle vit aujourd’hui dans un endroit tenu secret. Selon elle, « la place des femmes dans l’islam a été largement passée sous silence jusqu’à présent. Si vous en parlez, vous êtes immédiatement catalogué comme étant de droite ». Le fait qu’on la catalogue d’« islamophobe » ne va pas l’arrêter. Son livre intitulé Ik ga leven (Je veux vivre) et devenu un best-sellers aux Pays-Bas. Lale Gül négocie l’adaptation de son livre au cinéma. Elle a touché une corde sensible et suscité un grand débat national aux Pays-Bas (« Mes parents sont maintenant au courant de tout ce que j’ai fait »,Le Figaro, 17 juin 2021). Ayaan Hirsi Ali: « Die Frauenfeindlichkeit der islamischen Welt ist abgrundtief » (La misogynie du monde islamique est abyssale), interview avec Die Welt, 19 avril 2021. Ayaan Hirsi Ali est une activiste, féministe, auteure, universitaire et ancienne politicienne néerlando-américaine d’origine somalienne. Elle avait travaillé avec le cinéaste Théo van Gogh, assassiné par un islamiste en pleine rue. Elle a reçu une attention internationale en tant que critique de l’islam et défenseur des droits et de l’autodétermination des femmes musulmanes, s’opposant activement au mariage forcé, aux crimes d’honneur, au mariage des enfants et aux mutilations génitales féminines (Source : Wikipédia). Voir Koopmans, op. cit., p. 219 : Dans sa forme extrême, cette violence à l’égard des femmes s’est manifestée à l’occasion du génocide commis par Daech contre les Yézides, qui a commencé en 2014 en Irak. « Il s’agit du premier génocide du XXIème siècle, un génocide qui est en même temps un féminicide. Le viol (puis la vente) de la femme yézidie fait partie de la stratégie génocidaire de Daech. Il est ancré dans l’idéologie de Daech et est légitimé religieusement. Le viol de la femme yézidie n’est pas un dommage collatéral, il n’a pas simplement eu lieu en marge d’une campagne de meurtres et de vols, mais a été réglementé et organisé de manière bureaucratique » (« Die Welt versagt vor diesem Verbrechen » / Le Monde capitule devant ce crime, FAZ, 25 juillet 2021). Aucun tribunal international ne s’en est occupé jusqu’ici, le grand public ne s’y est guère intéressé. En attendant, les étudiantes de l’IEP de Grenoble versent des larmes de crocodile et luttent contre le patriarcat… en France !  

Islam (2) : Violence des jeunes musulmans (page 70)

Certains chercheurs déplorent la difficulté à mettre la main sur des données fiables dans ce domaine. En cause, là encore, les chercheurs « militants » d’un côté, et les responsables politiques de l’autre : les uns comme les autres veulent éviter toute « stigmatisation » de certains groupes ethniques ou religieux et refusent de ce fait de publier des statistiques dans ce domaine délicat (Koopmans, op. cit., p. 214). Pourtant, de nombreuses études solides existent. L’une d’elles, belge, a été menée parmi des élèves flamands. Elle montre que l’hostilité des jeunes musulmans à l’encontre des homosexuels est beaucoup plus forte que celle des autres élèves. Ainsi, 23% des élèves musulmans disent qu’ils « trouvent la violence contre les homosexuels acceptable » (contre 8% chez les autres élèves). 21% parmi eux « approuvent le fait que dans certains pays l’homosexualité soit punie par la peine capitale » (contre 4% des non musulmans (« Les jeunes de la ville d’Anvers », Vettenburg et alii, 2013). Une autre étude, néerlandaise (Buijs et alii, 2009), montre que parmi les personnes accusées d’actes de violence contre des homosexuels, 36% étaient d’origine marocaine, 8% d’origine turque. A Amsterdam, 50% des personnes accusées d’actes homophobes violents étaient originaires de pays islamiques (66% étaient d’origine étrangère). – L’assassinat d’un couple d’homosexuels à Dresde en octobre 2010 par un jeune réfugié syrien arrivé en Allemagne en 2015 est exemplaire de cette forme d’homophobie qui peut tuer et qu’on pensait – prématurément – avoir disparu du monde civilisé. La cour d’assises de la ville de Dresde en Allemagne vient de condamner Abdullah Al Haj Hasan, âgé de 20 ans au moment de l’acte, à la prison à vie. Selon les propos du juge, le jeune musulman aurait poignardé ses deux victimes par « aveuglement religieux » et en raison d’une « homophobie profondément enracinée ». Il s’agit du premier meurtre homophobe commis par un islamiste en Allemagne.

Islam (3) : Le bas niveau d’instruction des musulmans en France (page 70)

Difficile de trouver des enquêtes sur les « musulmans », car il s’agit d’un domaine de recherche très réglementé en France. Les rares statistiques disponibles portent généralement sur les « immigrés ». Une étude de 2017 montre que les personnes nées en France sont peu nombreuses à n’avoir jamais été scolarisées (moins de 1 %) et plus du quart (27 %) disposent d’un diplôme d’enseignement supérieur. Certains groupes immigrés ont, par comparaison, un niveau d’instruction très faible en moyenne. C’est le cas des personnes nées au Portugal ou en Turquie, dont une partie non négligeable ne dispose d’aucune instruction (respectivement 8 % et 15 %), ceux qui possèdent un diplôme universitaire étant, corrélativement, peu nombreux (7 % et 9 %). […] Près d’un immigré marocain ou sénégalais sur cinq n’a jamais fréquenté l’école (19 % et 17 %). Voir : « Le niveau d’instruction des immigrés : varié et souvent plus élevé que dans les pays d’origine », Revue Population & Sociétés, 2017/2, N° 541, pp. 1-3. – La situation de la minorité musulmane aux Etats-Unis, qui représente seulement 1% de la population (contre environ 8% en France), est toute différente : d’un côté, comme chez nous, « le nombre de mosquées a […] plus que doublé depuis 2001 ». Plus étonnant : « Les musulmans sont l’un des groupes religieux les plus éduqués d’Amérique. Plus de 15 % des médecins du Michigan sont musulmans, alors que moins de 3 % de la population de l’État l’est. Et les artistes, journalistes et hommes politiques musulmans rattrapent leur retard. » (« Being demonised has not stopped American Muslims’ impressive rise » (L’islamophobie n’a pas empêché les musulmans américains à réussir), The Economist, 11 septembre 2021).

Islam (4) : Le taux de chômage élevé de jeunes musulmans (page 70)

Selon une étude de la Fondation Bertelsmann, l’intégration des immigrés de confession musulmane fait de « vrais progrès » en Allemagne, France, Royaume-Uni, Suisse et Autriche, malgré les obstacles dans l’éducation et l’accès à l’emploi. […] La France est épinglée pour la « discrimination sur le marché du travail ». Celle-ci se traduit par un taux de chômage de 14 % pour les immigrés de confession musulmane, contre 8 % dans l’échantillon représentatif de la population (« L’intégration des immigrés musulmans progresse en Europe », Le Point, 24 août 2017).

Islam (5) : Les musulmans français sont-ils discriminés ? (page 70)

Le revenu des immigrés musulmans de 15% inférieur aux chrétiens, selon une étude » (L’Express, 23 novembre 2010). Cet article citant une étude scientifique est un peu ancien mais son propos reste intéressant. L’étude citée met la différence de revenus entre musulmans et chrétiens sur le compte de la « discrimination religieuse », hypothèse en vogue de nos jours mais contestée vigoureusement par des spécialistes comme Ruud Koopmans, cités dans ce chapitre. La question de savoir si une éducation islamique favorise l’acceptation de la violence est une question sensible. Une étude récente menée par des sociologues de l’université de Brême auprès d’environ 45 000 élèves dans 1.207 écoles allemandes, âgés d’environ 15 ans dont 6 % musulmans, apporte des réponses intéressantes. Les chercheurs ont par exemple analysé la question des violences à l’encontre des femmes en posant à des pères de jeunes filles de tous horizons la question suivante : « Est-il juste de donner une gifle à sa fille si elle rentre le soir beaucoup plus tard que prévu ? ». La réponse « oui » à cette question est la plus élevée parmi les musulmans religieux. Bien entendu, les auteurs ont testé leurs résultats en tenant compte d’autres variables, telles que le statut socio-économique du foyer, le sexe, l’âge, l’origine ethnique, le type d’école ou le niveau d’éducation des parents. Mais même en tenant compte de toutes ces variables, l’effet de la variable explicative « musulman, religieux » est resté positif, selon les auteurs. L’étude a pu prouver qu’une culture de l’honneur a influencé positivement l’approbation de la violence contre les filles. Mais l’effet de la religion y est évident : les adolescents musulmans affirment cet honneur de manière significativement plus forte que les adolescents non-musulmans, ce qui s’exprime principalement par un contrôle et une domination violents vers l’intérieur, dans la famille. Ce résultat a corroboré leur hypothèse initiale selon laquelle « les croyances codifiées écrites de la religiosité musulmane qui sont censées réguler les relations intrafamiliales sont effectivement efficaces ». Il serait faux de négliger l’effet qu’a l’instruction religieuse dans la famille et les mosquées sur les jeunes, ont déclaré les auteurs. Les « concepts théologiques » de l’Islam qui leur sont transmis « influencent le comportement des jeunes dans leur vie quotidienne » (« La sociologie de l’honneur des musulmans », FAZ, 14 avril 2021). Le sociologue français Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), en revanche, met l’accent sur de nombreux facteurs sociaux, économiques et politiques de cette violence qui, selon lui, possède aussi des racines anthropologiques. « La famille maghrébine s’est déstructurée en une ou deux décennies sous de multiples formes : familles monoparentales, démission du père, perte de sa position hégémonique au sein de l’édifice patriarcal » (Source : Wiki Prisons).

Islam (6) : L’antisémitisme musulman en France  (page 70)

L’une des raisons pour lesquelles les élites bienveillantes sont si peu disposées à s’attaquer au nouvel antisémitisme en France (et dans d’autres régions d’Europe) est l’identité des auteurs de ces actes, qui sont souvent des musulmans. Toutes les agressions racistes meurtrières en France des dernières années ont été perpétrées par des musulmans. Les attaques antisémites sont en hausse en France – en 2017, près de 40 % des agressions racistes violentes en France visaient des Juifs, alors que les Juifs représentent moins d’un pour cent de la population française. Et au moins jusqu’en 2011 – date à laquelle la France a cessé d’enregistrer l’identité des auteurs de crimes antisémites – les musulmans avaient été le « plus grand groupe identifié comme auteur » de cette forme de violence raciste. Günther Jikeli, un historien allemand qui a beaucoup étudié l’antisémitisme musulman en Europe, l’a décrit comme un problème « d’une évidence aveuglante », mais dont peu de gens veulent parler. Cette lâcheté morale à l’égard des nouvelles formes d’antisémitisme est façonnée, du moins en partie, par les théories identitaires qui divisent l’humanité en catégories rigides de « privilégiés » et d’« opprimés ». Les musulmans sont considérés comme « opprimés », tandis que les Juifs sont considérés comme « privilégiés » («Je Suis Sarah :The murder of a Jewish grandmother has exposed Europe’s blind spot on anti-Semitism » :Spiked.online.com, 24 avril 2021). Un autre facteur empêchant d’évaluer le problème de l’antisémitisme musulman à son juste niveau est l’habitude des statisticiens de la police dans certains pays occidentaux, dont l’Allemagne, de classer tout acte antisémite comme étant imputable à l’extrême droite dans tous les cas où l’auteur n’est pas identifié. Les autorités allemandes ont décidé d’arrêter cette aberration statistique en juin 2021 (« Nicht nur von rechts: Innenminister wollen härter gegen Antisemitismus vorgehen », FAZ, 18 juin 2021).Une étude de Domique Reynié de 2014 a montré qu’en France c’est chez les musulmans qu’on trouve le niveau d’antisémitisme le plus élevé (51%), contre 15% pour l’ensemble des Français. Ce chiffre se situe à 20% pour ceux qui se situent à l’extrême gauche et à 40% pour ceux qui disent supporter le Rassemblement National (Dominique Reynié,« L’antisémitisme dans l’opinion française », Fondapol, 2014). De nombreuses études européennes confirment ce triste constat. La situation en Belgique est même pire qu’en France (Koopmans, op. cit., p. 211). Cet antisémitisme presque banal dans certains milieux musulmans est parfaitement illustré par une anecdote d’avril 2021 qui a fait du bruit : unlivreur Deliveroode 19 ansavait été condamné en janvier à quatre mois de prison pour avoir refusé, à deux reprises, de prendre une commande car il « ne livre pas les Juifs». Le ministre de l’Intérieur a pris soin d’annoncer lui-même qu’il devait être expulsé vers l’Algérie (« Le livreur Deliveroo qui refusait de servir des clients juifs a été expulsé vers l’Algérie », Le Figaro, 18 avril 2021).

Islam (7) : La délinquance chez les jeunes musulmans en France (page 70)

« Sur ce point précis, il n’existe pas de statistiques officielles mais un ensemble de constats sectoriels, ou localisés, qui tous vont dans le même sens. Si nous commençons par les établissements pénitentiaires, n’importe qui ayant visité ces établissements sait que, en leur sein, les détenus originaires du continent africain, qu’ils aient la nationalité française ou non, sont massivement surreprésentés […]. Si nous regardons du côté de la délinquance poursuivie par la police et la justice, il n’est pas surprenant de retrouver, dans les rares études, parcellaires, qui existent, la même surreprésentation des populations issues de l’immigration. Un exemple : Selon une étude de la Direction départementale de la sécurité publique des Yvelines portant sur 121 auteurs de violences urbaines interpellés dans le département entre le 3 et le 15 novembre 2005, 47% seraient mineurs, 24% sans emploi, 6 sur 10 ayant déjà été mis en cause dans une procédure judiciaire transmise au parquet, près des deux tiers d’origine africaine ou nord-africaine et avec, pour la plupart, un parcours scolaire chaotique » (ibid.). – Dans son livre, déjà cité, Le déni des cultures, le sociologue Hugues Lagrange constate: « Les adolescents éduqués dans les familles du Sahel sont 3 à 4 fois plus souvent impliqués comme auteurs de délits que les adolescents élevés dans des familles autochtones ; et ceux qui sont éduqués dans des familles maghrébines, deux fois plus ». Malgré l’absence de statistiques officielles, le pourcentage de musulmans parmi la population carcérale est largement supérieur à la population. Les estimations, objet de fortes polémiques, oscillent entre 20% et 70% (tandis qu’ils ne représentent que 7 à 8% de la population). Selon un rapport parlementaire d’octobre 2014, les établissements pénitentiaires français comprendraient « 40.000 détenus de culture ou de religion musulmane » sur 66.500 (selon les statistiques officielles), ce qui correspondrait à un taux de 60,2% (Source : Wikipédia : entrée « Prisons en France »).Voir aussi : Laurent Lemasson, docteur en droit et en sciences politiques : « Délinquance: une violence en constante augmentation », Le Figaro, 18 juin 2021, ainsi que le livre du sociologue Hugues Lagrange : Le déni des cultures, Seuil, 2010. Voir enfin une étude suédoise récente, résumée par la démographe Michèle Michèle Tribalat : « L’étude répond, notamment, à une question : parmi les individus de 15 ans ou plus figurant dans les registres de population au 31 décembre 2014, combien ont aussi été enregistrés comme suspects d’un ou plusieurs délits sur la période 2015-2018 ? On constate que ceux nés à l’étranger ont été effectivement 2,5 fois plus souvent mis en cause que ceux nés en Suède de deux parents eux-mêmes nés en Suède. Mais ceux nés en Suède de deux parents eux-mêmes nés à l’étranger l’ont été 3,2 fois plus. » A la question de savoir si ce genre de données, rares en France, peuvent être instrumentalisées (par l’extrême droite par exemple), Michèle Tribalat répond : « L’instrumentalisation est toujours possible, mais ce n’est pas un bon argument pour éviter d’introduire les données sur les immigrés et la génération née en France de parents immigrés dans les enquêtes annuelles de recensement. Il ne s’agit pas de données ethno-raciales, mais d’informations démographiques qui permettent d’étudier l’impact de l’immigration étrangère et l’intégration au fil de ces deux générations par courant migratoire. Comme le font nombre de nos voisins européens. Ces informations permettent de comprendre le phénomène migratoire dans sa dimension temporelle. » (« Suède : cette étude sur l’origine des délinquants sans équivalent en France », Le Figaro, 4 septembre 2021).

Islam (8) : Une religion opprimée dans le monde occidental ?

Victimes, opprimés, colonisés…, on connaît la chanson. « Faux ! », dit haut et fort Ferghane Azihari (analyste en politiques publiques) dans son excellente tribune au titre salutaire : « L’islam n’est pas la religion des opprimés » : « Le problème du monde musulman est ailleurs », dit-il. « Alors qu’il connaît depuis deux siècles une vive tension entre l’aspiration à la modernité et le repli sectaire autoritaire, pourquoi est-ce le second qui l’emporte encore ? […] Le facteur géopolitique doit être écarté. D’autant que parmi les phares de l’obscurantisme et du despotisme islamique figure l’Arabie saoudite. Or, le Royaume des Saoud fait partie des alliés historiques de l’OTAN et n’a jamais connu la colonisation européenne» (Ferghane Azihari: « L’islam n’est pas la religion des opprimés », Le Figaro, 13 avril 2021).

Islam (9): Sémantique : pourquoi parle-t-on de “musulmans” de nos jours là où autrefois on parlait de maghrébins

Cette question mériterait pourtant qu’on la creuse. Quand et pour quelles raisons a-t-on commencé à désigner comme musulmans tous ceux qui sont originaires d’un pays musulman ? Ainsi, la presse a relaté que j’avais été marié à une « musulmane ». J’ai demandé à mon ex-femme si elle se retrouvait dans cette qualification. Sa réponse a été nette : « Pas du tout ! » N’ayant jamais été proche de l’islam, cette femme de la seconde génération d’immigrés maghrébins, entièrement assimilée, se considère aujourd’hui comme française, simplement. Au besoin avec la précision « d’origine tunisienne ». Je suis convaincu qu’il y a un très grand nombre de citoyens comme elle. Le sujet est complexe, certes, mais ce glissement lexical qui s’est imposé au cours des vingt dernières années cache des questions très intéressantes. A-t-il été promu par les islamistes qui – la chose n’est pas douteuse – étaient les seuls à y gagner ? Mais pourquoi les médias, les politiques, les citoyens l’ont-ils accepté ?  

Islam (10) : Esclavage dans l’histoire et la culture musulmans (page 99)

Ces dernières années, l’historien allemand Egon Flaig n’a cessé de susciter le débat. Dans son ouvrage Histoire mondiale de l’esclavage (2009), il ne s’est pas borné à affirmer que l’esclavage dans la région arabe et en Afrique avait une tradition totalement indépendante et n’avait donc pas besoin de l’« aide au développement » européenne. Il est allé plus loin en affirmant que l’abolition de l’esclavage n’aurait pas du tout été possible sans l’aide du colonialisme. L’élaboration de ce dilemme dialectique a provoqué une opposition parfois farouche parmi certains de ses collègues (« Was ist so “menschenverachtend“ an Egon Flaigs Thesen? » (Qu’est-ce qui rend si abjectes les thèses d’Egon Flaig ?), FAZ, 15 avril 2021). Une excellente tribune de Marie-Claude BarbierMosimann, maître de conférences à l’École normale supérieure de Cachan, se penche également sur la traite arabo-musulmane. Son titre : « La traite arabo-musulmane est volontairement occultée dans les mémoires de l’esclavage » (Le Figaro, 11 mai 2021). Pour ceux qui s’intéressent au sujet, un nouveau livre d’un collectif d’historiens a paru en septembre 2021. Son titre : Les Mondes de l’esclavage. Une histoire comparée (sous la direction de Paulin Ismard, Seuil, 2021).

Islamophobie, difficultés d’une définition scientifique (page 34 et suivantes, page 54)

Une définition claire et universellement utilisable de ce qu’est exactement l’islamophobie, comme c’est le cas du racisme et de l’antisémitisme, est justement ce qui fait défaut, et cela après 30 ans de recherche sur la notion et après des centaines d’articles scientifiques qui lui sont consacrés. L’état actuel de la recherche est bien résumé par Houda Asal, un chercheur défendant le concept, toutefois sans militantisme : « Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept : État des lieux de la recherche », Sociologie, N°1, vol. 5 |2014:  Sociologie de l’islamophobie

Israël – Allemagne: début de réconciliation dès les années 1950 (page 86)

Cela n’a pas empêché les diplomates de s’y mettre rapidement : « La République fédérale d’Allemagne et l’État d’Israël : deux pays nés dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale et du génocide des Juifs. Leur rapprochement intervient avec l’accord de réparations israélo-allemand, conclu le 10 septembre 1952. Comment expliquer ce mouvement quelques années seulement après que le IIIème Reich fut quasiment parvenu à exterminer le peuple juif, avec le soutien d’une grande partie de sa population ? Difficile de croire à la rhétorique allemande officielle, qui insiste sur le fondement moral de ses relations avec Israël. Comme l’ont abondamment montré les historiens, d’anciens responsables nazis occupaient encore de hautes fonctions dans l’Allemagne vaincue, tandis que la société en général était plongée dans le déni face à la barbarie qu’elle avait déchaînée peu de temps auparavant. Peut-être Konrad Adenauer, premier chancelier de l’après-guerre et symbole de larenaissance de son pays, nous éclaire-t-il le mieux sur le sujet. Interrogé en 1966 à la télévision allemande, plus de deux ans après son retrait du pouvoir, à une heure de grande écoute, il explique à propos de sa politique de réparations qu’« expier ou réparer [les crimes allemands contre les Juifs] était la condition sine qua non pour retrouver notre statut international  »(« Singulières relations germano-israéliennes », Le Monde diplomatique, avril 2020).

Karfreitag (page 12)

Mot composé de « Freitag » (vendredi) et du préfixe « Kar- » qui a son équivalent dans le mot français de « carême ».

Leipzig, « dans la désolation d’une église aux fenêtres cassées » (page 11)

Le régime socialiste de la R.D.A. avait peu investi dans la conservation des églises. Pire, de nombreuses parmi elles ont été dynamitées, comme ça a été le cas de la vieille Universitätskirche Sankt Pauli le 30 mai 1968. Le réformateur Martin Luther lui-même avait sacrée cette église en 1545. En 1717, les nouveaux orgues avaient été installées et réglées par Bach, spécialiste reconnu en la matière.

Au moment de l’unification, la plupart des églises se trouvaient dans un état de délabrement avancé.

Jean-Sébastien Bach, cantor à la Thomaskirche, a vécu à Leipzig de 1723 jusqu’à sa mort en 1750. Il y a composé ses plus grandes œuvres.

Lewin, Roland : une légende de l’IEP de Grenoble (page 161)

Voir la belle nécrologie que lui consacre Michel Destot, maire de Grenoble au moment de sa mort : « Roland Lewin a marqué des générations d’étudiants, qui garderont en mémoire la passion et la rigueur avec lesquelles il enseignait l’histoire des droites en France, devant des amphithéâtres bondés et attentifs. […] Exemple vivant de la passion et de l’amour de la transmission du savoir, il va manquer à de nombreux étudiants grenoblois qui l’ont connu » (« Disparition de Roland Lewin, site de Michel Destot, 25 novembre 2009). Un grand merci à Evelyne, la sœur de Roland, ainsi qu’à Serge, son neveu, pour les précieuses précisions et corrections concernant la vie de la famille Lewin qu’ils ont gentiment apportées à mon récit. Ce détail de la vie de Günter Lewin je le raconte sous réserve. Voici ce que sa fille, sœur de Roland m’a écrit : « Ni mon fils, ni moi, nous n’avons entendu cette histoire à propos des « Brigades Internationales » et nous pensons qu’en 1936, mon père avait d’autres chats à fouetter ! Il devait lutter quotidiennement pour ne pas être arrêté et pour obtenir des papiers français ; il vivait avec notre mère et devait travailler au noir pour subvenir à leurs besoins à tous deux ; il préparait son futur professionnel (formation l’école de kinésithérapie), etc. D’autre part, il s’était déjà bien rendu compte de ce que ses « amis » communistes étaient réellement — et il prenait ses distances avec eux. Bref, [ce sont là] beaucoup de raisons qui expliquent à nos yeux qu’il n’avait aucunement l’intention d’aller se battre en Espagne. Mais si vous tenez cette information de Roland, je pense que cela représentait seulement l’image de notre père : un idéaliste, qu’il est resté toute sa vie d’ailleurs ! » Le sujet de cette thèse témoigne de sa passion pour l’anarchie, qui ne s’arrêtera jamais. Le premier sujet, celui d’une thèse d’Etat abandonné, s’intéressait à la vie de son père communiste. Son objet était le militant communiste allemandWilli Münzenberg, cadre et l’un des propagandistes les plus influents de l’Internationale communiste qui exerçait une forte attraction auprès des intellectuels occidentaux avant-guerre. Il est particulièrement connu pour sa capacité à instrumentaliser l’antifascisme au service de l’État stalinien. Münzenberg finit néanmoins par rompre avec le communisme en raison des grandes purges de Staline durant les années 1930 et meurt de manière non élucidée en 1940.

LPR (page 197)

Loi sur la programmation de la recherche (LPR), votée par l’Assemblée en novembre 2020. Pour la ministre Frédérique Vidal, cette loi était censée revaloriser la recherche française. Pour de nombreux universitaires, l’enseignement supérieur souffrait durement du manque de moyens, de la pénurie de personnels titulaires et de la grande précarité des jeunes chercheurs, de plus en plus contractualisés du fait de l’absence d’ouverture de postes de titulaires, malgré l’augmentation considérable du nombre d’étudiants. C’est dans ce contexte qu’une partie des étudiants, encouragés par leurs enseignants, s’étaient ralliés à la cause de ces derniers.

Mémoire / devoir de mémoire en France et en Allemagne (page 89)

La centralité politique de la mémoire dans l’agenda présidentiel d’Emmanuel Macron lui a valu le quolibet de « président de la mémoire ». En cela, il surpasse tous ses prédécesseurs, y compris les grands présidents mémoriels que furent Charles de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac (pour ce dernier on se souviendra notamment de son discours, le 16 juillet 1995, sur la responsabilité de l’Etat français dans la déportation durant l’Occupation, par exemple la rafle du Vél d’Hiv. Cette responsabilité avait été rejetée par de Gaulle et par Mitterrand. Selon eux, le régime de Vichy n’était pas la République française, celle-ci étant incarnée selon eux par la France libre à Londres).

En Allemagne, c’est l’AfD qui régulièrement appelle à ce que l’on tire enfin un trait final sur les douze années de nazisme, « une fiente d’oiseau comparée à 1000 ans d’histoire allemande », selon son président d’honneur Alexander Gauland (discours devant le congrès du parti, 2 juin 2018, qui a déclenché un immense scandale). Quant au parti Die Linke (« La gauche »), ses difficultés à accepter le consensus sont dues à ses hésitations à prendre clairement et définitivement ses distances par rapport au passé de la R.D.A, une dictature socialiste qui, dès sa création jusqu’à sa disparition en 1990, s’était auto-proclamée « antifasciste », ce qui la dispensait de s’occuper du passé nazi, absurdement mis sur le dos de la seule R.F.A., alors que pendant la guerre, et jusqu’en 1949, on avait été une seule nation.

Néo-puritains (page 157)

Voir l’article d’Anne Applebaum : « The New Puritans : Social codes are changing, in many ways for the better. But for those whose behavior doesn’t adapt fast enough to the new norms, judgment can be swift – and merciless » (Les nouveaux puritains : Nos codes sociaux changent, souvent pour le mieux. Mais pour ceux qui ne s’adaptent pas suffisamment vite, le verdict peut tomber rapidement – et sans merci), The Atlantic, 31 août 2021.

Opéras de Berlin, il y en a trois! (page 11)

Du fait de la bipartition de la ville entre 1945 et 1990, il y avait, et il y a aujourd’hui encore, trois grands opéras à Berlin, l’un à l’ouest (la Deutsche Oper) et les deux autres à l’est, dans l’ancienne capitale de l’Allemagne communiste (la Staatsoper Unter den Linden et la Komische Oper).

Origine socio-économique des étudiants de l’IEP de Grenoble  (page 168)

Malgré quelques efforts bien trop timides pour ouvrir l’établissement aux jeunes des couches sociales défavorisées, l’IEP de Grenoble, comme tous les IEP, reste encore, hélas, et en contradiction fragrante avec leur gauchisme affiché, une grande machine à « reproduire les élites » – comme le disait le sociologue et philosophe social Pierre Bourdieu (1930-2002), l’un des guides spirituels de notre communauté élevé au rang de saint. Le profil socio-culturel de nos étudiants ? A quelques exceptions près, ils sont issus de familles de la classe moyenne (supérieure) et cultivée dont l’exemple caricatural mais assez typique est celui de parents où le père est cadre (supérieur) et la mère professeur (de mathématiques)… Le fait que nous soyons légalement obligés de recruter 30% de boursiers n’y change pas grand-chose pour l’instant, la définition des boursiers étant floue et malléable (« Concours : les grandes écoles amorcent le virage de la discrimination positive », Les Echos, 18 février 2021).

Passions de Jean-Sébastien Bach, 1685-1750 (page 11)

L’une est la Passion selon Saint Mathieu. L’autre est La Passion selon Saint Jean. Dans la Passion selon Saint Matthieu, contrairement à celle selon Saint Jean, Bach utilise deux cœurs, ce qui double la puissance de cet élément dramatique essentiel.

La « judéophobie » de saint Jean

Saint Jean est souvent considéré comme le plus judéophobe des évangélistes et a longtemps servi de référence pour les courants antisémites dans les églises chrétiennes. La théologie contemporaine a, depuis, contextualisé l’évangile de Jean et les querelles théologiques autour de cet évangiliste se sont largement calmées.

Bach semble avoir composé au moins une troisième Passion, la Passion selon Saint Marc, créée à Leipzig le Vendredi saint de 1731 mais dont le manuscrit est perdu. Quant à une Passion selon Saint Luc, un manuscrit de 1730 existe, mais la recherche n’est pas certaine qu’il est effectivement de la main de Bach. Cette passion passe donc pour apocryphe.

Bach, cinquième évangéliste ?

Bach serait le « cinquième évangéliste, selon une périphrase en usage chez les luthériens.

La séparation de l’Etat d’avec les religions dans les évangiles

Je voudrais souligner dans ce contexte combien Jésus, dans les évangiles, insiste sur la séparation de l’Etat d’avec les religions. Je cite l’Evangile de Matthieu, 22, 15-22 :

« Alors les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : „Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur“ ?  Connaissant leur perversité, Jésus dit : „Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt“. Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : „Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles“ ? Ils répondirent : „De César“. Alors il leur dit : „Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu“. À ces mots, ils furent tout étonnés. Ils le laissèrent et s’en allèrent ».

Je suis conscient que mon insistance sur la séparation de l’Etat d’avec la religion telle qu’elle est proclamée par Jésus dans les évangiles puisse étonner, voire irriter les Français connaissant l’histoire et le rôle très politique (et néfaste) que l‘Eglise catholique a joué pendant des siècles – jusqu’à ce qu’à la fin, après moult batailles sanglantes, le sécularisme l’ait emporté et la laïcité pu s’imposer. L’église protestante n’a jamais eu le même pouvoir en Allemagne que l’église catholique en France, sauf dans certains Etats et dans certains cantons de la Suisse (Zwingli et Calvin).

De culture protestante, mon regard est sans doute biaisé par cette différence historique… J’ajoute que l’Eglise protestante allemande d’aujourd’hui (EKD) est extrêmement politisée (très à gauche et très politiquement correcte, voire influencée par les idéologies woke venues des USA) et intervient constamment dans le débat politique allemand. Ce qui – je tiens à l’ajouter en bon Français et immigré assimilé – m’irrite au plus haut point…

Patriarcat (page 127)

Voir l’excellent article d’Emmanuel Todd: Le patriarcat n’a pas disparu en Occident: il n’a jamais existé, Le Figaro, 20 janvier 2022.

Extrait:

LE FIGARO. – Dans votre livre, vous vous attaquez sévèrement au « féminisme de troisième vague » et à la théorie du genre, que vous accusez de vouloir créer une guerre des sexes et d’être une idéologie coupée du réel. Vous n’allez pas vous faire des amis à gauche… Qu’est-ce qui vous a poussé à l’écrire ?

Emmanuel TODD. – C’est vrai, je confesse une forme d’agacement face au développement de ce que j’appelle le féminisme de troisième vague, antagoniste, de ressentiment. Comme un homme de ma génération sans doute. Dans ma génération et mon milieu, un féminisme absolu régnait. Ce qui me frappe, c’est l’irruption en France d’un féminisme antagoniste qui ressemble à celui du monde anglo-américain, un féminisme de conflit (américain) ou de séparation (anglais). Notre pays se distinguait et faisait l’admiration du monde par son modèle de camaraderie entre les sexes. Mais fondamentalement, je n’attaque pas, je cherche à comprendre ce qui se passe, en chercheur, en anthropologue, en historien.

Quelles sont les racines du féminisme antagoniste anglo-américain ?

J’associe ce féminisme anglo-américain à l’héritage du protestantisme, en réalité bien plus « patriarcal » que le catholicisme, plus ambivalent. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le monde anglo-américain n’est pas à l’origine plus favorable aux femmes que la France. Le protestantisme, sur les rapports hommes-femmes, est régressif par rapport au christianisme originel. Le catholicisme avait une dimension matricentrée avec le culte de la Vierge Marie. Le message de Luther est très patriarcal. On passe de Marie à Eve, la femme pécheresse. La virulence du féminisme dans le monde anglo-américain résulte largement d’une réaction contre cet héritage.

Votre point de départ est un paradoxe : nous assistons à un regain de contestation de la suprématie masculine « au moment même où le mouvement d’émancipation des femmes semblait sur le point d’atteindre ses objectifs » . Comment l’expliquer ? Faut-il y voir le paradoxe de Tocqueville selon lequel plus une société est égale, plus la moindre inégalité blesse l’oeil ?

C’était ma première hypothèse, mais ce n’est pas ça. Quand on voit le succès du livre de Mona Chollet sur les sorcières, dans les classes moyennes éduquées, il y a de quoi s’interroger : comment des femmes modernes peuvent-elles s’identifier au sort des 40 000 femmes massacrées, principalement dans le monde germanique, par la furie masculine aux XVIe-XVIIe siècle ? Il y a là une forme de désorientation. Le dépassement éducatif des hommes par les femmes est beaucoup plus ancien qu’on ne l’imagine. En 2019, en France, dans la tranche 24-34 ans, 52 % des femmes ont fait des études longues, pour 44 % des hommes. L’inversion du « sex-ratio » dans les études supérieures s’est faite à la génération de gens qui ont maintenant 50 ans. Nous vivons dans une matridominance éducative depuis longtemps, même s’il reste une pellicule de domination masculine dans les 4 % supérieurs de la société.

Une fois qu’on a intégré la masse de cette évolution, on peut mieux comprendre le malaise des femmes qui s’explique moins par des résidus de domination masculine que par l’accession des femmes à tous les problèmes des hommes, et notamment à l’anomie au sens durkheimien : dans une société mobile, les gens ne savent plus quoi attendre de la vie, s’ensuit un mal-être social. Les femmes accèdent aux pathologies psychosociales jusque-là réservées aux hommes : ressentiment de classe, désarroi, anxiété sur leur destin personnel, etc.

Tout de même, vous ne pouvez pas nier qu’il existe encore des écarts économiques importants entre hommes et femmes…

Il y a une persistance de la domination masculine dans le secteur dirigeant de l’économie privée et dans les bureaucraties d’État. Pour le reste, les différences économiques entre hommes et femmes sont essentiellement expliquées par le choix de la maternité. Je fais une percée théorique révolutionnaire dans le livre : je définis comme femme l’être humain qui (hors stérilité accidentelle) peut porter un enfant. Je sais, c’est très risqué de dire cela aujourd’hui, voire réactionnaire ( rires). J’avais essayé de faire sans, mais tout devenait incompréhensible. Les femmes maintenant ont accès à tous les problèmes des hommes, mais elles gardent en plus ce problème de l’option entre la carrière et les enfants, ce qui suffit à expliquer le résidu de domination masculine. De plus pour les hommes, qui ont perdu pas mal de leur capacité de décision dans la vie familiale, le monde du travail devient de plus en plus important et très investi. Un homme qui ne réussit pas dans son travail se met en grand danger. Tous les autres débats, pseudoscientifiques, sur une différence des sexes génétique ou de cerveau sont hors de propos… il y a identité dans tous les domaines ou alors des différences invérifiables, mais la maternité et ses conséquences psychosociales sont une variable assez puissante pour expliquer l’essentiel.

Est-ce à dire que, selon vous, le patriarcat a disparu en Occident ?

“Ce n’est pas qu’il a disparu, c’est qu’il n’a jamais existé. Qu’est-ce que ça veut dire patriarcat ? Je préfère parler de système de patridominance universel, c’est-à-dire une position légèrement supérieure de l’homme en particulier dans les activités de gestion collective. Mais l’intensité de cette domination masculine est tellement variable selon la géographie et l’histoire qu’on ne peut pas appliquer un terme unique à des systèmes très différents. Je propose, avec l’aide d’un expert, une utilisation nouvelle de l’ Atlas ethnographique de Murdock pour montrer cette diversité au lecteur, par des cartes originales. Sur un sujet qui est souvent abordé de manière ultra-idéologique, nous pensons que l’accès aux données est fondamental. Nous avons mis en ligne l’outil de visualisation que nous nous sommes construit, et nous donnons le lien dans le livre. Parler de patriarcat de façon indifférencié pour évoquer la situation des femmes à Kaboul et dans la région parisienne n’a aucun sens du point de vue du chercheur en anthropologie. Frédéric Le Play emploie le mot « patriarcales » pour désigner les grandes familles indivises de type russe et arabe. Pour ce qui est de l’Occident étroit, la France, le monde anglo-américain et la Scandinavie, la mutation patrilinéaire, partie du centre de l’Eurasie, qui a abaissé le statut de la femme au cours de l’histoire, n’a pas eu lieu ou est restée embryonnaire. On croit souvent que plus on remonte le temps, plus les femmes étaient opprimées. Il n’en est rien. Les Occidentaux avant même la révolution des soixante-dix dernières années, étaient très proches dans leurs mœurs des chasseurs-cueilleurs chez qui le statut de la femme est élevé (…)

“Pershing”, la crise des P.  dans les années 1980 (page 202)

Missiles américains de type Pershing : la « crise des euromissiles » est une période de relations Est-Ouest tendues et de débats entre les membres européens de l’OTAN qui naît des premiers déploiements de missiles soviétiques SS-20 en 1977 dans le contexte d’une période de retour à la guerre froide du milieu des années 1970 au milieu des années 1980 mettant fin à une période de détente Est-Ouest. Fin 1979, l’OTAN décide de déployer dans cinq pays européens de nouvelles armes nucléaires tout en proposant aux Soviétiques l’ouverture de négociations sur les FNI. Cette « double décision » traduit l’absence de consensus dans la classe politique des pays concernés sur la nécessité de cette course aux armements et sur la vigueur des mouvements pacifistes, notamment en Allemagne de l’Ouest, où pendant des mois des millions d’Allemands manifestent pour stopper le déploiement des Pershing (Source : Wikipédia). Je note que toute la partie féminine de ma famille (mère et les deux filles adultes) participent aux manifestations anti-Pershing. Moi, je suis aspirant-officier dans la Bundeswehr à ce moment.

Popper, Karl (page 117)

Karl Popper (1902-1994) est à l’origine d’une épistémologie (le poppérisme) qui met l’accent sur l’idée de la réfutabilité par l’expérimentation ou l’échange critique comme critère de démarcation entre science et pseudo-science. La Société ouverte et ses ennemis a été publié en 1945 (en anglais) :Popper y dit en substance ceci : dans les sociétés ouvertes, contrairement aux sociétés fermées et idéologiquement déterminées qui poursuivent un plan de salut obligatoire pour tous, un échange intellectuel d’opinions est permis, ce qui rend également possible des changements culturels. Par conséquent, la liberté d’expression, d’association et de réunion, ainsi qu’une stricte neutralité religieuse, sont fondamentales pour les sociétés ouvertes. La meilleure forme de gouvernement, selon Popper, est la démocratie, qu’il redéfinit comme une forme de gouvernement dans laquelle il est possible d’échanger les dirigeants sans effusion de sang. C’est en cela que réside, plutôt que dans l’idée que la majorité a raison, le plus grand mérite de la démocratie. Marqué par l’expériences des deux totalitarismes du XXème siècle, Popper ne distingue que deux formes de gouvernement : la démocratie et la tyrannie.

Le Procès de Franz Kafka (page 33 )

Kafka a été juriste et écrivain (1883-1924) : Le Procès est l’un des trois grands romans inachevés de l’auteur praguois de langue allemande. Comme ç’a été le cas de la plus grande partie de ses écrits, ce chef-d’œuvre, porté à l’écran par Orson Welles en 1963, a été publié en 1925 par son ami Max Brod, posthumément et contre la volonté expresse de l’auteur. Les autres romans inachevés de Kafka sont L’Amérique ou Le Disparu et Le Château. La meilleure traduction française du Procès est pour moi celle de Bernard Lortholary (Flammarion, 1983). D’autres grands auteurs de l’absurde sont André Breton, Albert Camus, Eugène Ionesco, Dino Buzzati, Samuel Beckett, Harold Pinter etc…Quant à La Métamorphose (Die Verwandlung, traduit en français par Bernard Lortholary, Librio, 2000) est un récit de Franz Kafka, écrit en1912. L’auteur l’a trouvé assez bon pour qu’il soit publié en 1915 – contrairement au reste de son œuvre, qu’il souhaitait voir détruit après sa mort.

“Querelle des historiens allemand”, 1986-1987 (page 85)

A quelques années de l’unification, qui a ouvert un nouveau chapitre dans l’historiographie allemande, la « Querelle des historiens »(« Historikerstreit », de 1986 à 1987) a sévi en République fédérale d’Allemagne. Elle impliquait notamment le philosophe Jürgen Habermas (né en 1929) et l’historien Ernst Nolte (1923-2016) et engendra des débats pendant une année, des centaines d’articles dans la presse et des dizaines de livres (Ernst Nolte : « Eine Vergangenheit, die nicht vergehen will » (FAZ, 6 juin 1986). Au cœur de la querelle: la « singularité » de l’Holocauste et la question du rôle que ce dernier doit jouer dans l’histoire de l’Allemagne comme source d’identité. Cette question, moins présente aujourd’hui qu’avant la chute du Mur, n’en continue pas moins à ressurgir régulièrement dans les débats nationaux. – Au mois de septembre 2021, Habermas, âgé de 92 ans, a donné un coup de pied dans la fourmilière et réanimé les débats endormis en nuançant sa position de 1987. Selon lui, dans le contexte actuel d’une Allemagne multiculturelle – où le nombre d’immigrés musulmans a littéralement explosé, notamment depuis la « crise des réfugiées » en 2015 –, les sensibilités des nouveaux citoyens doivent être respectées et, du coup, les crimes coloniaux de l’Allemagne davantage être intégrés dans la mémoire collective. L’insistance de Habermas sur la « singularité » des crimes nazis se trouve ainsi, soudainement, tout relativisée. Il se trouve ainsi parfaitement dans le « Zeitgeist » représentés par les historiens « décolonialistes » représentés entre autres par l’Australien Dirk Moses. Celui-ci, dans un article scientifique écrit en écriture inclusive, s’est récemment moqué du « narratif [historique allemand] de la rédemption » et d’un « catéchisme allemand » qui, en érigeant la mémoire de l’Holocaust en religion d’Etat, décrète « la loyauté avec Isräel » comme Raison d’Etat et relègue au second plan le génocide que, entre 1904 et 1908, les troupes coloniales du Reich ont commis en Namibie à l’encontre les tribus des Hereros et des Namas. (« Was nun also? Der Holocaust ist singulär. Aber so ganz dann eben doch nicht? –Jürgen Habermas greift ein im Streit um die deutsche Erinnerungskultur », Neue Zürcher Zeitung, 16 septembre 2021 et Dirk Moses : « Der Katechismus der Deutschen », Geschichte der Gegenwart, 23 mai 2021).

Retraites: la nécessaire réforme (page 191)

La réforme des retraites est plus que jamais nécessaire pour reprendre le contrôle des finances publiques, à l’heure où la dette publique culmine à 118 % du PIB. Le système mobilise 328 milliards d’euros, soit 13,5 % du PIB, contre 10 % en Allemagne et 8 % dans les pays développés. Il est le plus généreux du monde développé, assurant un départ effectif à 62,7 ans, contre plus de 65 ans dans l’OCDE, et un taux de remplacement du revenu de 60 %. Il est aussi structurellement déficitaire, entre 0,5 % et 1 % du PIB, car la croissance économique est inférieure au vieillissement de la population. Par ailleurs, il génère d’importantes inégalités, entre retraités, du fait de la coexistence de 42 régimes, mais aussi entre retraités et actifs. La solution est simple pour garantir l’équilibre financier, restaurer la justice et améliorer la transparence. Si l’on veut éviter une diminution des pensions, et dès lors que toute hausse des cotisations est exclue en raison de ses effets désastreux sur la croissance et l’emploi, l’âge légal de départ doit progressivement converger vers celui en vigueur dans les pays européens, soit entre 65 et 67 ans, accompagnant la hausse de l’espérance de vie. Simultanément, le régime des fonctionnaires a vocation à être aligné sur celui des salariés du secteur privé et les régimes spéciaux. Il doit être supprimé pour les nouveaux entrants. » (Nicolas Bavarez, art. cit., 28 juin 2021).

R.D.A.: Les “avantages sociaux » (page 203)

Avantages sociaux » que la RDA que la RDA ne pouvait pas se permettre. Des années avant la chute du Mur, ce pays à l’économie planifiée était déjà en faillite, maintenu en vie par l’URSS d’une part (en faillite également) et, d’autre part, par les milliards de deutschemarks que l’Allemagne fédérale (démocratique et capitaliste) avait mis à sa disposition depuis des années (par peur – à juste titre – des conséquences géopolitiques qu’un effondrement non contrôlé de sa voisine socialiste risquait d’entraîner.

Religion et sécularisme : La religiosité des citoyens musulmans en France – et le sécularisme des autres

Nous l’avons déjà dit : les musulmans sont de plus en plus pratiquants : « Ainsi, 32 % des personnes se disant musulmanes n’avaient pas du tout jeûné pendant le ramadan en 1989 alors qu’elles n’étaient plus que 20 % en 2011 » (Hakim El Karoui, « La fabrique de l’islamisme », Institut Montaigne, septembre 2018).En 2017, seulement 6% des musulmans français se déclarent « athées » ou « non croyants », 56% « croyants et pratiquants » et 38% « croyants mais pas pratiquants », ce qui fait 94% de « croyants » (Source : Statista). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux de l’ensemble des Français : en 2015, 63% des Français se déclarent « athées » ou « non religieux » ; 37% se disent « religieux ». Ce chiffre est logiquement gonflé par l’intégration des musulmans français. (Source : « Plus de la moitié des Français ne se réclament d’aucune religion », Le Monde, 7 mai 2015). – Selon le philosophe allemand Peter Sloterdijk, « en se fondant sur des enquêtes récentes, des sociologues des religions affirment que seuls 4 % des Français se considèrent encore comme des catholiques » (Interview dans Le Figaro, 30 avril 2021 : « L’Europe tient de l’association de consommateurs »). En 1990 déjà, le pourcentage des Français se disant « sans religion » passe de 40% à plus de 60%, tandis que la courbe prend la direction inverse pour les immigrés maghrébins (qui du coup méritent de plus en plus le qualificatif « musulmans »). En 1990, les enfants de la première génération des immigrants maghrébins ne sont plus que 30% à se déclarer « sans religion », le chiffre variant selon le niveau d’éducation : plus ce niveau est bas, moins ils se déclarent « sans religion ». En bas de l’échelle du niveau d’instruction, ils ne sont plus que 10% dans ce cas en 1990 (Tribalat, op. cit., p. 142).

Soif de sécurité de la génération Z ? (page 65 )

Greg Lukianoff (journaliste et auteur) et Jonathan Haidt (psychologue social et un professeur d’éthique américain. Il enseigne à la Stern School of Business de l’université de New York) : The Coddling of the American Mind : How Good Intentions and Bad Ideas Are Setting Up a Generation for Failure (Comment nous dorlotons nos jeunes : de bonnes intentions et de mauvaises idées préparent une génération à l’échec, traduction : KK), Penguin Press, 2018. Le livre, dont les idées avaient été présentées par les auteurs en septembre 2015 dans un article au même titre paru dans le magazine The Atlantic, n’a pas été traduit en français. Mais une émission de France Culture de septembre 2020 le présente aux Français : « La politique des identités joue-t-elle contre l’esprit critique ? » (France Culture, 28 septembre 2020).

Sefrioui, Abdelhakim (page 21 )

« Il est aujourd’hui clair que le professeur a été nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux » par le parent d’élève à l’origine de la polémique, Brahim C., et le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, « au moyen de manœuvres et d’une réinterprétation des faits », a résumé le procureur national antiterroriste.

Union nationale des étudiants de France / UNEF (page 34 )

Principal syndicat étudiant, fondé en 1907, l’UNEF est réputée, pendant des décennies, être proche de la gauche socialiste avant de s’en éloigner progressivement à partir de la seconde décennie des années 2000. Elle est désormais proche de l’ultragauche communautariste. En 2021, elle revendique environ 30.000 membres.

Universalisme occidental remis en cause par les théories communautarises (page 175)

Dans un article publié par la renommée revue scientifique Nature, Linda Nording, une journaliste free-lance sud-africaine, a bien exprimé ce qu’elle pense de l’universalisme occidental et des valeurs qui le sous-tendent. Voici un extrait, qui en même temps est une définition du mouvement décolonialiste : « La décolonisation est un mouvement qui vise à éliminer, ou du moins à affaiblir, l’héritage disproportionné de la pensée et de la culture européennes blanches dans l’éducation. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter le nombre de chercheurs noirs, même si cette “transformation” raciale est un élément important du processus. Il s’agit aussi d’affaiblir l’hégémonie des valeurs européenneset de faire une place à la philosophie et aux traditions locales que la colonisation avait écartées » (Linda Nording, « How decolonization could reshape South African science : A generation of black scientists is gearing up to transform the research landscape », Nature, 7 février 2018).

« L’universalisme hérité des Lumières »

Cette formule, trop restreinte et pourtant souvent utilisée en France, même si je l’utilise ici par convenance, ne me convainc pas entièrement. Car c’est de l’idée selon laquelle « Dieu a créé l’homme à son image » (Genèse 1, 27) que dérive le droit de chaque être humain à la « dignité » (évoquée comme « inaliénable » au premier article de la constitution allemande). Dans l’histoire des idées, on pourrait donc situer ici, à savoir dans l’Ancien Testament et donc bien avant nos philosophes du siècle des Lumières, les racines des « droits de l’homme »ainsi que l’« universalité »de ces droits. Cependant, cette opinion n’est pas incontestée. Par exemple, le théologien protestant Walter Sparn affirme qu’il n’y a « aucune justification théologique de la dignité humaine […]. Il est trompeur que la théologie chrétienne interprète le concept séculaire de la dignité humaine uniquement ou même principalement avec l’idée de l’image de Dieu. » – Beau débat et vaste sujet…

Ruud Koopmans (p. 61) : le cociologue a démontré combien la vie des musulmans européens est mille fois plus prospère, plus libre, plus digne que celle qu’ils mèneraient partout ailleurs où la culture de l’islam domine. Un exemple de choix à faire méditer aux musulmans français est le déclin de la Turquie depuis que l’islamisme est devenu le moteur de la politique de son président Recep Tayyip Erdogan. Il y a une dizaine d’années, ce grand pays était candidat à l’adhésion à l’UE et avait été montré en exemple parce qu’il illustrait réellement, disait-on, lacompatibilité entre l’islam et la démocratie. Que cette époque paraît lointaine aujourd’hui ! Que les musulmans français d’origine turque (entre 600.000 et 800.000), mais aussi les autres, arrêtent de regarder les chaînes turques contrôlées par le pouvoir et lisent, à la place, les reportages et livres qu’écrivent sur leur pays des journalistes libres ! Un excellent exemple est Bülent Mumay. Il a dirigé la rédaction en ligne du grand quotidien turc Hürriyet, réputé proche du pouvoir, avant d’être licencié, en 2015, à la suite de pressions exercées sur lui par le gouvernement turc. Après la tentative de coup d’État de l’été 2016, il a été arrêté pour suspicion d’appartenance à l’organisation Gülen mais libéré après cinq jours de garde à vue. Je lis régulièrement ses « Lettres d’Istanbul » publiées par le quotidien allemand FAZ. Voici un bref extrait : « L’économie turque se dégrade au fur et à mesure qu’Erdogan se comporte de manière autoritaire. Nos portefeuilles souffrent autant que notre démocratie. Autrefois étoile brillante de l’Europe grâce à sa population jeune, la Turquie est aujourd’hui en proie au désespoir. Le taux de chômage approche les trente pour cent […]. Les effets sont visibles dans les rues. Lorsque les agriculteurs distribuent les restes de pommes de terre et d’oignons aux nécessiteux, c’est la ruée. Les gens se battent pour ramasser quelques morceaux… » (Bülent Mumay, FAZ, 24 avril 2021). Les arguments de Ruud Koopmans (et de nombreux de ses collègues), reposant sur des données récoltées pendant des décennies, se concentrent essentiellement sur les populations musulmanes originaires du Maroc, du Pakistan et de la Turquie qui se sont installées dans des pays comme l’Australie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas. La France est moins étudiée du fait de la stricte réglementation de l’usage de données portant des informations sur l’origine ethnique et la religion. Ces arguments se trouvent dans le chapitre de son livre au titre très parlant : « Schlusslichter der Integration » (Intégration : Les musulmans en queue de peloton), op. cit., pp. 197 et suivantes.

Weimarer Klassik / Classicisme de Weimar (page 11)

Mouvement littéraire allemand de la fin du 18ème et du début du 19ème siècle marqué par l’activité d’un quatuor d’écrivains installés dans la ville de Weimar : Christoph Martin Wieland, Johann Gottfried Herder, Johann Wolfgang Goethe et Friedrich Schiller. 

Woke, la révolution venu depuis les Etats-Unis (page 10) 

Les Etats-Unis actuels nous montrent comment une révolution peut marcher sans que les citoyens s’en rendent compte. Ce commentaire de blog d’une ancienne critique littéraire du Wall Street Journal devrait nous servir d’avertissement :

J’ai toujours pensé que si l’on vivait une révolution, cela serait évident pour tout le monde. Il s’avère que ce n’est pas vrai. Les révolutions peuvent se produire sans effusion de sang, progressives et subtiles. Et elles n’ont pas besoin d’un homme fort. Elles nécessitent simplement un nombre suffisant de vrais croyants et de lâches bien positionnés, comme ceux qui sont assis dans presque toutes les grandes institutions de la vie américaine. C’est l’une des leçons que j’ai apprises ces dernières années, alors que les institutions qui ont soutenu notre liberté – nos maisons d’édition, nos universités, nos écoles, nos associations à but non lucratif, nos entreprises technologiques – ont adopté une idéologie manichéenne qui divise les gens par identité et punit quiconque n’adhère pas à tous les aspects de cette orthodoxie. (« What Happens When Doctors Can’t Tell the Truth? », Blog Common Sense with Bari Weiss, 3 juin 2021).

Voici l’analyse du prestigieux magazine The Economist sur le même phénomène :

Ces notions [sur l’identité, le genre, la race] ont été incubées pendant des années dans les départements de sciences humaines des universités [américaines] (d’élite en particulier), sans être sérieusement remises en question. Les hystéries morales concernant la culture des campus ne sont pas nouvelles, et l’émergence d’un nouveau gauchisme au début des années 2010 a suscité peu d’inquiétude. Les étudiants commençaient à scruter les propos des universitaires, des administrateurs et de leurs camarades à la recherche de micro-agressions, et alors que leurs incriminations sont entrées dans le discours quotidien, ils trouvaient face à eux la complaisance. Lorsque des universités invitaient des personnes telles que Christine Lagarde, alors directrice du Fonds monétaire international, les administrations de celles-ci les annulaient après que des étudiants activistes les ont accusées de complicité avec les « systèmes impérialistes et patriarcaux », la réponse a été un haussement d’épaules collectif. (« How did American “wokeness” jump from elite schools to everyday life?, The Economist, 4 septembre 2021).

Voir aussi : Helen Pluckrose et James Lindsay : Cynical Theories: How Activist Scholarship Made Everything About Race, Gender, and Identity: And Why This Harms Everybody (Pitchstone Publishing, 2020). Le livre est sorti en français en 2021 sous le titre : Le triomphe des impostures intellectuelles / Comment les théories sur l’identité, le genre, la race gangrènent l’université et nuisent à la société (H&o, 2021) :

Dans ce livre approfondi et explosif, Helen Pluckrose et James Lindsay documentent l´évolution du dogme qui sous-tend ces idées, depuis ses origines dans le postmodernisme français jusqu´à son raffinement dans les milieux universitaires militants américains. Aujourd’hui, ce dogme est reconnaissable tant par ses effets – à l´instar de la fameuse “cancel culture” –, que par ses principes, trop souvent considérés comme axiomatiques dans les médias grand public : la connaissance est une construction sociale, la science et la raison sont des outils d´oppression, toutes les interactions humaines sont des jeux de pouvoir oppressifs et le langage est dangereux. Comme Pluckrose et Lindsay le soulignent, la prolifération incontrôlée de ces croyances anti-Lumières constitue une menace non seulement pour la démocratie et la liberté de penser mais aussi pour la modernité elle-même. Tout en reconnaissant la nécessité de poursuivre le combat pour une société plus égalitaire, Pluckrose et Lindsay analysent comment cette fuite en avant d´activistes souvent radicaux fait plus de mal que de bien, notamment aux communautés marginalisées qu´elle prétend défendre. Ils détaillent également son éthique douteuse, incohérente et liberticide. Ils concluent que seule une bonne compréhension de l´évolution de ces idées peut permettre à ceux qui valorisent la science, la raison et la liberté de penser de contester cette nouvelle orthodoxie autoritaire et nuisible, à l´université, dans la culture et, plus généralement, dans toute la société. (Source : Quatrième de couverture du livre).

En essayant faire l’histoire de ces nouvelles théories, il ne faudrait pas oublier l’influence d’auteurs comme Herbert Marcuse, un philosophe germano-américain (1898-1979), un théoricien critique qui, en 1965, a inventé l’expression tolérance répressive (titre d’un livre paru la même année et disponible en français chez Homnisphères, 2008), selon laquelle la liberté d’expression devrait être retirée à la droite politique afin de favoriser le progrès, puisque « l’annulation du credo libéral de la discussion libre et égale » pourrait être nécessaire pour mettre fin à l’oppression. Une autre influence a été celle de Paulo Freire, un éducateur brésilien (1921-1997) dont la Pédagogie des opprimés (paru en 1970, disponible en français chez Agone, Contre-Feux, 2021) préconisait une pédagogie libératrice dans l’esprit de la Révolution culturelle de Mao, dans laquelle « les opprimés dévoilent le monde de l’oppression et, par la praxis, s’engagent à le transformer ». « Aujourd’hui, les plus éminents évangélistes de ce que des politologues comme Zachary Goldberg appellent « le Grand Réveil » sont Ibram X. Kendi et Robin DiAngelo. Ces deux universitaires-militants ont écrit des livres à succès qui esquissent les limites étendues du racisme systémique. Tous deux minimisent le rôle de l’intention, mais de manière différente. Dans la vision manichéenne du monde de M. Kendi, soit les actions réduisent activement les écarts raciaux, et sont donc antiracistes, soit elles ne le font pas, et dans ce cas elles sont racistes. “Le capitalisme est essentiellement raciste ; le racisme est essentiellement capitaliste”, conclut-il » (The Economist, art. cit., 4 septembre).

Militantisation des sciences dures

Anna I. Krylov, une chimiste qui a grandi sous le communisme de l’URSS : « The Peril of Politicizing Science » (Journal of Physical Chemistry Letters, 2021, 12, 22, 5371–5376). L’auteur dit ceci : « La censure d’aujourd’hui ne se contente pas de purger le vocabulaire scientifique des noms des scientifiques qui ont “franchi la ligne” ou échoué aux tests idéologiques décisifs des élus. Dans certaines écoles, les cours de physique n’enseignent plus “les lois de Newton”, mais “les trois lois fondamentales de la physique”. Pourquoi le nom de Newton a-t-il été supprimé ? Parce qu’il était blanc, et la nouvelle idéologie appelle à “décentrer la blancheur” et à “décoloniser” le programme scolaire ». Anna I. Krylov se souvient de la manie du régime de son pays d’origine, l’URSS, de rebaptiser constamment des concepts, d’ériger et de démonter des statues, etc., selon les besoins politiques. Et elle raconte notamment comment la science a été totalement soumise à l’idéologie du parti communiste. Je cite encore Anna Krylov : « La science [en URSS] n’est pas épargnée par ce contrôle idéologique strict. Les influences occidentales sont considérées comme dangereuses. Les manuels et les articles scientifiques soulignent inlassablement la priorité et la prééminence de la science russe et soviétique. Des disciplines entières sont déclarées idéologiquement impures, réactionnaires et hostiles à la cause de la domination de la classe ouvrière et de la révolution mondiale. Parmi les exemples notables de “pseudo-science bourgeoise” figurent la génétique et la cybernétique. La mécanique quantique et la relativité générale ont également été critiquées pour leur alignement insuffisant sur le matérialisme dialectique ».

Andreas Bikalvi date le début de l’invasion des sciences par le militantisme identitaire et décolonial (notamment dans le domaine de la médicine et des disciplines techniques) à l’année 2016. Cette année-là, « des signes avant-coureurs sont apparus à l’horizon, indiquant une nouvelle appropriation idéologique de la recherche. La notion de “décolonisation” de la science avait émergé, représentée, entre autres, par le mouvement “Science must fall” d’Afrique du Sud, mené par des étudiants de l’Université du Cap. Une vidéo inquiétante avait fait surface sur les médias sociaux, appelant à la destruction totale de ce qui est considéré comme la science blanche et de ses réalisations. Cette idée a été reprise dans un article du magazine britannique The Conversation où l’on pouvait lire, entre autres, que “l’image coloniale de la science comme domaine de l’homme blanc continue de façonner même la science contemporaine dans le monde occidental…”. Le racisme scientifique flagrant du XIXème siècle a désormais cédé la place à l’idée d’excellence en matière de science et de technologie, qui est un euphémisme pour la préservation des financements, des infrastructures et du développement économique. On pourrait croire qu’il s’agit là de la position confuse d’un franc-tireur isolé si une certaine Linda Nordling n’avait pas justifié la décolonisation de la science dans son commentaire dans la prestigieuse revue Nature. Si l’auteur ne pense pas que toute la science, en tant qu’œuvre de l’homme blanc, doive être détruite, elle estime tout de même qu’une décolonisation plus subtile est nécessaire » Andreas Bikfalvi est professeur de biomédecine à l’Université de Bordeaux et à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). L’article qui nous intéresse porte le titre « Feindliche Umarmung der Wissenschaft » (La science menacée par une étreinte hostile), paru dans la FAZ le 28 juillet 2021.

Wokeness dans l’économie globalisée :

Toutes les grandes entreprises globalisées agissent ainsi et adoptent sans restrictions les lois de la wokeness. Quelques exemples : récemment, les dirigeants de Coca Cola (on parle de « Woke Coke ») ont décidé qu’ils allaient fixer des quotas pour placer des minorités dans les conseils d’administration de leurs différentes entreprises. En outre, ils organisent des séminaires au cours desquels les employés blancs sont invités à réfléchir sur leur privilège ethnique et à repenser leur racisme inconscient. Le groupe Walt Disney n’est pas en reste :  on y a décidé d’adapter les parcs d’attraction dans le monde entier pour « assurer que tout le monde passe le meilleur moment : que les invités du monde entier puissent se connecter avec les histoires que nous partageons et que la façon dont nous leur donnons vie soit respectueuse de la diversité du monde dans lequel nous vivons », a déclaré Chris Beatty, directeur du portefeuille créatif de Walt Disney Imagineering (Washington Post, 6 mai 2021). Quant au groupe L’Oréal, il a pris de l’avance : dès 2020, il a décidé de retirer les mots « blanc » et « blanchissant » sur les emballages de certains de ses produits (« L’Oréal va supprimer les mots “blanc”, “blanchissant” et “clair” sur les emballages de ses produits », Atlantico, 27 juin 2020). La plus rigolote des histoires à ce propos s’est produite pendant l’Euro 2021 de foot : après que le joueur de l’équipe de France Paul Pogba eut retiré la bouteille de bière (une Heiniken, sans alcool !) placée devant lui lors d’une conférence de presse, l’organisation de l’UEFA a pris la décision de permettre aux joueurs de confession musulmane de demander qu’il n’y ait pas de bouteille de bière sur leur pupitre en conférence de presse. – « L’objet du délit est [donc] une bouteille de bière… sans alcool. Autrement dit, l’UEFA a fait en sorte de ne pas heurter la sensibilité religieuse de certains joueurs en enlevant du pupitre une boisson non alcoolisée, donc autorisée du point de vue de la pratique religieuse. […] Il y a une dimension comique et absurde dans tout cela, quelque chose qui dévoile l’incroyable puritanisme de notre époque, désormais soumise à un ordre moral strict et contraignant qui va jusqu’à considérer la bière sans alcool comme une offense à la croyance des musulmans » (Mathieu Slama : « Bières retirées par l’UEFA : Quand le sport-business cède à la censure communautariste », Le Figaro, 25 juin 2021).

Voir un excellent résumé de la question dans le Blog des abonnés de Mediapart (sic!):

https://blogs.mediapart.fr/pierre-grandperrin/blog/230222/la-deconstruction-une-theorie-destructrice