III.4 Insécurité & Justice


Neue Zürcher Zeitung, 24. Februar

Die innere Sicherheit hat den deutschen Wahlkampf bestimmt. In Stuttgart zeigt sich, wie ernst die Lage ist.

Die Landeshauptstadt von Baden-Württemberg gilt laut Statistik noch immer als eine der sicherstenGrossstädte Deutschlands. Doch das Sicherheitsgefühl der Bevölkerung hat schweren Schaden genommen. Ein Besuch vor Ort.

Extraits:  

Das Bundesland Baden-Württemberg und seine Hauptstadt Stuttgart stehen in Deutschland im Ruf grösstmöglicher Bodenständigkeit. Die sprichwörtliche Sparsamkeit der schwäbischen Hausfrau erhob die frühere Bundeskanzlerin Angela Merkel an einem Parteitag ihrer CDU in Stuttgart 2008 zum Vorbild staatlicher Haushaltsführung für das ganze Land. Und was eine Kehrwoche ist, das samstägliche Fegen des Trottoirs vor dem eigenen Haus, weiss man wegen des Zuzugs aus dem Ländle mittlerweile auch in der deutschen Hauptstadt Berlin. Durchsetzen konnte sich der Brauch dort allerdings nicht.

Doch seit einiger Zeit bringt man den Raum Stuttgart nicht mehr nur mit biederem Fleiss in Verbindung. Zwei rivalisierende Drogenbanden machen die Gegend seit 2023 unsicher. Kannte der Schwabe Schusswechsel unter Gangstern bis vor kurzem nur aus Hollywoodfilmen, finden sie seit einigen Jahren vor seiner Haustür statt. Der Staat versucht das Feuer auszutreten. (…)

Der 43-jährige gebürtige Stuttgarter Dennis Shipley erinnert sich noch gut an die Ausschreitungen und Plünderungen. Die «Alte Kanzlei», das Restaurant, das er seit 2017 führt, liegt schliesslich direkt am Schlossplatz, der guten Stube der Landeshauptstadt. Hier und in der Umgebung lag das Zentrum der damaligen Unruhen.

Es ist später Nachmittag, das grosse Lokal ist gut besucht. Es gibt hier schwäbische Schlager wie Maultaschen und Zwiebelrostbraten, aber auch Pasta-Gerichte. Der Geschäftsführer Shipley nennt es «gehobene gutbürgerliche Küche».

Er sitzt auf einem Barhocker. Hinter ihm laufen Kellner geschäftig auf und ab. «Die Gegend hier hat sich durch den massenhaften Asylzuzug der letzten zehn Jahre komplett verändert. Und das nicht zum Guten», sagt der sportlich-schlanke Mann und blickt dabei ernst durch seine stahlgerahmte Brille.

Bei Einbruch der Dunkelheit wechselt nach Shipleys Worten die Klientel in der Innenstadt schlagartig. Dann hängen grosse Gruppen junger Männer herum, hören laute Musik und pöbeln Passanten an. Am Wochenende findet es Shipley besonders schlimm. Er weiss es nicht nur vom Hörensagen. Vor einiger Zeit überquerte er mit einer Frau den Platz. Ein junger Mann trat aus einer Gruppe an sie heran. Er forderte die Frau zum Geschlechtsverkehr auf. «Wir sind schnell weitergegangen und haben die Polizei informiert.»

Selbst seine ausländischen Mitarbeiter fühlten sich mittlerweile auf dem Weg nach Hause unsicher. Der Frust sei gross. «Dabei habe ich als Inhaber eines Lokals in der Innenstadt gar kein Interesse daran, die City schlechtzureden», sagt er. «Ich lebe ja von ihrem guten Ruf.» Genau deshalb will er nicht schweigen. «Denn so, wie es ist, kann es nicht mehr weitergehen.»

Statt um 1 Uhr morgens schliesst seine Gaststätte an Wochenenden mittlerweile bereits um 23 Uhr. Besucher vom Stadtrand und aus dem Umland, die früher in den Abendstunden die Innenstadt bevölkerten, blieben schliesslich immer öfter weg. Und auch Einheimische überlegten sich, ob sie abends noch in die Gegend kommen wollten. (…)

Stuttgart steht mit seinen Problemen freilich nicht allein. Auch andere deutsche Städte, die man bis anhin nicht in einem Atemzug mit Kriminalität genannt hätte, wie Nürnberg oder Regensburg, stehen vor ähnlichen Herausforderungen. Stuttgart ist überall.

https://www.nzz.ch/international/migration-und-asyl-die-stuttgarter-buerger-fuerchten-um-ihre-sicherheit-ld.1871830


Le Figaro, 17 février

«Où va la France ?» : la colère d’un médecin après la condamnation de son agresseur à des travaux d’intérêt général

Le docteur Mohamed Oulmekki a reçu un coup de tête à son cabinet de Drancy (Seine-Saint-Denis) fin novembre 2024. Sa compagne et lui dénoncent le laxisme de la justice.

Article intégral :      

«La décision de justice m’a mis au tapis, j’ai été humilié. C’est dix fois pire que la douleur physique», confie au Figaro le docteur Mohamed Oulmekki. Fin novembre 2024, ce médecin de 64 ans a été violemment agressé dans son cabinet à Drancy (Seine-Saint-Denis). Pour un litige lié à un remboursement, un homme de 22 ans lui a asséné un coup de tête. Bilan pour la victime : une fracture ouverte du nez.

Bas du formulaire

L’agresseur a été condamné jeudi par le tribunal judiciaire de Bobigny à trois semaines de travaux d’intérêt général, 2000 euros d’amende et une interdiction de venir au cabinet. Ce chauffeur livreur de 22 ans n’avait aucun antécédent judiciaire.

«Quelle justice ?»

Pour le docteur Mohamed Oulmekki et sa compagne Karima Allouache, elle aussi médecin à Drancy, cette décision de justice ne passe pas. «Quelle justice ? Vous rentrez, vous tapez, vous repartez et vous faites 3 semaines de travaux d’intérêt général. Merci la justice. Où va la France ?», questionne Karima Allouache, qui souhaite «bon courage aux médecins qui vont venir travailler dans le 93».

Le docteur Oulmekki, qui a été en arrêt de travail pendant un mois et demi, reste traumatisé par son agression. «Je n’ai plus d’odorat, plus de goût. J’ai sans doute une nécrose des racines des dents. Mais le pire c’est les séquelles psychologiques», décrit-il. Le verdict du tribunal judiciaire de Bobigny a été pour lui une sorte de coup de massue : «J’ai essayé d’aller travailler hier mais c’était impossible. Je me sens incapable de retourner au cabinet».

Le couple en appelle au parquet de Bobigny. Contacté, ce dernier nous indique qu’il dispose de 10 jours pour faire appel. Aucune décision n’a encore été prise.

https://www.lefigaro.fr/faits-divers/ou-va-la-france-la-colere-d-un-medecin-apres-la-condamnation-de-son-agresseur-a-des-travaux-d-interet-general-20250215


Le Figaro, 1 Le Figaro, 11 février

Délinquance des mineurs : les Français veulent en finir avec la culture de l’excuse

SONDAGE EXCLUSIF – Selon le dernier baromètre «Sécurité des Français» réalisé par Odoxa pour Le Figaro, près de 90% de nos concitoyens attendent une nouvelle loi et exigent une sanction dès le premier délit commis.

Extraits:

L’hyper-violence des mineurs repousse chaque semaine les limites, jusqu’à l’indicible. Le meurtre d’Élias, adolescent de 14 ans poignardé à mort le 24 janvier à la sortie d’un entraînement de football par deux petits voyous de 16 et 17 ans, a bouleversé la France entière. Mardi dernier, un élève du collège Angela-Davis à Bobigny est à son tour roué de coups en fin d’après-midi, sans raison apparente, par une bande de furieux encagoulés. Le lendemain à Reims, un autre collégien de 15 ans se fait frapper à coups de marteau, jusqu’à perdre connaissance, en plein centre-ville par deux agresseurs d’un an de moins que lui. Au fil des jours, la chronique des faits divers s’alimente ad nauseam et la population ne cache plus son ras-le-bol face à l’impunité dont jouissent trop souvent des agresseurs qui se réfugient derrière l’excuse de minorité pour échapper aux sanctions. Le dernier baromètre « Sécurité des Français » réalisé par Odoxa pour Le Figaro est formel : 86 % de nos concitoyens estiment qu’il faudra voter une nouvelle loi sur la délinquance des mineurs.

Cette volonté fait d’autant plus l’unanimité qu’elle est partagée par l’écrasante majorité de principaux concernés, c’est-à-dire les 12-17 ans eux-mêmes (89 %), mais aussi leurs parents (83 %). Confiantes, sept personnes interrogées sur dix se disent persuadées qu’une salve de mesures fortes, gravées dans le marbre par un vote au Parlement, sera « efficace pour améliorer la situation ». Ainsi, plébiscitent-ils à 86 % « la sanction des mineurs dès le premier délit commis ». Aujourd’hui, comme l’ont prouvé les dossiers, les deux meurtriers d’Élias accumulaient depuis 2021, c’est-à-dire quatre ans, des délits de plus en plus graves, passant du simple vol à l’extorsion avec violence. Dans leur parcours judiciaire, se succèdent avertissements judiciaires et mesures éducatives, imparfaitement suivis au demeurant et durant lesquels continuent des délits. Il y a peu à parier que les très jeunes adolescents ont pris ces décisions comme des sanctions.

Or aujourd’hui, le concept de la « césure », qui consiste à déclarer la culpabilité très rapidement mais à prononcer la sanction six à neuf mois plus tard, « fait prendre à tout le monde un risque pénal important car on laisse pendant parfois un an ces mineurs dans le bleu », souligne Béatrice Brugère, présidente d’Unité Magistrats. À cela s’ajoute le fait qu’au cours de la réforme de 2022 – la quarantième de la justice des mineurs depuis 1945 ! -, le garde des Sceaux de l’époque et le législateur ont trouvé bon de supprimer la présentation immédiate du mineur dans un délai de dix jours pour la remplacer par « une audience unique » devant se tenir dans… les trois mois. Autant dire que l’on est loin d’une justice au plus près des faits, sans doute la plus efficace pour des mineurs qui évoluent très rapidement. Avec bon sens, les Français se déclarent aussi favorables à 93 % au durcissement des peines contre les mineurs délinquants récidivistes mais aussi, pour 79 % d’entre eux, « à ce que les mineurs délinquants soient davantage condamnés à des peines d’incarcération ». (…)

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/delinquance-des-mineurs-les-francais-veulent-en-finir-avec-la-culture-de-l-excuse-20250210


Le Figaro, 8 février

«Les chiffres sont ce qu’ils sont» : 36% des mis en cause de l’agglomération parisienne sont étrangers, annonce Laurent Nuñez

Dans le détail, le préfet de police indique que les étrangers sont responsables d’un cambriolage sur deux, d’un vol violent sur deux, de 40% des violences sexuelles et de huit à neuf cas sur dix de vols à la tire.

Extraits :

Y a-t-il un lien de cause à effet entre délinquance et immigration ? C’est l’un des débats qui anime la France ces derniers mois. Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, lui, «ne fait pas le lien»«Nous, on lutte contre la délinquance de manière générale», assure-t-il. Le patron de la préfecture de police reconnaît néanmoins sur Europe 1 ce vendredi 7 février que «les chiffres sont ce qu’ils sont». Et annonce que «36% des mis en cause dans l’agglomération parisienne sont de nationalité étrangère». Dans le détail, Laurent Nuñez souligne que les étrangers sont responsables d’un cambriolage sur deux, d’un vol violent sur deux, de 40% des violences sexuelles et de huit à neuf cas sur dix de vols à la tire. «Mais le niveau baisse : il était encore à 41% il y a deux ou trois ans», souligne-t-il. (…)

«La délinquance reste structurellement très élevée dans l’agglomération parisienne, évidemment», a reconnu Laurent Nuñez. «Mais quand les chiffres sont bons, quand ils baissent, c’est le travail des policiers qu’il faut saluer», a-t-il fait valoir. (…)

Laurent Nuñez constate également «que la délinquance baisse sur des items qui sont importants pour tous les habitants de l’agglomération». Et de citer les cambriolages de logement, les home-jackings«ces saucissonages extrêmement violents à domicile», qui «baissent de 11%»«On a un taux d’élucidation qui est de 43%, ça veut dire un cas sur deux. On élucide l’affaire, on démantèle des équipes qui ne pourront pas recommencer», souligne-t-il. Les coups et blessures volontaires ont, eux, baissé de 2% en 2024, mais restent très nombreux, avec 35 faits dénombrés chaque jour dans la capitale, selon Europe 1. Soit une augmentation de 10% en huit ans. (…)

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/la-delinquance-a-paris-reste-structurellement-elevee-malgre-des-chiffres-a-la-baisse-concede-laurent-nunez-20250207


Le Figaro, 3 février, article payant

Homicides, violences sexuelles, narcotrafic: la réalité de la criminalité en 2024

INFOGRAPHIES – Le Figaro a analysé le travail des forces de l’ordre sur l’année écoulée. Si des indicateurs sont encourageants, d’autres, comme les infractions en lien avec la drogue, connaissent une inquiétante croissance.

Extraits:

C’est un bilan tout en contraste que dresse le service de statistiques du ministère de l’Intérieur (SSMI). Le Figaro s’est procuré le rapport sur l’insécurité et la délinquance pour 2024, qui constitue une «première photographie» sur la criminalité sur le territoire. S’il s’agit d’un bilan provisoire – les chiffres seront consolidés d’ici juin -, il est riche en enseignements sur l’évolution du travail des forces de l’ordre, police et gendarmerie, sur les phénomènes violents qui touchent notre société: violences sexuelles, homicides, atteintes aux biens… Alors que certains signes encourageants sont perceptibles, d’autres fléaux criminels continuent leurs inquiétantes progressions.

L’un des premiers enseignements concerne les meurtres commis sur l’ensemble du territoire l’an passé. En 2024, les services du ministère de l’Intérieur ont comptabilisé 980 victimes d’homicide, soit une baisse légère de 2% par rapport à 2023. Un affaiblissement, certes, d’une moindre mesure mais il est d’autant plus notable que les années précédentes avaient enregistré une hausse constante depuis 2020.

En parallèle, les tentatives d’homicide ont, elles, augmenté de 7% en France, pour atteindre 4305 en 2024. La hausse est continue depuis 2016, où le ministère enregistrait alors un bilan de 2259. «Au total depuis 2016, le nombre de tentatives d’homicide s’accroît en moyenne de 8 % par an», constate le SSMI. Le narcotrafic qui s’empare de plus en plus de territoires et entraîne, avec lui, fusillades et règlements de compte, influe indéniablement dans cette croissance que les autorités peinent à enrayer.

C’est le second constat alarmant qui ressort de ce bilan annuel: les victimes de violences sexuelles enregistrées par les services de police et de gendarmerie sont toujours plus nombreuses. Elles étaient 122.600 en 2024, soit plus du double qu’en 2016. Les plaintes pour viols et les tentatives de viol ont ainsi enregistré une hausse de 9% entre 2023 et 2024. Ce bilan est bien entendu à mettre en parallèle de la progressive libération de la parole des victimes depuis le début du mouvement #MeToo. Mais ce chiffre reste bien en deçà de la réalité: seules 6% des victimes de violences sexuelles se présentent ensuite à un commissariat ou une gendarmerie pour porter plainte, prévient le rapport en s’appuyant sur l’enquête «Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS)».

L’autre inquiétude tient aussi à l’âge des personnes qui déposent plainte: avec 58%, les mineurs représentent une large majorité des victimes de violences sexuelles. 19 % ont moins de 10 ans et 39% des victimes sont âgées de 10 à 17 ans. (…)

En France, le narcotrafic est devenu une menace «peut-être plus importante que le terrorisme» s’est inquiété cette semaine François Molins, ancien procureur général près de la cour de Cassation. Du temps où il était place Beauvau, Gérald Darmanin a ainsi mis une pression continue sur les trafiquants, en témoigne ses fameuses opérations Place Nette. Et cela se constate dans les chiffres puisqu’en 2024, 51.700 personnes ont été arrêtées en lien avec le trafic, soit une augmentation de 6% par rapport à l’année précédente. À noter que cette hausse est constante depuis 2016. Si de nombreux territoires sont touchés, cette croissance est portée en particulier par les Bouches-du-Rhône, l’Isère et le Val-d’Oise, signe que le narcotrafic ne se cantonne plus à certains quartiers.

Enfin, la pression a également été mise sur les consommateurs. L’année dernière, le nombre de mis en cause pour consommation de stupéfiants a augmenté de 10 %, pour atteindre 288.000 mis en cause. «Celui qui fume son joint ou prend son rail de coke parfois dans les beaux quartiers de Marseille, qui fait naître ces règlements de compte. Les premiers responsables de la situation, ce sont les consommateurs», avait dénoncé Gérald Darmanin lors d’un déplacement dans la cité Phocéenne en janvier dernier.

https://www.lefigaro.fr/faits-divers/homicides-violences-sexuelles-narcotrafic-la-realite-de-la-criminalite-en-2024-20250130


Le Figaro, 30 janvier, article payant

Meurtre d’Élias : le parcours judiciaire édifiant des agresseurs

INFO LE FIGARO – Les deux suspects, âgés de 16 et 17 ans, ont enchaîné les infractions dès leur plus jeune âge.

Article intégral :

Les deux mineurs* suspectés du meurtre du jeune Élias, poignardé après avoir refusé de donner son téléphone vendredi dernier à Paris, affichent un parcours judiciaire allant crescendo de 2021 à 2024.

Le premier suspect âgé de 17 ans, qui ne serait pas l’auteur du coup mortel, a, de sources policières, enchaîné les infractions. Il commence en 2021 par «un port d’arme prohibée et introduction d’une arme sans motif légitime dans un établissement scolaire», enchaînant cette même année avec «un vol aggravé». Après une pause en 2022, il est arrêté en 2023 pour «un vol avec port d’arme et extorsion». Pour cela, la justice ne retient pas la récidive mais la réitération des faits et le condamne fin 2023 à «un avertissement judiciaire».

Si cette sanction peut paraître floue, elle intègre le fait que ses parents n’étant pas démissionnaires, ils sont en mesure de prendre la relève de l’action éducative enclenchée pendant la procédure. Autrement dit, entre l’audience de culpabilité et celle de sanction. Pour autant, ce dernier poursuivra son parcours délinquant en 2024. Il fera l’objet d’une interpellation pour, selon la police, «recel de bien, conduite et conduite sans permis». Et d’une autre, le 30 octobre 2024, pour «vol avec violence avec une ITT de moins de 8 jours». Selon la police, il aurait aussi refusé de communiquer le mot de passe de son téléphone portable.

Le second suspect âgé lui de 16 ans, qui a reconnu en garde à vue être l’auteur du coup de couteau mortel, est entré dans les radars des services dès 2021 pour un premier «vol en réunion». Son parcours délinquant s’accélère au cours de l’année 2023 avec des «violences en réunion avec ITT de moins de 8 jours», plusieurs «vols en réunion» dont un «sur mineur vulnérable», puis plusieurs ports d’arme prohibée, et encore «des vols avec extorsion».

À la fin de cette même année 2023, le Tribunal pour enfants du tribunal judiciaire de Paris le condamne, au vu de ses antécédents, à une mesure éducative judiciaire pendant une période de deux ans. Cette dernière consiste «en un accompagnement individualisé du mineur construit à partir d’une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale». En l’occurrence et contrairement au premier suspect, ce mineur affronte «un contexte familial et social difficile». Celui d’une famille monoparentale dont la mère n’est semble-t-il pas démissionnaire mais «débordée». Pour lui aussi, 2024 marque un sommet dans sa dérive délinquante : le 30 octobre, l’adolescent est interpellé en compagnie du premier suspect pour les mêmes faits (vol avec violence).

Compte tenu de leurs antécédents et de l’enchaînement des faits, le parquet des mineurs de Paris les défère en audience unique et requiert un contrôle judiciaire pour les deux complices. Le tribunal pour enfants en décidera autrement préférant, en attente de l’audience prévue le 25 novembre, prononcer pour les deux mineurs «une mesure éducative préjudicielle avec une mise à l’épreuve éducative», «une interdiction d’entrer en contact» et pour le plus jeune des deux «un couvre-feu entre 22 et 6 heures du matin».

Le 25 novembre, aucun des deux prévenus ni aucun de leurs parents n’apparaît à l’audience. Et le tribunal choisit de renvoyer l’affaire au 3 juin 2025 en prolongeant les mesures éducatives judiciaires. À plusieurs reprises, la protection judiciaire de la jeunesse émettra des alertes s’inquiétant que les deux mineurs «n’investissent pas leurs mesures». En vain. Selon le garde des Sceaux Gérald Darmanin, il existe 3400 mesures éducatives en attente d’exécution au seul Tribunal judiciaire de Paris.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/meurtre-d-elias-le-parcours-judiciaire-edifiant-des-agresseurs-20250129


Le Figaro, 29 janvier, article payant

Mort d’Élias : «Il faut changer la philosophie pénale de la justice des mineurs»

ENTRETIEN – La réponse pénale n’est plus adaptée à l’ultraviolence de certains délinquants mineurs, plaide la secrétaire générale du syndicat Unité-magistrats Béatrice Brugère.

Extraits:

 (…) Faut-il, comme l’a évoqué Gabriel Attal, relancer le débat sur « l’idée de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans, déjà connus de la justice, poursuivis pour des actes d’atteintes graves aux personnes » ?Concrètement, qu’est-ce que cela changerait ?

Pour des faits très graves avec des profils de mineurs récidivistes, il faut absolument engager des procédures plus rapides, sur le modèle de la comparution immédiate (ce qui n’est actuellement pas possible pour les mineurs, NDLR). Cela changerait beaucoup de choses : d’abord, car le mineur appréhenderait tout de suite la gravité de ses actes en fonction de la sanction. Pour des faits graves, il apparaît par ailleurs nécessaire de pouvoir prononcer des ultracourtes peines de prison : la dernière loi de Nicole Belloubet a rendu cela impossible. En clair, il faut sanctionner plus rapidement et plus efficacement.

Dorénavant, que risquent ces mineurs ? Peuvent-ils bénéficier de l’excuse de minorité ?

Il faut d’abord rappeler que l’excuse de minorité est un principe constitutionnel, un principe de la justice des mineurs qui affirme qu’un mineur ne peut pas être jugé comme un majeur. Cela étant dit, l’excuse de minorité – prononcée sur la quasi-totalité des dossiers – peut être écartée au nom de l’individualisation de la peine (adaptation de la sanction en fonction de la personnalité du condamné et des circonstances dans lesquels il a commis son délit ou son crime, NDLR). En réalité, elle ne l’est que très rarement. Il faut désormais inverser le processus : l’excuse de minorité ne devrait plus être prononcée automatiquement, mais être au contraire motivée par le juge, voire surmotivée en cas de récidive. (…)

Il existe certes des centres fermés, mais ces derniers ne sont malheureusement pas si fermés que cela et surtout ne comptent pas beaucoup de places. Le résultat est sans appel : aujourd’hui, il est presque impossible de mettre en détention provisoire un mineur s’il n’a pas commis des faits criminels.

Il faut donc changer la loi (avoir des ultracourtes peines et des sanctions rapides), avoir plus de moyens (pouvoir envisager des prises en charge éducatives après les peines) mais surtout changer la philosophie pénale de la justice des mineurs. Aujourd’hui, cette dernière s’attache davantage à l’évolution du mineur qu’à la gravité du fait qu’il a commis. On est plus sur une philosophie d’excuse où l’on considère le mineur – à tort pour certains – comme une victime de la société. Or, aujourd’hui, il y a des mineurs extrêmement violents, qui sont dépourvus d’empathie : il faut relire les travaux du pédopsychiatre Maurice Berger qui décrivent ce qu’il appelle « ces nouveaux barbares » desquels il faut protéger les autres mineurs. Il ne faut pas oublier que les premières victimes des mineurs ultraviolents sont d’autres mineurs : il y a urgence à les protéger !

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mort-d-elias-il-faut-changer-la-philosophie-penale-de-la-justice-des-mineurs-20250127


Le Figaro, 29 janvier, libre accès

En France, le narcotrafic est devenu une menace «peut-être plus importante que le terrorisme», estime François Molins

Face à un phénomène qui touche l’ensemble du territoire, l’ex-procureur de la République de Paris souligne le danger de «corruption» qui accompagne l’expansion du trafic de drogue dans la société.

Extraits:

Alors que le Sénat doit examiner ce mardi une proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic, texte largement soutenu par le gouvernement, la gauche et la droite réunis, François Molins, ex-procureur de la République de Paris de 2011 à 2018, a refusé de parler de «mexicanisation» de la France. Tout en tirant la sonnette d’alarme sur le danger du trafic de drogue dans la société.

«La situation au Mexique est gravissime, la France n’en est pas là», a déclaré l’ancien procureur sur RTL. En déplacement à Marseille en novembre dernier, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait lui-même évoqué le risque de tomber dans le même engrenage que ce pays d’Amérique centrale, si la France continuait sur la même pente. «Mais ce qui est sûr, a-t-il poursuivi, c’est que le narcotrafic est en train de prendre une telle place qu’il menace les fondements de notre société», a-t-il averti, évoquant notamment le risque de «corruption» qui accompagne les narcotrafics.

Au point que le narcotrafic, qui est «partout aujourd’hui» sur le sol français, constitue désormais une menace «peut-être plus importante que le terrorisme», estime François Molins. Une menace qu’on a «beaucoup de mal à endiguer», qui «se conjugue avec les règlements de compte et la consommation de drogue»«Il n’y a pas un département qui ne soit pas touché aujourd’hui», souligne l’ancien procureur près le tribunal de grande instance de Paris.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/en-france-le-narcotrafic-est-devenu-une-menace-peut-etre-plus-importante-que-le-terrorisme-estime-francois-molins-20250128


Le Dauphiné Libéré, 25 janvier, libre accès

Grenoble : Deux jeunes hommes blessés par balles dans le quartier de la Villeneuve

Extraits:

Une nouvelle fusillade a éclaté, peu après 20h30 ce vendredi 24 janvier, à la hauteur du 110 galerie de l’Arlequin, à proximité immédiate du principal point de deal du quartier de la Villeneuve à Grenoble.

Alertés, les sapeurs-pompiers et une équipe du Samu 38 ont découvert sur place un jeune homme au sol. Âgé de 17 ans, il avait été atteint de deux projectiles, à une cuisse et à une fesse.

Un autre homme âgé de 19 ans, également blessé par balles dans le dos et au niveau d’un genou, avait quant à lui réussi à prendre la fuite immédiatement après les tirs pour se réfugier dans un appartement du 56 galerie de l’Arlequin.

C’est là que les secours l’ont pris en charge et médicalisé avant de le conduire, comme l’autre victime, au CHU Grenoble Alpes.

Classés en urgence absolue, les deux blessés ont été admis au service de déchocage tandis que les policiers grenoblois procédaient aux premières constatations en attendant l’arrivée des spécialistes en police technique et scientifique et de leurs collègues de la Division de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS), chargés de l’enquête.

Pour l’heure on ignore si le tireur était seul ou pas, comment il se déplaçait et quelle arme il a utilisée.

Cette fusillade est la huitième depuis le 4 janvier – en moins de trois semaines, donc – et ces deux dernières victimes montent à sept le nombre de blessés par balles dans l’agglomeration grenobloise depuis le début de l’année.

Nul doute qu’il s’agit là du dernier épisode en date de la guerre des gangs sur fond de trafic de stupéfiants que se livrent les dealers pour s’approprier les lucratifs points de vente.

Tout au long de l’année 2024, selon le décompte du Dauphiné libéré, une quarantaine de fusillades ont été recensées dans l’agglo faisant 35 blessés plus ou moins gravement et sept morts.

https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2025/01/24/deux-jeunes-hommes-blesses-par-balles-dans-le-quartier-de-la-villeneuve


Le Figaro, 24 janvier, article payant

Qui va réellement en prison ? Le laxisme de la justice française en chiffres

DÉCRYPTAGE – Première du genre, l’étude de l’Institut pour la justice sur les peines prononcées, que Le Figaro Magazine révèle en exclusivité, prouve que la prison ferme est une sanction plus virtuelle que réelle.

Extraits:

Le laxisme des juges serait une « fake news »Emmanuel Macron le dit et le répète. La preuve, selon le président de la République ? « Il n’y a jamais eu autant de détenus en France ! » Comme si le taux de remplissage de nos prisons, en permanence surpeuplées puisque les places promises ne sont jamais construites, était un indicateur fiable de la sévérité des condamnations, alors même que la délinquance explose. 

Qui va réellement en prison et pour quel délit ? L’étude de l’Institut pour la justice, menée par Dominique-Henri Matagrin, ancien président de l’Association professionnelle des magistrats, est la première du genre à cette échelle. Le magistrat honoraire a étudié les peines prononcées pour la quasi-totalité (98 %) des délits sanctionnés en France en 2022 et les a comparées aux peines encourues. Son verdict est sans appel : « Le laxisme de la justice n’est pas un mythe. » 

« Pour plus de 90 % des délits, constate-t-il, les peines de prison ferme, pourtant prévues par la loi, représentent une minorité des sanctions prononcées par les tribunaux. Elles sont même une ultraminorité (moins d’un cinquième des sanctions prononcées) pour 40 % des délits. » (…)

Dans les 40 % de peines de prison ferme prononcées, tous délits confondus, les trois quarts sont d’une durée moyenne inférieure à un an. Or le code de procédure pénal oblige à aménager une peine d’un à six mois et incite fortement à le faire pour une peine de six à douze mois, sauf si la personnalité ou la situation du condamné ne le permet pas. En clair, l’écrasante majorité des condamnés à de la prison ferme ne feront pas un jour de prison si leur peine est inférieure ou égale à un an. (…)

La surpopulation chronique de nos prisons explique-t-elle à elle seule ce décalage ? Dominique-Henri Matagrin répond par la négative et pointe une véritable « carcérophobie » d’une partie des juges. Certains ne s’en cachent d’ailleurs même pas, comme les membres du Syndicat de la magistrature (SM), qui a obtenu 33 % des suffrages aux dernières élections au Conseil supérieur de la magistrature, en 2022. Pour le SM, « la prison est criminogène » et l’alourdissement continu des peines prévues dans le code pénal ne permet pas de réduire la délinquance. 

Le syndicat d’extrême gauche oublie juste de préciser que les peines en question sont peu ou pas appliquées. À la fameuse devise dura lex, sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi), il faudrait ajouter… quando applicantur (quand elle est appliquée) ! Les chiffres de l’Institut de la justice confirment que le « sentiment de laxisme » exprimé par les Français vis-à-vis de la justice, sondage après sondage, n’a rien d’un fantasme. Et que le « sentiment d’impunité » des délinquants est bien trop souvent conforté par la réalité. 

https://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/qui-va-reellement-en-prison-le-laxisme-de-la-justice-francaise-en-chiffres-20250124


Le Figaro, 23 janvier, article payant

Narcotrafiquants: à Dubaï, Gérald Darmanin traque les «parrains» en exil qui ensanglantent la France en toute impunité

EXCLUSIF – Le garde des Sceaux s’est rendu lundi et mardi aux Émirats arabes unis pour remettre aux autorités une liste de 27 «cibles prioritaires» à extrader vers la France. Dès son arrivée à Abu Dhabi, il a obtenu une première victoire.

Extraits:

Depuis les vitres de l’hélicoptère qui survole l’extravagance architecturale de Dubaï, Gérald Darmanin sait que les « cibles » recherchées par les autorités françaises sont là quelque part, tapies à l’ombre des gratte-ciel qui déchirent l’azur. Ou retranchées dans l’une de ces somptueuses villas, aux allures hollywoodiennes pour certaines, dont la plus chère a été vendue plus de 80 millions de dollars.

Mais le nouveau garde des Sceaux n’est pas venu pour profiter du panorama. En se rendant aux Émirats arabes unis (EAU), lundi et mardi, le numéro trois du gouvernement n’a qu’un objectif : traquer les narcotrafiquants qui ensanglantent la France à des milliers de kilomètres de distance, débusquer les têtes de réseau qui tirent les ficelles depuis le golfe Persique et jeter les bases d’une nouvelle coopération judiciaire afin de permettre leur extradition vers l’Hexagone, où la prison les attend.

Le ministre d’État entend peser de tout son poids pour dégripper cette coopération entre Paris et les Émirats, considérés comme un « havre de paix » pour les barons de la drogue qui y vivent avec une déconcertante impunité. « Sur place, ils sortent faire leurs courses à visage découvert, ne se cachent pas et se déplacent à leur guise sans garde du corps car Dubaï, truffée de caméras, est une des villes les plus sécurisées au monde », raconte un fonctionnaire en poste depuis des années.

« Les plus riches s’achètent des villas le long des plages de sable blanc de la Dubaï Marina ou de Palm Jumeirah, complexes d’îles artificielles en forme de palmier, où ils écument les hôtels clinquants, poursuit la même source. Les seconds couteaux s’offrent des appartements plus modestes, à moins de 1 million d’euros, avec vue sur la Burj Khalifa, la plus haute tour du monde avec 828 mètres.  » Depuis le 148e étage de ce bâtiment iconique, la vue est époustouflante et il est impossible de distinguer en contrebas les Ferrari, Porsche et autres véhicules de luxe à bord desquelles paradent les « parrains » en exil. Bien au chaud, ces derniers alternent les soirées de « flambe » en boîte de nuit et les virées festives dans le désert, assistent à des courses automobiles et multiplient les sorties en mer, à bord de jet-skis ou de yachts loués à l’heure à des tarifs astronomiques.

Selon nos informations, Gérald Darmanin est arrivé avec une liste de 27 noms de trafiquants français susceptibles de se trouver sur place. Classées par ordre d’importance, ces « cibles prioritaires » ont entre 25 et 40 ans. Hyperviolents en France mais doux comme des agneaux aux Émirats, pour ne pas s’attirer les foudres des autorités locales, ces caïds sont issus de la DZ Mafia marseillaise, de la voyoucratie de la région parisienne, de la pègre lyonnaise ou encore de réseaux venant de Roubaix.

Dès sa première entrevue, lundi matin, avec son homologue en charge de la Justice, le garde des Sceaux a remporté une première victoire : il a obtenu que les autorités émiriennes signent l’extradition d’un des « narcos » dont le nom était inscrit en tête de liste. Il s’agit de Medhi C., recherché depuis deux ans par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Bordeaux pour son implication dans de gros dossiers de go fast. « Un très bon signe, prouvant que les Émirats ont la volonté d’améliorer la coopération judiciaire », se félicite Gérald Darmanin en soulignant que la pétromonarchie n’avait donné de suite favorable à aucune demande d’extradition vers la France depuis plus de trois ans. (…)

Selon une estimation policière portée à la connaissance du Figaro, 30 à 50 trafiquants français environ grenouilleraient aujourd’hui dans le secteur, essentiellement dans les 35 kilomètres carrés du micro-État de Dubaï. Ils seraient une centaine si l’on compte les « petites mains » qui, à l’image de leur mentor mais pas à leur niveau, viennent y acheter des studios. « Ici, l’exode de truands commence à se démocratiser », grince un agent sous couvert d’anonymat. (…)

« Les policiers émiriens font très bien leur travail en interpellant des trafiquants que nous avions dans le collimateur mais, derrière, la justice peine à extrader », explique Gérald Darmanin. « Les Émirats, très formalistes, peuvent nous renvoyer des centaines de pages de procédures d’extradition pour un coup de tampon qui manque. Dans certains cas, dans un contexte de forte pesanteur procédurale, ils demandent sans cesse des pièces complémentaires, divergent sur l’orthographe d’un nom, bloquent pour une page de traduction non paraphée et exigent des documents dont l’utilité ne nous semble pas évidente, comme le tableau des substances interdites pour justifier une enquête visant un trafiquant de cocaïne », renchérit un haut magistrat qui juge que « certaines demandes prennent une forme dilatoire. » C’est donc trop souvent que, au terme de mille tracasseries et d’un délai légal de 40 jours de détention, les narcos sont relâchés dans la nature. (…)

Le vent serait-il en train de tourner à « Dub Dub », comme disent certains exilés francophones ? (…) « Nous espérons lancer une coopération judiciaire sur de nouvelles bases, comme nous l’avions fait sur le plan policier lorsque j’étais Place Beauvau », confie celui qui a été plus de quatre ans dans le fauteuil de Clemenceau. (…)

Outre les 27 dossiers d’extradition, le ministre d’État, qui veut aussi frapper les trafiquants au portefeuille, est venu avec pas moins de 17 demandes de saisies et confiscations visant la fortune de « narcos » soupçonnés d’avoir investi des sommes colossales dans le golfe Arabo-Persique. Toujours d’après nos informations, c’est notamment le cas, assez surréaliste, d’un détenu de Marseille qui, depuis sa prison, continue de lever des loyers d’une trentaine d’appartements qu’il possède à Dubaï…

Dans ce micro-État où règne la démesure, les gros bonnets semblent s’y épanouir. Sans vergogne, ils blanchissent un paquet d’argent sale sur fond de décor de carte postale. (…)

S’affichant sans vergogne sur les réseaux sociaux où ils rivalisent d’un luxe tapageur et côtoient des influenceurs peu fréquentables, écumant les bars à chichas de la vieille ville, les « narcos » vivent peut-être leurs derniers feux dans cet improbable havre de quiétude. « Les accords tacites de non-agression entre chefs de clans rivaux tiennent encore mais, dans l’histoire du banditisme, la paix des braves ne dure jamais », prédit un policier pour qui « le temps pourrait virer à l’orage ». Mezza voce, les connaisseurs du dossier n’hésitent plus à esquisser une analogie avec la Costa del Sol, paradis des voyous jusqu’à la fin des années 1990, avant qu’une première série de règlements de comptes déclenche la spirale mortifère de la vendetta. Un « vrai carnaval », comme le résume un officier, qui ferait désordre aux Émirats où règne un calme souverain.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/narcotrafiquants-a-dubai-gerald-darmanin-traque-les-parrains-en-exil-qui-ensanglantent-la-france-en-toute-impunite-20250122


Le Figaro, 16 janvier, article payant

«Ils ont pris le contrôle de tout» : à Nantes, le cri de détresse des résidents d’un quartier gangrené par le trafic de drogue

TÉMOIGNAGES – Coups de feu, bagarres… Certains habitants ne sortent plus de chez eux, ou s’y promènent la boule au ventre. Rassemblés pour se serrer les coudes, ils racontent un quotidien éprouvant.

Extraits :

Le lieu n’a pas été choisi au hasard. C’est au pied d’une tour, connue pour abriter un gros point de deal, qu’environ 150 participants se sont rassemblés en ce mardi hivernal dans les quartiers nord de Nantes«Non à la violence. Non aux rodéos. Oui à la tranquillité», peut-on lire sur plusieurs panneaux. Organisé par un collectif d’habitants, regroupant aussi des commerçants ou encore des agents du service public, l’événement vise à dire stop au trafic de stupéfiants.  

Ici, le problème n’est pas nouveau. En 2023, la mairie annexe de Nantes Nord avait par exemple été incendiée pendant les émeutes consécutives à la mort de Nahel. Cependant, le périmètre est récemment devenu un terrain de jeu particulièrement prisé des trafiquants. Le mois dernier, pas une semaine ne s’est passée sans que des coups de feu ne résonnent ou qu’une bagarre éclate. «Parfois, on ne sait pas si c’est une balle ou un pétard», confie une manifestante, sous couvert d’anonymat, comme la plupart des personnes rencontrées, par peur de représailles. 

«Il faut qu’on sorte, qu’on aille à la boulangerie, à l’épicerie, sans avoir peur de se prendre une balle», s’exclame au micro une femme membre de l’association Casse Ta Routine, dédiée à l’accompagnement social. «Mon inquiétude aujourd’hui est qu’on se retrouve avec un mort», alerte-t-elle. Depuis 30 ans, elle n’a jamais vu la violence augmenter autant. «Aujourd’hui, il faut qu’on se réapproprie l’espace public», clame-t-elle, sous un tonnerre d’applaudissements. «Le quartier Nantes nord ne se laissera pas bouffer par le deal», appuie Pascal Bolo, élu à la mairie de Nantes. Dans la foule, des socialistes et écologistes sont présents. «On ne lâche rien. Ça prendra le temps qu’il faudra – je ne vous dis pas que demain ça sera réglé, mais cette bataille on la gagnera», assure l’adjoint. «Nous continuerons à faire ce que nous pouvons faire. D’abord en veillant à ce que les services publics restent sur le quartier et à disposition des habitants», promet-il, tout en saluant les dispositifs de vidéosurveillance

Mais, derrière ces discours politiques de soutien, l’espoir d’un retour à une vie sereine reste faible. «Y a rien qui va changer. Ce n’est pas un rassemblement qui fera quelque chose», soupire une mère de famille de quatre enfants. D’origine musulmane, elle décrit un «rassemblement de bobos» qui «n’est pas représentatif». Déçue, elle s’attendait à voir plus de monde. Elle se dit choquée par l’âge des trafiquants : l’autre jour, des adolescents de 12 ans ont été repérés. «Ils dealent devant nos yeux. On voit où ils planquent leur merde», renchérit l’une de ses amies. Mère de deux enfants, celle-ci évite au maximum de passer au pied de la tour et a demandé une dérogation pour que sa fille ne fréquente pas le collège de secteur l’an prochain. (…)

«On a utilisé la gentillesse, mais ils ont pris le contrôle de tout», constate-t-elle amèrement, observant également que ces trafiquants jouent sur leur âge pour échapper aux sanctions. «Moi, si mon fils faisait ça, je serais prête à ce qu’on m’expulse de chez moi», affirme-t-elle. «Ça empire. Il faut des trucs radicaux maintenant». Auparavant, en centre-ville, elle se sentait davantage en sécurité. Comme beaucoup, elle n’a pas d’autre choix que d’habiter là. «Quand on voit le prix des appartements plus loin, ce n’est pas dans notre budget», confirment deux septuagénaires voisines, dont l’immeuble se situe à 300 mètres. «Si on reste là, c’est qu’il y a des raisons», concluent-elles, encore relativement à l’abri par rapport à d’autres. Subissant quand même le bruit des rodéos et des balles, elles espèrent que le territoire des trafiquants ne s’étendra pas jusque chez elles. 

https://www.lefigaro.fr/nantes/ils-ont-pris-le-controle-de-tout-a-nantes-le-cri-de-detresse-des-residents-d-un-quartier-gangrene-par-le-trafic-de-drogue-20250116


Le Figaro, 15 janvier, libre accès

Drogues : plus d’un million d’usagers de cocaïne en France en 2023, un record

Les chiffres restent relativement stables sur le cannabis, drogue la plus consommée du pays, avec 5 millions d’usagers dans l’année. L’usage de MDMA/ecstasy a quant à lui bondi.

Extraits :

La demande en cocaïne n’a jamais été aussi forte : 1,1 million de personnes en ont consommé au moins une fois dans l’année en 2023 en France, montre la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée ce mercredi 15 janvier. Ce chiffre a presque doublé depuis le précédent rapport de l’OFDT dressant, avec les données les plus récentes, le panorama de la demande, de l’offre et de la réponse publique en matière de drogues et d’addictions. Selon ce rapport paru en 2022, la France comptait 600.000 usagers dans l’année.

Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. La production mondiale n’a jamais été aussi élevée en Colombie, en Bolivie et au Pérou – les trois principaux pays producteurs – avec 2700 tonnes de cocaïne en 2022 contre 1134 tonnes en 2010, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. (…)

Autre facteur : «l’évolution des conditions de travail, avec des actifs qui l’utilisent pour “tenir au travail”, soit pour supporter des cadences intensives (restauration), soit pour faire face à la pénibilité des conditions de travail (marins pêcheurs)», souligne à l’AFP Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT. Il y a enfin la «diversification des formes de consommation, avec la diffusion de la cocaïne base (crack) et la banalisation de l’image de la cocaïne, une drogue qui serait devenue “familière” et perçue comme “moins dangereuse” qu’il y a 20 ans», poursuit Ivana Obradovic.

Nouveauté cette année : la France occupe désormais le 7e rang européen en termes de consommation de cocaïne. Si le prix du gramme de cocaïne est resté quasi stable – 60 euros en 2011, 66 euros en 2023 – la teneur a suivi une courbe exponentielle, avec une cocaïne pure à 73% en 2023 contre 46% en 2011. Les chiffres restent relativement stables sur le cannabis, drogue la plus consommée en France, avec 5 millions d’usagers dans l’année en 2023, 1,4 million d’usagers réguliers (10 fois au cours des 30 derniers jours, NDLR) et 900.000 consommateurs quotidiens. (…)

Dans une récente étude, l’OFDT a mesuré le coût social – valeur des vies humaines perdues, perte de la qualité de vie, coût pour les finances publiques – que représentent les drogues illicites à 7,7 milliards d’euros.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/drogues-plus-d-un-million-d-usagers-de-cocaine-en-france-en-2023-un-record-20250115


Le Figaro, 13 janvier, article payant   

Autoritaire mais populaire : Nayib Bukele, un président en guerre contre les gangs du Salvador

PORTRAIT – Autoritaire mais populaire, le président du Salvador se fait appeler le dictateur cool et mène une politique de répression sévère contre les bandes armées. Ses méthodes divisent mais ont réduit la criminalité dans le pays.

Extraits:

«La seule manière de réduire la criminalité est de retirer les criminels des rues.» Cette déclaration du président du Salvador, Nayib Bukele, n’est pas extraite d’un discours ou d’une interview, mais d’un message envoyé sur son compte officiel X. Sur le réseau social, l’homme commentait les propos de l’ancien chef d’État François Hollande. Celui-ci affirmait sur une chaîne de télévision française que « la proposition de légaliser le cannabis n’entraînerait en aucune façon une baisse du trafic » sans pour autant, selon lui, qu’une intervention de l’armée dans les quartiers ne soit une solution. L’homme fort du plus petit pays d’Amérique latine poste sur les réseaux sociaux à l’envi, avec passion, mais surtout sans complexe ni retenue. 

Celui qui s’est autoproclamé « roi philosophe » aime à se qualifier de «dictateur cool» comme un pied de nez à ses détracteurs dénonçant ses dérives autoritaires et sécuritaires. Car derrière ce sourire carnassier, sa barbe bien taillée, son style vestimentaire détendu, portant souvent jeans, casquettes et lunettes de soleil, sa cool attitude n’a de tranquille que l’apparence. Dans les faits, Nayib Bukele tient le pays, depuis son élection en 2019, d’une main de fer. 

Il revendique à grand renfort de messages dans les médias et sur les réseaux sociaux d’avoir fait du Salvador un des pays les plus sûrs en matière de sécurité. Le magazine Time lui consacrait d’ailleurs sa couverture en titrant : «Comment le président du Salvador Nayib Bukele est devenu l’homme fort le plus populaire dans le monde.» 

Ce petit territoire, coincé entre le Guatemala et le Honduras était, jusque-là, sous la coupe des maras, ces gangs ultraviolents dominant le trafic de drogue. En 2019, l’année où Nayib Bukele s’installe au fauteuil de la présidence, le nombre d’homicides culminait à 87 pour 100.000 habitants, il est en 2023 à 2,41 pour 100.000 habitants. «L’homme fort» avait fait de la guerre contre les gangs et la criminalité un argument de campagne, puis la priorité absolue de son programme en briguant son tout premier mandat. Pour ce faire, il manie l’autorité sans la moindre hésitation. Il n’hésite pas à recourir à la force militaire. Il a instauré, depuis 2022, l’état d’urgence permanent. 

Cette disposition permet aux forces de l’ordre de procéder à des arrestations massives et parfois arbitraires sans mandat judiciaire. Le moindre tatouage apparent signifiant l’appartenance à un gang, l’attitude, la localisation des logements proches de certains quartiers contrôlés par des gangs, ou même une simple dénonciation sont autant d’arguments suffisants pour justifier une mise aux fers. Les mineurs recrutés par les gangs sont passibles d’emprisonnement à partir de l’âge de 12 ans. Son principe est simple : on arrête d’abord, quitte à se tromper et on vérifie plus tard… éventuellement. 

Cet homme à l’ego surdimensionné assume la méthode, et les dommages collatéraux. (…)

À 37 ans, il est le plus jeune président du pays, le premier à accéder au pouvoir sans appartenir aux deux principaux partis salvadoriens. Cette rectitude fait de lui un animal politique qui ne s’inscrit ni à gauche ni à droite. Libéral et conservateur, il s’impose lors de sa campagne en focalisant sur les problèmes de pauvreté et de lutte contre la violence et la criminalité des gangs. (…)

En janvier 2023, il inaugure d’ailleurs fièrement le Cecot, le Centre de confinement du terrorisme prévu pour accueillir 40.000 détenus, la plus grande prison d’Amérique centrale. Cet immense bâtiment ultrasécurisé est isolé au cœur de la jungle salvadorienne. Derrière des murs de 10 mètres de hauteur, les conditions de détention y sont drastiques. Les prisonniers ici sont considérés comme les plus dangereux. Condamnés souvent pour des multiples meurtres, ils n’en sortiront jamais. Entassés dans des cellules, ils sont vêtus d’un simple short blanc, ont le crâne rasé, n’ont pas le droit de parler sans permission et dorment sans matelas à même des sommiers métalliques.  

Aujourd’hui, au Salvador, près de 1% de la population est derrière les barreaux. Avec 1764 détenus pour 100.000 habitants, il est aujourd’hui le pays affichant le plus important taux de détention au monde. Et les méthodes sont aussi expéditives que les comparutions devant les tribunaux. (…)

Une fermeté plébiscitée 

Mais Nayib Bukele balaie d’un revers de main et souvent sous un tombereau d’insultes les arguments de ses détracteurs. Malgré les critiques, le dirigeant du Salvador n’a pas hésité à faire modifier la Constitution afin de pouvoir se représenter à la présidence. Il a été réélu en février dernier, dès le premier tour, avec 84 % des voix. Si le niveau de pauvreté demeure un enjeu majeur, que les méthodes de ce « roi philosophe» sont décriées, que la presse et les opposants sont bâillonnés, l’homme fort du pays affiche, à la faveur de son bilan, un taux de popularité record avec près de 90 % d’opinion favorable dans ce pays où une certaine forme de violence en a vaincu une autre. ■

https://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/autoritaire-mais-populaire-nayib-bukele-un-president-en-guerre-contre-les-gangs-du-salvador-20241228


Le Monde, 27 décembre, article payant

Emprise du narcotrafic en France : chronique de quinze années d’un aveuglement collectif

Enquête : La plongée dans les notes, analyses et rapports des services de lutte contre les trafics de stupéfiants retrace l’édifiante histoire d’une progression continue de cette criminalité face à un pouvoir politique et policier incapable de l’enrayer.

Extraits:

Et si tout avait été écrit depuis – au moins – quinze ans ? Tout. Un trafic de drogue en plein essor, à l’actualité scrutée, aux tendances anticipées ; des mises en garde répétées adressées aux pouvoirs publics sur l’irrésistible montée en puissance du crime organisé jusqu’à l’imminence du « point de bascule » évoqué par Bruno Retailleau, le 1er novembre. Et si ce point de bascule avait été atteint il y a des années ?

Le Monde a pu consulter des dizaines de documents émanant du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco), de la gendarmerie, de l’Office antistupéfiants (Ofast), des centaines de pages le plus souvent confidentielles qui mettent en perspective, depuis 2009, les menaces mafieuses qui pèsent sur la société. Qui retracent, aussi, la prise de conscience tardive des autorités jusqu’au réveil douloureux, dans le vacarme mortifère des rafales d’arme automatique claquant au pied des barres d’immeuble, dans les rues des villes moyennes, sur les routes de campagne : plus de 300 assassinats et tentatives liés au narcotrafic ont été comptabilisés en 2023. « Cette vague de violences criminelles a contribué à faire remonter le sujet, confirme la commissaire divisionnaire Annabelle Vandendriessche, cheffe du Sirasco. C’est par ce prisme-là que la prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat a pu avoir lieu sur tous les autres phénomènes criminels, de la corruption à la digitalisation du crime. »

Ce n’est pas faute, pour les services spécialisés, d’avoir multiplié les alertes. (…)

Personne ou presque ne veut regarder cette réalité en face. Pour une génération de policiers parvenue aux commandes de l’institution, le « vrai boulot de flic » consiste encore à « dégringoler » de « belles équipes » de braqueurs, pas de s’intéresser aux dealeurs des cités. La direction centrale (devenue direction nationale en 2023) de la PJ refuse même d’avancer les 800 euros nécessaires à l’impression d’une centaine d’exemplaires du rapport, destinés aux membres du plus haut niveau décisionnaire de l’Etat. La gendarmerie acceptera de financer, à une condition : que son logo figure sur la couverture du document. (…)

Dès les premiers rapports, bâtis sur les remontées de terrain, le décor est planté. Le deuxième millésime (2010-2011) de la synthèse Sirasco documente avec précision les « facteurs aggravants » de l’essor du « crimorg » : « sophistication des circuits de blanchiment », « utilisation frauduleuse des nouvelles technologies », « suppression des contrôles aux frontières ». Depuis, ils ont aussi peu varié que les dispositifs juridiques destinés à les contrer.

A l’époque, Marseille flambe déjà. Dans certaines cités, lit-on dans un rapport confidentiel adressé par M. Veaux à la direction centrale de la PJ, en septembre 2012, les trafiquants « maîtrisent les accès, assurent la surveillance, non pas du deal, mais de la cité, procèdent à la fouille des véhicules qu’ils ne connaissent pas et accompagnent leurs occupants jusqu’à leur destination, régulent le trafic des véhicules, s’assurent qu’il n’y a pas de débordements qui justifieraient une intervention policière ». (…)

Pendant une décennie, bien avant l’irruption de la DZ Mafia dans les journaux télévisés, les notes du Sirasco, de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), puis de l’Ofast, vont mettre en garde contre l’émergence d’organisations criminelles « structurées, ayant diversifié leurs activités, maîtrisant les voies commerciales », comme le mentionne le rapport du Sirasco, daté de 2014. Une véritable cartellisation en devenir. « Les réseaux de revente au détail » fournissent la base, tandis que l’étage intermédiaire est constitué de semi-grossistes alimentant les points de deal en cocaïne et en cannabis essentiellement, « capables d’utiliser des façades légales (…) pour développer des activités illicites ». Enfin, « au sommet »,des caïds mettent au point des « importations massives (plusieurs tonnes à chaque transaction) » avec d’autant plus de facilité qu’ils « résident hors des cités (…), investissent (un peu) en France et (beaucoup) à l’étranger, notamment au Maroc, à Hongkong, à Dubaï et à Londres ». (…)
Offensifs, opportunistes, bien conseillés, les réseaux ont investi ous les angles morts de la politique sécuritaire, à commencer par le défaut de surveillance des infrastructures portuaires, alors que les rapports du Sirasco, dès 2011, voyaient dans le trafic maritime des conteneurs « une des principales menaces » liées à l’arrivée massive de cocaïneen Europe. Au Havre, « porte d’entrée ciblée pour l’introduction de cocaïne », selon une note de l’Ofast de l’été 2024, il a fallu attendre 2020 pour que la délivrance des badges d’accès soit soumise à enquête administrative. Et le déploiement de dix scans mobiles de conteneurs dans les ports français les plus exposés, promis en mars par le ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, est toujours « en cours », fait savoir la direction des douanes. « Aujourd’hui encore, on continue à arbitrer en faveur de l’économie au détriment de la sécurité : peu de contrôles pour garantir la compétitivité des ports », explique Clotilde Champeyrache, maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers et spécialiste de l’économie souterraine. (…)

Les bénéfices des trafiquants, eux, croissent sans faiblir. En mars, six ans après que l’Insee a intégré la valeur économique du business de la drogue dans les comptes nationaux, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, évaluait la fourchette basse du chiffre d’affaires du narcotrafic à « 3,5 milliards d’euros » pour « 200 000 personnes » en activité. (…)

Dans les quartiers sensibles, les conséquences sanitaires et sociales sont dévastatrices. « Le trafic va de pair avec le recul des services publics, et les trafiquants achètent la neutralité bienveillante de la population », analyse Serge Supersac, un ancien policier hostile à une « prohibition inefficace et coûteuse ». A Toulon, une ville qu’il connaît bien, l’ancien flic se désole de voir « des trafiquants emmener les gosses du quartier tous frais payés en vacances dans l’arrière-pays ».

La situation exigerait une forme de permanence, une vision stratégique de long terme au plus haut niveau de l’Etat. Mais, en l’espace de quinze ans, de 2009 à 2024, dix ministres de l’intérieur se sont succédé place Beauvau, sans compter l’intérim de treize jours assuré par le premier ministre, Edouard Philippe, en octobre 2018, après la démission surprise de Gérard Collomb. (…)

D’autant que s’étend le spectre de la corruption, qui frappe de longue date les voisins européens, minés par le trafic comme les Pays-Bas, la Belgique ou l’Espagne : début novembre, le chef de l’unité antiblanchiment à Madrid a été placé sous les verrous, après la découverte de 20 millions d’euros en liquide à son domicile. Impensable en France ? Au contraire, selon M. Péchenard : « Des ministres ou des magistrats corrompus ou au contraire pris pour cible, on n’en est pas encore là, mais on finit par en prendre la voie. » (…)

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/27/lutte-contre-le-narcotrafic-chronique-de-quinze-annees-d-aveuglement_6469159_3224.html


Der Spiegel, 21 décembre, article payant

Prozess wegen Vergewaltigung: Ist das Urteil von Avignon wirklich eine Zeitenwende?

In Avignon sind 51 Angeklagte wegen Vergewaltigung verurteilt worden. Das Verfahren soll eine »Zeitenwende« bei der Verfolgung von Sexualstraftaten darstellen. Eine solche Bewertung ist voreilig.

Extraits:

(…)  Ob das Urteil von Avignon – ob es rechtskräftig wird, ist noch offen – tatsächlich die vielfach angekündigte Zeitenwende in der Sexualmoral und der Verfolgung von Sexualstraftaten (oder der »strukturellen Vergewaltigungskultur«) bringen wird, bleibt abzuwarten. Der Fall hat seine Monstrosität vor allem durch die vielfache Wiederholung der Verbrechen erlangt. Das Urteil ändert nichts daran, dass der objektive Tatbestand und der subjektive Tatvorsatz in jedem Einzelfall des sexuellen Übergriffs oder der Vergewaltigung bewiesen und vom Gericht festgestellt werden müssen, damit Strafe gerechtfertigt ist.

Mit allgemeinen Feststellungen zur »Kultur« ist es da nicht getan, ebenso wenig wie mit immer neuen Erhöhungen von Strafdrohungen. Die Täter von Avignon haben die Taten nicht begangen, weil sie meinten, »nur« fünf Jahre Freiheitsstrafe zu erhalten, sondern weil sie annahmen, nicht erwischt zu werden.

Die Feststellung des wirklichen, inneren Willens einer Person (sei er nun geäußert, angedeutet, »erkennbar«, als »Ja« oder »Nein« zu deuten) ist in sehr vielen Fällen eine schwierige Beweisfrage. In Avignon dürfte sie – ich war nicht in der Verhandlung – vergleichsweise eher nicht so schwierig gewesen sein.

https://www.spiegel.de/kultur/avignon-ist-das-urteil-wirklich-eine-zeitenwende-bei-der-verfolgung-von-sexualstraftaten-a-d36e9077-5318-4d52-bcce-1ba407745790


Le Figaro, 20 décembre, article payant

Affaire «Bismuth»: «La condamnation de Nicolas Sarkozy porte à son apogée la pénalisation de la vie publique»

TRIBUNE – En confirmant la condamnation de l’ancien président de la République, qui devra porter un bracelet électronique, la Cour de cassation a pris une décision d’une sévérité excessive qui semble avoir pour objectif d’accabler les responsables publics, analyse Jean-Éric Schoettl,  ancien conseiller d’État français

Extraits:

Le 18 décembre, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Nicolas Sarkozy dans l’affaire «Bismuth». Elle a confirmé définitivement la condamnation de l’ancien président de la République, pour corruption active et trafic d’influence, à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique, ainsi qu’à trois ans d’inéligibilité. Un juge d’application des peines déterminera les modalités d’application de la peine.

Il n’est pas abusif de qualifier cette décision d’historique, car c’est la première fois, sous la Ve République, qu’un ancien chef d’État est condamné définitivement à une peine de prison ferme. Une peine à exécuter non dans une geôle, certes, mais par le port d’un bracelet électronique. Il n’empêche : ce bracelet infligé pendant un an à un ancien président, c’est une première. Un événement qui signe symboliquement l’apogée du processus de pénalisation de la vie publique à l’œuvre en France depuis trois décennies.

Saisissant est en effet le contraste entre la lourdeur de la condamnation prononcée et la façon étonnante dont cette affaire a été conduite de bout en bout par la justice.

La position de l’autorité judiciaire, depuis le début de cette affaire picrocholine, est construite sur le récit fantasmé d’un pacte de corruption : M. Sarkozy demandant à M. Azibert d’intervenir en sa faveur devant la Cour de cassation dans une procédure de portée limitée (récupération d’agendas présidentiels saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt) en échange d’un poste de magistrat à Monaco. Font défaut toutes les pièces du puzzle dont l’assemblage caractériserait un véritable pacte de corruption ou un vrai trafic d’influence : M. Sarkozy ne demande ni directement, ni par le truchement de M. Herzog, à M. Azibert d’intervenir auprès de ses collègues de la Cour de cassation; M. Azibert n’intervient pas auprès de ses collègues chargés de l’affaire des agendas présidentiels, lesquels appartiennent d’ailleurs à une autre chambre que la sienne ; M. Sarkozy ne demande rien à la principauté de Monaco en faveur de M. Azibert qui n’est d’ailleurs pas intéressé par le poste ; poste qui n’est d’ailleurs ni si prestigieux, ni si rémunérateur ; la nomination de M. Azibert à Monaco n’a pas lieu, pas plus qu’une quelconque pression de M. Azibert ne s’exerce sur ses collègues, foi de ceux-ci. Le pacte de corruption imaginé par le juge n’a donc pas été consommé et l’intention de le commettre n’a pas non plus été établie. Pas plus que le trafic d’influence. (…)

Une qualification pénale aussi infamante que le trafic d’influence – ou que la corruption – doit reposer sur des preuves solides. Ou, à défaut de preuves, sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants. Où trouve-t-on ce faisceau d’indices à l’encontre de MM. Sarkozy, Herzog et Azibert ? Comment se contenter d’une simple construction intellectuelle rapprochant deux bribes de conversation, extraites de sept mois d’interception cavalière de communications téléphoniques entre un avocat et son client (…) Tout au plus que M. Azibert aurait fait part à M. Herzog d’un « climat » à la Cour de cassation et que M. Herzog aurait à son tour informé de ce « climat » M. Sarkozy. Zèle excessif de l’amitié entre les trois hommes ? Peut-être. Mais non pacte de corruption.

Voilà pour l’établissement et la qualification des faits. Quant à la procédure sur la base de laquelle le tribunal correctionnel (1er mars 2021), puis la cour d’appel (17 mai 2023) et, pour finir, la Cour de cassation, condamnent les prévenus, elle pose deux questions sérieuses.

En premier lieu, Nicolas Sarkozy se voit opposer des conversations qu’il a eues avec son avocat, retranscrites au moyen d’écoutes téléphoniques pratiquées dans le cadre d’une autre procédure (affaire dite du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007). Or, dans un arrêt du 16 juin 2016 (affaire Buffalo Grill), postérieur à l’arrêt de mars 2016 de la Cour de cassation validant les écoutes téléphoniques des conversations entre MM. Sarkozy et Herzog, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé contraire aux droits de la défense et au secret professionnel le fait de retenir à la charge d’une personne la retranscription d’un échange entre cette personne et son avocat. N’est-ce pas le cas ici ? (…)

Troisième étonnement : la rigueur de la peine, qui est désormais définitive et immédiatement exécutoire. Même en supposant qu’un « échange de services » ait été un temps imaginé pour évaluer les chances de succès d’une demande de restitution d’agendas, la condamnation à trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis (tempérée – si on ose dire – par l’« aménagement de la partie ferme de la peine sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique ») est-elle nécessaire et proportionnée ? Est-il proportionné d’imposer pendant un an le port du bracelet électronique à un ancien président de la République, bientôt septuagénaire, parce que celui-ci aurait un moment envisagé de recommander à la principauté de Monaco (pour effectuer des vacations mensuelles payées 350 euros) une personnalité lui ayant donné son impression de magistrat (étranger à la prise de décision) sur ses chances de voir aboutir une demande de restitution d’agendas… ?

Enfin, Nicolas Sarkozy peut-il avoir le sentiment d’avoir eu affaire à des juges impartiaux tout au long de cette procédure, alors que la présidente de la chambre de la cour d’appel qui l’a condamné en 2023 s’en était prise à lui en 2009 dans un article du Monde et que l’une de ses juges d’instruction s’était félicitée dans Mediapart de sa défaite à l’élection présidentielle de 2012 ? N’y avait-il pas là matière à déport et à récusation ? (…)

Venant après tant d’autres affaires impliquant le personnel politique, cette rigueur soulève de vertigineuses questions sur l’état d’esprit qui anime une partie de la magistrature, y compris au sommet de la hiérarchie. Que cherche l’autorité judiciaire en accablant les responsables publics ? À purifier la politique en jouant les anges exterminateurs ? À affirmer son pouvoir ? À prendre une revanche sociologique sur ses conditions de travail (il est vrai, indécentes) ou sur la dégradation de son image ? (…)

L’indépendance de la justice est aujourd’hui entière. C’est son impartialité qu’elle devrait désormais avoir à cœur de manifester. Si, dans sa figuration symbolique, la justice a les yeux bandés, c’est pour inciter le juge à tenir en équilibre les fléaux de la balance, et non à les faire pencher dans le sens de son esprit de corps, de ses préjugés ou de ses passions.

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/affaire-bismuth-la-condamnation-de-nicolas-sarkozy-porte-a-son-apogee-la-penalisation-de-la-vie-publique-20241219


Le Figaro, 18 décembre, article payant

Coups de barres de fer, de béquilles, de couteaux… En région parisienne, ces bandes rivales qui règlent leurs comptes lors de rixes ultraviolentes

DÉCRYPTAGE – Alors que les «phénomènes» de bandes ont augmenté de 6% en un an, les services de la Préfecture de police effectuent plus de 1000 interpellations chaque année.

Extraits:

 (…) Loin de s’essouffler, ce fléau reste très vivace. Un dernier état des lieux de la Préfecture de police, daté de ce mardi, en témoigne : les « phénomènes » de bandes, c’est-à-dire les « événements » (attroupements, menaces, dégradations, etc.) mettant en scène des groupes d’individus, ont bondi de 6 % en un an pour s’établir à 319 faits constatés dans les neuf premiers mois de l’année 2024 sur l’agglomération parisienne. 

Si les « affrontements consommés » ont légèrement baissé de 9 % dans la même période, leur nombre s’est établi à 71 entre le 1er janvier et le 1er octobre dernier. Violentes, ces batailles rangées ont fait aussi un peu moins de blessés (- 6,7 %), même si 236 belligérants ont été plus ou moins grièvement touchés dans la même période. Enfin, les rixes se sont déjà soldées cette année par un bilan de quatre morts, soit autant qu’en 2023. Un chiffre qui s’explique, toujours selon la Préfecture de police, par « l’utilisation d’une arme (de toute nature) qui se répand ». (…)

Loin de la pittoresque « guerre des boutons » opposant les enfants de Longeverne et Velrans, deux villages rivaux, les attroupements virent de nos jours à la sauvagerie. Les protagonistes se battent à coups de barres de fer, de béquilles, de couteaux mais aussi de trottinettes. Fin 2022, la « mode » était celle des Opinel numéro 13, dont la lame, longue de 22 centimètres, ressemble à un petit coupe-coupe. Pour les services de la préfecture de police de Paris, la lutte contre les bandes constitue un combat majeur pour « préserver l’ordre public, éviter la contagion des violences et identifier les protagonistes ». (…)

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/coups-de-barres-de-fer-de-bequilles-de-couteaux-en-region-parisienne-ces-bandes-rivales-qui-reglent-leurs-comptes-lors-de-rixes-ultra-violentes-20241217


Le Figaro, 11 décembre, article payant

«Un grade supérieur dans la violence» : après l’assassinat d’un jeune de 19 ans, Saint-Nazaire dans l’engrenage du narcotrafic

L’assassinat lundi d’un jeune de 19 ans, tué chez lui par un commando armé, jette une lumière crue sur la montée en puissance des trafiquants de drogue au sein du port industriel, en proie depuis le début de l’automne à une série de coups de feu et de règlements de compte.

Extraits:

Automne de plomb à Saint-Nazaire. La perle industrielle de la Loire reste sous le choc, 48 heures après l’assassinat d’un jeune homme de 19 ans, exécuté chez lui par un commando armé, en présence de son père et de son petit frère. Si l’enquête, confiée au parquet de la juridiction interrégionale spécialisée de Rennes, n’en est qu’à ses débuts, les regards se sont immédiatement portés sur les réseaux de narcotrafiquants locaux, responsables depuis le milieu de l’automne d’une vague de coups de feu et de règlements de compte dans les quartiers sensibles nazairiens. (…)

La brutalité inédite de cet assassinat n’a pas été minimisée par l’exécutif local. «Ce meurtre est un grade supérieur dans la violence liée au trafic de drogue», a réagi dès lundi le maire socialiste de Saint-Nazaire, David Samzun, en confiant avoir été «sidéré» par ce tragique fait divers, perpétré dans la nuit précédente dans le quartier prioritaire de la Bouletterie. De l’aveu même de l’édile, «ce drame va participer au renforcement du sentiment d’insécurité générale», alors que la ville portuaire est déjà le théâtre depuis septembre d’un intense jeu du chat et de la souris entre trafiquants et forces de l’ordre, pour «mettre à terre le trafic de drogue». (…)

https://www.lefigaro.fr/nantes/un-grade-superieur-dans-la-violence-apres-l-assassinat-d-un-jeune-de-19-ans-saint-nazaire-dans-l-engrenage-du-narcotrafic-20241211


Le Figaro, 6 décembre, article payant

Les confessions d’un black bloc repenti: «Le plus grave, c’est la soumission à l’islamisme»

TÉMOIGNAGE – Il a consacré vingt-cinq années à la cause de l’extrême gauche en rejoignant les groupuscules de black blocs. Il a été violent, il a pillé, il a cassé, convaincu de combattre le capitalisme. La dérive idéologique et les renoncements face à l’islamisme ont eu raison de son engagement. Il raconte ce passé sulfureux qu’il assume.

Extraits:

Le rendez-vous a lieu entre les murs feutrés d’un bar situé dans un endroit discret de la capitale. Il arrive tout de noir vêtu, comme il en a eu longtemps l’habitude, et frigorifié par le trajet parcouru à vélo sous les intempéries. Il apparaît aussi sincère qu’ému. La conversation commence presque comme une confession, celle d’un homme qui se repent de son passé. Vingt-cinq années en tout. Cela représente la majeure partie de sa vie d’adulte chargée de violence. Gaspard *, âgé d’une quarantaine d’années aujourd’hui, a fait partie des black blocs, ces groupuscules d’extrême gauche excessivement violents et très mobiles connus pour leurs saccages. Ces individus encagoulés et vêtus de noir investissent des manifestations pour brûler les magasins et les biens publics en marge des rassemblements. Mais ils sont surtout tristement connus pour affronter les forces de l’ordre à coups de jets de pierres et autres armes par destination. (…)

Gaspard, lui, n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il a grandi en banlieue au cœur d’une cité. Son engagement pour la cause anticapitaliste, il le décrit lui-même comme sincère et hérité d’un milieu familial à la conscience politique très enracinée à gauche. « Je n’ai connu que ça. Je suis tombé dans l’extrême gauche quand j’étais tout petit. » (…)

Biberonné à ces valeurs, l’adolescent grandit convaincu de la nécessité de s’inscrire dans la lutte contre l’oppresseur capitaliste. Il tâtonne au début, ne sachant comment intégrer cette nébuleuse qu’il ne connaît pas très bien. Il commence par le graffiti en vandalisant des murs ou des devantures, puis il accompagne quelques-uns de ces militants pour saccager des distributeurs de billets de banque. À la fin, il se retrouve encagoulé dans les manifestations. « Le glissement s’est fait tout doucement d’une action à l’autre, explique-t-il. Ça s’est mis en place lorsque j’ai eu 14 ans et que je commençais à être un peu plus structuré idéologiquement et politiquement. J’étais un black bloc et ma mission consistait dorénavant à me concentrer sur la destruction des symboles du capitalisme ou à créer des TAZ (Temporary Autonomous Zones) en occupant des lieux. J’ai fait ça pendant vingt-cinq ans, et j’étais sincèrement convaincu de la justesse de mon engagement. »

Depuis près d’un an, Gaspard s’est retiré de ce milieu. Il se décrit comme réveillé brutalement d’un état de torpeur, comme s’il avait été sous l’emprise d’une secte. (…) « Au lendemain du 7 octobre et des attaques du Hamas en Israël, je me suis pris un mur en pleine figure, celui de l’antisémitisme qui s’est exprimé. Le plus grave, c’est la soumission à l’islamisme. Ces gens sont dans une vision romanesque du djihad avec les yeux qui brillent de fascination. Ils sont dingues. Les entendre dire que ces actes de barbarie s’apparentaient à ceux de la Résistance, c’était intolérable. » (…)

Le choc est tel que son seul retrait de cette nébuleuse violente d’extrême gauche ne suffit pas. Il ressent le besoin de faire un travail d’introspection pour se reconstruire. Il ne s’agit pas pour Gaspard de renier son passé. Au contraire, il le regarde en face pour mieux avancer. (…)

« Un black bloc, s’il part avec un sac Vuitton sous le bras, c’est pour y mettre le feu, filmer la scène et la poster sur les réseaux sociaux. Les hommes en noir, affirme-t-il, pillent, mais avec un code d’honneur. Il faut que le vol serve à la cause. (…) »

Derrière ces scènes de chaos et de violence retransmises en boucle par les chaînes d’information lors des débordements en marge des manifestations, Gaspard décrit une mécanique bien huilée, une méthodologie et même une discipline. Après avoir cassé, frappé, saccagé et mis le feu, les casseurs obéissent aux meneurs lorsque ceux-ci décident que l’opération est terminée. Le message passe par un cri de ralliement qu’eux seuls reconnaissent. « À ce moment, tout le monde se débarrasse de ses vêtements pour ne pas être reconnu par la police ou piégé par les traces de paintball balancé par les flics pour marquer les casseurs. On brûle tout. On marche tranquillement pour se retrouver, comme si de rien n’était, à côté des mecs de la CGT avec leurs merguez» Transgression ultime dans son chemin vers la rédemption et le rejet de cette idéologie d’extrême gauche, Gaspard a créé une entreprise. Il est devenu, comme il le dit avec humour, « un affreux capitaliste » et assume pleinement sa décision de rompre. « L’extrême gauche, LFI en tête, a fait tomber les digues de la laïcité en s’alliant avec les islamistes. Ces mecs sont un danger pour le pays. Je ne leur pardonnerai jamais cette trahison. »

* Le prénom a été changé.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/les-confessions-d-un-black-bloc-repenti-le-plus-grave-c-est-la-soumission-a-l-islamisme-20241206


Le Point, 3 décembre, article payant   

Comment la drogue « tiers-mondise » l’économie française

LA CHRONIQUE DE WILLIAM THAY. La France reste un eldorado pour les consommateurs de drogue. Or, sa consommation excessive marque le déclin d’une civilisation, comme le montre la Chine du XIXe siècle avec l’opium.

Extraits:

La France est championne d’Europe de consommation de drogue, en étant premier pays consommateur de cannabis, le troisième d’héroïne, et le sixième de cocaïne. Avec 5 millions de consommateurs réguliers (au cours des 30 derniers jours) de cannabis et près de 650 000 consommateurs réguliers de cocaïne, nous avons atteint les plus hauts niveaux enregistrés. Plus inquiétant, le nombre de consommateurs réguliers de cannabis a été multiplié par 3 au cours des vingt dernières années, et celui de cocaïne par 4. Signe de cette attractivité néfaste, Paris est devenue avec Amsterdam l’une des capitales européennes du crack.

On l’oublie souvent mais la drogue obéit aux lois du marché, la baisse du prix a rendu le produit accessible à de nouveaux consommateurs. Or, le prix de la cocaïne a chuté, passant de 60 €/g en 2013 à 45 €/g depuis 2021, car l’offre est plus conséquente. La production en Amérique latine a explosé avec la décriminalisation de la politique américaine contre les barons de la drogue à partir de 2013. Depuis cette date, la production colombienne a été multipliée par 3.

La drogue n’est plus exclusive aux métropoles, mais touche toutes les zones rurales et périphériques. Depuis 2021, la diminution du prix de la cocaïne a mis fin au marqueur social de sa consommation, comme le souligne Bertrand Basset, président de l’association Addictions France. (…)

La consommation de drogue offre un débouché au trafic de drogue et ses dérivés. Selon l’Insee, le trafic engendrerait 2,7 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2020 et jusqu’à 6 milliards d’euros selon le rapporteur de la commission au Sénat sur le narcotrafic. Cela permet de faire vivre jusqu’à 210 000 personnes autour de 3 000 points de deal, selon les données de l’office antistupéfiants (Ofast).

La consommation de la drogue est le reflet de la paupérisation de notre économie. Elle alimente d’autres trafics plus ou moins criminels (contrefaçons, armes, êtres humains, etc.). Ainsi, l’économie souterraine représenterait le même poids que l’industrie pour notre économie. Elle représentait plus de 12 % du PIB en 2019, soit une fourchette haute des activités criminelles puisque cela comprend le travail non-déclaré. En comparaison, cela est plus qu’en Chine, pourtant considéré comme un pays en développement.

Le trafic de drogue provoque des conséquences que l’on rencontre dans les pays d’Amérique du Sud. Il crée des problèmes pour la société tels qu’une insécurité forte liée aux guerres de territoire entre les narcotrafiquants échappant au contrôle de l’État, comme le souligne Alain Bauer dans son audition au Sénat sur le narcotrafic. (…)

De même, les ravages en matière de santé publique sont connus avec des consommateurs qui commencent de plus en plus jeunes, ce qui soulève des questions sur l’éducation. Enfin, la drogue baisse la productivité du pays, ce qui a coûté 120 milliards de dollars en 2011 aux Américains.

Si l’on n’agit pas contre la consommation, le trafic de drogue va diriger la France vers une économie du tiers-monde, marquée par une faible productivité par habitant, une faible industrie, des problèmes sur le plan éducatif et une insécurité galopante. Loin d’être un horizon pour un pays qui préfère accueillir le tournage d’Emily in Paris que celui de Narcos.

https://www.lepoint.fr/societe/comment-la-drogue-tiers-mondise-l-economie-francaise-02-12-2024-2576879_23.php


The Economist, 2 décembre, article payant      

Gangsters’ paradise  : The world is losing the fight against international gangs

Globalisation and technological progress are leading to a boom in organised crime

Extraits:

AS THE WORLD teeters on the brink of what could become the worst trade wars since the 1930s, with international capital flows falling and cross-border trade and investment stagnating, there is one glaring exception to this unravelling of globalisation: international gangsters and organised criminals are on a roll. They are merrily pursuing opportunities around the world, moving goods across borders, establishing country-spanning supply chains and hiring talent internationally.

“I fear the world is losing the fight against gangs and organised crime,” says Jürgen Stock, who on November 7th stepped down after a ten-year stint as the secretary-general of Interpol, an international police organisation. “The growth in the breadth, scale and professionalism of organised crime is unprecedented.”

At first glance, Mr Stock’s alarm seems misplaced. Most parts of the world that are not at war have steadily become less violent and more law-abiding. In the first 20 years of this century the worldwide murder rate fell by around a quarter, from 6.9 per 100,000 people to 5.2 (see chart 1). Even in countries where worries about crime have increased in recent years, such as America, the violent-crime rate has fallen by half since the early 1990s.

Yet there has also been a global surge in organised crime that started around the turn of the century, says Mark Shaw, the director of the Global Initiative against Transnational Organised Crime, an NGO. Driving it are three new developments: the spread of technologies such as encrypted apps and cryptocurrencies, which let mobsters link up and move their earnings around the world in ways that would have been unthinkable previously; the spread of synthetic drugs that are cheaper and more powerful than plant-based ones; and the rise of agile, diversified multinational criminal groups. (…)

Start with the new tech. Until roughly a decade ago most emails and phone messages were unencrypted, meaning police and intelligence agencies could easily read them. Now almost everyone has access to secure messaging, allowing gangsters to plot in secret. The dark web allows them to sell contraband and the spread of cryptocurrencies allows them to take payments that are hard to trace for illegal goods or even darker purposes, such as ransoms. Digital technology has also created a new criminal genre: cyber-crime. (…)

The second factor is a boom in drug use, which is being fuelled in part by the spread of synthetic drugs, which frees gangs from some of the constraints of geography since they are not reliant on plants such as coca trees or poppies that grow best in particular places. (…)

Worldwide, the number of people taking drugs increased by a fifth between 2010 and 2020, and the drugs they consume are becoming progressively stronger. Fentanyl is 50 times more potent than heroin. But even it is being supplanted by newer drugs, such as etonitazene, which is perhaps 500 times stronger than heroin. (…)

The third development is that gangs are becoming more nimble. Diversification—Interpol officials call it “polycrime”—is increasingly common. Previously, criminal groups tended to stick to what they knew best, making it easier for the police to investigate them. Today the same group could be involved in, say, drugs, pirated software and wildlife trafficking. Some have gone into new lines of business unlocked by migration or increasing numbers of refugees, which has led to an explosion of people trafficking. Venezuela’s powerful Tren de Aragua gang, for instance, makes almost all its money by trafficking humans, not drugs. (…)

Though drug-crime generates the most violence, surprisingly the crime with the highest annual turnover may be the trading of counterfeit and pirated goods. Fakes constituted 2.5% of world trade in 2013, according to the OECD, a club of mostly rich countries, and the EU’s Intellectual Property Office. If that share is unchanged, it would imply the trade was worth more than $760bn in 2023, putting it higher than most estimates for the production, trafficking and sale of illegal narcotics. (…)

Law enforcement has had some successes, notably in gaining access to two encrypted communications systems used by gangsters in 2018 and 2020. That has led to several thousand arrests across the world. And Interpol has become better at intercepting the cross-border transfers of some illicit assets.

But policing remains fundamentally national, and suffers from what Stephen Kavanagh, Interpol’s executive director for police services, calls a “perimeter mindset”. Turf, physical or otherwise, is jealously guarded. What is needed is an approach to law enforcement as international as that of the gangs. Yet the political will to craft a new approach has been largely absent.

Before joining Interpol, Mr Kavanagh was the police chief of Essex, an English county with a population of 1.5m. He ruefully notes that his old force’s budget was more than twice that of Interpol’s.■

https://www.economist.com/international/2024/11/26/the-world-is-losing-the-fight-against-international-gangs


Le Figaro, 2 décembre, article payant

Insécurité, vente à la sauvette, drogue… Ces quartiers de Paris où règne «la loi de la jungle»

ENQUÊTE – À bout, des habitants du 18e arrondissement, notamment, lancent l’alerte.

Extraits:

Un sexagénaire tué par balle vendredi dernier dans un McDonald’s du boulevard Ornano. Trois personnes agressées au marteau, le 23 novembre, dans un immeuble de la Goutte d’or, par des individus cagoulés. Une rixe à «coups de couteau et de machette», le 31 août, impliquant «une quarantaine de personnes de la communauté afghane», dans le quartier Marx-Dormoy. Théâtre de «violences croissantes», envahi par les vendeurs à la sauvette, miné par l’insécurité, l’Est du 18e arrondissement de Paris est «en proie à la loi de la jungle», assurent certains de ses habitants. «Si près du Sacré-Cœur, si loin du cœur de Paris !, se lamentent-ils. Mais jusqu’à quand et jusqu’à quel point notre quartier sera-t-il sacrifié ?» 

Porte de La Chapelle, sur l’emplacement de l’ancienne «colline du crack» s’élève aujourd’hui l’immense Adidas Arena, seul site des Jeux olympiques bâti dans la capitale. En face se déploiera le Campus Condorcet, qui accueillera 3500 étudiants à la rentrée 2025. Les trottoirs ont été élargis et végétalisés. 

«Oui, il y a des progrès depuis les JO, concède la pharmacienne. L’apparence du quartier n’est plus la même, les services de nettoyage sont plus réguliers, la sécurité s’est améliorée. Mais tout est relatif. Tous ces immeubles de bureaux derrière, ce ne sont que des bâtiments fantômes. On n’arrive pas à attirer des entreprises… » (…)

Plus au sud, autour du métro La Chapelle, c’est en revanche la désolation. «Où sont passées nos charcuteries, cavistes, librairies, fromageries ?, questionnent les habitants les plus anciens. Tous nos magasins se font peu à peu racheter par des Afghans. » Certains sont suspectés de blanchiment d’argent. Rue Marx-Dormoy, une commerçante confirme : « Ils offrent 300.000 euros en liquide. » (…)

Des dizaines d’hommes en noir vendent des cigarettes autour du square Louise de Marillac, où plus aucun enfant ne vient jouer. « Le quartier fait face, dans l’indifférence totale de nos élus, à une recrudescence de violence, de délinquance et de communautarismes, affirme Philippe Girault, membre de l’association Demain La Chapelle. (…)

Aujourd’hui, déplorent les habitants, la situation a « encore empiré ». De la « promenade urbaine », sous le métro aérien, où le maire PS du 18e Éric Lejoindre voulait « flâner sympa » en 2019, il ne reste que quelques vieux matelas à même le trottoir : onze millions d’euros partis en fumée. (…)

« L’espace public est de plus en plus étroitement, ouvertement et bruyamment tenu par les trafiquants de cigarettes et autres vendeurs à la sauvette, détaille cet architecte. La place des femmes est encore plus restreinte : j’ai décompté 10 % de piétonnes, au lieu des 25 % comptabilisés en 2019. Elles vont faire leurs courses plus loin, quitte à prendre le métro. Ici, l’offre commerciale est réduite à néant : on n’a plus que des téléphones, des tapis et du poulet grillé. Le chiffre d’affaires des autres commerçants est en baisse, jusqu’à moins 30 %, tout comme les prix de l’immobilier. »

À Château-Rouge, les riverains décrivent « une zone où le droit ne s’applique plus ». Ce soir-là, devant la sortie du métro, des vendeurs à la sauvette disposent leurs articles sur des cageots renversés : du Sniper, un insecticide censé tuer les punaises de lit, interdit à la vente en France, tout comme les produits de blanchiment de la peau. « 2 euros la pièce ! », scande un homme, flacons de shampooing en main, à côté d’une femme en boubou, agitant des pantalons de jogging. 

« Ça se termine vers 20 heures, commente Yveline Piarroux, présidente de La Vie Dejean. Pour laisser la place aux barbecues illégaux, qui bafouent toutes les règles d’hygiène et de sécurité. Cela pue le graillon et attire également des prostituées, des crackheads, et de nombreuses personnes qui consomment de l’alcool sur la voie publique, générant d’importantes nuisances sonores. » (…)

Il y a cinq ans, le premier adjoint Emmanuel Grégoire, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale et aujourd’hui candidat à la mairie de Paris, se disait prêt à « déclencher les feux de l’enfer » contre tous ces commerçants aux pratiques douteuses. Les habitants n’ont rien vu venir.  (…)

« Le bien vivre-ensemble, c’est ça ?, interroge le collectif de locataires, Résilience 18. Depuis que notre résidence est gérée par la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), c’est devenu un ghetto. À chaque fois que des locataires s’en vont, excédés, la RIVP les remplace par des familles subsahariennes. Notre problème n’est pas leur origine, mais le fait que ces nouveaux arrivants n’aient pas les mêmes codes et ne soient pas accompagnés. Trois familles françaises ont encore déménagé le mois dernier; on est désormais en minorité… » (…)

Migrants, mineurs isolés, vols à l’arraché, « tout ça s’est lié au trafic de drogue, en perpétuelle augmentation malgré nos efforts, rapporte un policier présent dans le secteur depuis une vingtaine d’années. C’est comme les vendeurs à la sauvette : à peine a-t-on le dos tourné qu’ils se réinstallent ! Quand on arrête trois fois la même personne en une semaine, on se dit qu’il y a un problème… on a l’impression de vider l’océan à la petite cuiller ». (…)

Malgré nos sollicitations répétées, le maire, Éric Lejoindre, n’a pas souhaité répondre au Figaro« On n’a plus guère de relations avec lui depuis qu’il nous a lancés, il y a quelques années ’’Vous pourrez me faire un procès; vous le perdrez !’’ », rapporte Yveline Piarroux. (…)

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/insecurite-vente-a-la-sauvette-drogue-ces-quartiers-de-paris-ou-regne-la-loi-de-la-jungle-20241129


Articles du 27 novembre au 5 juin 2024


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