The Economist, 17 janvier, article payant
The new French government : France’s new prime minister is trying to court the left
François Bayrou gambles with Emmanuel Macron’s economic legacy
Extraits :
There are two ways to look at the new French government run by François Bayrou, the 73-year-old centrist prime minister who took office last month and laid out his plans to parliament on January 14th. One is that the minority government is constructively seeking compromise among the three rival blocs that make up the deadlocked National Assembly, with particular attention to the left. The other is that it is opening the way to unravelling President Emmanuel Macron’s economic policies, including his flagship second-term reform, an increase in the pension age.
The centrepiece of Mr Bayrou’s speech was a decision to reopen talks “without taboo” on the pension reform. (…)
With this offer, Mr Bayrou is hoping to secure at least the tacit support of the Socialist Party, and to peel its deputies away from the radical wing of parliament’s four-party left-wing alliance. The prime minister runs a minority government, composed of ministers ranging from ex-Socialists to conservatives, which is not based on any formal coalition pact. Faced with the same problem, his conservative predecessor, Michel Barnier, was toppled by a no-confidence vote in December after just three months in office. He was brought down by an unholy alliance of the left and Marine Le Pen’s hard-right National Rally (RN).
This time, Mr Bayrou is hoping he can use pension talks to buy time and get a revamped 2025 budget drafted and through parliament, without courting the RN. In a nod to the left, his fiscal plans are already less ambitious than Mr Barnier’s, which were designed to curb the budget deficit from 6.1% of GDP in 2024 to 5% this year. Despite devoting a big chunk of his speech to France’s dismal history of excessive public debt, Mr Bayrou promises a more modest deficit reduction in 2025 to 5.4%—far above the European Union’s 3% limit. This would mean some €50bn ($52bn) of budget savings and tax increases, probably on the rich and on big firms. (…)
France remains under surveillance. On January 13th the spread of French ten-year sovereign bonds over Germany’s ten-year benchmark bond widened to 0.88 percentage points, the same level it reached last month amid worries over the previous budget. The new pension talks may fail. But there is a real risk that the price of passing a new budget could be the undermining of the business-friendly policies that have hitherto defined Mr Macron’s presidency. “People in government aren’t worried so much about his legacy,” says one centrist figure, “as about their own survival.” ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/16/frances-new-prime-minister-is-trying-to-court-the-left
Le Point, 17 janvier, libre accès
« La proportionnelle serait un coup de poignard porté à notre Constitution »
TRIBUNE. Vent debout contre la proportionnelle promise par François Bayrou, le sénateur LR propose un big-bang électoral pour sortir du « chaos politique ».
*Stéphane Le Rudulier est sénateur Les Républicains des Bouches-du-Rhône.
Extraits :
(…) 2024 restera comme l’annus horribilis de la Ve République. Quatre Premiers ministres, une majorité (relative) effacée par une dissolution brutale, qui a laissé la France avec une chambre introuvable divisée en trois blocs. (…)
La Ve République, telle qu’elle a été pensée, reste pertinente, mais elle doit changer pour survivre. Le mode de scrutin législatif, en particulier, doit être entièrement revu pour satisfaire une légitime soif d’équité et de représentativité démocratique mais aussi, et surtout, pour empêcher les blocages institutionnels que la Constitution de Michel Debré entendait à tout prix éviter. Alors que les enjeux contemporains exigent des gouvernements solides et des majorités parlementaires cohérentes, notre mode de scrutin à deux tours perpétue les fractures et favorise les compromis faibles.
Il est temps d’envisager une réforme ambitieuse : l’adoption du scrutin uninominal à un tour, sur le modèle britannique, système le plus juste et le plus efficace. Le mirage de la proportionnelle serait un coup de poignard porté à notre Constitution, car il marquerait le retour en force des failles de la IVe République – le régime des partis – et conduirait à un déracinement délétère des parlementaires. Au regard de toutes les projections, il n’apporterait pas la stabilité nécessaire à une sortie de crise politique.
Le système électoral britannique, fondé sur un scrutin majoritaire uninominal à un tour, permet en effet de désigner clairement et simplement des représentants. Il a pour principal avantage de produire des majorités parlementaires nettes, en évitant les situations de blocage ou de cohabitation, et en offrant aux gouvernements l’assise nécessaire pour mener leurs politiques. Contrairement au système français à deux tours, qui fragmente les alliances et oblige à des recompositions artificielles entre les deux tours de scrutin, le système britannique favorise une clarification immédiate de l’offre politique. (…)
Le scrutin à un tour présente l’avantage d’être clair et direct : chaque électeur dispose d’une voix unique pour choisir son député, sans avoir à composer avec des équilibres changeants entre le premier et le second tour. Il responsabilise les partis, qui doivent présenter des candidats capables de rallier une majorité relative dès le premier vote, sans s’appuyer sur des accords d’arrière-cuisine indigestes. Ce modèle nous montre qu’il est tout à fait possible pour des partis émergents ou alternatifs de prospérer dans des circonscriptions où ils disposent d’une base électorale solide. Rappelons toutefois que la finalité première d’un scrutin législatif n’est pas de représenter chaque sensibilité à la proportionnelle, mais de permettre la formation d’une majorité claire, capable de gouverner efficacement.
Le scrutin à un tour oblige chaque citoyen à effectuer un choix net, sans se reposer sur un « vote utile » ou une stratégie à deux étapes. Il limite l’abstention massive souvent constatée entre les deux tours, qui affaiblit la légitimité des élus. Enfin, il contribue à raffermir le lien entre les élus et leur circonscription. Les députés sont élus directement par une majorité de leurs concitoyens, renforçant leur ancrage local. Ils ne doivent leur élection à aucun désistement d’appareil.
Adopter ce scrutin uninominal à un tour en France ne relèverait pas simplement d’une réforme technique. Il s’agirait d’une nécessaire refondation pour répondre aux impasses de notre système, restaurer la lisibilité de notre démocratie et redonner toute sa place au Parlement. Ce serait un choix de clarté, de responsabilité et d’efficacité, qui garantirait des institutions fortes et une stabilité politique. Nous ferions un pas décisif vers une France démocratique plus mature, moderne, mieux gouvernée et pleinement à même de relever les défis de son époque. Les démocraties sont mortelles, y compris la patrie des droits de l’homme et de la Révolution française. Pour que rien ne change, il faut que tout change.
Le Point, 16 janvier, article payant
Le grand écart du Parti socialiste
CHRONIQUE. Le PS se veut un parti de gouvernement responsable, détaché de LFI, mais continue de réclamer des mesures coûteuses et de s’aveugler sur les retraites.
Extraits :
Les socialistes n’en finissent pas de ne pas choisir. En réclamant à François Bayrou la suspension de la réforme des retraites, ils espéraient gagner sur les deux tableaux : enterrer la loi Borne tout en s’affranchissant de Jean-Luc Mélenchon. Mais, avec des demandes qui fleuraient encore trop le fumet du NFP, ils se sont condamnés à être déçus. Du coup, ils apparaissent ni vraiment efficaces ni dégagés de l’emprise idéologique des Insoumis.
Malgré les derniers gestes accordés au compte-gouttes par le Premier ministre, les socialistes se sont retrouvés réduits à choisir entre deux maux : renoncer à la censure en subissant les quolibets de leurs partenaires de gauche, le gouvernement n’ayant pas cédé sur l’essentiel, ou joindre leurs voix à celles des autres élus du NFP en effectuant un piteux « retour à la maison ». L’excursion vers la logique du compromis, faute de reposer sur une vraie évolution de fond, débouche sur une conclusion sans gloire.
Comment le PS en est-il arrivé là ? Il s’est sans doute fait un peu balader par le madré béarnais et les mirages des séances avec leur « ami » Éric Lombard. (…) La suspension de la réforme des retraites paraissait acquise. L’argent, magique. Un rêve.
Réveil brutal face aux réalités. Le Premier ministre n’a jamais voulu lâcher sur ce qui menace de creuser encore une dette qu’il dénonce sur tous les tons. L’abandon de la loi Borne sans garantie d’atterrissage sur un équilibre financier était impossible. Déclarer que la borne d’âge de 64 ans n’était plus taboue était déjà une « concession remarquable ». Alors que chacun sait bien que reculer le moment de départ en retraite est le meilleur, voire le seul moyen de rééquilibrer les comptes rapidement.
Pourquoi les socialistes refusent-ils d’admettre cette réalité ? (…) Travailler plus longtemps est la seule solution si on veut éviter d’augmenter les cotisations ou de baisser les pensions. Tous nos voisins européens ont déjà emprunté cette voie.
Le PS croit-il aux miracles ? La France pourrait-elle échapper à l’implacable évolution démographique ? En refusant de reconnaître des données incontournables, les socialistes soit s’aveuglent, soit font semblant de ne pas voir. Dans les deux cas, ils se mettent hors du cercle de la raison. Certes, on comprend leur souci de ne pas décevoir le peuple de gauche, très hostile à l’idée de travailler plus longtemps. Mais, au lieu d’entretenir des illusions, les sociaux-démocrates devraient faire œuvre de pédagogie.
Ils pourraient, par exemple, expliquer que jamais l’espérance de vie en bonne santé n’a été aussi grande. (…) Ce qui laisserait une marge pour profiter de la vie en partant à la retraite à 64 ans. Serait également utile à rappeler l’évolution du ratio actifs/inactifs. Il n’est plus que de 1,7, et même de 1,4 pour le régime général. Cela va continuer à se dégrader. Comment ne pas en tirer une conclusion ?
François Bayrou a appelé le pays à se ressaisir. Les socialistes devraient en faire autant pour leur parti. Tous leurs homologues européens ont fait leur mue sur les retraites. Pourquoi pas les Français ? Quitte à se faire insulter par Jean-Luc Mélenchon, autant aller jusqu’au bout d’une évolution vers plus de réalisme. Et donc s’affranchir vraiment de sa tutelle, autant en actes qu’en pensée.
https://www.lepoint.fr/politique/le-grand-ecart-du-parti-socialiste-16-01-2025-2580079_20.php
Le Figaro, 16 janvier, article payant
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers : «Bayrou et le PS, bienvenue dans la post-réalité»
La France du macronisme épuisé patauge dans la post-réalité.
Extraits :
Qu’avons-nous fait pour mériter une telle épreuve ? La politique française concentrée depuis une semaine sur l’herméneutique de la réforme de la réforme des retraites !
Spectacle irréel d’un pays où les vieux se multiplient et où les enfants sont plus rares, un pays surendetté, mais en proie à deux obsessions maladives : savoir comment travailler moins et taxer plus encore ceux qui s’obstinent à travailler avec ardeur.
Quel lien entre la réalité quotidienne des citoyens – incertitude économique, harcèlement normatif, insécurité galopante, immigration déstabilisante, inquiétude climatique – et les négociations de non-censure entre le premier ministre et le Parti socialiste ? Aucun. Disons-le franchement : hors le personnel politique concerné et le commentariat salarié, ce spectacle a déjà vidé la salle. Comment en serait-il autrement ? Le premier ministre est à la tête d’un groupe de 36 députés, Olivier Faure en compte 66. Son parti a fait moins de 2 % à la dernière élection présidentielle : cette négociation, c’est Bayrou et les Minimoys.
« Mais détacher le socialisme raisonnable des braillards de La France insoumise ne peut être qu’une bonne nouvelle ! », veulent croire les membres du club des indécrottables optimistes. Ils oublient que Raphaël Glucksmann, malgré sa victoire sur LFI aux européennes, a été digéré en vingt-quatre heures par Jean-Luc Mélenchon. Ils ne comprennent pas qu’au prochain scrutin, « contre l’extrême droite », l’alliance électorale du Nouveau Front populaire renaîtra en quelques heures. À gauche, quand reviennent les élections, tous les chemins mènent à Mélenchon.
La France de droite assiste impuissante à ce spectacle. Naïvement, elle pensait que la libération de Boualem Sansal, la lutte contre les influenceurs algériens, la libéralisation du travail, le redressement de l’école, le rétablissement de l’ordre étaient des priorités brûlantes. Mais, pour le centre et la gauche, l’urgence est tout autre : un conclave social pour démantibuler la réforme des retraites. On s’inquiète du basculement de l’Amérique de Trump dans la post-vérité, mais la France du macronisme épuisé patauge déjà dans la post-réalité.
L’Opinion, 15 janvier, article payant
Crise de l’esprit : notre élite politique est-elle nulle ? – par Erwan Le Noan
« Ne sachant souvent à quelle doctrine se référer, les décideurs se forgent une conviction sur le moment, valable pour l’instant »
Extraits :
«Ce qui est certain, c’est qu’en France, tous les chefs de parti que j’ai rencontrés de mon temps m’ont paru à peu près également indignes de commander, les uns par leur défaut de caractère ou de vraies lumières, la plupart par leur défaut de vertus quelconques ». Cette appréciation d’Alexis de Tocqueville dans ses Souvenirs est sévère. André Suarès, qui écrivait que « ceux qui nous gouvernent n’ont pas l’énergie de penser » (1935) ne l’aurait pas contesté. Pas plus, probablement, que beaucoup de Français aujourd’hui, illustrant la persistance d’une critique que la mise en perspective historique affaiblit mais dont, dans le même temps, le renouvellement confirme régulièrement l’actualité.
Il serait tentant d’expliquer cette frustration comme un trait propre au « peuple » démocratique, sans cesse insatisfait, envieux de son aristocratie élective et jalouse, car complice, de la distinction de certains de ses semblables.
Il y a plus : l’insuffisance des élites est probablement consubstantielle à la société moderne. Inscrite dans un mouvement d’extension continue du marché, cette dernière est profondément instable. La « dynamique du capitalisme » (Braudel) est un renouvellement permanent de ses structures, marqué par la « destruction créatrice » (Schumpeter) qui anime la production, et l’accélération de la circulation de l’information, des capitaux, des biens et des hommes. Dès lors, la société s’en retrouve continuellement « en transition ». « De là, écrivait Paul Valéry, cette impression générale d’impuissance et d’incohérence qui domine dans nos esprits, qui les dresse, et les met dans cet état anxieux auquel nous ne pouvons ni nous accoutumer, ni prévoir un terme ». Il n’en ressort toutefois pas qu’il faudrait exonérer notre temps de toute responsabilité. Au contraire, l’effort de compréhension devrait être toujours plus grand et le travail d’explication toujours plus exigeant. Or, les élites politiques pèchent en la matière.
Des discours semblent bien rarement ressortir une analyse du monde – et encore moins un projet pour l’époque. (…) Ne sachant souvent à quelle doctrine se référer, les décideurs se forgent une conviction sur le moment, valable pour l’instant. Règnent le commentaire et l’immédiateté. Domine le premier qui interprète l’incompréhensible, offrant une prime aux tribuns extrémistes qui éclairent la complexité par une culpabilité unique, les riches ou les immigrés.
La France est particulièrement exposée à cette « crise de l’esprit » par le rôle que l’Etat y occupe et le poids que l’administration y a pris. La centralité de l’un et l’omnipotence de l’autre ont réduit la production intellectuelle privée et écarté les entrepreneurs. Aujourd’hui, les graves défaillances de l’action publique, entravée par une lourdeur asphyxiante, en repoussent les talents. L’expertise publique s’atrophie. Le champ des analyses est vide.
Celui des projets, déserté. La voie est ouverte aux populistes. Les conspuer est au mieux une facilité, au pire l’expression d’une panique désemparée. S’il n’y a « pas de défaite pour l’esprit libre » (Zweig), son absence promet la déroute, accentue le déclin. Nous y sommes.
👎 Le Monde, édito, 15 janvier, article payant
« Pour le PS, la jauge du compromis reste la réforme des retraites, sur laquelle il exige un geste “remarquable” »
L’adoption du budget est prioritaire, mais c’est la réforme des retraites, déjà votée, qui domine les discussions autour d’un pacte de non-censure. Avant d’avancer, la gauche a besoin d’obtenir réparation sur un sujet totémique qui symbolise le litige démocratique du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Extraits :
Avant même d’avoir prononcé sa déclaration de politique générale, mardi 14 janvier, François Bayrou sait à quoi s’attendre. Le premier ministre sera d’abord jugé sur le prix de sa concession à la gauche, le terme qu’il utilisera pour qualifier l’avenir qu’il réserve à la réforme des retraites : gel, suspension, renégociation ? Au moment où le pays est désespérément à la recherche d’un budget, pris à la gorge par l’ampleur des déficits et la remontée des taux d’intérêt, il paraît assez iconoclaste de voir que le dernier psychodrame politique ne se joue pas autour du projet de loi de finances pour 2025 qui aurait déjà dû être voté depuis un mois et dont tout commande qu’il le soit rapidement.
Il se noue autour de la retraite à 64 ans, une loi qui a déjà plus d’un an et demi d’âge mais qui est si mal née qu’elle est devenue un objet politique à part entière, le symbole du litige démocratique qui affecte depuis son démarrage le second quinquennat d’Emmanuel Macron. Avant de faire un pas vers le compromis, la gauche a besoin d’obtenir réparation. (…)
A entendre les protagonistes, tout est sur la table ou presque : le nombre de suppressions d’emplois à l’éducation nationale, que la gauche entend voir revu à la baisse, le taux du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus de l’épargne (flat tax), qu’elle souhaite voir relever, et même la fiscalité sur les gros patrimoines, qui faisait jusqu’à présent figure de tabou.
Mais la jauge du compromis reste bel et bien la réforme des retraites, sur laquelle le PS exige un geste « remarquable » pour ne pas être accusé d’avoir trahi son camp. C’est « une question totémique »,a fait valoir Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat. (…)
La voie a beau être étroite, une petite marge de renégociation existe, car personne n’est franchement à l’aise avec la réforme qui a non seulement déclenché une vive contestation sociale, fait l’union syndicale contre elle, mais a mis en évidence, à l’aube du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’incapacité des forces politiques à fonctionner de façon satisfaisante en situation de majorité relative. (…)
La droite s’est reniée en refusant de voter la réforme, alors qu’elle avait défendu pendant toute la campagne présidentielle la retraite à 65 ans ; la gauche s’est radicalisée en contestant bille en tête l’existence d’un déficit et l’idée qu’il fallait travailler plus ; Emmanuel Macron s’est doublement abîmé en recourant au 49.3 pour faire adopter une réforme paramétrique qui était en rupture avec le « deal » initial conclu avec la CFDT de faire advenir, comme un projet de société émancipateur, un système de retraite par points.
Si une renégociation s’ouvre, ce sont les partenaires sociaux qui hériteront du dossier. Les faits sont têtus : en raison de l’évolution démographique, le système des retraites français reste profondément déséquilibré.
François Bayrou, qui se montre aujourd’hui ouvert à la discussion, est le même qui, à la tête du haut-commissariat au plan, avait tiré la sonnette d’alarme fin 2022. Il pointait un déficit masqué, les 30 milliards d’euros de subventions nécessaires chaque année aux caisses qui subissent les effets d’une démographie défavorable, celles de la fonction publique de l’Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics, des régimes spéciaux d’entreprises publiques et du régime des exploitants agricoles. Sera-t-il possible, aujourd’hui mieux qu’hier, de faire émerger un consensus autour de cette réalité ? Quelques mois suffiront à le dire.
The Economist, 11 janvier, article payant
How extremist politics became mainstream in France
Jean-Marie Le Pen paved the way for his daughter, Marine
Extraits :
(…) In two respects in particular, Mr Le Pen was also a precursor for today’s nationalist-populist right. In the 1950s he was first drawn into politics by Pierre Poujade, a proto-populist whose movement represented shopkeepers, tradesmen, artisans and “the little people”. His was the politics of the “downtrodden” against the elite, which finds a wide echo today. As co-founder of the National Front in 1972, Mr Le Pen was also a proponent of “great replacement” thinking, long before it became a fashionable theory for the far right. From his study in the mansion above Paris, filled with nautical memorabilia, it was almost as if he imagined himself to be single-handedly commanding the country’s maritime defences. There, beside brass-mounted binoculars and model frigates, Mr Le Pen once held forth to this columnist about the upcoming “submersion” of France by an “invasion” of “all the miserable populations of the world”. “We lived through German military occupation, but afterwards they left,” he roared at her; “immigrant populations have no intention of leaving.”
Ultimately, Mr Le Pen’s unfiltered approach was too much even for his own daughter, Marine Le Pen, who took over the party in 2011. Four years later she expelled her father, and then changed its name, to the National Rally. It was a seminal political moment, and a brutal, humiliating personal disavowal. Ambition triumphed over affection; rivalry overrode filial duty. All his life, Mr Le Pen thrived on conflict; Ms Le Pen sought to appear respectable. He swaggered about on the untouchable fringes of polite society; she dines coolly at upscale Parisian restaurants. He never really sought political power; she wants to govern France.
The trace that Mr Le Pen left on French politics was noxious and incremental, but not as linear as it appears in some telling—and not all of his own making. The political cynicism of his adversaries also played a part. The lepénisation of French minds, or the spread of his core discourse, began to take hold in the 1980s. But it was François Mitterrand, then the Socialist president, who changed the electoral rules to favour small parties, in an attempt to split the right. In 1986 Mr Le Pen and his group of assorted extremists, nativists and colonial apologists secured a record 35 parliamentary seats, before losing all but one when the rules changed again two years later. Indeed the very toxicity of Mr Le Pen’s extremism served the left, prompting an anti-racism movement that bred a new generation of politicians and helped Mitterrand to win re-election. A serene debate about controlled immigration in France has been difficult ever since.
For Ms Le Pen the moment has never seemed so favourable. The best Mr Le Pen ever managed in his five runs for the presidency was 18% in 2002, when he shocked France by making it into the second round against Jacques Chirac. Twenty years later, in the run-off against the centrist Emmanuel Macron, Ms Le Pen scored 41.5%. The judges may yet keep her from running for office, when they decide on March 31st whether to rule her ineligible in a trial over the misuse of public funds. Barring this, she looks better placed than ever. Mr Macron, who has twice kept her from power at the ballot box, cannot run again at the next presidential election, due in 2027; no clear successor has yet emerged. If he calls fresh parliamentary elections this summer, Ms Le Pen’s party could enter government earlier still.
In the end, Mr Le Pen’s legacy is also hers: the normalisation of anti-immigrant nationalist politics. Mr Le Pen may have belonged to the toxic fringe. But he also laid the foundations for a form of politics which, purged of its extreme imagery and elements, has become mainstream, in France and Europe. Today its champions hold power (Italy, Hungary, Slovakia), or share it, in over half a dozen countries. The lepénisation of minds has spread even to places, such as Germany, once thought immune.
Two decades ago Mr Le Pen’s brand of xenophobic politics was rejected by a majority of French, and European, public opinion. Today Ms Le Pen is one of the most popular politicians in France. Ms Le Pen had to turn on her father to get to where she is today. But she would not be there if he had not come first. ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/0
Le Point, 11 janvier, article payant
Censure : le PS va-t-il se racheter ?
LA CHRONIQUE DE MICHEL RICHARD. Olivier Faure n’a pas que le sort de Bayrou entre ses mains, mais celui du pays, de son budget et de Mélenchon. Qui l’eût cru ?
vExtraits :
(…) Cette nouvelle configuration du NFP sans LFI, si elle advenait, serait de la seule faute de Mélenchon, de son intransigeance et de son obsession présidentielle, proteste un Faure qui ne veut pas porter la casaque d’un social-traître. Ce serait en tout cas le cauchemar de Mélenchon. Sa créature lui échapperait. Son magistère, aussi. À oublier cette nouvelle censure du 16 janvier qu’il pronostiquait ! Compromise surtout cette présidentielle avancée qui le faisait piaffer comme une dernière chance pour lui face à Marine Le Pen.
Le vrai prix du budget, c’est le prix de la stabilité politique ; et le prix de la stabilité politique, c’est le PS se détachant de LFI. Le PS qui détient seul le pouvoir de neutraliser les extrêmes, de les priver de leur pouvoir de nuisance parlementaire. C’était déjà le cas sous Barnier quand la gauche donnait à penser que son gouvernement était aux mains du Rassemblement national alors que c’est le PS, par sa soumission à LFI, qui avait donné ce pouvoir de vie ou de mort à l’extrême droite. C’est encore le cas aujourd’hui. Censure ou pas. Traîtrise par compromission ou retour à la soumission. Suspense.
https://www.lepoint.fr/politique/censure-le-ps-va-t-il-se-racheter-11-01-2025-2579705_20.php
Le Figaro, 27 décembre, article payant
«Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission»
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Malgré un alignement à droite entre la Justice et l’Intérieur qui rejoint une majorité de Français, le gouvernement Bayrou est déjà plus fragile que le précédent, constate le politologue Stéphane Rozès*.
Extraits:
(…) En filigrane, la menace d’une censure ne vise-t-elle pas Emmanuel Macron davantage que François Bayrou ? Tous les regards sont fixés sur 2027, seule échéance à même de résoudre l’impasse politique.
Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission par la situation du pays, les marchés, la classe dirigeante et l’UE. On se dirigera alors vers une présidentielle anticipée avant 2027, avec des élections législatives dans la foulée comme permis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon son ancien secrétaire général, Jean-Eric Schoettl, et nombre de constitutionnalistes. On aurait alors une concordance entre la représentation nationale et le pays. Cette solution permettrait à la France de limiter son affaissement vertigineux.
Car revenons aux fondamentaux. La situation actuelle, issue de la dissolution, découle politiquement du fait que la dernière présidentielle s’est déroulée sous l’empire de la peur : peur de la guerre en Ukraine, peur du Covid. Il n’y eut pas en réalité de contrat entre le peuple et chef de l’Etat réélu, ce qui aurait sans doute abouti pour son camp à une majorité absolue, stable. La déroute de Renaissance aux européennes, puis la dissolution, ne furent que les conséquences en cascade de ce péché originel.
On ne voit guère d’autre option pour sortir de l’ornière que la France redevienne maître de son destin, renoue avec sa souveraineté́. La crise budgétaire dont nous parlions n’est que l’effet d’un empilage de dysfonctionnements. L’ancien patron de la Caisse des Dépôts nommé à Bercy, Eric Lombard, ne pourra faire mieux que d’appliquer les grands choix pris ailleurs.
Le malheur français vient structurellement de ce que depuis trente ans, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils gèrent et communiquent. Les grandes orientations émanent de l’Union européenne, selon une logique contraire à l’imaginaire et à l’intérêt nationaux. Dans notre tradition, les disputes politiques accouchent d’orientations pour lesquelles on met ensuite en place des réformes. Or le sommet de l’État fait l’inverse. Il transpose des politiques et règles économiques qui s’imposent à lui. On ne peut redresser la France sans réorienter dans le même temps l’Union européenne vers une Europe des nations. Les peuples dans la diversité de leurs génies sont depuis toujours les piliers de ce continent et de son rayonnement.
*Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil, analyses et perspectives) et ancien directeur général de l’institut de sondage CSA, enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est l’auteur de Chaos – Essai sur les imaginaires des peuples (Éditions du Cerf, 2023).
Le Point, 24 décembre, article payant
Politique : un conte de Noël qui peut mal finir !
LA CHRONIQUE DE SOPHIE COIGNARD. Difficile de donner de la féerie au récit de la vie politico-économique française. Il existe, pourtant, quelques lueurs d’espoir venues d’ailleurs.
Extraits:
(…) Plus de 3 300 milliards de dette, un déficit surprise de plus de 6 % du PIB, des fermetures d’usines et des défaillances d’entreprises en forte augmentation, et jusqu’alors l’incapacité de l’exécutif à faire voter un budget pour l’année à venir… Pas très joyeux comme Noël !
Cependant, à ce stade, une lueur d’espoir doit illuminer le récit pour ne pas désespérer son public. Ça pourrait être un regard porté sur le Portugal. Ce pays, gouverné jusqu’au printemps dernier par les socialistes, a vu le solde primaire de ses finances publiques passer d’un déficit de 8,5 % du PIB en 2010 à un excédent de plus de 3 % en 2023.
L’année dernière, la dette est repassée sous le seuil des 100 % du PIB, et s’y est maintenue cette année. « La mise en œuvre du PRR (plan pour la reprise et la résilience) ainsi que les baisses d’impôts en faveur des ménages et des entreprises stimuleront la demande intérieure, tandis que des excédents budgétaires persistants ramèneront la dette publique à 89,3 % du PIB en 2026 », estime l’OCDE dans ses dernières « perspectives économiques », publiées il y a quelques jours.
Voilà une histoire inspirante pour les acteurs politiques français qui sont chargés de conduire la politique de la nation ou de représenter le peuple. Si seulement… Si seulement le président de la République cessait de considérer qu’il est encore maître à bord. Si seulement les ingénieurs du chaos mélenchonistes mettaient en sourdine leur stratégie de démolition. Si seulement les socialistes s’émancipaient. Si seulement les membres du « bloc central » cessaient leurs petits caprices. Si seulement le RN renonçait pour quelque temps au chantage.
On peut toujours rêver, mais pas trop quand même… Les contes de Noël ne se terminent pas toujours bien. L’un des plus célèbres, La Petite Fille aux allumettes de Hans Christian Andersen, raconte l’histoire d’une enfant pauvre qui doit vendre des allumettes aux passants dans la rue pour rapporter quelques pièces dans le taudis de ses parents. La veille du Nouvel An, elle n’a rien vendu et renonce à retourner chez elle de peur d’être battue par son père, furieux qu’elle revienne les mains vides.
Elle reste dans le froid et, de désespoir, craque une à une les allumettes, qui provoquent des apparitions réconfortantes : un poêle qui réchauffe, une oie rôtie, un sapin illuminé et, enfin, sa défunte grand-mère, le seul être qui l’ait jamais chérie. Le lendemain matin, des passants la retrouvent morte, le sourire aux lèvres.
😮😕Le Figaro, 24 décembre, article payant
«Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission»
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Malgré un alignement à droite entre la Justice et l’Intérieur qui rejoint une majorité de Français, le gouvernement Bayrou est déjà plus fragile que le précédent, constate le politologue Stéphane Rozès*.
*Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil, analyses et perspectives) et ancien directeur général de l’institut de sondage CSA, enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est l’auteur de Chaos – Essai sur les imaginaires des peuples (Éditions du Cerf, 2023).
Extraits:
(…) Stéphane ROZÈS. – Le gouvernement de François Bayrou s’inscrit dans une situation politique inédite et impossible. Dès que fut connue la physionomie de l’Assemblée nationale en juillet dernier, les analystes avertis savaient la France ingouvernable. La chambre basse résultait d’un «front républicain» anti-RN. Mais sitôt élus, les députés de ce Front ont fait comme s’ils étaient mandataires d’un programme. Les rapports de force aux trois tiers n’ont pas bougé. Le gouvernement Barnier fut censuré parce que son chef n’a pas réussi à trouver le plus petit dénominateur commun sur le budget.
Quant au nouveau gouvernement, il ne bénéficie pas de la mansuétude de l’opinion. Selon un sondage Ifop, 66% des interrogés sont mécontents d’avoir François Bayrou aux manettes. (…)
Le risque de censure n’a en rien été levé par François Bayrou. (…)
L’éternel et inextricable enjeu sera de dégager des recettes tout en réduisant les dépenses. Côté recettes, les classes moyennes et populaires ne peuvent payer davantage d’impôts quand elles ont déjà du mal à boucler les fins de mois. Côté dépenses, les Français ne sont pas prêts à rogner des prestations, notamment en matière de santé, dans un contexte où les services publics sont terriblement affaiblis. Si le gouvernement survit à cette séquence périlleuse, le blocage lui imposera de toute façon une forme d’inactivité législative. Or l’état du pays, pas plus que la conjoncture internationale, n’autorisent la paralysie.
En filigrane, la menace d’une censure ne vise-t-elle pas Emmanuel Macron davantage que François Bayrou ? Tous les regards sont fixés sur 2027, seule échéance à même de résoudre l’impasse politique.
Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission par la situation du pays, les marchés, la classe dirigeante et l’UE. On se dirigera alors vers une présidentielle anticipée avant 2027, avec des élections législatives dans la foulée comme permis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon son ancien secrétaire général, Jean-Eric Schoettl, et nombre de constitutionnalistes. On aurait alors une concordance entre la représentation nationale et le pays. Cette solution permettrait à la France de limiter son affaissement vertigineux. (…)
La crise budgétaire dont nous parlions n’est que l’effet d’un empilage de dysfonctionnements. L’ancien patron de la Caisse des Dépôts nommé à Bercy, Eric Lombard, ne pourra faire mieux que d’appliquer les grands choix pris ailleurs. (…)
Le malheur français vient structurellement de ce que depuis trente ans, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils gèrent et communiquent. Les grandes orientations émanent de l’Union européenne, selon une logique contraire à l’imaginaire et à l’intérêt nationaux. Dans notre tradition, les disputes politiques accouchent d’orientations pour lesquelles on met ensuite en place des réformes. Or le sommet de l’État fait l’inverse. Il transpose des politiques et règles économiques qui s’imposent à lui. On ne peut redresser la France sans réorienter dans le même temps l’Union européenne vers une Europe des nations. Les peuples dans la diversité de leurs génies sont depuis toujours les piliers de ce continent et de son rayonnement.
Le Point, 24 décembre, article payant
Les pires ennemis de François Bayrou ne sont pas où l’on croit
CHRONIQUE. Mélenchon et Le Pen feront tomber le gouvernement dès qu’ils peuvent. Les socialistes sont à deux doigts de faire pareil. Mais les chefs du socle commun sont presque aussi dangereux.
Extraits:
(…) Mais les ennemis se cachent aussi où on les attend le moins. François Bayrou n’a pas embarqué les présidentiables du socle dit commun, notamment Gabriel Attal et Laurent Wauquiez. L’un et l’autre sortent très mécontents du remaniement et se préparent à ruminer leur bûche de Noël. Ils n’étaient déjà pas emballés par la promotion d’un concurrent à Matignon. Mais l’épisode de la composition du gouvernement a achevé de leur donner une indigestion.
Gabriel Attal, qui ne desserre pas les lèvres depuis quelques jours, lui, le grand communicant, est de méchante humeur. Son silence en dit long. Il n’a pas pu peser sur les entrants et les sortants. Sa protégée Anne Genetet a été remplacée – et à quel rang ! – par sa rivale Élisabeth Borne. Autre contrariété, Gérald Darmanin revient en majesté. Il est clairement un de ses concurrents dans la course à la présidentielle. Le gouvernement est dominé par des macronistes, à commencer par Matignon, mais pas par des attalistes.
Idem pour Laurent Wauquiez. Une fois de plus resté au bord de la route d’un changement de gouvernement, il se prive de visibilité. Le nombre des ministres LR a diminué et certains des proches du président de groupe LR ont été éliminés, comme le jeune Alexandre Portier. Surtout, Bruno Retailleau continue de se tailler la part du lion. Certes, il n’y aura pas de grande loi immigration, mais il y en aura plusieurs petites… Sa cote de présidentiable risque de monter. Et Wauquiez de grimacer.
François Bayrou risque donc d’être miné de l’intérieur. Son gouvernement de poids lourds a des pieds d’argile. Le Premier ministre ne compte plus le nombre de ses ennemis. Mais avec des « amis » comme cela, il préférerait sans doute s’en passer et n’avoir à gérer que ses adversaires déclarés.
IREF, 24 décembre, libre accès
Gouvernement Bayrou : le gouvernement Barnier en pire !
Vous avez aimé la composition du gouvernement Barnier ? Vous allez adorer celle du gouvernement Bayrou !
La liste du gouvernement Bayrou a été annoncée le 23 décembre après bien des circonvolutions. La grande nouvelle aura été le retrait au dernier moment de Xavier Bertrand, pressenti pour la Justice, et qui, dans un communiqué acrimonieux et inélégant, a dénoncé la volte-face du Premier ministre et un gouvernement « formé avec l’aval de Marine Le Pen ». Nous n’avons guère pour habitude de saluer le Rassemblement national, mais le fait de ne pas voir le nom d’un antilibéral patenté comme garde des Sceaux ne nous chagrinera pas (même si le représentant de la « droite sociale » qu’est Gérald Darmanin place Vendôme ne nous réjouit pas plus)…
François Bayrou avait annoncé un gouvernement « resserré ». Cela ne se voit pas. Certes, il compte (en tout cas actuellement…) moins de membres que celui de Michel Barnier, mais de peu : 36 contre 41. Il s’agit toujours d’une armée mexicaine avec un nombre considérable de ministres chargés parfois de fonctions improbables (Ville, Egalité et Lutte contre les discriminations, Ruralité…). Mais comme la France est l’État providence le plus dispendieux de l’univers, il faut bien qu’elle comprenne des ministres chargés de toutes les fonctions possibles et imaginables…
C’est aussi un gouvernement qui fleure bon la fin de la IIIe République ou la IVe République :
- avec 4 ministres d’État (dans l’ordre protocolaires Borne, Valls, Darmanin et Retailleau), dont deux anciens Premiers ministres, des anciens socialistes, des centristes de droite, des centristes de gauche, des extrémistes du centre à l’image de François Bayrou, des représentants de la « droite sociale », etc.
- avec également des ministres du précédent gouvernement qui rempilent dans les mêmes fonctions (Sébastien Lecornu aux Armées, Bruno Retailleau à l’Intérieur, Rachida Dati à la Culture, Jean-Noël Barrot à l’Europe et aux Affaires étrangères…) ou qui en changent au bout de quelques semaines seulement, témoignage de leur omniscience (Laurent Saint-Martin par exemple, du Budget au Commerce extérieur).
On notera la stabilité des ministres chargés des fonctions régaliennes (qui devraient être les seules de l’État…), à l’exception de la Justice, c’est-à-dire des ministres en lien direct avec le président de la République.
Et les libéraux, diriez-vous ? Le gouvernement Barnier en comptait au moins deux. Ils ont disparu : Othman Nasrou et surtout Guillaume Kasbarian, ce qui fera bien plaisir aux syndicats de fonctionnaires chargés des grèves et des manifestations…
On peut remercier les extrémistes de droite et de gauche d’avoir fait tomber le gouvernement précédent. Le gouvernement Bayrou, c’est le gouvernement Barnier en pire !
Le Point, 23 décembre, article payant
Quand la politique se fiche des enjeux économiques
L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Gouvernement censuré, budget rejeté, croissance à l’arrêt… En dissolvant l’Assemblée, Emmanuel Macron a consciemment ouvert la porte aux scénarios du pire.
Extraits:
L’année 2024 a apporté une nouvelle confirmation qu’en France la politique l’emporte toujours sur l’économie, avec de tragiques conséquences pour cette dernière. C’est d’abord l’enjeu des élections européennes qui avait poussé Emmanuel Macron, début avril, à rejeter l’idée d’un projet de loi de finances rectificative que réclamait pourtant son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, conscient de l’urgence et de la nécessité d’un tour de vis budgétaire pour stopper la dérive du déficit. Mais le président de la République s’y était opposé, de peur qu’une telle annonce pointe sa responsabilité dans l’envolée de la dette et pèse sur le scrutin. (…)
Et le pire scénario électoral s’est finalement produit, avec un pays devenu ingouvernable, un Premier ministre censuré et un budget rejeté, avec une économie tétanisée où les chefs d’entreprise désorientés n’investissent et n’embauchent plus, et où les consommateurs inquiets ne consomment plus. Les conjoncturistes n’excluent plus, dans ces conditions, une entrée en récession de l’économie française, dont l’origine ne serait pas cette fois imputable à un choc exogène, à un méchant virus venu de Chine, mais à un coup de tête présidentiel. (…)
Ultime preuve de la prééminence des considérations politiques sur les enjeux économiques, la façon dont les « vieux » sont choyés en raison de leur poids électoral, les plus de 65 ans représentant 20 % de la population mais entre 40 % et 55 % des votants, selon les scrutins. La proposition de retarder de six mois l’indexation des retraites avait suscité un tollé général, obligeant le gouvernement à revoir sa copie pour épargner les pensions les plus modestes.
(…) Résultat, le déficit des régimes de retraite devrait dépasser les 10 milliards d’euros en 2025, après 6,5 milliards en 2024 et 2,6 milliards en 2023. Creusant encore une dette que les générations futures auront à rembourser mais qui se trouvent politiquement sacrifiées car n’ayant pas l’âge de voter à la prochaine élection présidentielle.
Entre le coût de la dissolution et celui de la censure, l’addition s’annonce très lourde pour l’économie française et pour les finances publiques, mais il apparaît un peu plus chaque jour, au vu du spectacle pathétique de leurs mariages arrangés et de leurs divorces de complaisance, que c’est bien le cadet des soucis de nos dirigeants politiques.
L’Opinion, édito, 22 décembre, article payant
Bienvenue dans la IVe République
Extraits:
Bienvenue dans les années 1950, au temps de la IVe République, de l’instabilité politique et du « régime des partis », comme le dénonçait le général de Gaulle. Bienvenue dans « la pagaille » (de Gaulle, encore), dans l’improvisation et les marchandages partisans. Bienvenue dans cette époque où, comme aujourd’hui, la crise des finances publiques faisait peser un risque majeur sur l’économie du pays.
A force de rêver de bâtir le futur, François Bayrou est en train de devenir l’homme du passé. Le tout nouveau Premier ministre avait pourtant promis de ne pas se mettre sous la coupe des partis politiques pour arrêter sa feuille de route et former son équipe ministérielle. Il n’avait pas ménagé ses critiques sur la méthode employée par son prédécesseur, Michel Barnier, dans ses négociations avec les parties prenantes à son « socle commun ». Il n’avait pas dissimulé sa certitude qu’il parviendrait, lui, le vieux sage de la vie publique, à former un gouvernement rassemblant large, de la droite à la gauche, comme il le pérore depuis des décennies. Raté, il n’aura pas le Parti socialiste, et Les Républicains hésitent encore. La faute au flou de ses engagements, à l’irrépressible sensation que les ficelles sont un peu grosses. Ainsi de sa promesse de « reprise sans suspension » de la réforme des retraites tout en rouvrant une discussion de plusieurs mois sur son contenu.
Bienvenue dans l’immobilisme, là où toute réforme votée dans la douleur peut être remise en cause. Bienvenue dans la République de Monsieur Queuille, ce président du Conseil au mitan du XXe siècle, qui se rendit célèbre par son inaction dans une France pourtant en danger. « Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre », disait-il. Ça n’avait pas très bien fini.
https://www.lopinion.fr/politique/bienvenue-dans-la-ive-republique
The Economist, 21 décembre, article payant
France’s new prime minister faces a looming mess
François Bayrou has an emergency budget but no government yet
Extraits:
France stumbled into the holiday season with its fourth prime minister this year, no new government and only an emergency rollover budget to get it through the first months of 2025. François Bayrou is a wily veteran, a 73-year-old fellow centrist whom President Emmanuel Macron appointed to form a government on December 13th. He hopes to broaden the coalition formed by Michel Barnier, his conservative predecessor, who was toppled by parliament on December 4th. Even if Mr Bayrou manages to recruit more widely, however, he will struggle to put in place what France really needs: a stable, lasting government that can begin to get its dismal public finances under control.
The circumstances of Mr Bayrou’s appointment were downright bizarre. A tractor-driving part-time farmer from a town at the foot of the Pyrenees, the new prime minister was a centrist decades before Mr Macron transformed centrism into a powerful electoral platform. A three-time presidential candidate, Mr Bayrou stood down in 2017 to allow his junior to carry the centrist banner alone, with astonishing success. Yet their bonds have at times been strained. Mr Macron seems to have had others in mind for the job, including two loyalists, Sébastien Lecornu and Roland Lescure. In the end, says Mr Bayrou’s camp, the older politician forced the president’s hand by threatening to pull out of the centrist alliance, setting up an unconventional power dynamic.
Upon his appointment, Mr Bayrou referred to a “Himalaya” of difficulties ahead, the first being the budget. This was underlined by Moody’s, a ratings agency, which on December 14th downgraded France’s sovereign debt one notch to Aa3. It considers that the country’s public finances “will be substantially weakened over the coming years, because political fragmentation is more likely to impede meaningful fiscal consolidation”. Mr Barnier’s previous budget, which he tried and failed to force through parliament, was designed to curb the budget deficit from over 6% of GDP in 2024 to 5% in 2025. The emergency budget law, passed on December 18th, rolls over current measures, but contains no further effort at fiscal consolidation. Mr Bayrou’s new government will need to start afresh in the new year.
It is unlikely to be any simpler. The parliament remains split into three deadlocked blocs. Fresh elections cannot be called before July 2025. (…)
The hard-right Marine Le Pen, who was pivotal in Mr Barnier’s downfall, has at times sounded warmer towards Mr Bayrou, but now says she is preparing for an early presidential election. Mr Mélenchon has been demanding Mr Macron’s resignation for months. The president retorts that he has no intention of leaving office before the end of his term in 2027. Perhaps Mr Bayrou’s best hope of survival is that, apart from the political extremes, no party has an interest in putting the sort of political pressure on Mr Macron that might, just, bring the presidential vote forward. ■
https://www.economist.com/europe/2024/12/19/frances-new-prime-minister-faces-a-looming-mess
Le Monde, 21 décembre, article payant
François Bayrou face au risque de l’enlisement
Entre la fermeté des socialistes sur le dossier de la réforme des retraites et les revendications de son propre camp, le premier ministre est engagé dans une partie de ping-pong, pour l’instant stérile, avec les formations politiques.
Extraits:
L’opération devait permettre à François Bayrou de trouver une issue pour parvenir à former un gouvernement. Vingt-quatre heures après son « offre publique de participation » faite aux forces politiques, hors Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI), le premier ministre est toujours aussi enlisé.
Alors que le Béarnais espère obtenir un accord de non-censure avec les formations issues de la gauche, le Parti socialiste (PS) a déploré, vendredi 20 décembre, dans une lettre adressée au premier ministre, son « absence de volonté réelle de rompre à ce jour avec ce qui a conduit à l’échec du gouvernement de Michel Barnier ».
Les dirigeants du PS ont certes pris acte que « la question des retraites n’était plus un sujet tabou » pour M. Bayrou. Jeudi, ce dernier avait proposé de rouvrir la discussion sur la réforme, allant jusqu’à remettre en cause l’âge de départ à 64 ans. Mais ce devait être au prix d’une « conférence globale » entre partenaires sociaux et partis et d’un calendrier de « huit à neuf mois ». Un échec de ces pourparlers se solderait alors par la sauvegarde du texte validé après un recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, au printemps 2023. « Nous vous réaffirmons solennellement notre demande de suspension immédiate de la réforme des retraites de 2023 », lui ont répondu les socialistes, qui demandent l’organisation d’un référendum si « aucun consensus ne se dégage » après la tenue d’une « conférence sociale ».
La contre-proposition du PS a déjà reçu une fin de non-recevoir du premier ministre. « Suspendre, c’est acter le principe qu’on laisse creuser le déficit », a répété, vendredi sur Franceinfo, Marc Fesneau, le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, reprenant les arguments de François Bayrou.
Ce ping-pong est d’autant plus stérile que Gabriel Attal, le secrétaire général de Renaissance, n’est pas favorable à rouvrir le dossier des retraites. (…)
Maintenant à Matignon, le président du MoDem essaie de faire des formations politiques la pierre angulaire de son action. Pour se désembourber, il n’écarte pas non plus l’idée de se tourner vers LFI et le RN. « Je trouverai les moyens de les faire participer au travail que nous avons à faire », a-t-il déclaré, jeudi, dans la salle Colbert du 57, rue de Varenne. L’appel du pied est explicité par Matignon. « Est-ce que LFI ou le RN peuvent s’engager sur un pacte de non-censure ?, s’interroge un conseiller de M. Bayrou. C’est à eux de se positionner. »
Cela ne viendra pas des« insoumis ». (…)
Marine Le Pen se montre, elle, toujours aussi conciliante avec le Béarnais. (…)
Désormais, les soutiens de François Bayrou le pressent d’aller au plus vite. « Il doit y arriver avant Noël », insiste la députée (Renaissance) des Yvelines Aurore Bergé. Après des débuts poussifs ponctués de polémiques, chaque jour qui passe sans gouvernement souligne un peu plus l’enlisement du premier ministre.
Le Figaro, 20 décembre, article payant
Jean-Pierre Le Goff: «La déliquescence et l’autodestruction de la politique offrent un spectacle consternant»
GRAND ENTRETIEN – Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, les responsables politiques comme les commentateurs se débattent dans un marasme ne faisant qu’accroître le désarroi des Français.
Voir « Article du Jour » !
*Jean-Pierre Le Goff est sociologue et philosophe. Il est l’auteur de nombreux ouvrages remarqués tels que «Mai 68, l’héritage impossible » (La Découverte, 1998), « La Fin du village. Une histoire française » (Gallimard, 2012), « Malaise dans la démocratie » (Stock, 2016) et « La France d’hier. Récit d’un monde adolescent, des années 1950 à Mai 68 » (Stock, 2018).
Lire l’article intégral: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/19-decembre.pdf
Frankfurter Allgemeine Zeitung, opinion, 18 décembre, article payant
Krise in Frankreich: Die Agonie der Fünften Republik
Die Vierte Republik galt als „Demokratie ohne Volk“. Nach der Parlamentswahl und dem Scheitern des Kabinetts Barnier steht es um das Land nicht viel besser.
Extraits:
Die Zeiten, in denen eine neue Regierung in Frankreich Hoffnungen auf bessere Zeiten weckte, sind vorbei. Der neue Premierminister François Bayrou sitzt auf einem Schleudersitz, solange sich die Mehrheitsverhältnisse in der Nationalversammlung nicht ändern. Eine breit abgestützte Koalitionsregierung ist nach den ersten Gesprächsrunden mit den Fraktionsführungen aller Parteien nicht zu erwarten. Sozialisten und Grüne lehnen eine Regierungsbeteiligung rundweg ab. Die Republikaner zieren sich und schachern um Posten. Von dem „klaren Kurs“ bis 2027, den sich Präsident Emmanuel Macron jüngst in einer Fernsehansprache gewünscht hat, ist nichts zu spüren. Zu „neuen Kompromissen“, wie Macron sie forderte, sind weder Sozialisten noch Grüne oder Kommunisten bereit. (…)
Doch die Machtbasis des 73 Jahre alten Premierministers ist prekär. Seine Fraktion zählt nur 36 Abgeordnete. Anders als Barnier verfügt er im Senat, der zweiten Kammer, nicht über eine Hausmacht. Im besten Fall kann Bayrou einen Nichtangriffspakt mit den gemäßigten Kräften aushandeln. Sie müssten die Regierung dulden und auf ein Misstrauensvotum verzichten. Im Gegenzug verpflichtete sich Bayrou, Verfassungsartikel 49.3 nicht in Anspruch zu nehmen. 49.3 wurde als Instrument zur Disziplinierung der Abgeordneten angelegt und besagt, dass ein Gesetz als angenommen gilt, wenn nicht innerhalb von 24 Stunden ein Misstrauensvotum gegen die Regierung eine absolute Mehrheit findet.
Bayrous Streben nach einer Minimallösung bedeutet, dass Frankreich in Immobilismus verharrt. Für überfällige strukturelle Einsparungen zur Haushaltssanierung fehlt dem Regierungschef wie schon seinem Vorgänger die Mehrheit. (…)
Das Land befindet sich in einer Krise, die inzwischen die Grundfesten der Fünften Republik erschüttert. Solide Staatsfinanzen, politische Stabilität und ein weit in das ehemalige Kolonialreich ausstrahlender Einfluss: So lautete kurz gefasst das Erbe des Republikgründers Charles de Gaulle. Es entbehrt nicht einer gewissen Tragik, dass der erste nach de Gaulles Tod geborene Präsident die letzten Reste der Erbschaft verspielt. (…)
Frankreichs Gewicht als ständiges Mitglied des UN-Sicherheitsrats gründete maßgeblich auf seinen zahlreichen Verflechtungen mit Afrika. Aus diesem „Hinterhof“ wird Paris systematisch vertrieben. (…) Der erzwungene Rückzug der Armee kratzt am Selbstbewusstsein der Nation. Der Abschied von den letzten Überbleibseln des Kolonialreichs fällt umso schwerer, als Frankreich seit einem halben Jahrhundert über seinen Verhältnissen lebt.
Den letzten ausgeglichenen Haushalt hat eine Regierung 1974 verabschiedet. (…)
Frankreich knüpft an ein Kapitel chronischer Instabilität an, das es mit dem „rationalisierten Parlamentarismus“ der Fünften Republik für immer überwunden glaubte. Anders als die Bundesrepublik brauchte Frankreich nach Ende des Zweiten Weltkriegs zwei Anläufe, um sein Regierungssystem neu zu ordnen. Während der Vierten Republik von 1946 bis 1958 waren die Regierungen Spielball der Machtkämpfe der Parteien. Mit dem Wählerwillen hatten die raschen Regierungswechsel damals so wenig zu tun, dass der Politikwissenschaftler Maurice Duverger die Vierte Republik als „Demokratie ohne Volk“ bezeichnete. Die Ähnlichkeiten mit der heutigen Situation sind auffällig.
IREF, 18 décembre, libre accès
Le Tartuffe François Bayrou en faveur du cumul des mandats
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, dit-on. C’est la raison pour laquelle nous comptons les meilleurs hommes politiques, à commencer par notre nouveau Premier ministre.
En effet, la journée du 16 décembre aura été lunaire. Au lieu de rester à Paris compte tenu de son agenda (composition du gouvernement et graves évènements à Mayotte), François Bayrou n’a rien trouvé de mieux que d’assister en tant que Maire, après un vol en jet privé, au conseil municipal de sa ville de Pau et de plaider en faveur du cumul des mandats. Peut-être un manque d’expérience pour cet homme politique professionnel depuis plus de quatre décennies…
Sans remonter trop loin dans le temps (ne soyons pas trop cruels), voici ce que disait notre extrémiste du centre au sujet du cumul des mandats :
le 30 novembre 2012, il se prononçait en faveur d’une « interdiction drastique » du cumul des mandats (Le Figaro, 30 novembre 2012) ;
le 1er juin 2017, en sa qualité de ministre de la Justice (très éphémère), il présentait un projet de loi de « moralisation de la vie politique » qui prévoyait l’interdiction pour un ministre d’exercer en même temps une « grande fonction exécutive locale » (Le Figaro, 1er juin 2017).
Il semble avoir changé d’avis.
Ce qui est amusant, c’est qu’il n’a pas respecté dans son cursus honorum les interdictions qu’il voulait imposer à autrui. Ainsi a-t-il été ministre et président d’un Conseil général durant plus de quatre années sans connaître un quelconque problème métaphysique… A noter d’ailleurs qu’il entendait en 2017 interdire la possibilité d’effectuer un même mandat plus de trois fois consécutivement… ce qui ne l’a pas empêché d’avoir été six fois de suite député entre 1986 et 2012 (Marianne, 14 juin 2017) !
Mais revenons au fond du sujet. Faut-il ou non interdire le cumul des mandats ? En dernier lieu, la loi organique du 14 février 2014 limite assez largement cette possibilité. François Bayrou a cependant fait valoir le 16 décembre dernier qu’il fallait « ré-enraciner les responsables politiques », car il y avait « rupture entre la base de la société française et les milieux de pouvoir ».
Le ministre démissionnaire chargé des Transports (qui parle en orfèvre s’agissant des mandats locaux…) a abondé dans son sens : « Dans un pays unitaire comme le nôtre, on a besoin de responsables nationaux ayant des attaches locales » (Le Monde, 17 décembre 2024). Effectivement, le problème concerne également l’hypercentralisation de notre pays et l’absence de respect du principe de subsidiarité.
Au-delà du fait qu’un parlementaire peut aujourd’hui encore être membre d’un conseil municipal, départemental ou régional, ce que François Bayrou s’est bien gardé de rappeler, nous lui conseillerons, entre deux vols, de s’intéresser à deux points afin que les élus ne soient pas éloignés des électeurs :
Comment faire en sorte que les ministres et les parlementaires ne soient pas des hommes politiques professionnels (comme François Bayrou), souvent dès leur plus jeune âge (comme François Bayrou), et qu’ils ne soient pas ignorants des réalités du secteur privé (comme François Bayrou) ?
Comment faire en sorte que le mode de scrutin n’éloigne pas les élus des électeurs… comme la représentation proportionnelle que François Bayrou prône pourtant de manière inconséquente pour les élections législatives ?
François Bayrou doit avoir peu de confiance envers le caractère pérenne de ses fonctions de Premier ministre pour ne pas avoir abandonné son mandat de Maire de Pau, acquis, il est vrai, aux forceps en 2014 après plusieurs échecs…
Le Point, 18 décembre, article payant
À défaut de budget, des députés proposent une loi fiscale en urgence
Après l’adoption de la loi spéciale sur le budget, Éric Coquerel et Charles de Courson souhaitent que de nouvelles mesures fiscales soient débattues dès le 13 janvier à l’Assemblée nationale.
Extraits:
Ce sera la priorité dès le début de la nouvelle année. L’Assemblée nationale a adopté à la loi spéciale, autorisant notamment l’exécutif à prélever l’impôt en l’absence de budget, ce lundi 16 décembre. Le texte, déposé en réaction à la censure de Michel Barnier, a été approuvé par l’ensemble des 481 députés votants. Les parlementaires Insoumis se sont néanmoins abstenus, déplorant le rejet de leurs amendements pour indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Ces derniers ont été déclarés irrecevables par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Car si cette béquille constitutionnelle permet à l’État d’assurer la continuité des services publics, les députés de l’opposition proposaient notamment d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, afin d’éviter des hausses pour les contribuables l’an prochain. En l’absence d’indexation, « 380 000 nouveaux foyers » pourraient se retrouver imposables l’an prochain, et « un peu plus de 17 millions d’entre eux » subiraient une augmentation de cet impôt, selon le ministre du Budget démissionnaire Laurent Saint-Martin. (…)
Le tir pourrait être corrigé dans le budget 2025, mais celui-ci risque de ne pas intervenir avant plusieurs mois. Fort de ce constat, le rapporteur général du budget Charles de Courson (Liot) et le président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) ont adressé un courrier à François Bayrou pour qu’il prépare un projet de loi fiscale « dans l’intérêt collectif », intégrant des mesures « urgentes » et faisant « consensus ». En effet, faute de budget, nombre de dispositions fiscales ne pourront pas être reconduites au 1er janvier 2025. (…)
Le Figaro, 15 décembre, article payant
Anne de Guigné: «Le cadeau de Moody’s à François Bayrou»
CHRONIQUE – Il est urgent de réformer la sphère publique pour redresser les finances du pays. Moody’s devrait aider le premier ministre à convaincre les parlementaires de cette nécessité.
Voir « Article du Jour » !
Texte intégral : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/15-decembre.pdf
Link : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/anne-de-guigne-le-cadeau-de-moody-s-a-francois-bayrou-20241214
Le Monde, éditorial, 15 décembre, libre accès
Bayrou premier ministre : se ressaisir face au risque du dégagisme
Avec un président de la République en forte perte de légitimité et des députés jusqu’à présent incapables de chercher des compromis, le nouveau chef du gouvernement est soumis aux mêmes pressions que son prédécesseur.
Extraits:
(…) La France a un nouveau premier ministre, le quatrième en moins d’un an, et pourtant rien ne dit à ce stade qu’il durera plus que les autres et réussira mieux qu’eux. « L’homme de la réconciliation »,comme aime à se décrire François Bayrou, celui qui caresse depuis 2007 le rêve de rassembler les réformistes de gauche, du centre et de droite pour « trouver un chemin », va devoir rapidement passer aux travaux pratiques s’il ne veut pas laisser Marine Le Pen maîtresse du jeu. (…)
A peine nommé, l’ancien haut-commissaire au plan a insisté sur l’enjeu de la dette et des déficits, ce qui était une façon de remettre de la gravité sur la scène politique. Le pays est à l’arrêt depuis des mois, avec un président de la République en forte perte de légitimité et des députés jusqu’à présent incapables de redorer le blason du Parlement, faute d’avoir intégré que l’absence de majorité les incitait au compromis.
Cela se paie d’un double affaiblissement, démocratique et économique. Les Français sont inquiets, certains même exaspérés. Il faut d’urgence que le président et la représentation nationale se ressaisissent, que les partis voient plus loin que le bout de leurs intérêts catégoriels et que les mois qui viennent permettent d’avancer. Dans le cas contraire, le dégagisme trouvera encore matière à prospérer.
Le Monde, 15 décembre, article payant
Thomas Piketty : « L’idée selon laquelle il faudrait gouverner le pays en rassemblant tous les partis dits “raisonnables” est une dangereuse illusion »
La démocratie électorale a besoin d’alternances claires et assumées pour fonctionner correctement, prévient l’économiste dans sa chronique, qui invite à sortir de la tripartition et appelle à l’émergence d’une nouvelle bipolarisation de la vie politique.
Extraits:
Disons-le d’emblée : ce n’est pas en inventant une nouvelle coalition du centre que la France sortira de la crise politique actuelle. L’idée selon laquelle il faudrait gouverner le pays en rassemblant tous les partis dits « raisonnables », du centre-gauche au centre-droit, du Parti socialiste aux Républicains (LR), à l’exclusion des « extrêmes » – La France insoumise (LFI) à gauche et le Rassemblement national (RN) à droite –, est une dangereuse illusion, qui ne fera que mener à de nouvelles déceptions et à renforcer les extrêmes en question. (…)
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Dans le contexte français, la question se pose différemment. La gauche reste bien vivante, mais elle a ici aussi perdu le vote populaire des bourgs et des villages, durement frappés par la libéralisation commerciale, la désindustrialisation et l’absence de services publics.
En 1981, elle faisait quasiment le même score parmi toutes les classes populaires, quelle que soit la taille d’agglomération. Au cours des dernières décennies, un fossé territorial d’une ampleur inédite depuis un siècle s’est formé entre les classes populaires urbaines (qui continuent de voter à gauche) et rurales (qui sont passées au RN).
C’est sur cette fracture territoriale que s’est bâtie la tripartition : un bloc central objectivement très favorisé entend gouverner le pays sur la base des divisions entre les classes populaires urbaines et rurales entre les blocs de gauche et de droite (Une histoire du conflit politique, de Julia Cagé et Thomas Piketty, Seuil, 2023). (…)
Pour sortir de la tripartition, le scrutin présidentiel peut jouer un rôle utile : il pousse à se rassembler pour le second tour et peut accélérer l’avènement d’une nouvelle bipolarisation. Mais cela ne suffira pas : nous avons surtout besoin d’un travail de fond au sein des partis politiques et auprès des citoyens qui les soutiennent.
A gauche, les partis doivent apprendre à délibérer et à trancher démocratiquement leurs différends, d’abord par le vote au sein même du Nouveau Front populaire, par ses députés, puis en faisant participer directement les électeurs de gauche. La priorité doit être de répondre aux aspirations des classes populaires de tous les territoires et de rassembler bien au-delà des bases électorales de chacun. En particulier, LFI devra faire preuve d’humilité et accepter un constat simple : son noyau électoral actuel est réel mais minoritaire dans le pays et ne permet guère d’envisager une victoire au second tour.
A droite, il est temps que LR et les fractions les plus droitières du parti macroniste acceptent l’idée qu’ils doivent former une coalition majoritaire avec le RN. C’est déjà ce qu’ils ont fait pour voter la loi « immigration » et bien d’autres textes (comme la loi « antilocataires »).
Il est temps d’assumer ouvertement l’union des droites, faute de quoi cela sera imposé tôt ou tard par les urnes. C’est aussi ce qui contraindra le RN à sortir des postures faciles et à droitiser son discours économique et budgétaire, contribuant ainsi à l’émergence d’une nouvelle bipolarisation.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas sain de laisser LFI et le RN en dehors du système : ils doivent l’un et l’autre assumer leur place au sein de leurs coalitions respectives et affronter l’épreuve difficile du pouvoir. C’est à ce prix que la démocratie sortira de sa crise actuelle.
Thomas Piketty, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris
Le Figaro, 15 décembre, article payant
Quand Houellebecq prophétisait Bayrou à Matignon et, moqueur, le jugeait «irremplaçable»
Dans Soumission, le romancier imaginait que «ce vieux politicien béarnais» était désigné par un président islamiste, élu en 2022 grâce à une alliance improbable des partis traditionnels avec un «Front musulman».
Extraits:
François Bayrou a déjà été le premier ministre… de Michel Houellebecq. Le 7 janvier 2015, l’auteur que beaucoup qualifient de prophète publiait Soumission , roman de politique-fiction dans lequel il imaginait l’islamisation progressive de la France. En 2022, cette dernière aurait amené au pouvoir un dénommé Ben Abbes, issu du parti de «la fraternité musulmane», porté au pouvoir par une coalition entre les partis traditionnels pour empêcher l’ascension du Rassemblement national. Or la condition de ce soutien de l’arc républicain, alliant la gauche, le centre et la droite, était la nomination d’un premier ministre de leurs rangs : François Bayrou.
Faisant étrangement écho à l’effervescence des derniers jours, Michel Houellebecq brossait dans ses pages l’émoi médiatique suscité par une telle alliance inattendue. «L’information éclata, en effet, peu après quatorze heures : l’UMP, l’UDI et le PS s’étaient entendus pour conclure un accord de gouvernement, un “front républicain élargi”, et se ralliaient au candidat de la Fraternité musulmane. (…)
«Tout cela était parfaitement attendu, prévisible ; ce qui l’était moins, c’était le retour de François Bayrou au premier plan de la scène politique. Il avait en effet accepté un ticket avec Mohammed Ben Abbes : celui-ci s’était engagé à le nommer premier ministre s’il sortait victorieux de l’élection présidentielle», poursuit l’écrivain à la page 150 du roman.
Il brosse ensuite un portrait moqueur de notre actuel premier ministre. «Le vieux politicien béarnais, battu dans pratiquement toutes les élections auxquelles il s’était présenté depuis une trentaine d’années, s’employait à cultiver une image de hauteur, avec la complicité de différents magazines ; c’est-à-dire qu’il se faisait régulièrement photographier, appuyé sur un bâton de berger, vêtu d’une pèlerine à la Justin Bridou, dans un paysage mixte de prairies et de champs cultivés, en général dans le Labourd. L’image qu’il cherchait à promouvoir dans ses multiples interviews était celle, gaullienne, de l’homme qui a dit non.»
[Dans un autre extrait], le protagoniste [du roman], François, professeur de littérature française à la Sorbonne et spécialiste du romancier du XIXe siècle Joris-Karl Huysmans, rencontre Alain Tanneur, agent des renseignements généraux prêt à prendre sa retraite. Ce dernier affirme alors : «Ce qui est extraordinaire chez Bayrou, ce qui le rend irremplaçable c’est qu’il est parfaitement stupide, son projet politique s’est toujours limité à son propre désir d’accéder par n’importe quel moyen à la magistrature suprême, comme on dit ; il n’a jamais eu, ni même feint, d’avoir la moindre idée personnelle ; à ce point, c’est tout de même assez rare. Ça en fait l’homme politique idéal pour incarner la notion d’humanisme, d’autant qu’il se prend pour Henri IV , et pour un grand pacificateur du dialogue interreligieux ; il jouit d’ailleurs d’une excellente cote auprès de l’électorat catholique, que sa bêtise rassure».
Hasard de calendrier, le jour même de la parution du livre en 2015, François Bayrou était l’invité politique de Radio France. Il a alors réagi au «trois ou quatre paragraphes» consacrés «à ma modeste personne et qui me décrit comme un nul pour simplifier». «Le sujet dont nous parlons, c’est une opération commerciale soigneusement montée, chapeau Flammarion !», fustigeait-il. «C’est fait pour vendre à partir d’une recette éprouvée qui est : créons un scandale, une polémique, surfons sur les sujets les plus brûlants, les plus agressifs», avait-il dénoncé.
Quelques heures plus tard à peine, un premier parallèle interprété par beaucoup comme prophétique se réalise. Alors que l’écrivain n’avait pas imaginé d’attentat dans Soumission, la rédaction de Charlie Hebdo, qui avait fait sa Une sur Houellebecq grimé en «mage prophète» vieilli et sans dent, était décimée par les frères Kouachi.
The Guardian, 14 décembre, libre accès
From farmer to premier: who is François Bayrou, the new French prime minister?
Tractor-driving ‘son of the soil’ has run for president three times and maintains solid ties to south-west France where he grew up
L’Express, 13 décembre, libre accès
“Revenir sur la réforme des retraites serait irresponsable” : l’appel d’universitaires économistes
Tribune. Le système de retraite actuel est profondément inégalitaire, en plus de ne pas être viable. Il faut non seulement augmenter la durée d’activité, mais aussi instaurer un régime unique et mieux répartir les efforts entre générations.
Extraits:
Comment appauvrir la population tout en exacerbant les inégalités intra et intergénérationnelles ? C’est l’exploit qu’est en passe de réaliser le système de retraite français. Derrière son apparente solidarité intergénérationnelle se cache une réalité plus sombre, où se conjuguent pauvreté et inégalités.
Le système de retraite français repose sur un modèle par répartition, dans lequel les cotisations des actifs financent directement les pensions des retraités. Chaque mois, environ un quart du salaire brut des actifs est prélevé et redistribué aux retraités. Le rendement de ce système, conditionné par son équilibre financier, dépend de la croissance démographique (ratio actifs/retraités) et économique (productivité). Selon une étude récente du Conseil d’orientation des retraites (COR), le rendement réel du système pour les générations partant actuellement à la retraite est inférieur à 1%. À titre de comparaison, une étude de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) indique que les actions ont offert un rendement réel annuel moyen de 10,4% au cours des 40 dernières années. Ainsi, un Français investissant 500 € par mois en boursependant 40 ans aurait pu accumuler un capital de plus de 3 millions d’euros (en euros constants). Au lieu de cela, le système de retraite lui versera moins de 300 000 euros. En obligeant les travailleurs à contribuer à un système peu rentable, la France entretient donc la pauvreté.
Outre son maigre rendement, ce système est aussi un puissant générateur d’inégalités au sein d’une même génération. En effet, si les cadres ont la possibilité de compléter leur retraite en investissant une partie de leurs revenus dans des actifs plus performants, la majeure partie du revenu disponible des ouvriers est prélevée et investie dans un système peu rentable. Par ailleurs, l’existence de régimes spéciaux, souvent plus avantageux que le régime général, accentue ces disparités. Pour certains de ces régimes, les cotisations ne couvrent qu’un tiers des pensions versées ; le reste est financé par des subventions d’équilibre, c’est-à-dire par l’ensemble des contribuables. Bien que certains régimes spéciaux soient appelés à disparaître d’ici 2025, du moins pour les nouveaux entrants, le régime des fonctionnaires – auquel plusieurs auteurs de cette tribune sont affiliés – est maintenu, malgré un déficit de plus de 50 milliards d’euros en 2023, également pris en charge par les contribuables.
Enfin, ce système engendre de profondes inégalités entre générations. Selon le COR, le taux de rendement interne du système, qui dépassait 2 % pour les générations du baby-boom, tombe à moins de 0,5 % pour celles nées après 1980. Cette baisse de rendement s’explique par les nombreuses réformes mises en œuvre depuis 30 ans pour tenter de préserver l’équilibre financier du système. Le niveau de vie moyen des retraités, comparé à celui de l’ensemble de la population, a fortement augmenté entre 1970 et 2015 (+50%), mais est appelé à diminuer pour les générations futures (-20% à horizon 2050). Les baby-boomers vont donc réussir l’exploit d’avoir un niveau de vie relatif plus élevé que celui de leurs parents, mais aussi plus élevé que celui de leurs enfants et leurs petits-enfants.
Depuis 2017, la dette française a augmenté de près de 1 000 milliards d’euros, dont la moitié est imputable aux retraites. En moyenne, les cotisations perçues ne couvrent que deux tiers des prestations versées. Revenir sur la réforme des retraites de 2023, ou celle de 2014, serait irresponsable. Pour assurer la viabilité du système de retraite, rétablir l’équité intergénérationnelle et éviter de léguer une dette insoutenable à nos enfants, il est essentiel : 1) d’allonger la durée d’activité ; 2) d’encourager le développement de la retraite par capitalisation ; 3) d’instaurer un régime unique de retraite ; 4) de mieux répartir l’effort entre les générations. Cela inclut la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % pour frais professionnels dont bénéficient les retraités actuels et le gel des pensions au-delà des six mois actuellement envisagés.
* Julien Albertini, maître de conférences, Université Lumière Lyon 2. Guillaume Bazot, maître de conférences, Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Xavier Fairise, professeur d’économie, Le Mans Université. Arthur Poirier, maître de conférences, Université Paris Dauphine-PSL. Anthony Terriau, professeur d’économie, Le Mans Université.
Le Point, 13 décembre, article payant
La proportionnelle est-elle la solution à la crise politique ?
CHRONIQUE. Emmanuel Macron n’a pas renoncé à son droit de dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale. Pour favoriser la formation de coalitions, il faut la proportionnelle.
Extraits:
History is again on the move, aimait dire le grand historien britannique Arnold Toynbee quand il observait que l’actualité du moment ramenait sur le devant de la scène de grandes figures décisionnaires affrontant des situations exceptionnelles, dignes de celles qu’il avait étudiées en tant que professionnel du passé. (…)
Mais il reste un endroit de la planète où l’histoire semble faire du surplace, ou peut-être régresser et c’est le nôtre… La crise politique provoquée par l’élection d’une Assemblée nationale sans majorité et dans laquelle coexistent trois groupes politiques d’importance comparable (193 NFP, 213 centre + LR et 142 RN avec Ciotti) et où les deux principaux exigent de former le gouvernement et d’exercer le pouvoir bloque toute capacité d’initiative politique. Alors même que notre pays, plongé dans une crise financière dont la gravité empire chaque jour, aurait besoin de décisions audacieuses et rapides, à la fois douloureuses mais comprises et acceptées par la société.
Le déficit de nos finances publiques et de nos budgets sociaux est insoutenable. L’heure est proche où les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels qui nous prêtent chaque année de quoi combler l’écart croissant entre recettes et dépenses vont comprendre que notre État n’est plus capable de rembourser ses dettes. Méfiants, ils exigent déjà des taux d’intérêt élevés. Demain, nous pourrions bien devoir recourir au FMI pour payer les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite. Comme on sait, cette institution ne sort d’affaire les États faillis qu’au prix de sacrifices extrêmement douloureux pour la partie de la population dont les revenus dépendent de l’État et de la redistribution sociale – et c’est le cas de la majorité de notre population.
Or, nous voilà replongés en pleine IVe République, époque de notre histoire politique où le « régime des partis » (disait de Gaulle) faisait écran à la volonté du peuple et privait de continuité l’action publique. (…)
Certes, la proportionnelle est plus démocratique que le scrutin majoritaire : elle n’accorde aucune sorte de prime à la coalition arrivée en tête. Et elle empêche aussi les accords du type « front républicain » qui, entre les deux tours des élections législatives de l’été dernier, ont permis de limiter sévèrement la poussée du Rassemblement national, aujourd’hui en tête des sondages. Mais ce mode de scrutin présente plusieurs défauts majeurs : il ne pousse pas aux rassemblements qui ont permis, jusqu’à tout récemment, de constituer de solides majorités parlementaires ; il livre aux dirigeants des partis et non aux électeurs le choix des candidats ayant des chances d’être élus ; il pousse à la multiplication des formations, à l’effritement opportuniste des partis existant.
Nos institutions étaient destinées à favoriser un système partisan bipolaire, où toute la droite (moins sa frange populiste) affrontait l’union de toute la gauche. Mais ce système avait dépassé sa date de péremption. (…)
On voit mal cependant comment sortir de l’impasse actuelle sans procéder, dès l’été prochain, à une nouvelle clarification. Pour éviter que la répartition des forces aboutisse au même type de blocage, il existe une solution : le rétablissement provisoire de la représentation proportionnelle.
François Mitterrand a usé de ce subterfuge pour tenter d’éviter une victoire trop écrasante de l’opposition de droite en 1986. Le Front national en avait bénéficié alors et l’actuel Rassemblement national demeure favorable à ce mode de scrutin ; il soutiendrait un gouvernement qui s’engagerait à l’instaurer, même à titre provisoire. Le centre, en perte de vitesse, y a intérêt également. Et la proportionnelle aurait pour mérite de mettre les partis politiques dans l’obligation de se convertir à une culture de la négociation et du compromis qui caractérise la vie politique de la majorité de nos voisins européens, comme l’Allemagne, le Danemark ou les Pays-Bas, gouvernés par des coalitions. Elle permettrait, en outre, aux partis de gauche de cesser d’être les otages de LFI pour obtenir un effectif raisonnable de députés.
Neue Zürcher Zeitung, 11 décembre, article payant
Plötzlich Europas grösstes Sorgenkind
Frankreich hat die Widrigkeiten von Pandemie und Ukraine-Krieg gut gemeistert. Doch nun ist das Land innert weniger Monate in eine historische Krise gerutscht. Wie konnte es so weit kommen?
Extraits:
Das Jahr 2024 ist noch nicht zu Ende, aber es ist klar, dass es in der französischen Geschichtsschreibung besondere Erwähnung finden wird. Im Sommer hat das Land die Olympischen Spiele ausgerichtet – ohne Zwischenfälle und vor allem mit einer spektakulären, weltweit beachteten Eröffnungsfeier. In diesem Sommer ist das Land jedoch auch in eine beispiellose politische Krise gerutscht, die ihren vorläufigen Höhepunkt am 4. Dezember erreichte.
Eine Mehrheit der Parlamentarier hat dem Premierminister das Vertrauen entzogen. Das ist in der fünften Republik erst einmal vorgekommen, 1962. Doch damals fanden umgehend Neuwahlen statt, was diesmal aus Verfassungsgründen nicht möglich ist. Nun hat Frankreich keine Regierung mehr und damit auch kein Budget für das kommende Jahr. Das hoch verschuldete Land wird auf absehbare Zeit nicht sparen. (…)
Emmanuel Macron jedoch steht heute, in der Mitte seiner zweiten Amtszeit, vor den Trümmern seines politischen Projekts. Und vor einem Schuldenberg, der mit 3,2 Billionen Euro so hoch ist wie noch nie. Frankreich ist damit plötzlich das grösste Sorgenkind Europas. Wie hat es so weit kommen können?
Seine Gegner zeigen nun alle mit dem Finger auf den Präsidenten. Doch so mächtig seine Position im französischen System ist, trifft Macron nicht die alleinige Schuld an der Misere. Drei Faktoren haben wesentlich zum Scheitern seines politischen Projekts beigetragen.
Erstens: Die starke Links-rechts-Prägung ist nicht verschwunden. Emmanuel Macron startete 2017 ein Experiment: Er versuchte, Frankreichs über Jahrzehnte festgefahrene Links-rechts-Logik zu brechen. (…)
Macron schaffte eine Alternative, nach der sich das Wahlvolk offenbar sehnte. Seine neu gegründete Bewegung En marche erreichte auf Anhieb eine absolute Mehrheit im Parlament. Doch inzwischen ist klar, dass der Präsident und seine Mitstreiter nicht nachhaltig überzeugt haben.
Einerseits liegt das daran, dass En marche (heute Renaissance) nie eine eigene Dynamik entwickelt hat und immer die «Macron-Partei» geblieben ist. (…) Die öffentliche Meinung tendierte schliesslich zu der Meinung, Macron sei ein «Rechter». Vor allem ehemalige Wähler der Sozialisten kehrten ihm den Rücken.
In der vorgezogenen Neuwahl vom vergangenen Sommer gehörte Macrons Partei zu den Verlierern. Zugelegt haben stattdessen sowohl die extrem linke Bewegung von Jean-Luc Mélenchon als auch das rechtsnationale Rassemblement national von Marine Le Pen. (…)
Zweitens: Aus der Krise findet Frankreich immer nur mit Geld. Die Staatsfinanzen waren schon in einem schlechten Zustand, als Emmanuel Macron das Amt von seinem sozialistischen Vorgänger übernommen hat. Frankreichs Staat gibt seit 1975 mehr aus, als er einnimmt, und seit der Finanzkrise 2008 ist die Schuldenquote auf über 100 Prozent der Wirtschaftsleistung gestiegen.
Frankreichs hohe Verschuldung ist ein strukturelles Problem. Die hohe Anspruchshaltung der Bürger an den Staat hat dazu beigetragen, dass die Schulden immer weiter stiegen. Wird es schwierig, muss der Staat die Bürger unter- und beschützen – Reformen bleiben dagegen meist weit hinter den Erwartungen zurück.
Auch konservative Regierungen haben dieser Logik nachgegeben. (…)
Schwer ins Gewicht fielen auch die Massnahmen gegen die finanziellen Auswirkungen der Pandemie und die Kosten des Ukraine-Konflikts. Frankreichs Regierung federte beides mit im europäischen Vergleich grosszügigen Subventionen ab. Bis heute hält etwa der Staat die Strompreise künstlich tief. Die Regierung hat sich damit den sozialen Frieden erkauft – aber zu einem sehr hohen Preis. Erwähnt werden muss auch, dass Macron sein Versprechen, am Staatsapparat zu sparen, nicht eingelöst hat.
Drittens: Die Persönlichkeit des Präsidenten ist Teil des Problems. Ein Präsident der Reichen, ein «Jupiter» oder ein moderner Monarch, der sich gar nicht für die Bevölkerung interessiert: So reden die Menschen in Frankreich über ihren Präsidenten, dessen Popularitätswerte über die Jahre immer schlechter geworden sind. (…)
Emmanuel Macron trägt eine Mitverantwortung an der gegenwärtigen Krise. Aber die Voraussetzungen dafür waren bereits gegeben. Die Gräben in der französischen Gesellschaft haben sich derart vertieft, dass das politische System, so wie es in den vergangenen 55 Jahren funktioniert hat, an seine Grenzen gerät. Wie auch in anderen europäischen Ländern bringen Wahlen keine eindeutigen Mehrheiten mehr hervor. Koalitionen könnten helfen, aber damit hat man in Frankreich bisher keine Erfahrung. (…)
Und so klagen die Französinnen und Franzosen weiter über die hohe Steuerlast, die grassierende Unsicherheit in manchen Quartieren, die Mühe, ihre Rechnungen zu bezahlen, und über das «widerliche» Spektakel, das die Abgeordneten in den vergangenen Monaten in der Nationalversammlung geboten haben.
Die Hoffnungen in Emmanuel Macron waren nicht nur gross, weil Emmanuel Macron viel versprochen hatte. Sein Erfolg vor bald acht Jahren war auch Ausdruck einer Mehrheit der Wählerinnen und Wähler nach einem grundlegenden Wandel. Sie warten bis heute.
https://www.nzz.ch/international/ploetzlich-europas-groesstes-sorgenkind-ld.1861444
Le Figaro, 11 décembre, article payant
Après la motion de censure, le sondage présidentiel choc
EXCLUSIF – Malgré le vote de la motion de censure, si la présidentielle avait lieu demain, Marine Le Pen verrait son score du premier tour progresser encore et l’écart se creuser face à ses adversaires Édouard Philippe ou Gabriel Attal. La gauche serait toujours absente du second tour.
Extraits:
L’étude réalisée par l’Ifop avec Fiducial pour le Figaro Magazine et Sud Radio montre que Marine Le Pen, loin de souffrir d’une déperdition d’une partie de son électorat à la suite de sa décision de voter la censure portée par le NFP, progresse si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu maintenant. « Elle gagne deux points par rapport à la même enquête de septembre, analyse Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. Elle est quasiment au niveau de François Mitterrand en 1974. » Réalisée à chaud, quelques jours après le vote de la motion de censure, cette étude montre la solidité du vote en faveur d’un candidat RN puisque Jordan Bardella lui aussi tient son rang au premier tour. Il n’y a donc aucun effet négatif des réquisitions au procès de Marine Le Pen, et encore moins du vote de la motion de censure ! Au moins au premier tour.
À gauche, Jean-Luc Mélenchon est toujours aussi dominant. Même quand François Hollande est testé, l’ancien président de la République ne progresse pas face à son rival de la France insoumise. Dans ce cas de figure, le total des voix qui se portent sur la gauche atteint péniblement les 26% ! (…) Les droites réalisent un total des voix historiquement très élevé : entre 47% et 53% selon les hypothèses ! Une addition qui n’inclut pas les suffrages qui se portent sur Édouard Philippe.
https://www.lefigaro.fr/politique/apres-la-motion-de-censure-le-sondage-presidentiel-choc-20241211
Le Figaro, 11 décembre, article payant
Bertille Bayart : «Le coût exorbitant d’une majorité de non-censure»
CHRONIQUE – Paradoxe : la censure votée au nom de la rupture va accoucher d’un nouvel «en même temps» budgétaire, autrement dit d’un «quoi qu’il en coûte».
Voir « Article du Jour »
Le Figaro, 10 décembre, article payant
Nouveau gouvernement : Manuel Bompard appelle ses partenaires de gauche à «ne pas céder aux sirènes d’une grande coalition»
Le coordinateur de la France insoumise, qui n’est pas convié à la réunion à l’Élysée cet après-midi, a estimé qu’il n’y avait aucun terrain d’entente possible entre la gauche, les macronistes et LR.
Extraits:
(…) «Comment pouvez-vous imaginer que vous allez constituer un gouvernement commun ?», a-t-il interrogé, soulignant les divergences entre des partis sur des sujets qu’il juge fondamentaux tels que les retraites, l’impôt sur la fortune ou encore l’augmentation du Smic. Craignant l’explosion du Nouveau Front populaire (NFP), Manuel Bompard a appelé ses partenaires de gauche «à ne pas céder aux sirènes et à la tentation d’un gouvernement d’union nationale ou d’une grande coalition». (…)
Le Figaro, 7 décembre, article payant
Loris Chavanette : «Notre crise parlementaire n’a rien de nouveau, c’est pour cela qu’elle est grave»
FIGAROVOX/TRIBUNE – Passée au prisme du temps long de l’histoire depuis la Révolution française, la censure du gouvernement Barnier traduit notre difficulté à articuler les pouvoirs législatif et exécutif, analyse l’historien Loris Chavanette.
Historien, spécialiste de la Révolution française et du Premier Empire, Loris Chavanette a notamment publié Le 14 Juillet de Mirabeau. La revanche du prisonnier (Tallandier, 2023) et La Tentation du désespoir (Plon, 2024).
Voir « Article du Jour : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/7-decembre-2.pdf
Le Point, 6 décembre, article payant
Nicolas Baverez : L’étrange défaite de la France d’Emmanuel Macron
Économie en berne, explosion des faillites, fuite des investisseurs… Le naufrage de notre pays est le fruit de l’inconséquence de la classe politique, entre querelles d’ego et jeux de pouvoir.
Extraits:
La France, à la suite de la dissolution insensée de juin 2024, solde douloureusement quatre décennies de déclin et de refus de s’adapter au monde du XXIe siècle. Le narcissisme et l’inconséquence d’Emmanuel Macron ont transformé un lent décrochage en crise sans précédent depuis la fin de la IVe République.
Pour avoir accumulé et dilapidé 1 000 milliards d’euros de dette publique supplémentaire en sept ans, la portant à 3 300 milliards, soit 113 % du PIB, notre pays est touché par un violent choc financier. L’activité économique est en panne ; les faillites explosent ; le chômage remonte ; les investisseurs se détournent massivement avec désormais pour mantra « tout sauf la France ».
Les institutions de la Ve République que l’on pensait indestructibles sont paralysées et l’État s’abîme dans l’impuissance, situation inconnue depuis la révolution introuvable de Mai 68. Discréditée et marginalisée en Europe, la France accumule les humiliations, avec pour dernier avatar la rupture des accords de défense et le départ de nos soldats du Sénégal et du Tchad, qui actent définitivement une piteuse sortie d’Afrique.
La brutale accélération de la crise prend sa source dans la perte totale de contrôle des finances publiques à partir de 2023, qui s’est amplifiée en 2024, avec un déficit de 6,2 % du PIB au lieu de 4,4 %. Cet écart n’est pas lié à des erreurs de prévision mais à l’occultation volontaire de la situation financière de l’État, dont la synthèse est effectuée chaque semaine, en raison des élections européennes et des Jeux olympiques de Paris.
La raison profonde de la dissolution, précipitée et aberrante, est à chercher dans cette dégradation cachée des comptes publics. (…)
La France affronte aujourd’hui une situation critique, car elle se trouve prise en étau entre un projet de loi de finances dévastateur pour l’économie et une possible absence de budget doublée de la chute du gouvernement, qui pourrait provoquer une panique financière.
ichel Barnier avait hérité d’une mission impossible, qui consistait à reprendre la maîtrise des finances publiques sans bénéficier ni du soutien du président de la République, ni d’une majorité même relative à l’Assemblée, ni du temps nécessaire à l’élaboration d’un budget qui s’appuie sur une stratégie économique crédible.
L’objectif qu’il s’était fixé, lors de son discours de politique générale du 1er octobre, de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025 et 3 % du PIB en 2029, grâce à un effort inédit de 60 milliards d’euros portant en priorité sur des économies, était raisonnable. Il a malheureusement été dévoyé par la technocratie de Bercy puis par le débat parlementaire, qui l’ont transformé en arme de destruction massive de l’économie. (…)
Face à la montée du risque de censure, Michel Barnier avait concédé la non-indexation des retraites à Laurent Wauquiez, la réduction des allègements de charges à Gabriel Attal, la renonciation à la hausse des taxes sur l’électricité à Marine Le Pen. Au total, le choc fiscal sur les entreprises et les ménages aisés est aggravé ; les dépenses poursuivent leur course folle ; le déficit pour 2025 s’établira entre 6 % et 7 % du PIB. (…)
La France risque de se trouver privée de gouvernement et de budget au plus mauvais moment. Alors que l’économie est à l’arrêt, que le chômage remonte avec la multiplication des plans sociaux, que les capitaux, les entrepreneurs et les investisseurs étrangers fuient, la crise financière a démarré, puisque notre pays emprunte à des taux plus élevés que l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Quelques fonds ont déjà commencé à vendre massivement la dette française et à spéculer sur son défaut. Les conséquences sont immédiates sur sa charge, qui dépassera 55 milliards en 2025, soit l’équivalent du budget de la défense. (…)
Compte tenu de la « dimension systémique » de la France, le choc gagne la zone euro avec une divergence inquiétante des primes de risque entre les États membres et le recul de la monnaie unique face au dollar, dopé par l’élection de Donald Trump. (…)
Or la chute de Michel Barnier transformera la crise politique en crise de régime. Contrairement à l’Italie de la coalition des populistes, au Royaume-Uni sous Liz Truss ou à l’Allemagne d’Olaf Scholz, qui pourrait céder le pouvoir à Friedrich Merz, il n’existe pas aujourd’hui d’alternative crédible en France. (…)
Le naufrage de la France n’est pas imputable aux Français, mais à l’irresponsabilité sans limite de la classe politique, qui poursuit ses querelles d’ego et ses jeux de pouvoir en parfaite déconnexion des réalités économique, sociale et géopolitique. (…)
La France d’Emmanuel Macron renoue ainsi avec l’« étrange défaite » des années 1930, dont Marc Bloch fut l’historien et l’analyste : « Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n’était pas, je crois, incapable en lui-même de choisir les voies droites, qu’avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n’est possible ? Rien en vérité. Telle fut, certainement, la grande faiblesse de notre système prétendument démocratique, tel, le pire crime de nos prétendus démocrates. » (…)
Il est encore temps de désarmer la machine infernale de la panique financière, qui implique à terme la mise sous tutelle de la France par le FMI, l’Union européenne et la BCE. Il est encore temps de conjurer la tentation d’une expérience autoritaire. (…)
Mais il faut pour cela casser l’institutionnalisation du mensonge et l’irresponsabilité des dirigeants, qui ont fait basculer les Français dans la colère, les passions collectives et l’irrationalité. (…) Travaillons surtout à un projet de redressement de la France qui passe par le départ d’Emmanuel Macron, par une rupture effective avec le malthusianisme et la démagogie, par le retour au principe de réalité et à une morale de la responsabilité.
Wall Street Journal, Editorial Board, 7 décembre, article payant
The Resurrection of Notre Dame Cathedral
The French welcome the world to the reopening of the great Gothic church.
Extraits:
This weekend the great cathedral of Notre Dame reopens on the Île de la Cité in Paris. The reopening comes little more than five years after a devastating fire. At the time, the promise to rebuild Notre Dame in five years must have seemed impossible to millions who watched in horror as its famed spire collapsed from the heat.
President Emmanuel Macron deserves credit for this achievement. In the immediate aftermath of the destruction, all sorts of bizarre plans were pitched, including one that called for a swimming pool on the roof and another for a glass spire.
But the people of France made clear they wanted their beloved Notre Dame back “à l’identique”—exactly how it was—and in the end Mr. Macron wisely obliged. With political frustration running hot in Paris amid the ouster of a Prime Minister this week, the French public deserves the boost to national pride that the reopening will provide. (…)
Notre Dame’s reopening begins Saturday, with the first Mass scheduled for Sunday. It speaks to continuity: A cathedral whose construction began in 1163, centuries later, still serves its original purpose of worshipping God. To believers and nonbelievers alike, that itself might seem a miracle.
Eurotopics, 6 décembre, article payant
Where does France stand after government collapse?
Extraits:
Neue Zürcher Zeitung (CH) / 05 December 2024
Time for a technocratic government
In view of the prevailing majority situation, the Neue Zürcher Zeitung considers a non-partisan cabinet to be the best solution:
“A head of government and a cabinet whose members are not party-affiliated or are at least respected beyond party boundaries. What has already been done several times in Italy would be an experiment for France. But right now it seems to be the best solution. After all, the last few months have shown that the dominant parties in the National Assembly are not prepared to come together and reach a compromise in the interests of the country – not even when it comes to something as fundamental as a budget. A technocratic government could provide stability for a while because it represents a consensus, albeit a small one.”
Dnevnik (SI) / 06 December 2024
Le Pen is taking a big risk
Dnevnik examines Marine Le Pen’s role of in the collapse of the French government:
“Le Pen is said to have decided to bring down Barnier’s government because she hopes that the resulting political destabilisation will prompt Macron to resign, paving the way for her to win the early presidential election. In other words, before 31 March, when she could be banned by a court from holding public office for using money intended to pay the salaries of her MEPs’ assistants to finance her party in France. However, Le Pen could become the main culprit in the worsening financial and economic crisis, which is being exacerbated by the political crisis and the vote of no confidence against the government.”
Le Figaro (FR) / 05 December 2024
The French must revolutionise themselves
Macron’s resignation won’t solve the crisis, explains Jean-Eric Schoettl, former secretary general of the French Constitutional Council, in Le Figaro:
“We are witnessing the breakdown of the belief system that gave our political life a bipolar structure. This had many repercussions in elections: the impossibility of finding majorities, more votes against than in favour. If the political crisis is coupled with an institutional crisis, it is not because the institutions are failing but because they are struggling to keep up with the multipolarisation of opinion. … How do we get out of this? Not through institutional tricks such as the resignation of the president, proportional representation or participatory democracy, but through a revolution in each and every one of us: rediscovering a sense of belonging to the nation; placing the general interest above our quarrels.”
De Telegraaf (NL) / 06 December 2024
Reduce the debt now
De Telegraaf urges France to solve its budget problems:
“The interests of the Eurozone are at stake here. If France becomes the new Greece, the economic catastrophe cannot be overlooked. … French politics will need time to break the deadlock. But the message from Brussels will have to be consistent. The government has collapsed over the budget, but the country cannot avoid the task of putting its finances in order. … Our monetary union is only credible if all countries honour the agreements.”
Wall Street Journal, 6 décembre, article payant
French Government’s Collapse Lands Macron in a Minefield
Calls for French president to step down come from left and right
Extraits:
PARIS—The collapse of France’s government is amplifying questions about whether the country’s divisive and at times impetuous leader, President Emmanuel Macron, is suited to resolve the country’s political crisis.
The critique from lawmakers—many of whom voted to oust Michel Barnier as prime minister in a no-confidence vote on Wednesday—is rooted in the idea that the current crisis is largely of Macron’s own making. It was Macron who opportunistically called snap parliamentary elections last summer, only to see France saddled with a hung National Assembly that is now struggling to pass a 2025 budget and stave off a panic among investors.
The calls for Macron’s resignation are mainly coming from the furthest ends of the political spectrum, but they are likely to grow louder the longer Macron takes to bring an end to the crisis.
Macron delivered a national TV address on Thursday that charted a course forward. (…) The president also sought to silence any chatter on a matter once considered unquestionable: his willingness to remain in office. (…)
Investors are jittery. French stocks have fallen sharply in recent weeks and the premium investors demand to hold the government’s long-term debt has risen to its highest level since the eurozone debt crisis of 2012. On Thursday, France’s borrowing rate briefly eclipsed that of Greece. (…)
“There is a strong possibility that a prime minister appointed this week will last an even shorter time than Barnier,” said Mujtaba Rahman, managing director for Europe for the Eurasia Group consulting firm. (…)
A fresh presidential election wouldn’t necessarily help solve the current political crisis. A new president wouldn’t be able to call for new parliamentary elections until July under French law that only allows a dissolution of parliament once every 12 months, said Dominique Rousseau, a professor of constitutional law at the Panthéon-Sorbonne University in Paris. A newly elected leader would still have to wrangle a National Assembly divided between Macron pro-business allies, Le Pen’s ranks and the New Popular Front.
“The political impasse we’re in doesn’t hinge on Emmanuel Macron,” said Rousseau. (…)
Le Figaro, 6 décembre, article payant
Édouard Tétreau : «Et si la France, exsangue, avait tout intérêt à s’inspirer des méthodes d’Elon Musk?»
TRIBUNE – Le nouveau codirecteur du département de l’Efficacité gouvernementale a promis de réduire le budget fédéral américain de 2000 milliards de dollars. S’il n’est pas sûr qu’il y parvienne, il est en revanche certain que la France, dont l’État est à la dérive, a besoin d’un électrochoc similaire, pointe l’essayiste.
Dernier ouvrage paru : Les États généraux en 2022 (Éditions de L’Observatoire, 2020).
Extraits:
In Musk we trust ? Alors que la France démarre une crise politique majeure, par la seule responsabilité du président de la République et sa dissolution imbécile, l’Amérique de Donald Trump propose, sinon un exemple, en tout cas un chemin possible. Celui que va emprunter Elon Musk, nommé codirecteur du DOGE – le département de l’Efficacité gouvernementale. Mission Impossible 9 : réduire le budget fédéral de 2000 milliards de dollars (sur 7000 milliards). Moins 29 % d’ici au 4 juillet 2026, pour les 250 ans de l’indépendance américaine. « Ce sera plus facile d’aller sur Mars », ironisait Mick Mulvaney, l’ancien directeur de cabinet de Donald Trump.
Dans une longue tribune au Wall Street Journal la semaine dernière, Musk présente les principes de son action massive à venir (…). L’exposé est étrangement familier pour un lecteur français en 2024. Il commence par fustiger la prise en otage de la démocratie américaine par une cohorte de fonctionnaires non élus s’attribuant des pouvoirs effectifs très au-delà de ce que leur confient la loi et le Parlement – et totalement antagonistes avec l’esprit et la lettre de la Constitution américaine. « The Land of the Free », le pays des hommes libres, serait devenu le pays de l’asservissement à un monstre bureaucratique. Aux armes, citoyens. Les coupes proposées par Elon Musk et le codirecteur du DOGE, Vivek Ramaswamy, se feront par décrets. (…) On peut prendre au sérieux les recommandations d’un homme qui a licencié 80 % des effectifs de Twitter après avoir racheté l’entreprise 44 milliards de dollars. (…)
Vue de Paris, cette liste peut faire rire les uns, effrayer les autres. Ou nous inspirer. Si l’Amérique de Trump se sent contrainte par des normes pléthoriques qui étouffent le pays, une administration pantagruélique qui a pris le pouvoir au peuple et aux élus, alors que sa dépense publique représente à peine un quart de son PIB, que dire de notre asphyxie, avec une dépense publique représentant plus du double (58 % de notre PIB) ? Une armée de fonctionnaires d’État aussi nombreuse que les fonctionnaires fédéraux aux États-Unis (plus de 2,5 millions), pour une population cinq fois plus petite ? (…) Une machine à fabriquer de la dépense publique, devenue totalement folle et hors de tout contrôle : l’indépassable erreur de calcul à 40 milliards (!) pour le budget 2024 en est la preuve. Elle révèle un État que plus rien ni personne ne dirige ou ne contrôle, à l’Élysée, à Matignon, à Bercy ou au Parlement.
S’il n’est pas sûr que Musk réussisse aux États-Unis, il est en revanche certain que nous avons besoin en France d’un électrochoc similaire, mais à la française. (…)
L’affaire n’est pas sans risque, et ne se fera pas sans douleur : le code civil est venu après la Révolution, et la Constitution de la Ve République après une crise de régime. La période que nous vivons, avec un président chaque jour plus incapable de présider (…) et un Parlement sans majorité pour légiférer, annonce peut-être une « tempête » financière, économique et sociale. Mais très certainement des changements radicaux, et vitaux, pour la nation. Il s’agira alors, à l’image de l’Amérique, de choisir le risque de la vie, de la liberté. Choisir le risque de la démocratie, et donc celui de l’échec ou du succès, plutôt que la certitude de la mort lente par asphyxie. « Il faut accepter de tout perdre. Sinon, quoi ? Le risque non plus ne se divise pas. » Ce n’est pas du Elon Musk, mais du de Gaulle (Mémoires de guerre).
The Economist, 6 décembre, article payant
Barnier’s exit : Emmanuel Macron loses another prime minister
Michel Barnier’s fall accelerates the unravelling of the French centre
Extraits:
Emmanuel Macron, France’s president, had barely landed from Saudi Arabia when he lost another prime minister, his third this year. In a no-confidence vote on December 4th, an unholy alliance of the left and Marine Le Pen’s hard-right National Rally (RN) brought down Michel Barnier, a conservative with whom Mr Macron has shared power since September, by a total of 331 deputies, 43 more than was needed. The vote followed Mr Barnier’s use of a special provision to force his budget through parliament. It marks the first time deputies have toppled a government since 1962. With Mr Barnier, the budget falls too, plunging France into yet more political instability. Mr Macron’s great centrist project is unravelling fast. (…)
Mr Macron seems to want to appoint a successor swiftly. A new team, or the old one, could use special measures to roll over this year’s budget provisions, without inflation adjustments, into 2025. Various veteran centrists or conservatives could be stop-gap options. Some centrists are pushing the president to name a figure from the moderate left, in an attempt to split the left-wing alliance. Whoever takes over, however, the underlying problem remains: a deadlocked lower house split into three blocs and a chronic inability to forge cross-party compromise. (…)
It is all a long way from the great hope the Macronist centre once represented. When Americans first put Donald Trump in the White House, Mr Macron was transforming soggy centrism into a powerful pro-European post-partisan platform. Twice he kept Ms Le Pen from the presidency. Borrowing ideas from left and right, Mr Macron built the centre into a force for consensus and stable government.
Thread by thread, this achievement is unravelling. (…)
The unravelling, or détricotage, of Mr Macron’s power at home has been abrupt. The president still runs defence and foreign affairs. But under Mr Barnier domestic policymaking swung firmly to the prime minister. (…)
Power-sharing has had two other consequences. First, it reinforced Mr Macron’s isolation. (…)
Second, it rearmed parliament, creating a “triangular power relationship”, notes Roland Lescure, a centrist deputy and ex-minister. The prime minister’s ousting is the starkest evidence yet of parliament’s new clout, and Ms Le Pen the greatest beneficiary, although she may hesitate before trying it again. (…)
In shorter supply are ideas. Mr Macron’s central insight was that on big issues—Europe, climate change, technology—moderates from left and right are closer to each other than to their sides’ extremes. A post-partisan movement, he argued, could forge a different majority and “unblock” France. Once in office, however, Mr Macron bequeathed less a party than a “residual fan club”, says an insider. Now in charge, Mr Attal “understands that he needs to build an army, not just operate a small commando”, says a fellow deputy. But he inherits few activists or members. The party neither produces serious policy papers nor organises many conferences or debates. It is not too late to “renew its software”, argues Clément Beaune, a former minister and senior party figure. But individual ambitions and structural weakness will make collective work difficult. (…)
Mr Trump’s re-election underlines a third condition: the need to understand and respect those who vote for populists. The complex policy trade-offs that shape centrist politics do not lend themselves to simple messages. Nor, as Mr Macron has learned, is it enough to create more jobs, lure investors or keep inflation low if people do not feel you are fighting for them.
Post-partisan centrism may survive. “It remains 100% pertinent,” argues Mr Le Maire: “The left-right divide is totally inefficient in dealing with the big challenges of our day.” Or it could turn out to be a parenthesis, replaced by the party system it overthrew, or far worse. This week’s drama is a sobering reminder of the centre’s fragility and its eroding capacity to bring about the stability that France needs. ■
https://www.economist.com/europe/2024/12/04/emmanuel-macron-loses-another-prime-minister
Le Point, Opinion, 6 décembre, article payant
PS : le guet-apens de la motion de censure
LE QUARTIER LIBRE DE SERGE RAFFY. Quoi qu’ils disent, les dirigeants socialistes sont désormais associés à Marine Le Pen par leur vote commun sur la censure du gouvernement Barnier. Une marque indélébile ?
Extraits:
Ils n’ont donc pas tremblé. Ils ont appuyé sur le bouton comme un seul homme. Ils ont participé au délitement des institutions de la Ve République. En jouant les fiers-à-bras, prêts à toutes les concertations dans le cadre du Front républicain, déjà obsolète, en prenant le ton d’imprécateurs populistes, revendiquant la suprématie de l’Assemblée nationale sur l’exécutif, tel Boris Vallaud, leur tribun de circonstance.
Les députés socialistes ont donc plongé le parti de Léon Blum, de François Mitterrand et de Michel Rocard dans le choix vertigineux de se lier historiquement à un vote du Rassemblement national, parti qu’ils honnissaient pourtant jusqu’à la nausée. Ils pourront chercher toutes les explications à leur vote, ils seront, pour toujours, objectivement liés à Marine Le Pen par cette motion de censure sur le projet de budget de la Sécurité sociale.
Ce n’est, bien sûr, pas une alliance, ni même un mariage forcé, mais un fait, un simple constat. Ils ont laissé leurs noms au bas d’un parchemin, avec l’ennemi juré. (…)
La tartufferie est tellement énorme qu’elle a tout de même bien du mal à passer. Curieusement, ce saut dans l’inconnu ne dérange pas les 66 députés PS outre-mesure. À l’exception de l’élue de Lozère Sophie Pantel, seule à se lever contre tous, telle Jeanne d’Arc, la seule à évoquer l’intérêt supérieur du pays, il n’y a donc pas eu le sursaut de dernière minute que beaucoup attendaient de la part des représentants français de la social-démocratie.
Pour sauver les meubles et se donner bonne conscience, ils évoquent aujourd’hui la signature d’un pacte de non-censure à l’Assemblée nationale avec le prochain gouvernement, au cas où Emmanuel Macron appellerait l’un d’eux à Matignon. Autre tartufferie. Que deviendrait, en effet, la coalition du Nouveau Front populaire dans cette hypothèse, sachant que Jean-Luc Mélenchon veut en finir avec ce tunnel de cohabitation en toc, provoquer une forme d’insurrection à la mode bolchevique dans une France sans tête, et avant tout de faire tomber Emmanuel Macron au plus vite ?
Autre point pas vraiment clarifié : le PS se sortirait-il enfin des griffes du mouvement mélenchoniste, pour reprendre sa liberté de manœuvre ? Interrogés sur toutes les antennes, les malheureux dirigeants socialistes bottent en touche, procrastinent piteusement, n’assumant pas les critiques qu’ils profèrent à voix basse contre les Insoumis. Qu’attendent-ils pour sortir de la nasse dans laquelle ils se sont englués ?
Quoi qu’ils fassent désormais, il leur faudra assumer leur choix, celui de ce mercredi 4 décembre 2024, où ils ont joué avec le feu, en s’associant au couple Mélenchon-Le Pen. Pour les livres d’histoire, ils seront associés aux 87 députés SFIO qui ont voté, en 1940, les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Contre Léon Blum et une poignée de ses proches. L’Histoire est souvent impitoyable, mais il n’est jamais inutile de ne jamais l’oublier.
Wall Street Journal, Editorial, 6 décembre, article payant
Marine Le Pen to the Markets: Drop Dead
The right-wing leader brings down the French government.
Extraits:
Who’s afraid of Marine Le Pen? Everyone in the European establishment, after her National Rally party on Wednesday toppled the French government. She took down the Prime Minister of the European Union’s second-largest economy with the help of the French left.
The context is France’s economic fever, which has now deteriorated into political delirium. Financial markets are worried about France’s fiscal woes after its projected deficit for 2024 came in at 6.1% of GDP, more than double the eurozone’s maximum standard. (…)
Blame President Emmanuel Macron for bringing this mess on himself and France. (…)
Delulu, as the kids say. (After snap elections this summer) Mr. Barnier had to manage a parliament split among three factions. National Rally and the leftists have only three things in common: animus for Mr. Macron, loathing for each other, and a refusal to cut French social spending.
The good news for markets is that parliament can provisionally extend revenues and expenditures on the lines of the last budget. (…)
Neither National Rally nor the leftist New Popular Front has an idea for reviving France’s lethargic economy. Generous unemployment benefits encourage too many work-capable French to remain jobless. About half of French businesses face a heavy regulatory burden, compared to a third of their counterparts elsewhere in the eurozone, the European Commission reported this year.
The French political stasis will continue until a financial crisis breaks out or the voters give one party a clear mandate. Ms. Le Pen might consult Prime Minister Kyriakos Mitsotakis about how he revived Greece. Then she might be able to put a government together rather than merely take it down.
The Economist, Leader, 5 décembre, article payant
Into the unknown : France’s parliament fires the prime minister
The country now has no budget and no government
Extraits:
ON DECEMBER 7th, 50 heads of state and government will take their places to celebrate the reopening of Notre Dame, Paris’s 12th-century Gothic cathedral, gutted by fire five years ago but now restored with astonishing speed and loving skill. Donald Trump will be there (Joe Biden, only the second Catholic president of America, sadly will not) to witness France at its best. It has pulled off, on time and to budget, a feat of craftsmanship and renewal that surely no other country could have managed.
Yet that same magnificent France is also mired in a deep political crisis. The government was sacked by parliament on December 4th. Its prime minister, Michel Barnier, had tried to force through his budget for 2025 two days earlier, but met the brutal reality of life without a majority and became the shortest-serving prime minister of the Fifth Republic. In a grubby political compact Marine Le Pen, boss of the hard-right National Rally (RN) party, joined forces with a left-wing alliance dominated by a former Trotskyite, Jean-Luc Mélenchon, to squeeze the life out of France’s centrists.
France’s plight holds lessons. The country’s traditional parties of centre-left and centre-right have fragmented. In its recent presidential elections, half of voters have opted for extremists in the first round. President after president has failed to get the budget under control. An ageing population and growing threats to national security mean that the fiscal burden will grow. The country’s crass and obstructive political discourse only accelerates the drift to the extremes—and thereby makes solutions harder. In one way or another, much of Europe is caught in the same wretched trap.
The result, in France at least, is gridlock. (…)
The underlying problem is that most French voters are unwilling to face economic reality. Like other ageing European countries facing competition from America and Asia, France is spending unsustainably. This year its budget deficit is forecast to exceed 6% of GDP. Mr Barnier, at Mr Macron’s behest, was trying to fix that. His package of €40bn ($42bn) in spending cuts and €20bn in tax rises would have brought the shortfall down, though only by a percentage point or so. Even that was too much for the irresponsible right and left, which would rather chase power by fanning popular discontent.
It is hard to see how this can be resolved. Until voters rediscover the merits of frugality, they will go on voting for the fantasies peddled by the extremes. Sensible, ie painful, budgets will not be passed. Economic growth would make all that easier, but France is growing by barely 1% a year—not too bad for the euro zone, but not nearly enough to make a dent in the budgetary problem. France’s debt stock is an alarming 110% of GDP. Northern Europeans used to mock the PIGS—Portugal, Italy, Greece and Spain—for their profligate ways. France has now turned porcine, while the PIGS have largely reformed.
So far, the financial markets have remained calm. (…)
Across the continent the demands on government spending are increasing. Defence is a good example. France, like Germany, only just meets the target set in 2014 of 2% of GDP to be spent on defence, and that is plainly not enough in a world where Vladimir Putin menaces his neighbours. At the same time, Mr Trump rightly complains that European members of nato are free riders on American defence spending. Either because Mr Trump demands it or because he starts to withdraw from NATO, European countries will need to find a lot more money to spend on security.
Unfortunately, Europe’s governing politicians are unable to generate a consensus on how to pay for existing and future spending. (…)
In the past, voters’ discontent would have led to a healthy change of government. However, France is also a stark warning of where the politics of disappointment leads today. When voters have tired of centrist coalitions or weak minority governments, the only other choice before them is the political extremes. There is a real possibility of an RN-led government in France next year, or even a Le Pen presidency in 2027 when the next election must be called. If Mr Macron stuns France by deciding that his presidency has become so unbearable that he resigns, it might come even sooner. ■
https://www.economist.com/leaders/2024/12/04/frances-parliament-fires-the-prime-minister
😮 Le Monde, éditorial, 5 décembre, article payant
Censure du gouvernement : le risque d’une crise institutionnelle
L’échec du gouvernement Barnier reflète la difficulté de la France à basculer dans une culture de compromis. D’ici au mois de juin 2025, date à laquelle s’ouvrira la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, deux dangers sont à conjurer : le blocage, conjugué à l’emprise croissante de l’extrême droite.
Extraits:
Décidée lundi 2 décembre par Marine Le Pen, acquise deux jours plus tard à une confortable majorité de 331 voix, la chute du gouvernement Barnier est un nouveau symptôme de la profonde crise que traverse le pays. En choisissant, sans la moindre vergogne, de mêler ses voix à celles de la gauche en réaction au déclenchement de l’article 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la cheffe du groupe parlementaire Rassemblement national (RN) a démontré qu’elle avait pouvoir de vie et de mort sur un gouvernement qui avait été laborieusement constitué à peine trois mois plus tôt pour tenter de remettre de l’ordre dans les comptes publics. (…)
L’échec du gouvernement Barnier reflète la difficulté du pays à basculer dans une culture de compromis, alors que l’Assemblée nationale est figée dans ses équilibres actuels au moins jusqu’en juin, date à laquelle s’ouvrira la possibilité d’une nouvelle dissolution. D’ici là, deux dangers sont à conjurer : le blocage, conjugué à l’emprise croissante de l’extrême droite.
La facilité avec laquelle Marine Le Pen a eu raison du « socle commun » composé de partis rivaux et mal arrimés, Les Républicains (LR) d’un côté, l’archipel du centre de l’autre, est la démonstration implacable que tant que la gauche, dans sa totalité, se situera ou sera maintenue dans l’opposition, le RN sera assuré de mener la danse. (…)
Une coalition n’a de chance de tenir que si un accord préalable entre les parties est conclu. Plus elles sont nombreuses, plus s’accorder est délicat. Cela demanderait du temps alors que le pays n’a plus le luxe d’attendre. A gauche, au centre, à droite, chacun est mis au pied du mur, sans possibilité de défausse.
Eurotopics, 5 décembre, libre accès
The government in France has been ousted.
The right-wing populist Rassemblement National (RN) voted in favour of a motion of no confidence tabled by the left-wing opposition parties, securing a majority of MPs against the government of Prime Minister Michel Barnier. Commentators discuss what comes next for France and President Emmanuel Macron.
Wall Street Journal, Guest Essay, 5 décembre, article payant
Emmanuel Macron’s Wager Pays Off for Marine Le Pen
The government’s collapse leaves the right-wing populist with her best shot at the French presidency.
Extraits:
Michel Barnier gained the ignominious title Wednesday of the shortest-serving prime minister in the history of France’s Fifth Republic. Yet he may be breathing a sigh of relief. It’s President Emmanuel Macron who is really on the ropes. The government’s collapse is largely his doing, and the resulting chaos leaves a pressing question only he can answer: Will the president finish out his full, final term through 2027?
Mr. Macron was elected in 2017 as a youthful, optimistic insurgent who upended the longstanding French duopoly of Socialists and center-right Republicans. Time and again he has shattered the high hopes surrounding his presidency, culminating this week in the first time a French government has lost a no-confidence vote in over six decades.
This political mess originated in the huge, failed gamble Mr. Macron made in June, when he dissolved Parliament much earlier than the law required. He bet voters would back his centrist coalition. (…)
This immediate line of causation shows that France’s crisis is primarily political, not economic. To be sure, the country’s economic outlook is ugly too. (…) ut the current chaos has more to do with the political weakness of Mr. Macron. The trigger for Mr. Barnier’s removal was his budget proposals to try to reduce France’s huge fiscal deficit, which has grown under Mr. Macron’s presidency despite first-term reforms. Attempts to address this, however, have met with huge political opposition from the left and far right. (…)
But that doesn’t make Paris’s problems easy to resolve. No immediate solution presents itself. (…)
This is perhaps the worst time for France to have a meltdown. The European Union will face one of its most challenging years in 2025, not least because of the possibility of new trade conflict with Donald Trump. But its two largest economies, France and Germany, are likely too consumed with political infighting to be much help. It’s not so unusual for either Berlin or Paris to fall into domestic squabbles, but it’s rare for such pressing political challenges to occur in both at the same time. (…)
By far the most likely scenario remains that Mr. Macron will limp along until 2027, possibly in a period of so-called cohabitation with a government not of his political colors. But there is also a possibility he will resign before 2027, as Charles de Gaulle did in 1969 amid growing unpopularity.
When Mr. Barnier served as the EU’s chief Brexit negotiator, he was fond of reminding London that “the clock is ticking.” Now that phrase may cut a bit too close to home for him and his government partners, especially Mr. Macron.
Mr. Hammond is an associate at LSE Ideas at the London School of Economics.
L’Express, Opinion, 5 décembre, article payant
Le prochain Premier ministre devra enfin faire preuve de courage, par Pierre Bentata
Idées. Ayant refusé les réformes qui s’imposent, tous les partis sont responsables de la crise actuelle, au même titre que l’ensemble des citoyens français. Un véritable travail d’équipe, cingle l’économiste.
Extraits:
La France défaille. L’Etat est paralysé, embourbé dans une crise institutionnelle qui ne se résorbera pas de sitôt. Blocage politique qui annonce un tangage économique, car l’absence de réformes d’ampleur va inquiéter, à juste titre, les créanciers d’une nation cigale incapable d’équilibrer ses comptes. C’était inévitable. Sur ce point au moins, il y a consensus. Même si les avis divergent quant à l’identité du responsable.
Les alliés du gouvernement Barnier blâmeront les extrêmes. LFI d’un côté, qui n’a plus que le chaos pour espérer accéder au pouvoir, le RN de l’autre, qui voit dans la censure un moyen de détourner l’attention de ses déboires judiciaires. Et ces deux partis d’opposition – le NFP n’étant que le faux-nez du premier – auront beau jeu d’accuser le gouvernement de s’être refusé à l’exercice des grandes coalitions. D’autres y verront l’échec de la dissolution. La faute à Macron!
Et tous ont sans doute en partie raison. Les grandes crises sont toujours multifactorielles. Pour briser la mécanique démocratique, il faut s’y mettre à plusieurs. Ils ont réussi. Félicitations. Quant aux citoyens qui paieront l’addition, ils n’en sont pas moins coupables. Refusant les réformes qui s’imposent partout ailleurs et choisissant les pires représentants, ils ont joué la partition de la crise avec brio. Un véritable travail d’équipe. (…)
Par manque de caractère, tous ont failli. Le PS est devenu le bureau d’enregistrement de LFI; l’extrême droite a entériné son incapacité à gouverner; les citoyens ont fait la démonstration de leur irresponsabilité, préférant laisser à d’autres le soin de décider pour mieux les critiquer. (…)
Si les Français sont prêts à tout entendre et tout accepter du dirigeant qui n’a pas peur de tout oser, ils refuseront le moindre effort quémandé par un chef timoré. D’où une voie qui se dessine. Sortir du marasme actuel, c’est arrêter de louvoyer. Au-dehors : le président devrait cesser de s’excuser. Ses génuflexions en Algérie, sa crainte d’humilier Poutine et son silence devant l’emprisonnement de Boualem Sansal affectent sa popularité bien davantage que l’endettement public et les tensions économiques. Au dedans: le prochain Premier ministre aura tout intérêt à choisir un cap et à s’y tenir, à oser dire “non!” aux partis d’opposition, et à lier par voie référendaire son destin à celui de la France pour dire aux citoyens : “Regardez comment dirige un ministre de France! Votez!”
Les Français n’attendent rien d’autre. De Napoléon à Emmanuel Macron, ils n’ont voulu qu’une chose: le panache. Et si les professionnels de la politique s’en trouvent dépourvus, il émergera une figure prête à les venger d’un Etat qui les déçoit. Un révolutionnaire ou un réactionnaire. Armé d’une faucille et d’un marteau ou bien d’une tronçonneuse. A ce moment-là, il n’y aura vraiment plus de choix.
*Pierre Bentata est maître de conférences en économie à la faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille.
New York Times, Guest Essay, 5 décembre, article payant
France Is Being Held Hostage
Extraits:
France’s government has fallen.
In dramatic scenes at the National Assembly on Wednesday, the government — led by Prime Minister Michel Barnier — lost a no-confidence vote, effectively ending it. Not since 1962 has a French government been forced out this way. (…)
Nobody knows what comes next. What’s certain, however, is the strength and power of the far right in France today. Its ambitions and aspirations already dominate the country; now it’s shown it can take down a government. France is being held hostage, with no end in sight. (…)
From the outset, Mr. Barnier’s administration depended on the support of the National Rally, which won the most votes in the summer. Ms. Le Pen’s party reveled in it. Jordan Bardella, the party’s candidate for prime minister, said that Mr. Barnier would be under “surveillance.” (…)
(…) it’s true that Mr. Macron’s options are limited. Constitutionally barred from holding another parliamentary election until next summer, he could attempt to cobble together a new government — though both left and right are now sworn to reject prime minister candidates not from their flock. Alternatively, a caretaker government could stagger on until the summer, carrying out the most limited functions of the state. For France, dogged by serious financial problems and never far from social unrest, the lack of a proper government could be disastrous.
Mr. Macron’s authority, whatever he does next, is severely diminished. As for Ms. Le Pen and her allies, they are clearly no longer content just to push French political life to the right: Now they want power. It might not be too long before they get it.
https://www.nytimes.com/2024/12/05/opinion/france-marine-le-pen.html
Neue Zürcher Zeitung, 5 décembre, article payant
Frankreich in der Krise: Jetzt braucht Macron den Mut für eine Expertenregierung
Er hat sich in den letzten Wochen auffallend zurückgehalten. Aber nach dem Scheitern der Regierung Barnier ist Emmanuel Macron wieder am Zug. Die Wahl der Person, die eine neue Regierung anführen soll, ist entscheidend für Frankreich – und auch für Macron selbst.
Extraits:
Als Michel Barnier in den vergangenen Tagen um sein politisches Überleben kämpfte, war Emmanuel Macron in Saudiarabien auf Staatsbesuch. Bestimmt war diese dreitägige Reise schon lange geplant gewesen – und doch war die Symbolik so passend.
Frankreichs Präsident hatte sich in den letzten Wochen demonstrativ von dem Regierungschef distanziert und sich auch kaum mehr zur Innenpolitik geäussert. (…)
Doch nun ist Barnier weg, und der Präsident ist gefordert. Es ist seine Aufgabe, einen neuen Regierungschef oder eine neue Regierungschefin zu ernennen. Aus seinem Umfeld heisst es, Macron werde dies wohl sehr rasch tun. (…)
Es stellt sich daher die Frage, welche Optionen Macron angesichts der herrschenden Mehrheitsverhältnisse bleiben. In der Nationalversammlung gibt es seit Sommer drei grössere Blöcke. Keiner hat eine Mehrheit, und alle schliessen die Zusammenarbeit mit den jeweils anderen aus. Aber Neuwahlen sind bis im kommenden Sommer – zwölf Monate nach der letzten Wahl – von der Verfassung ausgeschlossen. (…)
Dennoch ist Le Pens Partei jene, die aus eigener Kraft am meisten Abgeordnete in der Assemblée stellt. An den Mehrheitsverhältnissen gemessen wäre es also nicht abwegig, den Rechtsnationalisten den Auftrag zur Regierungsbildung zu geben. Zudem hätte dies den Nebeneffekt, dass Macron seine jahrelange Konkurrentin Marine Le Pen vorführen könnte. Ihre Partei wäre dort, wo sie seit Jahren hinwill: an der Macht. Aber sie könnte nicht viel ausrichten. Denn die anderen Parteien würden den Rechtsnationalisten aus Prinzip die Mehrheiten verweigern, die sie für die Umsetzung von Gesetzesvorlagen brauchten. Bei der ersten Gelegenheit würde sie gestürzt. Die Blockade und ein weiterer Leerlauf wären absehbar.
Als dritte Option böte sich an, der vereinigten Linken eine Chance zu geben. Die Wahlallianz Nouveau Front populaire (NFP) ist ohnehin der Meinung, dass sie die eigentliche Gewinnerin der letzten Parlamentswahl sei. Allerdings haben die vier linken Parteien seither mehr als einmal gezeigt, wie es um die gemeinsame Position steht – nämlich nicht gut. Für eine Mehrheit im Parlament müsste der NFP zudem einen Teil der Mitteparteien auf seine Seite ziehen. Viele dieser Abgeordneten würden aber zur Bedingung machen, dass sich die moderaten Linken von den Extremen um Jean-Luc Mélenchon distanzieren. Dafür gibt es immer wieder einmal vereinzelte Anzeichen. Rechnerisch würde es aber eng. Eine Mitte-links-Regierung wäre eine sehr wackelige Angelegenheit. (…)
Als vierte Möglichkeit könnte Macron eine Technokratenregierung ernennen. Einen Regierungschef und ein Kabinett also, dessen Mitglieder nicht parteigebunden sind oder zumindest über Parteigrenzen hinaus Respekt geniessen. Was in Italien schon mehrmals vorkam, wäre für Frankreich ein Experiment. Aber es scheint derzeit die beste Lösung zu sein. (…)
ine Expertenregierung könnte eine Zeitlang für Stabilität sorgen, weil sie für einen – wenn auch kleinen – Konsens steht. Im Idealfall könnte sie ein paar Geschäfte verabschieden und dafür sorgen, dass die Staatsschulden nicht noch weiter steigen.
Das muss Macrons Priorität sein – zumindest bis im kommenden Sommer, wenn Neuwahlen wieder eine Option werden. Frankreich muss sparen und funktionieren, nicht nur für seine Bürgerinnen und Bürger, sondern auch für Europa.
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Editorial, 5 décembre, article payant
Frankreich in der Krise: Deutschland kann aus dem Sturz Barniers einiges lernen
Marine Le Pen hat längst ihren Frieden mit der Europäischen Union und dem Euro gemacht, die AfD ist hiervon weit entfernt. Das sollten diejenigen bedenken, die über eine angebliche bürgerliche Mehrheit aus Union und AfD (und eventuell FDP) fabulieren.
Extraits:
Aus den Vorgängen in der französischen Nationalversammlung ließe sich in Deutschland einiges lernen. In Paris hat ein Bündnis aus Rechts- und Linksextremen eine aus Zentristen und Rechtsbürgerlichen gebildete Minderheitsregierung gestürzt, obgleich die Extremen selbst auch nicht über eine Mehrheit in der Nationalversammlung verfügen. Der Sturz der Regierung Barnier kam zustande, weil die gemäßigte Linke mit der extremen Linken stimmte. (…)
Diese politische Konstruktion setzte jedoch mangels einer eigenen Mehrheit in der Nationalversammlung eine Tolerierung der Regierung Barnier durch das rechtsextreme Rassemblement National voraus. Marine Le Pen besitzt jedoch kein Interesse an einer gedeihlichen Tolerierung einer gemäßigten Regierung. Sie will die ganze Macht – und sei es im Zweifel durch ein vorübergehendes Paktieren mit der extremen Linken. So sieht das politische Hufeisen in der Praxis aus.
Das von der Regierung Barnier befürchtete Chaos an den Finanzmärkten blieb bisher aus. Solange in Frankreich kein Haushalt für 2025 verabschiedet wird, gilt der Haushalt von 2024 weiterhin. Zum anderen gilt es als wahrscheinlich, dass Präsident Macron bald einen neuen Premierminister ernennt. Im Prinzip existierte in der Nationalversammlung eine Mehrheit gemäßigter Kräfte. Sie müssten nur zusammenfinden.
Eine Krise an den Finanzmärkten bleibt dennoch möglich. Angesichts seiner öffentlichen Verschuldung braucht Frankeich bald einen finanzpolitischen Kurswechsel, der allerdings nicht populär wäre. Sollte ihn eine gemäßigte Regierung einleiten, könnten die extremen Parteien auf der Rechten wie auf der Linken davon profitieren. Den Haushalt selbst konsolidieren wollen sie natürlich nicht.
Die Lehren aus dem französischen Exempel sind offensichtlich: Auch in Deutschland hätten gemäßigte Parteien von Verbindungen mit Extremen nichts Gutes zu erwarten; dies umso mehr, als das heutige Rassemblement National im Vergleich zur AfD zumindest ein wenig geläutert erscheint. (…)
Und während Le Pen längst ihren Frieden mit der Europäischen Union und dem Euro gemacht hat, ist die AfD hiervon weit entfernt. Die angebliche bürgerliche Mehrheit aus Union und AfD (und eventuell FDP), über die Rechtsaußen fabuliert wird, existiert aus einer konstruktiven politischen Warte nicht. Wer im Morast trüber Tümpel feststeckt, kann kein Land voranbringen.
The Guardian, 5 décembre, libre accès
French PM to resign after government falls while Macron seeks solution to crisis
Michel Barnier to present resignation to president after being ousted in record time by vote of no confidence
Le Point, 5 décembre, article payant
Poltronneries de notre temps
L’ÉDITO D’ÉTIENNE GERNELLE. La politique nationale donne le spectacle épouvantable du mépris de l’intérêt général. Dire la vérité demande-t-il tant de courage ?
Extraits:
Rien n’est plus cruel que de relire les propos que les hommes ont tenu du temps de leur splendeur. Et celui-ci, reconnaissons-le, nous le ressassons : « Nous devons renouer avec l’héroïsme politique »… C’est ce qu’avait proclamé au Point un Emmanuel Macron triomphant en août 2017. C’était sa première interview de président, et il l’a longtemps vue comme une sorte de manifeste.
Sept ans plus tard, le résultat de cette incantation n’est pas piteux, il est misérable. La politique nationale donne actuellement le spectacle épouvantable des égoïsmes, du court-termisme, des calculs médiocres et du mépris de l’intérêt général, tout le monde étant persuadé – non sans raison – que, si la catastrophe financière se produit, c’est d’abord Emmanuel Macron qui en portera la responsabilité.
La réalité est qu’il y a peu d’innocents dans l’affaire. Les forces politiques ont prolongé et amplifié la dérive d’un président qui a cru – en vain – préserver un peu plus longtemps sa popularité en sacrifiant la vérité. (…)
Il n’y aurait, en réalité, aucun héroïsme à dompter nos finances publiques, comme l’ont fait avant nous Suédois, Allemands, Espagnols, Portugais et Grecs. Ce ne serait pas un exploit puisque tout le monde y est parvenu, sauf nous. Voici peut-être ce qu’il y a de plus choquant dans la situation actuelle : le courage nécessaire pour conjurer le pire ne serait pas si grand. Le chemin est balisé, les méthodes disponibles, les experts à disposition. Le risque ? Perdre les élections. Est-ce si grave ?
Manifestement, oui. Il faut croire que la poltronnerie a gagné la bataille. (…)
Rien ne fut dit, donc, avec la clarté qui eût permis, au moins, de donner sa chance à la sagesse. Nos dirigeants se sont enivrés de leurs certitudes selon lesquelles on ne peut pas dire la vérité. Et ont ainsi donné l’exemple : les pires ivrogneries budgétaires sont désormais la norme. Au point où l’on en est de la séparation d’avec le réel, il est difficile de voir comment il sera possible d’éviter une sanction des marchés financiers.
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/poltronneries-de-notre-temps-05-12-2024-2577163_32.php
Le Figaro, 5 décembre, article payant
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers: «La France à la renverse»
Cette journée de censure nous a fait voir dans une unité de temps, de lieu et d’action, la tragédie d’une vie politique qui s’effondre sur elle-même.
Extraits:
(…) Au bord du gouffre financier, du déclassement économique, notre pays est traversé par une délinquance aveugle et galopante, frappé par une déstabilisation migratoire qui amplifie toutes ses difficultés. La France est à la renverse, mais la politique se confine dans des négociations catégorielles et des combinaisons lilliputiennes. Le menton se dresse, la voix porte haut, les mots claquent, mais tout sonne faux. Les réalités quotidiennes des citoyens n’apparaissent qu’en rhétorique, les défis qui s’annoncent nourrissent les tentatives d’éloquence, mais l’astre parlementaire n’éclaire plus. L’Assemblée tourne à vide. Elle ne peut être dissoute. C’est donc à l’Élysée de trouver le moyen d’équilibrer un peu ce qui est instable. (…)
Le pays est évidemment à droite, il ne faut surtout pas un premier ministre venant de la gauche. Quand tout est flou, enfin, il est sage de protéger les lignes claires. Celle de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur a convaincu l’opinion en quelques semaines. Il serait judicieux de ne pas l’effacer.
Dans cette configuration, on peut ralentir l’autodestruction, mais on ne l’arrêtera pas. Entre confusion et médiocrité, cette journée de censure nous a fait voir dans une unité de temps, de lieu et d’action, la tragédie d’une vie politique qui s’effondre sur elle-même.
Libé, 5 décembre, article payant
L’édito d’Alexandra Schwartzbrod : Michel Barnier, Premier ministre idéal de Marine Le Pen censuré par Marine Le Pen
En dialoguant avec l’extrême droite dans l’espoir d’y trouver son compte, le chef du gouvernement a commis une erreur fatale. Mais la stratégie du chaos risque fort de se retourner contre son inspiratrice.
Extraits:
Et si elle s’était trompée ? Et si cette décision de censurer le gouvernement Barnier, prise «en quelques dizaines de minutes», rapportons-nous, était une des plus mauvaises décisions politiques arrêtées par Marine Le Pen ? Objectivement, Michel Barnier était pour elle le Premier ministre idéal : il assurait le sale boulot, elle levait le pouce ou l’abaissait, faisant et défaisant à sa guise la feuille de route qu’il s’était fixée. (…)
En votant la censure, la cheffe du Rassemblement national revient à ses premières amours antisystème et risque de perdre ces électeurs-là.
Dans un contexte international déjà extrêmement préoccupant, précipiter à la veille des fêtes de fin d’année le pays dans une nouvelle période d’incertitudes politique, économique et financière, risque aussi d’être très impopulaire. Et de laisser des traces.
L’Opinion, édito, 5 décembre, article payant
Censure de Michel Barnier: tous perdants!
Le gouvernement de Michel Barnier a été censuré par 331 voix.
Extraits:
Ne croyez ni les cris de victoire, ni les mots de confiance : avec la chute de Michel Barnier, la France s’enfonce dans une crise dont personne ne maîtrise l’issue. Et surtout pas les professionnels de l’abandon qui prétendent nous diriger. A vrai dire, tous les acteurs, coupables de cet effondrement annoncé, sortent perdants après des mois d’irresponsabilité qui marqueront l’histoire.
Perdant, le président de la République, dont la dissolution aura précipité la décomposition politique quand il promettait une clarification censée relancer le pays. Perdant, le Premier ministre, tout sauf providentiel, prisonnier d’une méthode de dialogue et de respect obsolète par temps de passions tristes. Perdantes, les composantes du « socle commun », salies par leur cynisme, leurs lâchetés et leur fausse union dans l’intérêt supérieur. Perdant, le Nouveau Front populaire : La France insoumise s’est discréditée par son obsession du chaos ; ses complices socialistes, écologistes et communistes se sont déshonorés par un asservissement aux relents de calculs électoraux minables. Perdant, le Rassemblement national, redevenu au grand jour un parti populiste du désordre, du double langage et de la démagogie décomplexée.
Sans majorité de substitution, sans alternative crédible pour Matignon, qui croira qu’une solution pérenne ? (…) Pas les Français, désormais sans illusion aucune sur leur classe politique, incapables ni d’espérer, ni de se battre. Et poussés, par ce spectacle aussi médiocre que désolant, au renoncement plutôt qu’au sursaut.
https://www.lopinion.fr/politique/censure-de-michel-barnier-tous-perdants
Der Spiegel, 5 décembre, article payant
Regierungskrise in FrankreichLe Pens nächstes Ziel: Emmanuel Macron
Die ultrarechte Marine Le Pen stürzt die Regierung um Premier Barnier, die Schulden steigen ungebremst: Frankreich versinkt in einer schweren politischen Krise. Kann sich Präsident Macron halten?
Extraits:
Zumindest in diesem einen Punkt sind sich Marine Le Pen und Michel Barnier einig. »Wir sind am Moment der Wahrheit angekommen«, sagen beide in ihren Reden vor der Pariser Nationalversammlung.
Die Fraktionschefin des rechtsradikalen Rassemblement National (RN) genießt diesen Moment sichtlich, wenige Stunden bevor sie ihre ganze Macht ausspielen wird. Der Premierminister nutzt ihn, um die Abgeordneten noch einmal zu beschwören. Er spricht von ihrer Verantwortung und davon, dass Frankreichs Haushaltsprobleme nicht verschwinden, nur wenn er verschwinde. Manchmal stockt Barniers Stimme.
Es hilft nichts. Am Mittwochabend, 20.30 Uhr, betätigt Le Pen im Verbund mit den sonst so von ihr verhassten Linken das politische Fallbeil. (…)
Deutschlands wichtigster EU-Partner versinkt in einer politisch-finanziellen Doppelkrise: Frankreich hat keine Regierung mehr und steuert ohne Haushalt, dafür mit ungebremst steigender Neuverschuldung, auf das Jahr 2025 zu. Die Krise der Unregierbarkeit, so wirkt es am Mittwochabend in Paris, erfasst die gesamte französische Politik wie ein lähmendes Gift. (…)
Macron war seit seinem Amtsantritt 2017 nie so unbeliebt wie heute, nur 21 Prozent der Bürger vertrauen ihm, so eine Umfrage des Instituts Elabe. Die Wähler machen Macron für die Krise verantwortlich, auch für die finanzpolitische, zumal sich das Defizit erst unter seiner Führung so hoch aufgetürmt hat.
Jetzt muss der Präsident sich in Zeiten maximaler Instabilität als Stabilitätsanker beweisen. Um Mélenchons und Le Pens Kalkül zu widerlegen, dürfte Macron so schnell wie möglich einen neuen Premier ernennen. Der oder die muss besser mit der Dreiteilung des Parlaments zurechtkommen als Barnier. (…)
👎 😮 Le Figaro, 4 décembre, article payant
Yannick Jadot : «Nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre le NFP et le bloc central»
ENTRETIEN – L’ancien candidat écologiste à la présidentielle appelle à la constitution d’un gouvernement de front républicain qui pourrait inclure des ministres issus du bloc central.
Extraits:
LE FIGARO.- Si le gouvernement tombe mercredi , que doit proposer la gauche ?
Yannick JADOT.- Si le gouvernement tombe, c’est qu’il l’a bien cherché. Cela prouve aussi que cette tentative d’une alliance macronie-LR, qui a dérivé en axe Wauquiez-Barnier-Le Pen, n’avait pas d’avenir. Il faut revenir à l’origine du vote du second tour des élections législatives de juillet, c’est-à-dire le front républicain contre le Rassemblement national. Dans ce cadre-là, il y a deux grands groupes : le Nouveau Front populaire, évidemment, et le bloc central. Puisqu’il faut sortir du chaos créé par le président et que le pays doit être gouverné jusqu’à la prochaine échéance électorale, nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre ces deux blocs, avec un accord de non-censure, autour d’un socle restreint de mesures indispensables pour les Français. Je parle bien d’un pacte transitoire, qui se déclinera d’abord au Parlement. Pas d’une coalition de gouvernement, selon moi impossible à bâtir aujourd’hui au regard des divergences profondes qui existent entre ces blocs et qui devront être tranchées par les prochaines élections.
Cela doit-il passer par un gouvernement commun ?
Le président de la République doit revenir à la jurisprudence parlementaire et confier au Nouveau Front populaire la constitution du gouvernement puisque notre coalition est arrivée en tête aux législatives. (…)
Le Figaro, 3 décembre, article payant
Jean-Thomas Lesueur: «Budget 2025, en finir avec le socialisme mental»
TRIBUNE – La crise politique engendrée par les discussions autour du budget 2025 montre que les responsables politiques refusent d’envisager autre chose que la préservation d’un « modèle français » en bout de course, estime le directeur général de l’Institut Thomas More.
* Directeur général de l’Institut Thomas More, Jean-Thomas Lesueur est coauteur de la note intitulée « La grande parade continue. Socialisme mental et extension sans fin du domaine de l’État ».
Lire le texte intégral ici : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/4-decembre.pdf
Le Point, 4 décembre, article payant
L’avenir en suspens de l’aide médicale d’État pour les étrangers
La réforme en cours de l’AME continue de susciter des tensions. En dehors des cas d’urgence, les étrangers pourraient devoir se faire soigner dans leur pays d’origine.
Extraits:
Aide médicale d’État, attention, retour du sujet explosif. Le Premier ministre Michel Barnier a annoncé qu’il envisageait une diminution « sensible » du panier de soins pris en charge par l’État pour les bénéficiaires de l’AME, « pour éviter les abus et les détournements », après avoir déjà déclaré qu’il n’avait « ni totem ni tabou » sur ce sujet.
Cette décision fait partie du budget 2025, et des lois de sécurité sociale, pour laquelle le Premier ministre a déclenché ce lundi 2 décembre l’article 49.3 de la Constitution. Le RN a toutefois déclaré qu’il voterait la censure du gouvernement. Difficile pour l’instant de savoir ce qu’il adviendra de ces mesures, en raison des incertitudes politiques, mais, quoi qu’il en soit, l’AME est un sujet d’actualité.
S’agit-il d’une concession accordée au RN et à une partie de la droite, qui réclament depuis longtemps la transformation de cette AME en une simple aide médicale d’urgence ? (…)
Actuellement, il est vrai que notre système de l’AME est généreux, plus que dans la plupart des pays européens. Il permet à tout étranger en situation irrégulière, ainsi qu’à sa famille, d’accéder sans frais à quasiment tous les soins proposés par la médecine française. À l’inverse, de nombreux pays proposent une simple « aide d’urgence » et ne prennent en charge gratuitement que les cas les plus aigus. En France, toutefois, de nombreux médecins ont souvent fait remarquer qu’une remise en cause de l’AME aurait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages, notamment parce qu’elle risquerait de faire exploser les pathologies.
Dans le détail, il faut regarder de près ce que signifierait cette remise en cause de l’AME. Le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de « baisser de 200 millions d’euros les crédits de l’aide médicale d’État », alors que l’an dernier le montant consacré était de 1,3 milliard d’euros (soit 0,5 % seulement du budget de l’Assurance maladie). (…)
En réalité, cette décision pourrait entraîner un vrai bouleversement dans la prise en charge des soins des étrangers. Le projet de loi de sécurité sociale, à la suite d’un amendement sénatorial, « invite le gouvernement à modifier le panier de soins proposé par l’AME ». Bien que les choses ne soient pas écrites si clairement, il pourrait s’agir de ne plus prendre en charge les soins chroniques, lourds, comme les suites des dialyses, des diabètes, les suivis post-opératoires des cancers, dont la proportion est en forte hausse dans le budget de l’aide médicale d’État. (…)
En effet, si l’AME est supprimée, on peut supposer que beaucoup d’étrangers viendront tout de même se faire soigner, notamment à l’hôpital, et que les médecins les traiteront, conformément au serment d’Hippocrate. En revanche, les factures de ces personnes, qui ne pourront plus être prises en charge par l’État, seront alors adressées… aux hôpitaux, qui n’auront pas d’autres solution que de les intégrer dans leur budget, provoquant pour eux une dépense supplémentaire. (…)
D’autres pistes sont également envisagées par le gouvernement pour diminuer le coût de l’AME. Il s’agirait de réserver ce droit au seul demandeur, et à ses enfants mineurs, mais de l’exclure pour ses autres proches, majeurs, comme c’est le cas actuellement. D’autre part, certaines pathologies ne seraient plus automatiquement prises en charge, mais devraient d’abord avoir reçu les autorisations préalables de la caisse d’assurance maladie pour que cela soit validé. Que le budget soit voté ou non, l’aide médicale d’État va rester un sujet d’actualité.
Neue Zürcher Zeitung, 4 décembre, article payant
Regierungskrise in Frankreich: Das Land droht zum Problem für ganz Europa zu werden
Frankreichs Minderheitsregierung steht vor dem Aus. Das linke und das rechte Lager wollen Premierminister Michel Barnier am Mittwoch vereint mit einem Misstrauensvotum zu Fall bringen. Das politische Chaos verschärft die finanzielle Krise des Landes.
Extraits:
(…) Eigentlich sollte in der Woche vor Weihnachten noch der zweite Teil des Budgets zur Abstimmung in die grosse Kammer des Parlaments kommen. Auch über seinen Inhalt wird seit Wochen gestritten. Doch nun ist unsicher, ob es überhaupt so weit kommen wird. Ist eines der Misstrauensvoten am Mittwoch erfolgreich, muss die Regierung Barnier zurücktreten. Frankreich hätte damit keine Chance, ein seriöses Budget für 2025 auf die Beine zu stellen. Der alte, verschwenderische Haushalt von 2024 würde im Wesentlichen aufs neue Jahr übertragen.
Auch wäre unklar, wer sich um eine Übergangslösung kümmern könnte: Bleibt die Regierung vorerst geschäftsführend im Amt, oder ernennt der französische Präsident vor Ende des Jahres einen neuen Regierungschef? Neuwahlen sind frühestens im kommenden Sommer möglich. Theoretisch könnte Emmanuel Macron im Wissen um das politische Chaos, das es mit der vorzeitigen Parlamentsauflösung im Juni selber angerichtet hat, auch demissionieren; so fordert es die Opposition von links und rechts seit langem. Aber noch hat Macron keine Anzeichen von Amtsmüdigkeit gezeigt, im Gegenteil. (…)
Auf jeden potenziellen Nachfolger kommen gewaltige Probleme zu. Wegen der hohen Staatsschulden und der schwierigen Wirtschaftslage im Land hatte sich in letzter Zeit die Nervosität auf den Finanzmärkten stark erhöht. Die Staatsanleihen verloren deutlich an Wert im Vergleich zu den als Massstab dienenden deutschen Staatsanleihen. Der Aufschlag zehnjähriger französischer Staatsanleihen im Vergleich zu deutschen Anleihen stieg auf bis zu 0,9 Prozentpunkte. Ein solches Niveau hat Frankreich seit der Euro-Krise 2012 nicht mehr erreicht. Von einem drohenden Staatskollaps wie in Griechenland ist das Land aber noch weit entfernt.
Ein unkontrolliert wachsender Schuldenberg ist eine Belastung für die gesamte Euro-Zone. Zugleich ist die Regierungskrise in Frankreich für Europa auch ein politisches Problem. Zusammen mit Deutschland bildet die Nation üblicherweise das Führungsduo in der EU, doch derzeit leiden Paris und Berlin unter einer Führungsschwäche, und das inmitten eines russischen Angriffskrieges und wenige Wochen vor der Rückkehr Donald Trumps ins Weisse Haus.
https://www.nzz.ch/international/frankreichs-regierung-steht-vor-dem-aus-ld.1860472
Wall Street Journal, 3 décembre, article payant
Le Pen Squares Off With French Government and Markets in Budget Showdown
Far-right leader holds the government’s fate in her hands as battle over national budget reaches its denouement
Extraits:
PARIS—Anti-immigrant leader Marine Le Pen is engaged in a high-stakes game of chicken with the French government and a multitude of global investors who finance the country’s sizable debt load.
For weeks, the French public and markets have hung on Le Pen’s every word for indications of whether she is willing to follow through on her threats to topple the government if it doesn’t soften the impact of its planned budget on taxpayers.
Now a moment of truth has arrived. On Monday, Le Pen said she was prepared to back a vote of no-confidence in the government in the days to come after Prime Minister Michel Barnier rammed a section of the government’s budget through the National Assembly by exercising article 49.3 of the French Constitution. Barnier doesn’t have the votes to garner a majority in the badly splintered lower house, where Le Pen’s far-right National Rally holds the balance of power. So he is essentially daring Le Pen to bring down his administration, kill the budget and, Barnier warned, unleash a run on France’s sovereign debt.
French stocks have fallen sharply in recent weeks, and the premium investors demand to hold the government’s long-term debt has risen to its highest since the eurozone debt crisis of 2012. France’s borrowing rate has in recent days eclipsed that of Greece, the eurozone’s perennial fiscal laggard.
“We will vote in favor of the censure motion,” Le Pen said Monday, referring to the no-confidence vote expected later this week. “The French people have nothing to fear.”
The standoff provides an acid test of whether Le Pen and her ranks have the credibility to ultimately replace decades of rule by France’s political establishment, including President Emmanuel Macron whose term ends in 2027. (…)
“We won’t let the French be robbed to make up for the mistakes of seven years of Macronism,” Le Pen said Sunday. She has acknowledged the need to narrow the deficit but would like it done without measures—such as electricity-tax increases and delays to pension increases—that affect her base. Instead, she wants France to slash its contributions to the EU; cut medical care for foreigners in France; and further reduce international development aid. (…)
Le Pen’s brinkmanship carries acute political risks. As Le Pen has expanded her influence in the National Assembly—reaching 124 seats in the 577-seat house after this summer’s snap elections—she has steered her lawmakers away from blatant rabble-rousing measures. Instead, she has encouraged them to cast votes that show her party is responsible and ready to carry the mantle of government.
Casting the deciding votes that bring down Barnier’s government would mark a shift in tone. It would require Le Pen to join a leftist coalition of lawmakers, which ranges from the Green Party to the far-left France Unbowed, who said they are planning to call for a no-confidence vote to be held by Wednesday. And it would raise questions about how France would go about collecting taxes and paying millions of government workers without a budget in place for 2025. (…)
“If I fall, the government stops, and what happens?” Barnier said recently. “There will be a storm, probably quite severe, and turbulence on financial markets,” he said.
Le Pen says Barnier is simply engaging in scare tactics to strengthen his hand at the negotiating table. (…)
Le Point, 3 décembre, article payant
Le RN, de paria à interlocuteur du gouvernement : la vraie victoire de Marine Le Pen
Au-delà des concessions obtenues ou de la chute probable de Michel Barnier, les négociations avec le gouvernement constituent une rupture dans l’histoire du parti à la flamme.
Extraits:
La véritable victoire du Rassemblement national n’est pas forcément là où on la cherche. Pour ce dernier, peu importe finalement que le gouvernement de Michel Barnier tombe ou se maintienne à l’issue de la motion de censure que lui promet la gauche et à laquelle le RN se prépare à joindre ses voix. Qu’importe l’ampleur des concessions que le parti de Marine Le Pen aura finalement réussi à arracher au gouvernement, de la baisse des taxes sur l’électricité à celle du budget de l’aide médicale d’État (AME) en passant par le maintien du remboursement de certains médicaments…
Si ces derniers jours marquent une profonde rupture dans l’histoire du mouvement nationaliste, et par extension dans celle de la Ve République, c’est en raison de l’existence même de réelles négociations entre le parti fondé par Jean-Marie Le Pen et un gouvernement en exercice. Le politologue et directeur de l’Observatoire de la radicalité politique, Jean-Yves Camus en convient : « Au plan national, c’est totalement inédit ! » Non sans provoquer de profondes conséquences sur la perception future du parti à la flamme. (…)
Onze mois et deux gouvernements plus tard, le chemin parcouru est vertigineux. Après plusieurs mois où une traditionnelle indifférence aura été opposée aux troupes comme aux prétentions de Marine Le Pen lors de l’élaboration du budget, le Premier ministre Michel Barnier a, devant le poids du mouvement nationaliste, été contraint de revoir totalement sa stratégie. Faisant sauter, le temps d’un week-end, toutes les préventions face au parti de Marine Le Pen. Jusqu’à entrer dans une relation transactionnelle avec elle, tentant de négocier, via une succession de concessions, sa survie. En vain.
Les conséquences de ce changement de paradigme vis-à-vis de son parti sont doubles pour Marine Le Pen. Elles constituent un cran de plus dans la patiente entreprise d’institutionnalisation du Rassemblement national au point presque de rendre caduque la logique du « cordon sanitaire ». (…)
Mais à pousser son avantage en ayant conclu ces négociations par la mise à mort du gouvernement Barnier malgré ses nombreuses concessions, le Rassemblement national a rappelé son identité populiste. « Les lignes rouges fixées par le RN étaient toutes faites pour aboutir à la censure. C’est l’essence de ce parti, analyse Jean-Yves Camus. À un moment, il faut cliver. (…) Une identité qui a toutes les chances de dissuader les prochains impétrants à réitérer l’exercice de la négociation avec le RN.
Neue Zürcher Zeitung, 3 décembre, article payant
Der grosse Kampf um Geld und Macht: Marine Le Pen tanzt auf dem Vulkan
Die Rechtsnationalistin ist derzeit die mächtigste Person im französischen Politikbetrieb. Von der Oppositionsbank aus treibt sie die Regierung vor sich her. Warum sie Gefahr läuft, zu weit zu gehen – und tief zu fallen.
Extraits:
(…) Dass Michel Barnier sich in dieser unbequemen Lage befindet, liegt daran, dass jemand anderes eine Wette verloren hat: der Präsident. Emmanuel Macron hatte nach der Europawahl im Juni das Parlament aufgelöst – in der Hoffnung, dass Neuwahlen die bereits damals schwierigen Verhältnisse in Frankreichs Nationalversammlung klären würden. (…)
Doch die Klärung trat nur bedingt ein. Marine Le Pens Rassemblement national (RN) schnitt deutlich besser ab als Macrons Mitte. Aber eine Mehrheit der Wählerinnen und Wähler gab ihre Stimme der ad hoc geschmiedeten Anti-Le-Pen-Allianz. Diese war allerdings am Folgetag der Wahl bereits obsolet – zu gross waren die Differenzen zwischen den Linken und der Mitte. (…)
Rasch wurde klar: Le Pen kam doch zu überraschend viel Macht. Denn Barnier würde nur so lange regieren, wie das rechtsnationale Rassemblement national ihn duldet. Die Unterstützung der Linken war von vornherein ausgeschlossen. Und seine eigene Partei ist, selbst mit der Unterstützung der Mitte, weit von einer Mehrheit entfernt. Marine Le Pen wurde sich ihrer Position rasch bewusst – und sie nutzte diese immer offensiver. Derzeit nähert sie sich einem Höhepunkt: Seit Tagen streuen sie und ihre Mitstreiter in der Presse, dass sie einen Misstrauensantrag der Linken unterstützen würde, wenn die Regierung sich nicht «bewege».
Gestritten wird über sehr Grundlegendes: Bis Ende Dezember muss das Parlament den Finanzrahmen für das kommende Jahr verabschieden. (…)
Aber nur Marine Le Pen ist in der Lage, Maximalforderungen zu stellen. Mit der Behauptung, sich allein für das Wohl der Französinnen und Franzosen einzusetzen, verlangt sie, alle Massnahmen zu unterlassen, die der Kaufkraft schaden – etwa höhere Steuern auf Elektrizität. Auch gehen ihr die Kürzungen bei den Sozialleistungen für Ausländer zu wenig weit, und in der Verwaltung soll mehr gespart werden. Im Bestreben, seinen Sturz – und damit das Scheitern des Budgets – zu verhindern, hat Barnier in den vergangenen Tagen auf Le Pens Drängen in mehreren Punkten und in mehreren Etappen nachgegeben. Es ist ein fast unwürdiges Spiel, von dem unklar ist, ob es seinen Zweck erfüllt.
Denn aus dem Lager der Nationalisten heisst es noch immer: «Es reicht nicht.» (…)
Die Taktik funktioniert: Im politischen Paris dreht sich seit Wochen alles um die Nationalisten, die von ihrer Oppositionsbank aus die Regierung vor sich hertreiben. Marine Le Pen kostet dies aber nicht nur aus, sie neigt zu Übermut. Inzwischen fordert sie Emmanuel Macron zum Rücktritt auf. Offenbar glaubt sie, dass sie bei vorgezogenen Präsidentschaftswahlen die Nase vorn hätte. Dabei gibt es schon Anzeichen, die dies als Träumerei entlarven.
Erstens verdankt Le Pen ihre Machtfülle gewissermassen Michel Barnier: einem Konservativen, der lieber auf das RN setzt als auf die Linke. Das Ende seiner Regierung würde auch das vorläufige Ende von Le Pens überproportionalem Einfluss bedeuten. Am RN bliebe haften, dafür verantwortlich zu sein, dass Frankreich in eine weitere Hängepartie stürzt. Denn fällt die jetzige Regierung, könnten erst im Sommer Neuwahlen stattfinden. (…)
Zweitens droht der Fraktionschefin spätestens im Frühjahr ein Gerichtsurteil, das ihr Fernziel – den Einzug in den Élysée-Palast – zunichtemachen könnte. Sprechen die Richter sie der Veruntreuung von EU-Geldern schuldig, drohen ihr nicht nur eine Gefängnisstrafe, sondern auch fünf Jahre Unwählbarkeit – letztere mit sofortiger Wirkung. (…)
Schliesslich ist Le Pen noch immer sehr auf ihren Erzfeind Emmanuel Macron fokussiert. Kein Wunder: Seit bald neun Jahren beherrscht das Kräftemessen zwischen den beiden die Politik Frankreichs. Indem sie die Regierung Barnier als Vasallen des Präsidenten brandmarkt, verfehlt sie aber ihr Ziel: Emmanuel Macron hat in der Innenpolitik fast nichts mehr zu sagen. (…)
Die gegenwärtige Krise ist die Folge einer Fehleinschätzung des Präsidenten – und ein Ausdruck davon, dass sich die Gewichte verschieben. Macrons Mitte erodiert, Le Pen triumphiert. Aber sie muss sich auf andere Gegner einstellen, die noch nicht klar erkennbar sind. (…)
Le Pen steht wegen der drohenden Gefängnisstrafe unter Zeitdruck, ihre Machtposition gewinnbringend einzusetzen. Doch der Wetteinsatz ist hoch. Geht sie in der Budgetdebatte aufs Ganze und hilft, die Regierung vor Jahresende zu stürzen, würde sie sich womöglich vorzeitig aus dem Spiel nehmen. Möglicherweise könnte es sich doch mehr lohnen, Barniers Regierung mit weiteren politischen Forderungen vor sich herzutreiben. Entscheiden wird sie ihre Strategie, in vollem Machtbewusstsein, in letzter Minute.
L’Express, 2 décembre, article payant
Réformes : pourquoi la France devrait s’inspirer de Javier Milei
Tribune. La liste des mesures drastiques prises par le président argentin donne le vertige. Certaines résonnent particulièrement pour nous, Français.
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https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/2-decembre-2.pdf
Le Figaro, 2 décembre, article payant
Nicolas Baverez: «Michel Barnier, anatomie et suites d’une chute annoncée»
CHRONIQUE – Face aux risques qu’entraîne la crise financière pour la France et l’Europe dans une période de tension internationale extrême, on ne peut qu’être saisi par l’irresponsabilité de la classe politique française.
Extraits:
La France vit une situation sans précédent depuis 1958. Elle a perdu le contrôle de ses finances publiques, avec un déficit qui atteindra 6,2% du PIB en 2024 alors qu’il était prévu à 4,4% du PIB. La dette atteindra 3300 milliards d’euros à la fin de l’année, soit 113% du PIB. L’économie est désormais à l’arrêt, le chômage remonte et les investisseurs se détournent massivement de notre pays. Surtout, situation inédite depuis mai 1968, les institutions plongent dans le chaos et l’État affiche son incapacité à assurer ses missions essentielles.
Michel Barnier, lors de son discours de politique générale du 1er octobre, s’était fixé pour objectif de ramener le déficit public à 5% du PIB en 2025 et 3% du PIB en 2029. Le projet de loi de finances prévoyait un effort inédit de 60 milliards d’euros en 2025. Mais, contrairement aux annonces initiales, il n’engageait aucune réduction effective des 1600 milliards de dépenses publiques et prévoyait plus de 30 milliards de hausses d’impôts dont les deux tiers, soit 22 milliards, étaient mises à la charge des entreprises.
Le débat parlementaire, dominé par les extrêmes, a ajouté à la confusion. (…)
Dans l’intervalle, la situation de l’économie française et son environnement se sont considérablement dégradés. A défaut d’engager le rééquilibrage des finances publiques, le choc fiscal prévu par le budget, s’ajoutant à l’incertitude politique a paralysé l’activité, faisant exploser les faillites, entraînant une floraison de plans sociaux et la brutale remontée du chômage, bloquant l’investissement, provoquant l’exil des capitaux et des entrepreneurs, détournant les investissements étrangers. Dès lors, la crise financière a démarré et la France emprunte désormais à des taux plus élevés que l’Espagne, le Portugal et la Grèce.
L’effet est d’autant plus dévastateur que l’Allemagne est aussi en crise politique et économique, ce qui nuit fortement à l’attractivité de l’Europe, au moment où l’élection de Donald Trump, qui a annoncé une forte réduction du prix de l’énergie, des impôts et de la réglementation, renforce puissamment la compétitivité des États-Unis. (…)
C’est dans ce contexte que l’alliance du NFP, dirigé par LFI et soutenu par le PS, avec le RN, dont le calendrier s’est accéléré à la suite des réquisitions biaisées et démesurées du PNF contre Marine Le Pen, a ouvert une crise politique majeure. Elle rend très crédible le vote d’une motion de censure contre le gouvernement conduit par Michel Barnier à la suite de l’engagement de sa responsabilité sur les trois textes financiers : PLFSS le 4 décembre ; projet de loi de fin de gestion le 6 décembre : projet de loi de finances le 20 décembre. (…) La France pourrait donc se trouver privée de gouvernement et de budget avant Noël. (…)
Face aux risques qu’entraîne la crise financière pour la France et l’Europe dans une période de tension internationale extrême, on ne peut qu’être saisi par l’irresponsabilité de la classe politique française. Elle culmine avec Emmanuel Macron, premier responsable de la tempête politique, économique et financière, dont toute l’activité est consacrée à la mise en scène de sa personne à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame. (…)
Chacun doit revenir à la raison au moment où notre pays, au terme de quatre décennies de lent déclin, est au bord de l’effondrement. Les hommes de bonne volonté doivent dépasser les grandes querelles d’ego et les petites ambitions personnelles pour composer un gouvernement de salut national, dont la seule mission sera de définir et d’appliquer la stratégie budgétaire et économique qui permettra à la France d’éviter de basculer sous la tutelle du FMI, de la Commission européenne et de la BCE, ainsi que de réaliser les indispensables réformes dans le cadre des institutions républicaines sans céder à la tentation autoritaire. Le retour au réel et au principe des responsabilités, c’est maintenant ou jamais.
Le Point, 2 décembre, article payant
Censure : un jeu d’enfer… surtout pour les Français
LA CHRONIQUE DE SOPHIE COIGNARD. La partie de poker entre Matignon, le RN et désormais le PS n’est pas seulement affligeante, elle est aussi incompréhensible.
Extraits:
Depuis cette folle soirée de juin où Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, les Français savent qu’ils doivent être prêts à tout endurer : une gauche délirante qui croit pouvoir imposer au pays son programme – en fait celui de LFI – et une Première ministre sortie de nulle part ; un président qui procrastine pendant des semaines alors que le besoin de réformes est plus criant que jamais ; des députés qui, loin de prendre au sérieux le recentrage du pouvoir vers le Parlement, se comportent comme des enfants capricieux, sèchent la séance publique parce qu’ils ne sont pas majoritaires pour ceux du socle commun, votent des dizaines de milliards d’impôts supplémentaires pour la gauche, parfois alliée à l’extrême droite contre laquelle elle a pourtant réinventé, cet été, le « front républicain ».
Et puis soudain, c’est la fin de la récré. Et c’est ce lundi que la cloche sonne, avec le retour du PLFSS dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
Ce lundi aussi qu’expire l’ultimatum fixé par Marine Le Pen à Michel Barnier, comme dans les films de gangsters où la rançon doit être remise dans un délai imposé par les ravisseurs.
Privée de sa victoire par la nullité de nombreux candidats frontistes, mais aussi par l’efficacité du « front républicain », la présidente des députés RN tient sa revanche. Elle est, comme jamais, au centre du jeu, en mesure de faire danser le chef du gouvernement à la baguette de la censure. (…)
Il est d’ores et déjà certain, en revanche, que le feuilleton de la censure, avec ses misérables rebondissements et ses petites trouvailles institutionnelles, ne peut qu’éloigner un peu plus les Français de la politique. Seul élément compréhensible dans ces batailles d’ego et de procédures absconses : les combattants, pour la plupart, ne semblent pas exactement animés par l’intérêt général.
Le Figaro, 1 décembre, article payant
Agnès Verdier-Molinié : «Et si la censure aboutissait aux pleins pouvoirs d’Emmanuel Macron ?»
TRIBUNE – La censure du gouvernement Barnier serait une faute politique très grave, estime la directrice de l’iFrap*. Loin de faire démissionner le président, elle pourrait au contraire inciter Emmanuel Macron à recourir à l’article 16 de la Constitution pour assurer la continuité de l’État.
Extraits:
Nous vivons en bouffonnerie. Les acteurs principaux sont nos députés de la nation. L’excitation qui monte autour du projet de censure du gouvernement à l’occasion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est malsaine. Pour de la politique politicienne, pour déclencher une présidentielle anticipée début 2025, les députés LFI, Verts, socialistes ou RN seraient prêts à nous emmener vers un chaos économique et financier sans précédent ? Et si, en réalité, leur manœuvre avait l’effet inverse ? (…)
Mais si l’entêtement dominait et que l’Assemblée nationale, dans la lignée de la motion de censure, rejetait cette loi spéciale, alors l’effet serait inverse à l’objectif affiché. Au lieu d’acculer le président à la démission, une obstruction systématique sur le budget 2025 pourrait pousser de facto le président de la République à faire jouer les pleins pouvoirs pour adopter lui-même le budget 2025 avant la fin de l’année. Et ce, car les institutions de la République seraient menacées et parce que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics risquerait d’être interrompu. Avis aux apprentis sorciers de la censure.
Le Monde, 27 novembre, article payant
Accord UE-Mercosur : l’Assemblée nationale rejette le traité de libre-échange, mais pas à l’unanimité
Le gouvernement de Michel Barnier voulait pouvoir compter sur le vote le plus unanime possible afin de donner du poids à la position de la France au niveau européen. Mais les députés « insoumis » ne l’ont pas suivi.
Extraits :
L’Assemblée nationale a approuvé, mardi soir, la déclaration du gouvernement qui s’oppose à la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (le marché commun de cinq pays d’Amérique latine), dans sa version actuelle. 484 voix pour la déclaration et 69 contre. Le gouvernement n’a pas obtenu l’unanimité qu’il espérait.
C’est La France insoumise (LFI) qui a fait défaut. Les députés « insoumis » ont voté contre la déclaration, estimant que le gouvernement ne s’oppose au traité « qu’en l’état ». « Il n’y a pas de bon accord Mercosur possible », a asséné Arnaud Le Gall (LFI, Val-d’Oise). De fait, la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, et celle du commerce extérieur, Sophie Primas, n’ont pas défendu une position contre le libre-échange. Comme le président de la République et le premier ministre, elles espèrent l’inclusion de clauses miroirs dans le projet d’accord, c’est-à-dire imposer aux producteurs du Mercosur les mêmes normes que celles auxquelles les producteurs européens sont soumis.
Comme attendu, dans le débat sur le fond, chacun est resté sur ses positions : la gauche s’opposant pour des questions sociales et environnementales ; l’extrême droite, pour des raisons principalement souverainistes ; la coalition présidentielle, bien qu’opposée à cet accord, a, elle, insisté sur le fait de ne pas rejeter par principe le libre-échange.
Mais ce n’était pas l’enjeu du jour. Michel Barnier voulait, mardi, pouvoir compter sur le vote le plus unanime possible de l’Assemblée nationale afin de donner du poids à la position de la France, jusque-là plutôt isolée au sein de l’Union européenne. (…)
👎 Libé, chronique, 26 novembre, article payant
Délit d’apologie du terrorisme, le gâchis de LFI
Le billet de Thomas Legrand : Il est vrai, comme le dit La France insoumise, qu’il existe une véritable dérive autour de l’usage de la loi de 2014. Mais plutôt que de lancer une bombinette à portée polémique plus puissante que sa portée juridique, le parti aurait dû, s’il avait vraiment voulu changer le droit, trouver les voies politiques d’un compromis.
Extraits :
Typique. La France insoumise, qui veut abroger le délit d’apologie du terrorisme dans le code pénal, rend impossible, par la nature même de sa proposition, l’aménagement pourtant nécessaire d’une réforme qui, à l’usage, a été détournée de son objet.
En 2014, François Hollande, alors président, sous la pression des événements et pour se donner les moyens juridiques de mettre hors d’état de nuire les prêcheurs de haine, pour pouvoir interdire et condamner les sites internet qui justifiaient les actes terroristes et faisaient l’apologie de l’islamisme radical, avait demandé à sa majorité de durcir la législation antiterroriste. Ainsi l’incrimination d’apologie du terrorisme devenait une incrimination pénale. C’était une mauvaise idée.
Le juge Trévidic, qui avait été un fervent promoteur de la loi de 2014, en convient aujourd’hui. L’incrimination d’apologie du terrorisme, désormais inscrite dans le code pénal, a été utilisée, après la vague d’attentats de 2015, dans un contexte sécuritaire hystérisé par toute une partie de la classe politique et les médias de droite, de façon totalement abusive. (…)
Le sujet soulevé par LFI est donc réel. Mais la façon dont le mouvement mélenchoniste a lancé le débat ne permettra pas à la question d’être réglée. Cinq ans après la promulgation d’une loi, le Parlement peut décider de lancer une vaste évaluation de l’application du texte. C’est cette évaluation qu’auraient dû demander LFI mais aussi les socialistes (auteurs de la loi de 2014) et tous les libéraux politiques sur tous les bancs de l’Assemblée. On peut parier (ou tout du moins espérer) qu’il se serait trouvé une majorité pour se rendre à l’évidence : oui, il faut réformer la réforme de 2014, préciser les contours de la notion d’apologie du terrorisme. (…)
Plutôt que de lancer une bombinette à portée polémique plus puissante que sa portée juridique, LFI aurait dû, si elle avait vraiment voulu changer le droit, trouver les voies politiques d’un compromis et s’entendre, par exemple, en amont avec les socialistes, eux-mêmes conscients des dérives.
Bref, il y avait de quoi traiter le sujet sans déclencher une tempête politique qui, à coup sûr, sera vaine. Et qui permet, dans une réaction outrancière automatique («difficile de faire plus ignoble», dit Bruno Retailleau), à la droite mais, de façon tout aussi pavlovienne, à Gabriel Attal, de faire passer LFI pour des suppôts du terrorisme. Caricature contre caricature, polarisation, LFI se victimise et peut faire passer les socialistes, qui tentent une position nuancée, pour des suppôts de l’extrême droite. Dommage, le sujet valait le coup d’être sérieusement traité. Il ne le sera pas puisque les postures polarisées, plus faciles à vendre au grand public, ont prévalu.•
Le Point, 26 novembre, article payant
Michel Barnier ou la faiblesse tranquille
LA CHRONIQUE DE SOPHIE COIGNARD. Le Premier ministre revendique la fragilité de sa position avec une sérénité appréciée à sa nomination, mais insuffisante désormais.
Extraits :
Les deux mots clés ont été distillés par lui-même et par son entourage ce lundi. Michel Barnier recevait à l’hôtel Matignon plusieurs présidents de groupes parlementaires, dont, dès 8 h 30, Marine Le Pen. La moue dubitative arborée par la présidente des députés RN à la sortie de cet entretien ne pouvait que relancer les spéculations sur la durée de vie du gouvernement. Concernant le budget, « ma position n’a pas évolué », a-t-elle déclaré. Pas plus, semble-t-il, que n’a évolué celle du Premier ministre. »
Celui-ci lui est apparu « courtois et campé sur ses positions ». Tout comme elle, d’ailleurs, qui a rappelé : « Si le budget reste en l’état, nous avons toujours dit que nous voterions la censure. »
À Matignon, donc, les deux mots clés sont « courtoisie » et « respect ». Ils n’ont pas changé depuis qu’il y a quelque quatre-vingts jours, Michel Barnier a été nommé à la tête du gouvernement. Le climat des rencontres, rapporte-t-on, était « courtois », de même que les échanges, bien entendu. De cela, tout le monde est convaincu.
Quant au « respect », c’est la marque du Premier ministre. Quand il a interrompu ses consultations, lundi, pour se rendre à l’Hôtel-Dieu dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, celui-ci n’a pas voulu commenter ses rencontres du jour, si ce n’est par cette phrase : « Tout le monde doit être respecté. Les Français qui ont voté pour des députés des différentes sensibilités méritent d’être respectés. C’est pour cela que je reçois tous les responsables politiques, que je les écoute. »
Certes, mais il faudra bien, avant Noël, cesser de prendre des notes pour trancher. Comme on ne peut pas plaire à tout le monde, surtout en période de disette financière, les choix seront cruels, et éventuellement sanctionnés par une censure.
Tout le monde se souvient du slogan marquant de la campagne de François Mitterrand en 1981 : « La force tranquille. » Michel Barnier, lui, a choisi depuis sa nomination de surjouer au contraire « la faiblesse tranquille ». (…)
Les sondages indiquent que ce n’est plus si sûr. Mi-novembre, ils n’étaient « que » 47 % à souhaiter la censure du gouvernement. En huit jours, la proportion s’est inversée : 53 % des personnes interrogées s’y déclarent favorables.
Il ne faut évidemment pas gouverner les yeux rivés sur les enquêtes d’opinion. Mais la confiance d’une partie non négligeable des Français en Michel Barnier tenait au discours de vérité qu’il avait promis. L’échéance pour tenir cet engagement se rapproche. Si le Premier ministre se perd en concessions, la faiblesse tranquille pourrait se transformer en faiblesse tout court.
https://www.lepoint.fr/politique/michel-barnier-ou-la-faiblesse-tranquille-26-11-2024-2576277_20.php
Le Point, édito, 25 novembre, article payant
Si le PS vote la censure…
LE QUARTIER LIBRE DE SERGE RAFFY. Les députés socialistes auront-ils le cran de ne pas voter la motion de censure ? Devenir les Insoumis de Mélenchon ? Et éviter le chaos ?
Extraits :
(…) Jusqu’à aujourd’hui, malgré quelques grognements, voire quelques ruades, cherchant à marquer leur indépendance vis-à-vis de LFI, les socialistes ont joué les idiots utiles du parti mélenchoniste avec une candeur désarmante, souvent par anti-macronisme primaire. Ils sont restés agrippés à une machine folle, contrôlée par l’ancien sénateur de l’Essonne, dont le seul but est de pousser Emmanuel Macron à la démission, plonger le plus vite possible le pays dans le chaos, pour avoir une chance d’être le candidat de toute la gauche.
Pour y parvenir, il est impératif que l’ensemble des députés du NFP votent une motion de censure contre le gouvernement Barnier, dès qu’il aura actionné l’article 49.3, pour pouvoir faire adopter son budget et poursuivre cahin-caha sa gouvernance de funambule. Si le PS vote la motion de censure avec l’ensemble de ses alliés, et avec le soutien désormais acquis du RN, Michel Barnier sautera.
C’est le scénario rêvé, de LFI et du RN, celui d’un second tour d’une élection présidentielle anticipée entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, dans les premiers mois de 2025, pour tout dire demain. Ce plan ne serait plus une simple vue de l’esprit, mais une terrible réalité. (…)
C’est visiblement la position choisie par Olivier Faure et ses amis. Ils ont pourtant encore la possibilité de ne pas porter le poids de cette responsabilité historique, celle de servir, par ricochet, de marchepied à Marine Le Pen pour accéder à l’Élysée. Car ces apprentis sorciers du parti à la rose, par naïveté, calcul, ou petits intérêts boutiquiers, sont, hélas, en train de se positionner dans ce rôle maléfique. (…)
Le PS est désormais à la croisée des chemins. Arithmétiquement, avec ses seuls 62 députés, il peut encore renverser la table, ne pas commettre l’irréparable, en refusant d’accorder la majorité à une motion de censure qui plongerait la France dans le chaos. Il peut donc empêcher que les rêves de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se réalisent.
Dans ses rangs, qui aura le courage historique de s’opposer à cette logique mortifère ? Qui acceptera de dire à Olivier Faure et ses amis que cette semaine, sera, pour eux, décisive, s’ils ne veulent être balayés par le vent de l’Histoire ? Ils peuvent encore sauver les meubles. Et leur honneur.
https://www.lepoint.fr/debats/si-le-ps-vote-la-censure-25-11-2024-2576177_2.php
Frankfurter Allgemeine Zeitung, 25 novembre, article payant
Fragiles Frankreich: „Eine politische Krise wird eine Finanzkrise auslösen“
Frankreichs Sparhaushalt zerschellt an den politischen Realitäten. Der Barnier-Regierung droht im Dezember der Sturz.
Extraits :
In seinem Bemühen um Haushaltskonsolidierung stößt Frankreichs Premierminister Michel Barnier zunehmend an Grenzen. Auch ohne Zutun der Opposition erscheint immer ungewisser, was von dem Sparhaushalt übrig bleibt, den seine Minderheitsregierung im Oktober vorgelegt hat. In ursprünglicher Fassung sah er einen Mix aus staatlichen Ausgabensenkungen und höheren Abgaben für Konzerne sowie Gutverdiener im Umfang von rund 60 Milliarden Euro vor. Damit sollte das Haushaltsdefizit von mehr als sechs Prozent in diesem Jahr auf fünf Prozent im kommenden Jahr sinken. Nicht zuletzt den Ratingagenturen, Anleihemärkten und europäischen Partnern wollte Barnier die Fähigkeit zur Haushaltskonsolidierung demonstrieren.
Doch wirklich sparen möchte in seiner Regierung niemand. (…)
Angesichts des starken Widerstands der Opposition gegen den Haushaltsentwurf ist unklar, ob die Minderheitsregierung die kommenden Wochen überhaupt überstehen wird. Barnier hat schon angekündigt, im Dezember „wahrscheinlich“ vom berüchtigten Verfassungsparagraphen 49.3 Gebrauch zu machen. Mit ihm gälte das Haushaltsgesetz ohne weitere Abstimmung als angenommen. Sämtliche der jüngsten Änderungsanträge der Opposition könnten unberücksichtigt bleiben. Doch könnte diese die Gelegenheit nutzen, die Regierung mittels Misstrauensantrag zu stürzen.
Ob es so kommt, steht und fällt wohl mit Marine Le Pen. Ihr rechtspopulistischer Rassemblement National hat zusammen mit dem Linksbündnis Neue Volksfront die nötigen Stimmen, um der erst Anfang September formierten Regierung ein Ende zu bereiten. Während die Eskalationsbereitschaft der Linken als gesichert gilt, stellt Le Pen Bedingungen. (…)
Barnier ist sich der Bedrohungslage bewusst. Für diesen Montag hat er Le Pen zu einem Vieraugengespräch geladen. Damit drohen weitere kostspielige Zugeständnisse. Sie ließen das Ziel von fünf Prozent Neuverschuldung in noch weitere Ferne rücken – außer die Finanzmärkte bereiten dem Haushaltsgebaren ein Ende. Zum Wochenende hin ist die Differenz zwischen französischen und den als sehr sicher geltenden deutschen Staatsanleihen mit zehnjähriger Laufzeit wieder leicht gestiegen, auf rund 80 Basispunkte. Dieser Risikoaufschlag signalisiert wachsende Zweifel an Frankreichs Kreditwürdigkeit.
Kiev Post, 23 novembre, libre accès
OPINION: French Policy Playing Into Iranian and Russian Hands
France has not only not delivered on promises to Ukraine, it imports more Russian LNG – fueling Russia’s war machine and sends weapons needed by Ukraine to Lebanon – which go to Hezbollah.
Extraits :
French authorities are not putting their money where their mouths are.
“Politically, it was decided at the beginning of 2024 that this aid [for Ukraine] could reach €3 billion. In reality, we will be above €2 billion but not at €3 billion,” French Defense Minister Sébastien Lecornu said recently.
The French have a knack for making promises and have turned it into an art form – a political tool that allows them to create the appearance of active engagement in multiple regions around the world.
In February 2024, Emmanuel Macron had pledged €3 billion to Ukraine.
This generous statement followed reports highlighting that, to put it mildly, Paris lags behind other European powers, which tend to promise less but deliver more. Critics have pointed out that France’s contributions are relatively modest, particularly when it comes to heavy weaponry. (…)
An unusual situation is also developing around the arms France has committed to supplying Ukraine. First, there’s the curious case of the Mirage jets, which France sold to Serbia – a country with no pressing military conflicts.
But even more notable is the case of the Caesar self-propelled howitzers. Paris has pledged to deliver 12 of these to Ukraine, financed through frozen Russian funds. Given that nearly €1.5 billion remains in frozen accounts, why only 12? The answer appears to be that France has chosen to sell 36 additional howitzers to Armenia, a country preparing to sign a peace treaty with Azerbaijan.
Each howitzer is priced at about €6 million, leaving Armenia with a bill of approximately €216 million. This is a substantial expenditure, especially considering Armenia’s total defense budget of only €1.3 billion. Further complicating matters, Armenia is also purchasing about half a billion worth of arms from Iran – the very same Iran that aids Russia in its destruction of Ukraine, supplying missiles and drones, some of which have reached the Russian army through the airport in Yerevan.
Why do the interests of Iran and France converge in Armenia? Why are they actively arming it? As noted by numerous European analysts, both Tehran and Paris have an interest in undermining peace agreements in the South Caucasus.
“Why is Paris interested in sending weapons to Armenia, which, according to numerous publications in the West, is a hub for circumventing sanctions for Iran and Russia? For centuries, France has viewed the Southern Caucasus as a geopolitical battleground, vying for influence there against the Ottoman Empire, the British Empire, Russia, and later Turkey. Macron, whose country generates 80% of its electricity from nuclear reactors, has little concern that Azerbaijan is a significant source of natural gas and, in the future, electricity for the EU,” writes the American analytical journal Townhall.
For Iran, drawing secular Azerbaijan into a conflict – whom it regards as “Israel’s foothold in the Caucasus” – is a strategic advantage. Tehran’s doctrine of merging three conflicts into one (the Middle Eastern, Caucasian, and Russo-Ukrainian) allows it to amplify its influence across these regions, inflicting harm on the “collective West” and Israel simultaneously.
In terms of Israel, the interests of France and Iran align closely in Lebanon as well. Paris, still seemingly considering Lebanon its protectorate, coordinates with Tehran – whose proxy terrorist organization, Hezbollah, has nearly taken over the south of the country – on joint ceasefire negotiations.
Iran supplies Hezbollah directly, while France sends weapons (which Ukraine needs) to the Lebanese army, arms that end up in Hezbollah’s hands. Essentially, Iran finds itself in a double-win position, and France, which frequently clashes with Israel, doesn’t suffer losses in this arrangement either. (…)
“Exchanges of strategic intelligence, transfers of anti-drone technology: Ukrainian and Israeli services have started talking to each other in a rapprochement their allies had long hoped for. Each side has assets the other can use against their respective long-standing enemies, Russia and Iran,” stated the respected journal Intelligence Online last month.
In summary, it’s disappointing to note that among those who publicly proclaim their commitment to Ukraine’s victory, there are some who are either playing a double game or simply advancing their own agenda.
https://www.kyivpost.com/opinion/42622
Le Figaro, 21 novembre, article payant
Si le gouvernement tombe sur le budget, la France risque-t-elle un «shutdown» à l’américaine?
DÉCRYPTAGE – En cas de motion de censure et de budget introuvable, la France sera engagée dans une course contre la montre pour éviter un scénario catastrophe.
Extraits :
Le vote du budget 2025 pourrait-il bientôt se transformer en expérimentation constitutionnelle ? Pris en étau entre un article 49.3 brandi par le gouvernement et une motion de censure possible en cas d’union de circonstance entre la gauche et le RN, le projet de loi finance (PLF) a un avenir incertain. Avec de lourdes conséquences. Une crise politique, en cas de renversement du gouvernement sur le budget, « déclenchera une crise financière », a prévenu mardi l’ancien premier ministre Édouard Philippe. « Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera la France d’un budget et la précipitera dans le désordre et la chienlit », a conforté Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, au micro d’Europe 1 ce mercredi. (…)
Pour imaginer l’ampleur de ce désordre, il faut se pencher sur les textes de la Constitution et s’atteler à un exercice prospectif aux issues parfois inconnues. « Tout dépend à quel moment l’article 49.3 est invoqué », amorce Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille et constitutionnaliste. Si Michel Barnier décide de passer en force lors de la dernière lecture à l’Assemblée nationale, le premier ministre ouvrirait alors une cascade constitutionnelle. Dans le cas d’une motion de censure adoptée par le Parlement, le gouvernement serait contraint à la démission et le projet de loi serait rejeté. Dans ce cas précis, l’article 47 de la Constitution et l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) balisent le terrain pour éviter un scénario de blocage, à l’image du shutdown à l’américaine, c’est-à-dire une paralysie budgétaire allant jusqu’à empêcher de payer les fonctionnaires.
« L’article 45 prévoit plusieurs hypothèses, détaille Jean-Philippe Derosier. Si un nouveau texte est déposé avant le 11 décembre, la loi permet au Sénat d’examiner la première partie avant que la seconde partie soit adoptée par l’Assemblée nationale. » Un premier jet, qui concernerait les recettes, pourrait alors être adopté avant le 31 décembre. Les dépenses seraient débattues dans un second temps. (…)
« Une autre hypothèse, plus périlleuse mais plus probable, intervient si l’on se situe entre le 11 et le 19 décembre, détaille Jean-Philippe Derosier. Le gouvernement peut déposer un projet de loi spécial qui lui permet de demander la reconduction des impôts votée lors de la loi de finances 2024. » Si le projet de loi est adopté, l’État pourrait alors récolter l’impôt tout en fixant les dépenses par décret. (…) Que se passerait-il alors ? « Ce n’est pas prévu dans les textes, concède Jean-Philippe Derosier. De même que rien n’est prévu si aucun texte n’est déposé avant le 19 décembre. »
Cette situation chaotique qui entraînerait une crise de régime est politiquement peu probable. Parmi les parlementaires, combien sont vraiment prêts à sauter dans l’inconnu ? D’autant plus qu’en ultime recours, certains constitutionnalistes envisagent, au nom de la continuité nationale, un usage de l’article 16 qui donnerait les pleins pouvoirs au président de la République. Pour être invoqué, cet article suppose toutefois certaines conditions, comme l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, la menace grave des institutions, l’indépendance de la nation ou de l’intégrité du territoire. « Il n’a sans doute pas été conçu dans la perspective d’un blocage budgétaire, mais pourrait-il servir à traiter ce cas ? La question est inédite », notait le constitutionnaliste Jean-Pierre Camby dans un article de la Revue politique et parlementaire en juillet dernier. (…)
Le Point, 21 novembre, article payant
La préférence française pour la banqueroute
L’ÉDITO D’ÉTIENNE GERNELLE. L’accablante réalité, c’est qu’aucune force politique n’a l’intention de porter un message raisonnable pour redresser nos finances publiques.
Extraits :
Fascinant gouffre que celui des finances publiques : il a le pouvoir d’engloutir non seulement des milliards mais aussi les volontés, et même les discernements. Pourquoi des années d’alerte sur la dette ont-elles eu si peu d’effets ?
Michel Barnier est arrivé à Matignon en avertissant solennellement sur la gravité de la situation, et, fait exceptionnel, tout le monde ou presque était d’accord avec lui sur ce point. Y compris sur les bancs de LFI et du RN, dont les programmes témoignent pourtant d’un mépris intersidéral pour l’équilibre des comptes.
Sauf que, deux mois après, les mêmes sables mouvants ont étouffé ce bel élan. (…)
L’accablante réalité est qu’il ne s’y trouve aucune force politique pour porter ne serait-ce qu’un message raisonnable. La perspective de l’accident financier, pour la quasi-intégralité de la classe politique française, demeure préférable aux conséquences politiques des actions nécessaires pour l’éviter. L’inaction, à ce stade, ne relève plus de l’insouciance mais bien d’un choix. (…)
Le phénomène n’est pas totalement nouveau. Dans une note pour la Fondation Saint-Simon publiée en 1994 par la revue Le Débat, Denis Olivennes détaillait ce qu’il appelait la « préférence française pour le chômage ». Sa thèse, qui fit alors scandale, était que le chômage, plus élevé en France que chez ses voisins, ne résultait pas de la fatalité mais d’un choix. En clair, la protection farouche de ceux qui sont bien en place dans le travail – les insiders – et de leur rémunération maintenait hors de l’emploi les outsiders, notamment les moins qualifiés, le tout étant amorti par un niveau de protection sociale très élevé. Ce « contrat social » fondé sur « le partage des revenus à travers les transferts sociaux plutôt qu’à travers le travail » faisait l’objet « d’une préférence collective, d’un consensus inavoué » entre patronat, syndicats et État.
Le même mécanisme est manifestement à l’œuvre à propos des finances publiques. Aucune force politique française ne plaide réellement pour des réformes telles que les ont menées Gerhard Schröder (social-démocrate) en Allemagne, Mario Monti (centriste) en Italie, Mariano Rajoy (de droite) en Espagne, José Socrates (socialiste) au Portugal ou Alexis Tsipras (gauche radicale) en Grèce. Aucun parti français n’a, par exemple, la sagesse budgétaire des socialistes espagnols, qui n’ont pas touché à la retraite à 67 ans en arrivant au pouvoir. (…)
Le cardinal de Retz, dans ses Mémoires, décrit bien ce processus : « Le dernier point de l’illusion, en matière d’État, est une espèce de léthargie, qui n’arrive jamais qu’après de grands symptômes. […] Le mal […] n’est jamais à son période [point culminant] que quand ceux qui commandent ont perdu la honte, parce que c’est justement le moment dans lequel ceux qui obéissent perdent le respect ; et c’est dans ce même moment où l’on revient de la léthargie, mais par des convulsions. »
L’horizon des « convulsions » se rapproche : la dégradation de l’économie française ne va pas aider à sortir de la spirale des déficits. Et tout pourrait s’accélérer si d’aventure le gouvernement Barnier était censuré juste avant Noël, précisément sur le budget. Si cela se produit – et c’est encore évitable ! –, ceux qui « ont perdu la honte », selon la formule du cardinal de Retz, connaîtront la véritable impopularité.
Le Figaro, 21 novembre, libre accès
Les députés approuvent en commission l’abrogation de la réforme des retraites
Inscrite au programme de la niche parlementaire LFI, la loi d’abrogation des réformes Macron et Touraine sera débattue dans l’Hémicycle le 28 novembre.
Extraits :
C’est une première étape qui laisse présager d’une abrogation, par l’Assemblée, des deux dernières réformes des retraites. Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté mercredi à la mi-journée le texte déposé par le groupe de La France insoumise (LFI) dans le cadre de sa niche parlementaire, qui se tiendra le jeudi 28 novembre prochain. Sans surprise, l’ensemble des forces de gauche et les élus du Rassemblement national, tous farouchement opposés au report de l’âge de départ à 64 ans, ont uni leurs voix pour qu’un retour aux 62 ans soit débattu dans l’Hémicycle. (…)
Le texte de LFI prévoit en outre un retour aux 42 annuités de cotisation pour pouvoir prendre sa retraite. Cela revient à une abrogation de la loi Touraine, adoptée lors du quinquennat de François Hollande, qui avait porté la durée de cotisation à 43 annuités. (…)
Le passage de l’âge de départ de 62 à 64 ans est particulièrement impopulaire. Un sondage Toluna/Harris Interactive publié mardi porte à 71% la part de Français favorables à son abrogation. (…)
Le Figaro, 21 novembre, article payant
Si le gouvernement tombe sur le budget, la France risque-t-elle un «shutdown» à l’américaine?
DÉCRYPTAGE – En cas de motion de censure et de budget introuvable, la France sera engagée dans une course contre la montre pour éviter un scénario catastrophe.
Extraits :
Le vote du budget 2025 pourrait-il bientôt se transformer en expérimentation constitutionnelle ? Pris en étau entre un article 49.3 brandi par le gouvernement et une motion de censure possible en cas d’union de circonstance entre la gauche et le RN, le projet de loi finance (PLF) a un avenir incertain. Avec de lourdes conséquences. Une crise politique, en cas de renversement du gouvernement sur le budget, « déclenchera une crise financière », a prévenu mardi l’ancien premier ministre Édouard Philippe. « Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera la France d’un budget et la précipitera dans le désordre et la chienlit », a conforté Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, au micro d’Europe 1 ce mercredi. (…)
Pour imaginer l’ampleur de ce désordre, il faut se pencher sur les textes de la Constitution et s’atteler à un exercice prospectif aux issues parfois inconnues. « Tout dépend à quel moment l’article 49.3 est invoqué », amorce Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille et constitutionnaliste. Si Michel Barnier décide de passer en force lors de la dernière lecture à l’Assemblée nationale, le premier ministre ouvrirait alors une cascade constitutionnelle. Dans le cas d’une motion de censure adoptée par le Parlement, le gouvernement serait contraint à la démission et le projet de loi serait rejeté. Dans ce cas précis, l’article 47 de la Constitution et l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) balisent le terrain pour éviter un scénario de blocage, à l’image du shutdown à l’américaine, c’est-à-dire une paralysie budgétaire allant jusqu’à empêcher de payer les fonctionnaires.
« L’article 45 prévoit plusieurs hypothèses, détaille Jean-Philippe Derosier. Si un nouveau texte est déposé avant le 11 décembre, la loi permet au Sénat d’examiner la première partie avant que la seconde partie soit adoptée par l’Assemblée nationale. » Un premier jet, qui concernerait les recettes, pourrait alors être adopté avant le 31 décembre. Les dépenses seraient débattues dans un second temps. (…)
« Une autre hypothèse, plus périlleuse mais plus probable, intervient si l’on se situe entre le 11 et le 19 décembre, détaille Jean-Philippe Derosier. Le gouvernement peut déposer un projet de loi spécial qui lui permet de demander la reconduction des impôts votée lors de la loi de finances 2024. » Si le projet de loi est adopté, l’État pourrait alors récolter l’impôt tout en fixant les dépenses par décret. (…) Que se passerait-il alors ? « Ce n’est pas prévu dans les textes, concède Jean-Philippe Derosier. De même que rien n’est prévu si aucun texte n’est déposé avant le 19 décembre. »
Cette situation chaotique qui entraînerait une crise de régime est politiquement peu probable. Parmi les parlementaires, combien sont vraiment prêts à sauter dans l’inconnu ? D’autant plus qu’en ultime recours, certains constitutionnalistes envisagent, au nom de la continuité nationale, un usage de l’article 16 qui donnerait les pleins pouvoirs au président de la République. Pour être invoqué, cet article suppose toutefois certaines conditions, comme l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, la menace grave des institutions, l’indépendance de la nation ou de l’intégrité du territoire. « Il n’a sans doute pas été conçu dans la perspective d’un blocage budgétaire, mais pourrait-il servir à traiter ce cas ? La question est inédite », notait le constitutionnaliste Jean-Pierre Camby dans un article de la Revue politique et parlementaire en juillet dernier. (…)
Le Figaro, 20 novembre, article payant
Pierre Vermeren: «La classe moyenne se débat depuis quinze ans contre la régression économique»
TRIBUNE – Un constat que les élites refusent de dresser malgré les leçons à tirer de l’exemple américain et de l’élection de Donald Trump.
* Normalien, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages remarqués, comme « La France qui déclasse. De la désindustrialisation à la crise sanitaire » (Tallandier, « Texto », 2020) et « L’Impasse de la métropolisation » (Gallimard, « Le Débat », 2021).
Extraits:
Sans être à l’arrêt, l’économie française est entrée en 2008 dans une phase léthargique durable dont elle ne parvient pas à s’extraire. La crise annoncée pour 2025 va en amplifier les effets. Cette longue stagnation explique l’enthousiasme suscité dans les milieux patronaux et libéraux par l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, dont il était attendu qu’il brise le cercle vicieux de notre impuissance collective à créer davantage de richesses.
Un an après, le mouvement des « gilets jaunes » de 2018-2019 a dévoilé de manière spectaculaire la souffrance des classes populaires et moyennes, soumises à dix ans de stagnation, voire de régression, économique, que l’on imputa à gauche à un partage inégalitaire des richesses, et à droite au blocage de la production. En sommes-nous sortis, ainsi qu’on l’assène dans certains médias ?
La léthargie économique se prolonge. En 2008, la richesse produite en France (le PIB) atteignait 2930 milliards de dollars ; quinze ans plus tard en 2023, elle n’atteint que 3031 milliards ! La croissance en équivalent dollars fut si infime (3,5 % en quinze ans) que les 2930 milliards de 2008 n’ont été dépassés qu’en 2021.
Lorsqu’un Français aisé — c’est désormais la condition — se rend aux États-Unis, il y mesure l’ampleur de la chute de son pouvoir d’achat. Durant ces quinze ans, le PIB des États-Unis s’est accru de près de 90 %, celui de l’Inde en dollars a été multiplié par trois, dépassant allègrement celui de la France, à 3550 milliards. Enfin, celui de l’Allemagne — dont on aime souligner la crise qui a fini par la rattraper — a crû de 19 %.
Si la terrible crise politique et morale qui frappe la société française peut être analysée selon bien des angles, la stagnation économique en est le fondement. Or, durant ces quinze ans, la dette publique française a plus que doublé, dépassant le niveau du PIB en 2023, quand elle n’en représentait que les deux tiers en 2008.
Avec de tels chiffres, les pouvoirs publics pourraient être modestes. Or, jusqu’à ces dernières semaines, ils s’honoraient d’avoir guéri le chômage de masse et d’avoir engagé un processus de réindustrialisation, après la chute historique de la richesse industrielle dans notre PIB, passée de 41 % en 1973 à 11 % en 2023 (elle était encore de 17 % en 1995).
La France produit une part toujours moindre des richesses matérielles qu’elle consomme, et compense ses manques à gagner fiscaux et commerciaux par la surfiscalité et l’endettement public et commercial. Ceux-ci ont fini en retour par asphyxier notre croissance et notre production de richesses.
L’économie française est embourbée. Cette situation forge désormais le comportement électoral des classes populaires et moyennes françaises, dont on s’étonne pourtant après chaque scrutin dans les médias et les métropoles. (…)
Destruction de compétences et d’énergies, perte irrémédiable de savoir-faire dans des métiers indispensables (papier-carton, agroalimentaire, aciers spéciaux…) pour lesquels nous disposons d’un marché et de ressources, aggravation d’un déficit commercial insoutenable, effondrement de régions pauvres sans solution de rechange, dénatalité suicidaire qui s’accélère, radicalisation politique, pertes fiscales, envol des ultimes illusions quant au projet européen, il est en effet plus qu’urgent d’interpeller nos dirigeants sur le suicide en cours de notre modèle social et politique. Il est minuit moins cinq avant d’entrer dans l’inconnu, et une réponse convenue ne suffit plus.
Le Point, 20 novembre, article payant
Avec les agriculteurs, l’union nationale retrouvée
LA CHRONIQUE D’ARTHUR CHEVALLIER. La défense de l’agriculture française face au Mercosur est devenue la cause et le prétexte d’une nation qui avait un besoin vital de concorde.
Extraits:
L’union nationale ne se décrète pas. Elle survient de façon imprévisible et collective. C’est un élan de la France vers elle-même, des retrouvailles intempestives et inarrêtables. Le pays met à l’écart qui se distingue et qui refuse d’y participer. C’est ce qu’est en train de susciter l’accord sur le Mercosur couplé à la colère des agriculteurs. Alors que les statistiques indiquent depuis dix ans une « archipélisation » de la nation, sa fragmentation en communautés irréconciliables, bref, un pays qui ne serait plus un peuple, l’histoire survient et nous ramène dans le droit chemin.
La France n’est jamais seule, elle est solitaire, ce qui n’a rien à voir. Elle n’a jamais eu besoin de l’assentiment du monde pour grandir et s’accomplir. (…)
Ces résurrections miraculeuses tiennent à des individus, Napoléon Bonaparte, Georges Clemenceau, Charles de Gaulle, mais aussi à un tempérament incomparable. En dépit des divisions, la France retrouve l’unité, sans d’ailleurs que l’on sache trop comment. Le Mercosur est, bien sûr, un danger pour notre agriculture, mais beaucoup d’experts et d’agriculteurs reconnaissent qu’il est aussi le bouc émissaire idéal pour des politiciens qui ont commis beaucoup d’erreurs depuis vingt-cinq ans.
Cette colère ne tient pas seulement à un accord commercial, ce serait mal connaître la France. L’Union européenne ne faisait pas l’unanimité en France, mais depuis les dernières élections, la France ne fait plus l’unanimité non plus à Bruxelles. En témoignent les nominations des commissaires, pour lesquelles Paris sortait évidemment perdante, pour ne pas dire humiliée. Une humiliation discrète, certes, mais ressentie par le pays dans un frisson de déplaisir.
La nation rend aujourd’hui à l’Union européenne la monnaie de sa pièce. Cette concorde nationale est une affirmation d’orgueil vis-à-vis d’une mauvaise manière, mais aussi une opportunité pour un pays fracturé de se retrouver autour de ce qu’il sait faire de mieux : lui-même. Et s’il faut être seuls, eh bien, soyons-le ! Nous en avons l’habitude, ça ne suscite pas la moindre crainte.
L’Union européenne est en train de devenir une aristocratie de juristes, de rentiers et de donneurs de leçons, parfois les trois à la fois, qui pensent pouvoir passer outre la liberté et les processus démocratiques. Il est vrai que le fonctionnement de l’Union est complexe et que, en réalité, le commun des mortels n’en connaît ni les détails ni les ensembles. Or, une institution aussi importante se doit d’être lisible. Si elle ne l’est pas, elle est rejetée. Qui accepte avec plaisir la taxation, la coercition et les contraintes quand il ne comprend pas les règles ? La démocratie implique l’adhésion, et l’adhésion implique la compréhension.
Ériger l’agriculture en cause nationale, ce n’est pas anodin non plus. Dès les débuts de l’Europe, les règles étaient claires : à l’Allemagne l’industrie, à la France l’agriculture. Ce choix venait de loin. La paysannerie est une tradition française, nul besoin d’être historien pour le savoir. (…) Le ministère de l’Agriculture est une des fonctions les plus prestigieuses du gouvernement, et une des portes d’entrée les plus sûres pour accéder à la magistrature suprême. Jacques Chirac l’avait bien compris, et n’était finalement jamais sorti de ce rôle, celui d’un représentant permanent des terroirs.
Les agriculteurs sont devenus la cause et le prétexte d’une nation qui avait un besoin vital de concorde. Par un effet pour ainsi dire magique, la France est sauvée par son identité. Aux arguments rationnels et aux menaces de Bruxelles, ce vieux pays oppose sa liberté, son instinct et sa volonté. Au contraire de nos voisins, l’isolement ne nous affaiblit pas, il nous renforce. L’entêtement, l’adversité et la folie sont les matières dans lesquelles jamais la France n’échoue.
Le Figaro, 19 novembre, article payant
Nicolas Baverez : «Le retour du chômage de masse»
CHRONIQUE – La résurgence du chômage de masse n’est pas liée à un trou d’air de la conjoncture mais au cumul de trois chocs dont les effets seront durables.
Extraits :
La permanence du chômage de masse constitue une exception française. Contrairement aux grands pays développés, notre pays n’a jamais renoué avec le plein-emploi depuis les chocs pétroliers. Le taux de chômage n’a ainsi jamais été inférieur à 7 % de la population active depuis 1977. Alors qu’il avait atteint 10,4 % durant le quinquennat de François Hollande, il a diminué sous les présidences d’Emmanuel Macron jusqu’à 7,2 %, tout en restant très supérieur au seuil du plein-emploi fixé à 5 % – que respectent les États-Unis (4,1 %) et le Royaume-Uni (4,3 %).
Or, depuis l’été 2024, le marché du travail français connaît un brutal retournement. Le taux de chômage est remonté à 7,4 % et culmine à 19,7 % chez les jeunes. Il s’élèvera à 7,5 % à la fin de l’année et tendra vers 8 % à fin 2025, en raison de l’envol des faillites d’entreprise et des plans sociaux – à l’image de Michelin, Auchan, Airbus Défense – ainsi que de l’arrêt des embauches. La résurgence du chômage de masse n’est pas liée à un trou d’air de la conjoncture mais au cumul de trois chocs dont les effets seront durables.
L’éclatement de la mondialisation en blocs rivaux place l’Europe dans une position de grande vulnérabilité entre le renouveau industriel des États-Unis et le dumping industriel de la Chine. La tenaille se resserre spectaculairement avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. (…)
L’Union européenne est enfermée dans une grande stagnation en raison de sa stratégie malthusienne fondée sur l’euthanasie de la production par le renchérissement de l’énergie, les normes et les taxes qui dissuadent l’investissement et l’innovation. À ceci s’ajoute la crise du modèle économique de ses grandes nations : mercantilisme allemand, décroissance à crédit française, dépression et surendettement italiens, surtourisme espagnol. Le coup de grâce a été porté en France par la crise politique déclenchée par la dissolution et par le projet de loi de finances pour 2025. (…)
Le projet de loi de finances préparé par le gouvernement est destructeur pour l’emploi et constitue une nouvelle illustration des fautes de politique économique qui ont précipité le déclassement de l’économie française. L’application aux grandes entreprises d’un taux d’IS de 35 % parmi les plus élevés du monde développé et de plus de 8 milliards d’euros de prélèvements les contraint à couper dans leurs effectifs et dans les contrats passés avec leurs sous-traitants. (…)
La loi de finances se résume donc à une machine à détruire l’activité et l’emploi en France ainsi qu’à délocaliser la production, les investissements et le développement, tout particulièrement vers les États-Unis. Elle annihilera la croissance, relancera le chômage et entraînera une nouvelle dégradation des finances publiques, car les dépenses croîtront plus vite que les recettes et que la dette publique – qui s’envolera au-dessus de 115 % du PIB – progressera plus rapidement que la richesse nationale.
Ce désastre n’a rien de fatal. L’élection de Donald Trump constitue un électrochoc qui ne doit pas seulement réveiller l’Europe, mais aussi la France. Le projet de loi de finances pour 2025 est mort-né. Son examen par le Sénat fournit l’occasion d’une réorientation radicale avec le remplacement des hausses d’impôts par des suppressions effectives de dépenses. Surtout, le redressement des finances publiques doit prendre place dans une stratégie de transformation, à l’image des expériences de modernisation réussies par l’Europe du Nord, l’Irlande ou le Portugal. (…)
La France doit mettre à profit la nouvelle ère qui succède à la mondialisation pour réinventer son modèle économique et social. En réconciliant l’État, les entreprises et les citoyens. En réalignant le capital humain, économique, financier et naturel. L’effort de diminution des dépenses publiques doit être accompagné d’une reconstruction de l’appareil de production, dont la clé réside dans l’augmentation du volume et de la productivité du travail. Travailler plus et mieux ne constitue pas seulement l’arme la plus efficace contre le chômage de masse. C’est aussi le seul moyen de renouer avec la prospérité, d’enrayer la paupérisation de la population, d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale et de restaurer notre souveraineté.
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/nicolas-baverez-le-retour-du-chomage-de-masse-20241117
L’Opinion, éditorial, 19 novembre, article payant
Le Mercosur, bouc émissaire d’une agriculture à la dérive
A vrai dire, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire souffrent, comme le reste de l’économie, d’un « modèle français » à bout de souffle…
Extraits :
Heureusement qu’il y a le Mercosur ! Les élus français font bloc. Le duo exécutif aussi. Tous contre l’accord de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique du Sud. Tous pour nos agriculteurs, de nouveau prêts à en découdre. Et sans doute tous satisfaits d’avoir trouvé un bouc émissaire pour mieux dissimuler leur propre responsabilité dans la faillite de la Ferme France. Car la première puissance agricole européenne, déclassée à l’export, n’est plus que l’ombre d’ellemême. Sa compétitivité s’est effondrée de notre seul fait, de notre seul aveuglement. Après vingt ans d’abandon, elle est au bord du décrochage.
La ministre du Commerce extérieur dénonce l’incohérence d’un accord antinomique avec le Pacte vert. Soit, mais où est la cohérence lorsque Paris interdit des substances actives encore autorisées chez nos concurrents de l’Union européenne et en Ukraine ? La ministre met en garde contre la fragilisation de certaines filières – à raison pour le boeuf, la volaille et le sucre – au nom de la souveraineté alimentaire. Soit, mais que n’alertet-elle sur une dépendance alimentaire exponentielle, puisque le pays importe désormais 20 % de sa consommation, et 70 % de ses fruits – du jamais vu ! A vrai dire, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire souffrent, comme le reste de l’économie, d’un « modèle français » à bout de souffle : coût du travail excessif, montée en gamme ratée, fiscalité asphyxiante, productivité en berne, surtranspositions de normes communautaires, bureaucratie tatillonne, politiques contradictoires… Impérative dans le cadre de la transition écologique, la transformation du secteur mérite mieux qu’un déni sur les causes de son déficit de compétitivité et qu’une fixation sur le Mercosur. Là comme ailleurs, la France s’isole dans le concert européen en défendant un logiciel obsolète. Au risque d’ajouter à l’impuissance l’humiliation.
https://www.lopinion.fr/politique/le-mercosur-bouc-emissaire-dune-agriculture-a-la-derive
Le Point, 18 novembre, article payant
« Le Mercosur n’est pas le problème de l’agriculture française »
INTERVIEW. Pour l’ex-patron du Commerce extérieur de l’Union Jean-Luc Demarty, l’accord commercial est un bouc émissaire qui masque les vrais problèmes de l’agriculture française.
Voir « Article du Jour »
Le Monde, 18 novembre, article payant
Éditorial : Mercosur : la France face à son impuissance
Le refus de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie) fait l’objet d’un consensus politique inhabituel. Mais fragilisé par un modèle agricole à bout de souffle et tétanisé par la perspective d’une crise sociale, Paris n’a guère les moyens de peser sur le débat.
Extraits :
(…) Ce traité, négocié depuis près de vingt-cinq ans, constitue une source d’occasions favorables pour l’industrie européenne, les produits laitiers et les alcools tout en sécurisant les indications géographiques protégées sur de nombreux produits alimentaires. En revanche, pour les éleveurs de bovins, de volailles et les céréaliers, l’accord de libre-échange est un repoussoir qui fragiliserait des filières déjà mal en point. Outre une augmentation des quotas d’exportations, ces secteurs dénoncent le risque d’être livrés à une concurrence déloyale qui peut accélérer le déclin de l’agriculture française.
Les raisons de critiquer cet accord ne manquent pas. Dans une tribune publiée dans Le Monde, 600 parlementaires soulignent son incompatibilité avec l’accord de Paris sur le climat de 2015, notamment en matière de déforestation. Faute de contrôles adéquats sur les produits importés, il expose l’agriculture française à une concurrence dont les modes de production sont beaucoup moins exigeants sur le plan réglementaire, que ce soit pour l’usage des pesticides et des hormones ou pour le respect du bien-être animal. Surtout, l’accord met en évidence des écarts de compétitivité difficilement surmontables pour un modèle français caractérisé par des exploitations plus petites. Les parlementaires alertent enfin sur la remise en cause de la sécurité de nos approvisionnements agricoles.
Alors que la classe politique française est plus divisée que jamais, le refus de l’accord sur le Mercosur fait l’objet d’un consensus inhabituel, de l’Assemblée nationale au gouvernement en passant par le président de la République. Sous la pression d’une colère agricole qui ne parvient plus à s’apaiser, chacun clame haut et fort que le traité n’est pas acceptable « en l’état ». Mais cette unanimité trouve peu d’écho sur le plan européen, où la France peine à rallier à sa cause la minorité de blocage qui permettrait de surseoir au texte.
La plupart des Etats membres pensent, au contraire, qu’il serait dangereux de renoncer à cet accord au moment où, après l’élection de Donald Trump, la tentation protectionniste s’empare des Etats-Unis, tandis que la Chine est prête à profiter des atermoiements des Vingt-Sept pour renforcer ses positions en Amérique du Sud. L’Europe, qui cherche à s’affirmer comme puissance dans un monde qui lui est de plus en plus hostile, a-t-elle les moyens de se priver de nouveaux débouchés commerciaux ?
Fragilisée par un modèle agricole à bout de souffle et tétanisée par la perspective d’une crise sociale au pire moment, la France n’a guère les moyens de peser sur le débat. Si Bruxelles décidait de passer outre l’avis de Paris, cela acterait un recul inédit du poids de la France en Europe. Plus grave encore, l’épisode risque de laisser une trace néfaste et durable dans l’opinion française en nourrissant un sentiment anti-UE.
IREF / Contrepoints, 18 novembre, libre accès
Hausse du chômage : vivement la fin du modèle social français !
Ainsi donc, le taux de chômage en France (hors Mayotte) repart à la hausse au troisième trimestre 2024.
Extraits :
Ainsi donc, le taux de chômage en France (hors Mayotte) repart à la hausse au troisième trimestre 2024. De 7,3 % au trimestre précédent, il grimpe à 7,4 % selon les indicateurs publiés par l’INSEE, notre Institut national de la statistique. La hausse peut sembler légère, tout juste l’épaisseur du trait, mais elle intervient dans un contexte d’annonces de plans sociaux qui ne pousse guère à l’optimisme et qui compromet lourdement la promesse du Président de la République Emmanuel Macron d’atteindre un taux de plein-emploi de l’ordre de 5 % en 2027. (…)
Dans le détail des chiffres du chômage de l’INSEE, on peut remarquer que les femmes s’en tirent mieux que les hommes. Leur taux baisse de 7,4 à 7,2 % entre le second et le troisième trimestre 2024, tandis que celui des hommes augmente sur la même période de 7,3 à 7,6 %. Mais surtout, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans fait un bond, passant de 17,9 à 19,7 % entre juin et septembre 2024. Au total, selon les critères retenus par l’INSEE qui sont ceux du Bureau international du travail (BIT), la France a aujourd’hui 2,33 millions de chômeurs, dont 671 000 jeunes.
À ce stade, quelques précisions. Le taux de chômage n’est pas la seule façon de rendre compte de l’emploi dans un pays donné. Ce taux est calculé relativement à la population active qui comprend aussi bien les personnes ayant un emploi que les personnes officiellement au chômage. Mais la population active ne représente qu’une partie de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans selon la définition du BIT).
C’est pourquoi, afin de voir si notre économie utilise judicieusement ses ressources de travail, il est également utile de suivre le taux d’activité qui donne la part de la population active par rapport à la population en âge de travailler et le taux d’emploi qui donne le ratio de la population ayant un emploi sur la population en âge de travailler.
En France, à la fin de l’année 2023, les choses se présentaient comme suit :
Tous ces chiffres analysés ensemble sont inquiétants à deux titres.
Tout d’abord, ils placent la France en mauvaise position par rapport à ses pairs de l’OCDE, du côté des pays enregistrant les taux de chômage les plus élevés. Son propre taux de 7,4 % est en effet à comparer internationalement aux 3,5 % de l’Allemagne, aux 3,7 % des Pays-Bas, aux 4,3 % du Royaume-Uni et aux 4,4 % de l’Irlande. (…)
C’est une caractéristique du chômage français depuis de nombreuses années : il monte et il descend au gré de la conjoncture économique mondiale, mais il le fait en restant systématiquement perché deux à trois points au-dessus de celui des pays voisins les plus performants économiquement. Ce qui trahit à l’évidence l’existence de freins structurels puissants à l’emploi.
Ensuite, ces chiffres, quoique comparativement élevés, n’intègrent pas encore les sombres perspectives annoncées par les faillites records et les plans sociaux divulgués ces derniers temps, notamment chez Michelin et Auchan. Et disons que tout cela était écrit depuis un bon moment, c’est-à-dire depuis que le « quoi qu’il en coûte » a remplacé l’analyse économique rigoureuse et le courage politique à la tête de l’État. (…)
L’imaginaire français ne manque pas de solutions simples et percutantes face à la question du chômage, face à la « violente saignée industrielle » (formule de Sophie Binet, patronne de la CGT) à laquelle se livreraient les patrons dans l’unique but de préserver leurs marges et leurs dividendes. Il suffirait, primo, de geler les licenciements, et secondo, de conditionner l’octroi des aides aux entreprises au maintien de l’emploi.
Il serait de beaucoup préférable de ne pas leur octroyer d’aides du tout. Mais c’est un point que le gouvernement et Sophie Binet ne sont pas près de réclamer, sauf de façon purement politicienne, car quoi qu’ils en disent, l’existence de ces aides leur permet d’avoir un moyen de pression sur les entreprises.
De fait, tout l’enjeu des entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes du reste du monde s’articule autour de la productivité, autour du coût du travail et autour de tous les autres coûts des facteurs de production. Qu’on parle du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) ou qu’on parle des baisses de charges sociales sur les bas salaires (éléments principaux des aides aux entreprises, qui ont du reste fusionné en 2019), on parle en fait de petites techniques hâtivement concoctées au coup par coup pour corriger les nombreux défauts de notre modèle social, à savoir un modèle trop cher en charges sociales et trop cher en impôt.
Ajoutez à cela un déluge de réglementations, obligations et interdictions que même le législateur ne maîtrise plus (il est en effet fréquent de voir les députés proposer de « nouvelles » dispositions qui existent déjà).
Eh bien, chers lecteurs, je suis au désespoir d’avoir à le dire, mais il sera impossible de trouver le plein-emploi – et ses compagnons la croissance et la prospérité – dans le cadre de notre modèle social collectif, redistributif et follement dépensier. Et je suis également désolée de vous dire que nos politiciens, nos dirigeants, sont très loin d’en avoir pris conscience. N’était-ce pas le Premier ministre Michel Barnier lui-même qui a eu pour première réaction de s’inquiéter des aides publiques reçues par Michelin et Auchan quand ces derniers ont annoncé vouloir fermer des sites de production en France en raison de leur faible rentabilité ?
Le Figaro, 17 novembre, article payant
SNCF : comment la «gréviculture» maison a fait dérailler l’activité fret
RÉCIT – Fret SNCF va disparaître au 31 décembre, pour être remplacée par deux sociétés. Les syndicats menacent de faire grève à Noël. Mais l’entreprise accumulait les pertes abyssales, notamment à cause de la rente de situation des cheminots.
Extraits :
C’est de saison : une nouvelle fois, les cheminots agitent le spectre d’une grève pendant les fêtes de fin d’année. Les syndicats de la SNCF (CGT-Cheminots, Unsa-Ferroviaire, Sud-Rail et CFDT-Cheminots) ont appelé leurs troupes à débrayer le jeudi 21 novembre. Puis, ils ont menacé de lancer à partir du 11 décembre un mouvement social « illimité et reconductible ». « On ne peut pas imaginer qu’au moment où les Français veulent se retrouver, ils ne puissent pas le faire », a protesté le ministre délégué aux Transports, François Durovray. (…)
Parmi les mots d’ordre de la mobilisation cette année : « La mise en place d’un moratoire pour garantir la continuité de Fret SNCF ». De fait, Fret SNCF va disparaître le 31 décembre, pour être remplacée par deux sociétés filiales elles aussi du groupe SNCF : Hexafret qui fera rouler des trains remplis de marchandises et Technis qui assurera la maintenance des locomotives. Une opération consécutive à une décision de Bruxelles. La Commission européenne a exigé début 2023 que Fret SNCF rembourse les 5,3 milliards d’euros injectés par la holding publique pour éponger ses pertes récurrentes, considérant qu’il s’agissait d’une aide illicite. Or, rembourser une telle somme aurait conduit Fret SNCF à la faillite, avec à la clé la disparition de 5000 emplois. « Pour que l’activité de transport de marchandises perdure à la SNCF, nous allons créer deux sociétés qui se substitueront à Fret SNCF le 1er janvier 2025 mais n’auront pas à honorer cette dette », avait alors expliqué le ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune, un jour de fin mai 2023, tôt le matin dans une salle où étaient réunis une trentaine de cheminots gilet jaune sur le dos et chaussure de sécurité aux pieds. Le gouvernement a jugé que ce «plan de discontinuité» était la meilleure solution pour que l’Etat abandonne sa dette de 5,3 milliards sans que Bruxelles y trouve à redire. Ce plan a été assorti de deux conditions : ces entités devront se délester de 20% du chiffre d’affaires de Fret SNCF et 500 emplois seront supprimés. Mais sans casse sociale : tous les salariés seront reclassés dans une autre filiale du groupe.
Ce plan a néanmoins déclenché la colère des syndicats. Qui en oublient la vraie question : comment l’ex-monopole a pu accumuler 5,3 milliards de pertes entre 2006 et 2019 ? L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de marchandises en 2006, est une fausse excuse. Retraites précoces, organisation du travail très accommodante pour les cheminots : ce sont les avantages obtenus par ces mêmes syndicats au fil des années qui ont plombé Fret SNCF (et le groupe en général). Et ce ne sont pas seulement des experts ou des hommes politiques qui le disent – les sénateurs Hervé Maurey (Union centriste) et Stéphane Sautarel (apparenté LR) notent dans un rapport que « Fret SNCF souffre toujours d’un déficit de compétitivité » – mais … les patrons successifs de la SNCF eux-mêmes. « Les cheminots faisaient la course avec des pieds de plomb », a souligné Guillaume Pépy, l’ancien PDG au verbe décomplexé, devant les députés dans le cadre d’une commission d’enquête sur la libéralisation du fret, en 2023. Il y a une quinzaine d’années, il pointait un écart de coûts de 30% avec les concurrents. Avec son sens de la litote, Jean-Pierre Farandou à la tête du groupe depuis fin 2019, reconnaissait devant la même commission « parfois une productivité un peu inférieure à celle des concurrents. » (…)
Le dernier énorme point noir concernant les cheminots au statut de Fret SNCF comme le reste du groupe ? La « gréviculture », comme le pointait déjà Anne-Marie Idrac, patronne de la SNCF entre 2006 et 2008. Première grève contre la réforme des retraites pendant l’hiver 2019-2020, deuxième grève sur le même sujet début 2023… les cheminots se mobilisent beaucoup plus que les salariés des autres entreprises de fret ferroviaire. « Or si (…) une fois la grève terminée, les voyageurs revenaient au train, les chargeurs, eux, avaient souvent fait d’autres choix », expliquait Guillaume Pépy devant les députés l’an passé. Dit autrement, après ces arrêts, les entreprises délaissent le train et choisissent de passer désormais par le camion, plus souple et ne comportant quasiment aucun risque de conflit social. Tant pis pour l’empreinte carbone. (…)
Lestées de tous ces boulets au pied, Hexafret et Technis parviendront-elles à être bénéficiaires de façon pérenne ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les syndicats ont déjà fait passer le message qu’ils seraient intransigeants. (…)
IREF, 15 novembre, article payant
Appel à la grève : les réformes ne vont pas assez loin
Extraits :
Jeudi 7 novembre, Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, a rencontré deux syndicats pour échanger sur ses projets de réforme pour les fonctionnaires : passer de 1 à 3 jours de carence en cas d’arrêt maladie et réduire le remboursement à 90 %. Fidèles à eux-mêmes, les syndicats ont immédiatement appelé à la « mobilisation » et à la « grève ». Sur son site, la CGT a ainsi déposé un préavis de grève du 18 novembre au 31 décembre 2024. Le syndicat dénonce une « entreprise de liquidation de la fonction publique et de ses agents » (nous épargnons aux lecteurs l’écriture inclusive).
Ces projets de réforme vont dans le bon sens dans la mesure où ils alignent le régime de la fonction publique sur celui des salariés du privé, même ils ne vont pas assez loin. Si le gouvernement cherche des pistes d’économies, il peut s’inspirer d’autres pays européens qui ont pris la décision de réformer le statut de la fonction publique, voire de le supprimer. En Allemagne, pays dans lequel la fonction publique est décentralisée, les fonctionnaires sont soumis à une obligation de loyauté et ont l’interdiction de faire grève. Les Suisses, réputés pour leur pragmatisme et leur attachement à la responsabilité individuelle, ont voté la suppression du statut par référendum en 2002. En Suède, l’administration publique a connu une série de réformes dans les années 90, axées sur la décentralisation et la déréglementation. En Angleterre, Margaret Thatcher a réformé en profondeur la fonction publique dès son arrivée au pouvoir : indicateurs de performance, autonomie de gestion, individualisation et responsabilisation… Bien entendu, ces réformes n’auraient pas été possibles si elle n’avait pas eu le courage de s’attaquer à l’action nuisible des syndicats : ils n’avaient plus le droit de lancer des grèves politiques et de solidarité sans être condamnés à de lourdes amendes ; les grèves illégales pouvaient être poursuivies pénalement, etc. La France aurait tout intérêt à s’en inspirer.
Le Figaro, 15 novembre, article payant
Jean-Éric Schoettl : «Le parquet de Paris veut-il exclure Marine Le Pen du jeu démocratique ?»
TRIBUNE – En requérant, outre une peine de prison de cinq ans, l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité de la même durée, le parquet de Paris fait preuve d’une excessive sévérité, analyse l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Jean-Eric Schoettl est ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Extraits :
Le 13 novembre dernier, après huit ans d’instruction, plus d’un mois d’audience et quelques heures de conclusions, le parquet a décliné devant le tribunal correctionnel de Paris les peines qu’il requiert dans l’affaire des assistants des eurodéputés du Front national (devenu Rassemblement national). Contre Marine Le Pen, c’est cinq ans de prison, dont trois avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire ; contre les vingt-six autres prévenus (Louis Aliot, Nicolas Bay, Bruno Gollnisch, Julien Odoul…), diverses peines de même acabit ; contre le parti lui-même, une amende de deux millions d’euros.
Dans ses réquisitions très fournies, le parquet n’a guère eu de mal à démonter, compte tenu de l’abondance et de la convergence des indices, le système organisé entre 2004 et 2016 par les dirigeants du RN pour mettre les assistants de ses eurodéputés au service principal, voire quasi exclusif, de l’appareil national du parti. Or les tâches confiées aux assistants des eurodéputés doivent être en rapport avec le mandat européen. C’est en cela que réside le détournement de fonds publics. Je ne le discute pas. Me troublent en revanche la lourdeur et la nature des peines requises.
Le détournement de fonds du Parlement européen s’analyse en l’espèce non comme un enrichissement personnel, ni même comme un prélèvement, au profit du RN, de fonds qui ne lui étaient pas destinés, mais comme un changement d’affectation au sein même d’une somme de toute façon allouée par le Parlement européen au fonctionnement de ce parti. Ont été en effet employés à l’action nationale du RN des crédits destinés à son action dans le cadre du Parlement européen. C’est condamnable, certes, mais non, me semble-t-il, au point de justifier la rigueur des peines requises. L’inéligibilité immédiatement exécutable interfèrerait au surplus avec l’échéance majeure de notre calendrier électoral, comme dans le cas de François Fillon en 2017. Plus encore même, puisque François Fillon, tout en ayant vu sa campagne lourdement hypothéquée par les poursuites, avait pu se présenter à l’élection présidentielle. (…)
Ferait surtout problème l’exécution provisoire de l’inéligibilité. Ce serait une première pour une personnalité de l’envergure politique de Marine Le Pen et pour une infraction de la nature de celle qui lui est reprochée. (…)
Contrairement à ce que soutient le parquet, l’exécution provisoire de l’inéligibilité ne s’impose ni par la prévention de la récidive, ni par la sauvegarde de l’ordre public. Elle aurait en outre des conséquences excessives sur les échéances démocratiques à venir. Les électeurs du RN (et d’autres) déduiraient inévitablement d’une telle sentence une intention judiciaire, inspirée par des motifs idéologiques, d’évincer Marine Le Pen de la vie politique. Ils relieraient une telle intention à la volonté d’ostracisation du RN manifestée par la majorité des milieux politiques, intellectuels et médiatiques français.
Le fossé se creuserait entre l’establishment et cette population de onze millions de personnes éprouvant un sentiment de relégation et de déclassement, qui forme l’électorat du RN. On en a observé les conséquences aux Etats-Unis avec la réélection de Donald Trump : beaucoup d’Américains modestes ont vu dans les poursuites visant celui-ci la marque de l’acharnement des élites contre leur candidat ; ils n’en ont été que plus enclins à voter pour lui. En France aussi, le sentiment que le «système» veut exclure de la scène publique une figure de proue de la protestation populaire ne peut que nourrir le vote antisystème.
L’Express, 13 novembre, article payant
Friedrich Merz, futur chancelier en Allemagne ? Pourquoi ce n’est pas une bonne nouvelle pour la France
Europe. Même sans Olaf Scholz au pouvoir, la relation franco-allemande restera plombée par des désaccords cruciaux.
Extraits :
Soyons honnêtes : rares sont ceux qui, en France, regretteront la coalition d’Olaf Scholz, dont les derniers jours semblent comptés. A commencer par Emmanuel Macron, dont la relation “professionnelle” avec le Chancelier allemand n’a jamais pu masquer leurs nombreux désaccords – qu’il s’agisse de sécurité, de plan d’investissement européen ou, encore, de nucléaire.
Largement favori, le conservateur Friedrich Merz (CDU) pourrait, à la suite des élections anticipées, qui auront lieu le 23 février 2025, diriger une coalition avec les sociaux-démocrates – c’est en tout cas l’un des scénarios les plus plausibles. Est-ce une bonne nouvelle pour la France? Ce n’est pas sûr. “Même si Friedrich Merz, d’origine rhénane, est plutôt francophile, il va rapidement mettre Paris sous pression, à cause de la situation budgétaire de l’Hexagone, tempère Eric-André Martin, ancien diplomate et spécialiste de l’Allemagne. Vu de Berlin, la fragilité française fait en effet courir un risque systémique à l’Europe, surtout dans un contexte géopolitique très mouvant – par exemple une crise pétrolière, suite à une intensification de la guerre entre Israël et l’Iran.”
Pressions sur Paris
D’autres sujets de discorde sont à prévoir, comme l’aide à l’Ukraine. Berlin voudrait que la France participe davantage à “l’effort de guerre”, surtout si Donald Trump réduit l’aide américaine, ce qui est probable. Il y a, aussi, l’épineux sujet de la défense européenne. La France, comme l’Estonie, pousse pour lancer un grand emprunt, qui permettrait aux Vingt-Sept d’effectuer des investissements industriels et d’acheter des armes sur étagère à certains de ses membres, mais aussi aux Américains ou, par exemple, aux Sud-coréens. Cruciale pour la souveraineté européenne, cette politique d’endettement risque toutefois d’obtenir une fin de non-recevoir des Allemands, qui ne devraient – pas plus qu’avec Olaf Scholz – déroger à leur orthodoxie financière, surtout si les libéraux s’invitent dans la future coalition. En mauvaise passe économique, les Allemands n’auront en effet qu’une priorité en tête : relancer leur industrie en berne. Autrement dit, même débarrassé du marmoréen Olaf Scholz, le moteur franco-allemand risque de connaître encore quelques ratés. Avant de redémarrer?
Le Point, 7 novembre, article payant
François Hollande et Franz-Olivier Giesbert: «Face à Mélenchon, les sociaux démocrates sont-ils condamnés à disparaître?»
GRAND ENTRETIEN – Devant les lecteurs du Figaro Magazine, nous avons réunis l’ancien président de la République et le journaliste pour discuter de l’avenir de la gauche et de la France.
Extraits :
François HOLLANDE. – La gauche a une histoire, celle de la conquête des libertés. Avant même qu’elle ne s’empare de la question sociale, cette cause a été son premier mouvement. Elle a fait accoucher la République de droits nouveaux. En ce sens l’affaire Dreyfus a été un moment fondamental dans la formation de l’identité de la gauche. Ensuite elle s’est attachée à vouloir répartir différemment les richesses et le pouvoir au sein de la République comme au sein de l’entreprise et de la société. C’est cette volonté d’égalité qui la définit sans doute le mieux alors qu’elle s’est fondée sur le principe de liberté. (…)
Franz-Olivier GIESBERT- Au départ, résumé facile, la gauche, c’était la redistribution et la droite, la production. Mais la gauche a changé en balançant par-dessus bord une grande partie de son héritage. L’historien Jacques Julliard demandait, dans son ouvrage Comment la gauche a déposé son bilan: «Pourquoi avoir stupidement assuré à l’extrême droite cette extraordinaire rente de situation qui lui permet de se présenter en défenseurs essentiels de deux droits essentiels que sont la sécurité et l’identité?» À ces valeurs, on peut ajouter la laïcité et le travail qui ont aussi été abandonnés par la gauche.
On ne sait plus ce qu’est la gauche, et il est temps qu’elle se repense. Elle a voulu «dépasser» la social-démocratie mais elle ne l’a remplacée par rien d’autre, sinon une marmelade idéologique que représente bien ce groupe grotesque de l’Assemblée nationale, le Nouveau Front populaire, composé d’escrologistes, d’islamo-gauchistes, de LFIstes déjantés ou zadifiés et de bons sociaux-démocrates qui comptent les points. Il y a un travail considérable à mener, en se réinventant et en relisant les classiques comme Jaurès.
François HOLLANDE. -La gauche, depuis sept ans, est dominée par une aile plus radicale. Pourtant, jusqu’en 2017, elle était menée par l’aile réformiste, socialiste ; or, c’est la dynamique de cette dernière qui permet l’accès au pouvoir. (…) La gauche radicale, quoi qu’on en pense, n’est pas en état de devenir majoritaire. Et ce, dans aucun pays européen.
La social-démocratie doit donc se définir: elle ne peut pas être simplement une gauche de gouvernement face à une droite concurrencée par son extrême ou une expression de sagesse face à une radicalité de circonstance. Elle doit apparaître pour les solutions qu’elle peut offrir au pays. Et pour ce faire, relever de nombreux défis. (…) Les réalités sont tout autres aujourd’hui. La mondialisation s’est imposée, la construction européenne aussi, la planète est menacée par le réchauffement. Ce qui justifie des compromis, des alliances, des coalitions, y compris avec les États-Unis. Et je n’oublie pas le terrorisme islamiste ou la lutte contre le narcotrafic, ce qui suppose d’avoir des lois pour y faire face. (…)
Franz-Olivier GIESBERT. – La gauche est descendue très bas. Rappelons qu’au premier tour des dernières législatives, elle ne recueillait qu’à peine plus de 28 % des suffrages. Même pas un tiers des voix! Si elle a obtenu beaucoup plus de députés que prévu, c’est grâce aux désistements réciproques pour le second tour avec les macronistes contre le RN, qui relevaient surtout de la magouille type IVe République. (…)
Et que penser de l’analogie avec les années 1930 et l’idée que l’on pourrait faire face à une nouvelle menace fasciste?
Franz-Olivier G IESBERT. – Cette analogie a du sens même si la «menace fasciste» ne vient pas nécessairement de là où l’on croit. Du point de vue international, nous sommes plongés dans une marmite bouillonnante et, dans ces circonstances, l’union entre les sociaux-démocrates, les escrologistes et les éléfistes intimement poutinistes n’a aucun sens. Sur le plan intérieur non plus, car nous sommes au bord de l’abîme. Pour éviter la descente aux Enfers, il faut réparer le pays et, donc, s’attaquer aux vrais problèmes, ce que n’acceptera pas la gauche de la gauche qui les nient: le déraillement des comptes publics, l’immigration sans contrôle, l’affaissement de l’autorité, etc. Voyez la gauche social-démocrate en Allemagne avec le chancelier Scholz ou les travaillistes en Grande-Bretagne avec le premier ministre Starmer: tous mènent une politique réaliste et pragmatique, très loin du programme délirant du NFP avec au moins 100 milliards de dépenses supplémentaires. Ils ont compris qu’on a de la croissance qu’avec des finances assainies. C’est une imbécillité d’avoir fait croire aux Français, depuis 1981, et encore avec M. Macron, qu’il faut dépenser plus pour avoir de la croissance. Ça ne marche jamais, mais apparemment, la gauche n’apprend jamais! (…)
Le Point, 4 novembre, article payant
Derrière les beaux discours de la gauche radicale, la guerre et le sang
CHRONIQUE. Du soutien aux terroristes de septembre rouge au soutien des terroristes du Hamas, les militants des gauches radicales ne rêvent en réalité que de destruction.
Extraits :
(…) En réalité, à la gauche de la gauche, les générations passent et les fantasmes de l’établissement de la justice au nom de la pureté de la cause subsistent. L’extrême gauche, non seulement n’a aucune envie de tirer les leçons de l’Histoire, mais continue de penser que la fin justifie les moyens. Autrement dit, de manière plus crue : il faut bien que le sang coule pour que justice soit faite et qu’advienne un monde meilleur purgé de ses injustices et des éléments impurs qui en sont les causes. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, comme l’expliquait tranquillement, au micro de Léa Salamé sur France Inter le 30 septembre 2020, le sociologue militant de la gauche radicale Geoffroy de Lagasnerie, qui, parlant des causes à défendre, affirmait que « la question est celle de la justice et de la pureté »… Mais qui juge de la pureté des causes ? Et que fait-on, dès lors qu’il peut y avoir des obstacles ?
Pourtant, l’Histoire nous rappelle combien cette idée de « cause pure » a pu mener à des fleuves de sang. Que l’on songe, bien évidemment et notamment, à Pol Pot au Cambodge ou à la révolution culturelle chinoise… Mais vous prenez à dessein les exemples les plus extrêmes, nous diraient les tenants de ces discours ! Nous ne disons pas qu’il faut tuer pour parvenir à nos fins !
Je n’en suis pas certain. En fait, je suis même persuadé du contraire. Portés par ce sentiment de supériorité morale, ils sont exaltés par leurs desseins et se pensent les petits soldats de la lutte qui verra l’avènement d’un monde plus juste, plus moral et plus égalitaire.
Ces militants ne sont, en réalité, que la continuation de leurs aînés. On se souvient, par exemple, du soutien d’étudiants français à la révolution culturelle chinoise et ses millions de morts ou d’intellectuels à la révolution islamique d’Iran en 1979. L’engagement de ces militants pour la cause palestinienne n’est pas non plus une nouveauté. Que l’on se souvienne du soutien apporté, par des militants, à la prise d’otage sanglante des Jeux olympiques de Munich de 1972 ou encore des deux membres de la Fraction armée rouge qui participèrent à la prise d’otage de citoyens israéliens dans l’Airbus d’Air France par le FPLP et ses complices en 1976, sur l’aéroport d’Entebbe en Ouganda. (…)
C’est ainsi qu’ils font d’Israël l’image du Mal, réinvestissant inconsciemment de vieilles images antijuives. (…)
Mais pour ne pas laisser apparaître ce qu’ils pensent réellement, ils ne cessent d’habiller leur désir de violence de prétendus appels à la paix, de prétendu amour de l’humanité. Ils sont des thuriféraires de la haine maquillés en amoureux du prochain, des fossoyeurs de notre humanité commune qu’ils prétendent défendre. Alors, cessons de tergiverser et disons les choses haut et fort : leur désir, c’est la guerre et ils ont été nombreux, dans cette mouvance militante, à jouir, sans toutefois oser le dire haut et fort, du 7 octobre 2023. L’invisibilisation des victimes, notamment des femmes israéliennes, n’en est que la triste démonstration.
La raison nous dit que la seule ligne à tenir face aux horreurs de la guerre, c’est d’appeler à la construction d’un État démocratique palestinien voisinant avec l’État démocratique israélien, car seules les démocraties ne se font pas la guerre. Le chemin est long et semé d’embûches, mais il faut le suivre. La gauche radicale, quant à elle, ne rêve, aux côtés des islamistes, que de la destruction de la seule démocratie du Proche-Orient.
* Iannis Roder est directeur de l’Observatoire de l’éducation à la Fondation Jean-Jaurès. Il est également professeur d’histoire-géographie à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Le Monde, 1 novembre, article payant
L’Etat de droit, un principe attaqué par une partie de la droite
Fruit de la réflexion des plus grands philosophes et théoriciens du droit, ce principe est aujourd’hui remis en cause et ses contempteurs voient en lui un obstacle à l’expression de la souveraineté populaire.
Extraits :
(…) « La démocratie [est] indissociable de l’Etat de droit et l’Europe des démocraties ne [peut] se construire que dans et par le respect du droit , rappelait ainsi François Mitterrand, alors président de la République, en 1993. Un Etat soumis à la loi et qui sache faire respecter celle-ci par tous, voilà l’Etat de droit tant prôné, et à juste titre quand on se souvient de ce qu’il est advenu aux nations où un pouvoir dictatorial a instauré l’Etat totalitaire. » Notion juridique assez technique, l’Etat de droit est le fruit de la réflexion des plus grands philosophes et théoriciens du droit, comme John Locke (1632-1704), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Charles de Montesquieu (1689-1755) ou encore, plus récemment, Hans Kelsen (1881-1973). Sa définition varie et ses influences sont multiples : la doctrine allemande du « Rechtsstaat », la « rule of law »britannique et la conception française, héritière des Lumières et de la Révolution française.
Dans l’Hexagone, c’est Raymond Carré de Malberg (1861-1935), l’un de nos plus éminents juristes, qui a contribué à introduire ce concept. Il en a donné la définition la plus consensuelle. Selon lui, l’Etat de droit est « un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de droit, et cela en tant qu’il enchaîne son action sur eux par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser les buts étatiques. » L’Etat est donc limité par la règle de droit qu’il doit respecter. Professeur émérite de l’université Paris-Panthéon-Assas et auteur de L’Etat de droit (LGDJ, 2023), Jacques Chevallier explique, dans un article publié dans La Revue des droits de l’homme : « D’abord conçu de manière formelle, à travers l’existence d’un ordre juridique hiérarchisé dont le respect devait être garanti, à tous les niveaux, par le contrôle d’un juge indépendant, le système de l’Etat de droit a acquis depuis lors une dimension substantielle, passant par la consécration d’un ensemble de droits : le système de l’Etat de droit en est ainsi venu à reposer sur l’imbrication d’aspects formels et substantiels perçus comme indissociables. »
En effet, l’Etat de droit n’est pas une conception figée. Elle évolue parallèlement aux sociétés, dans un processus « d’élargissement et d’approfondissement », selon M. Chevallier. Ce fut le cas après la seconde guerre mondiale, quand il a fallu créer les outils pour éviter l’arbitraire de l’Etat en le soumettant au droit. L’Etat de droit s’est consolidé par le renforcement du contrôle juridictionnel, en particulier le respect de la Constitution, mais aussi par l’intégration des apports du droit international et européen dans la hiérarchie des normes et par les droits et libertés fondamentaux. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l’Université Toulouse-Capitole, le confirme : « Ce qui est central, c’est que l’Etat de droit s’est fait par incrémentation et a connu plusieurs évolutions. »
La dernière en date est l’apport du droit international et européen. Ce dernier émanant aussi bien de l’Union européenne (UE) et de la Cour de justice de l’UE que du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est dans ce cadre que la Commission de Venise (organe consultatif du Conseil de l’Europe) a établi une liste de cinq critères fondamentaux de l’Etat de droit (principe de légalité, sécurité juridique, prévention de l’abus de pouvoir, égalité devant la loi et non-discrimination, accès à la justice). Remettre en cause l’Etat de droit n’est donc pas anodin. Cela revient à questionner un fondement de notre organisation juridique ainsi que l’héritage de la construction de l’Europe du droit et des libertés, dont l’un des objectifs est d’empêcher le retour de régimes totalitaires.
Le Point, 31 octobre, article payant
Stéphane Le Foll : « L’union de la gauche est devenue une camisole idéologique »
TRIBUNE. Le maire du Mans veut que le Parti socialiste rompe avec LFI et ses vieilles lunes dépensières afin de retrouver le sens des réalités et son socle électoral passé.
Extraits :
Et maintenant ? Alors que le chef de l’État est largement désarmé, que le Parlement est affaibli, que le PS est sous le « couvercle programmatique » de LFI, que les députés du NFP montrent une grande imagination dépensière lors du débat budgétaire, que doivent faire le Parti socialiste et toute la gauche, affaiblis comme rarement ? Dans cette tribune, Stéphane Le Foll dessine plusieurs pistes : tout faire pour réduire la dette, limiter la politique de l’offre pour investir dans la recherche, l’innovation et la transition énergétique, renforcer le bicamérisme en redonnant plus de pouvoirs au Sénat (et en revenant en partie sur l’interdiction du cumul des mandats)…
(…) Le front républicain a fonctionné en faveur de la gauche et des candidats “macronistes”, mais aucune ligne politique ne s’est dégagée puisque le seul objectif était de faire battre le RN. De cette ambiguïté naît aujourd’hui une instabilité durable et dangereuse. La gauche a, quant à elle, un problème de légitimité avec le vote populaire et rural. Elle a disparu du monde rural et du monde ouvrier, qui a voté RN à 57 %. Surprise supplémentaire pour LFI aux européennes, les ouvriers ont voté davantage PS que La France insoumise. Ainsi, pour le PS, confondre la nécessité de l’union avec la ligne de La France insoumise, c’est l’échec, avec un total de voix à moins de 30 % pour la gauche.
Pire aujourd’hui, c’est un écran de fumée qui masque une réalité politique : la droite et l’extrême droite totalisent 49 % des suffrages au second tour des législatives. La prochaine fois, il n’y aura plus de sursaut républicain à la hauteur de ce que nous venons de connaître et la demande d’autorité, de responsabilité, sera d’autant plus grande que l’instabilité politique sera élevée. C’est le contraire de ce que théorise Jean-Luc Mélenchon avec sa stratégie du “clivage permanent”, de la segmentation communautaire et de la “rupture” finale avec Emmanuel Macron, lequel s’est lui-même autodissous. (…)
Le contexte politique et budgétaire obligerait chacun à être raisonnable, et c’est bien là le hic du NFP, sur les questions de l’international, de l’immigration, de la sécurité ou du travail. Avec plus de 180 milliards d’euros de dépenses publiques, toutes gagées sur des augmentations d’impôts, la gauche devient une caricature d’elle-même. On passe de la redistribution à la distribution de ponctions. C’est la “ponction magique”, mais c’est une ponction amère pour les Français, qui viennent de subir l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat et ne comprennent pas que des taxes et des prélèvements fleurissent tous les jours dans le débat parlementaire. La conclusion politique est que l’union à gauche tout entière, avec à peine 30 % des voix, est sortie affaiblie de la dissolution. Elle se trouve dans l’incapacité de gagner une élection présidentielle. (…)
Enfin, la gauche qui a perdu les ouvriers, les employés et l’électorat social-démocrate européen est idéologiquement dominée par Jean-Luc Mélenchon, qui a, en deux élections présidentielles, transformé le plomb de l’extrême gauche en or électoral. Mais, aujourd’hui, il s’essouffle à hurler et à durcir ses positions pour garantir son socle de 10 %, indispensable pour s’imposer au reste de la gauche si elle reste inconsistante. Cette inconsistance est son pire handicap pour la suite dans la perspective présidentielle. (…)
La gauche doit renouer avec son histoire et avec les Lumières plutôt que de rester dans l’ombre d’une lecture politique dépassée et datée qui la marginalise électoralement. »
Le Figaro, 25 octobre, article payant
La crise démocratique s’est amplifiée en France depuis la dissolution
SONDAGE – Au rythme des élections, et tandis que la popularité d’Emmanuel Macron est en chute, le fossé continue de se creuser entre les Français et la classe politique. Selon notre enquête Odoxa-Backbone, 82 % d’entre eux ont désormais une mauvaise image des partis. (Le Figaro, 25 octobre, article payant)
Extraits :
La rupture, cette fois-ci, semble bien réelle. « Les citoyens ne croient plus en nous », souffle l’ancien député macroniste Patrick Vignal, battu lors des élections législatives de juin dernier. Signe de la défiance, une écrasante majorité du pays (82 %) voit d’un mauvais œil les partis politiques, comme le révèle un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro. Pire encore, les appareils partisans sont jugés ni honnêtes (90 %) ni crédibles (85 %) par les électeurs. « La dissolution a amené encore plus de chaos », regrette un élu du bloc central. (…)
Certes, le brutal retour aux urnes a provoqué un sursaut de participation, dont le taux a presque atteint la barre des 70 % au premier tour du 30 juin dernier. « Pendant cette période, les gens ont fait beaucoup plus de politique qu’avant. On a même enregistré de nombreuses adhésions au parti », raconte le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, emporté par la vague RN dès le premier tour dans le Nord. Il est vrai qu’une majorité de Français (58 %) continue de s’intéresser à la politique, une donnée stable depuis 2012, comme le relève l’institut de sondage.
Mais sans que l’intérêt suscité suffise à recoller les morceaux avec le personnel politique. « La période de doute qui s’en est suivie, sans premier ministre pendant deux mois, a été complètement dévastatrice », reprend le communiste. Y compris l’interminable feuilleton à gauche de la désignation d’un « candidat » commun pour Matignon, qui a finalement abouti sur la haute fonctionnaire, et inconnue au bataillon, Lucie Castets. « Le spectacle qu’ont donné les responsables politiques n’a pas offert une très belle image de nous », reconnaît l’ancien député, qui s’inclut dans le lot.
Surtout, les Français gardent en travers de la gorge la promotion surprise d’une figure issue des Républicains, Michel Barnier, dont la famille politique ne compte pourtant qu’une petite cinquantaine de députés. À tel point qu’une très large majorité d’entre eux (84 %) pensent que leur vote n’a pas été respecté par Emmanuel Macron. Peu importe si, constitutionnellement, le pouvoir de nomination d’un premier ministre revient au chef de l’État. « Il y a peut-être eu à ce moment-là une forme de rupture de confiance dans la démocratie représentative », concède un centriste. (…)
Résultat, nombre d’entre eux ne se reconnaissent plus dans une classe politique qu’ils jugent déconnectée. Là encore, une écrasante majorité de Français (85 %) ne l’estime « proche » ni de leurs préoccupations ni de leur quotidien. « Ces chiffres reflètent une crise profonde de confiance entre les citoyens et leurs représentants, amplifiée par des scandales politiques et une communication jugée trop souvent éloignée des réalités sociales et économiques du pays », note Odoxa.
Entre LFI et la droite : le grand vide de la social-démocratie française
LA CHRONIQUE DE SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE. La gauche sociale-démocrate sidère par son silence. Et pour cause, ce sont ses idées qui ont été appliquées par les gouvernements successifs depuis plus d’un demi-siècle. (Le Point, 24 octobre, article payant)
Article en PDF: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/10/24-octobre-II.pdf
Link: Entre LFI et la droite : le grand vide de la social-démocratie française
Jean Quatremer : La dernière tentation antisémite de la gauche
Les actes antisémites ont augmenté de 192% en un an, selon la Direction nationale du renseignement territorial. La gauche doit aussi combattre l’antisémitisme qui s’est dissimulé sous le drapeau de l’antisionisme. (Libération, 19 octobre, article payant)
Voir « Article du Jour »
La dernière tentation antisémite de la gauche – Libération (liberation.fr)
Législatives : sans «front républicain», le RN aurait-il vraiment pu décrocher la majorité absolue ?
EXCLUSIF – Le Figaro a analysé les 212 circonscriptions où un retrait de candidat a visé à faire barrage aux troupes de Marine Le Pen et ses alliés. Si ces triangulaires avaient eu lieu, le résultat des élections aurait pu être très différent. Découvrez nos estimations. (Le Figaro, 16 octobre, article payant)
Extraits :
Une Chambre de « front républicain ». C’est ainsi qu’est souvent présentée l’Assemblée nationale élue le 7 juillet dernier. La gauche en fait l’unique grille de lecture afin de rappeler à la coalition mise en place qu’elle n’aurait aucune légitimité en dehors des voix de gauche qui lui ont permis de battre le Rassemblement national. Par-delà cette impression générale, il faut d’abord rappeler les contours précis de ce front anti-RN. Il faut ensuite imaginer ce qu’aurait été l’Assemblée sans les désistements effectués entre les deux tours. Le Figaro a procédé pour cela à une estimation circonscription par circonscription. (…)
Des retraits ont eu lieu dans 212 circonscriptions, ce qui a ramené le nombre de triangulaires de 301 à 89. Soixante-seize députés ayant été élus dès le premier tour, 42 % des matchs de second tour l’ont été dans le cadre d’une stratégie « front républicain ». C’est inédit, et cela s’explique par la puissance arithmétique du RN au premier tour, arrivé en tête à 297 reprises, donc dans plus de la moitié des cas. (…)
Dans ces 212 circonscriptions où la triangulaire potentielle s’est transformée en duel, le pari de Jordan Bardella l’a emporté 41 fois. Le « front républicain » n’a pas fonctionné parce que le candidat RN avait une large avance, 36 sur ces 41 ayant dépassé les 40 % dès le premier tour. (…)
C’est ce qui fait qu’au soir du 7 juillet la droite a gagné 30 de ses 32 duels contre le RN (perdant l’ancienne circonscription de Christian Jacob, à Provins), tandis que LFI l’a emporté à 14 reprises (comme dans la 4e de la Sarthe face à Marie-Caroline Le Pen) mais a perdu dans 11 circonscriptions. Les candidats NFP hors LFI ont enregistré 42 victoires et 18 défaites, et l’alliance macroniste 85 victoires pour 10 défaites. (…)
Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu de « front républicain » et que des triangulaires s’étaient déroulées dans les 212 circonscriptions où il y a eu des retraits ? Il est difficile d’établir une projection mécanique. Les comportements électoraux auraient pu évoluer, notamment de la part des électeurs du candidat arrivé en troisième position ou encore en fonction des chances de victoire du candidat Rassemblement national. Circonscription par circonscription, Le Figaro a donc établi deux hypothèses distinctes de reports de voix. L’une très favorable au RN, l’autre très défavorable. (…)
Même avec des triangulaires, le Rassemblement national n’aurait pas obtenu la majorité absolue dont Jordan Bardella avait fait une condition pour aller à Matignon. Mais il aurait quand même décroché un minimum de 200 députés et un maximum de 250 — avec ses alliés du groupe UDR de son allié Éric Ciotti —, ce qui en aurait fait la force clairement la plus nombreuse à l’Assemblée et aurait ainsi rendu impossible la constitution d’un gouvernement sans elle ; et a fortiori contre elle.
(…) dans l’hypothèse qui lui aurait été la plus favorable, c’est carrément une centaine de députés supplémentaires que le RN et l’UDR auraient pu obtenir, frôlant ainsi la barre des 250 élus. Dans ce cas, le NFP n’aurait eu que 165 députés au total, Ensemble 115 et LR 30.
Marcel Gauchet: «Après avoir lutté contre les abus de pouvoir, nous voilà aux prises avec des abus de droit»
GRAND ENTRETIEN – Le philosophe et historien publie Le Nœud démocratique (Gallimard), dans lequel il dissèque la crise politique actuelle et analyse l’impasse à laquelle a conduit la sacralisation de l’État de droit et des droits individuels au détriment de la souveraineté populaire. (Le Figaro, 14 octobre, article payant)
Extraits :
LE FIGARO. – Votre dernier livre, Le Nœud démocratique , fait écho à la crise politique dans laquelle nous sommes englués depuis les dernières élections européennes et la dissolution ratée qui en a découlé. Si la crise démocratique que vous décrivez vient de beaucoup plus loin et traverse la plupart des démocraties occidentales, la séquence que nous sommes en train de vivre est-elle un tournant ? Sommes-nous entrés dans une phase paroxystique de la crise de la démocratie ?
Marcel GAUCHET. -Oui, en un sens, la séquence française marque un tournant. Il consiste dans l’impossibilité objective de continuer à faire comme si la protestation populiste n’existait pas, ne devrait pas exister, et n’avait pas de motifs dignes de considération. C’est loin d’être gagné, cela dit, puisque cela reste la position officielle des forces politiques classiques, de droite comme de gauche. Mais c’est au prix du blocage et de l’impuissance gouvernementale. Il n’y a plus de gouvernement disposant d’une majorité solide concevable, désormais, dans une assemblée éclatée entre trois blocs incompatibles et il y a de bonnes raisons de penser que c’est une situation appelée à durer, quels que soient les éventuels changements du mode de scrutin. Michel Barnier inaugure un métier de funambule politique à faible rendement qui peut devenir la nouvelle définition du rôle de premier ministre. Nous avons une crise institutionnelle, autrement dit, en échange du refus de reconnaître la crise structurelle qui travaille les démocraties. Ce devrait être le moment de la prise de conscience des motifs de cette crise déniée, maintenant, depuis des décennies. Impossible de dire si elle aura lieu. Il y a trois scénarios possibles, à l’échelle française. Le premier, qui me semble le plus probable, est l’enfoncement dans le marécage actuel, tant la peur du saut dans l’inconnu que représenterait l’accès au pouvoir du Rassemblement national est puissante. C’est le deuxième scénario, cependant, impossible à exclure tant la situation du pays se dégrade rapidement, sur tous les plans. Et puis il y a le scénario optimiste d’une petite révolution intellectuelle et morale au sein de nos élites qui permettrait à une force nouvelle de prendre à bras-le-corps les problèmes qui nourrissent la montée en puissance du rejet populiste. Plutôt que dans un paroxysme, nous sommes dans un moment de suspens.
La première polémique à laquelle a été confronté le nouveau gouvernement portait sur l’État de droit. Là encore, l’opposition de plus en plus marquée entre souveraineté populaire et État de droit semble être au cœur de la crise de la démocratie… L’État de droit est-il l’aboutissement logique du processus démocratique ou au contraire peut-on parler de dérive antidémocratique de l’État de droit ?
L’État de droit est une composante essentielle de la démocratie. Il n’est pas le tout de la démocratie, il est encore moins un substitut à la démocratie, ou sa « vraie version », comme la dérive néolibérale actuelle tend à le faire croire. Au départ, l’idée de l’État de droit est aussi simple qu’elle correspond à une nécessité : garantir que l’État agit selon les lois, en étant contrôlé par le juge pour ce faire . Elle est l’idée, donc, d’une protection des citoyens contre les abus de pouvoir auxquels les détenteurs de l’autorité sont facilement enclins.
L’idée a connu ensuite un élargissement important et tout aussi incontestable sous l’aspect du contrôle du législateur lui-même. En tant qu’ils ne sont que des représentants du peuple, les législateurs doivent agir dans le cadre fixé par les constitutions qui déterminent leurs attributions. La constitution est au-dessus des lois ordinaires, c’est ce que l’on appelle « la hiérarchie des normes ». Les cours constitutionnelles sont là pour vérifier cette conformité. Là encore, rien à objecter à ce qui a été un progrès salutaire du régime représentatif par rapport aux abus d’un parlementarisme mal compris.
Mais, dans la période récente, il s’est produit une inflexion majeure de ce dispositif de contrôle sous l’effet de l’installation des droits de l’homme au poste de commandement du fonctionnement démocratique. C’est elle qui fait question. Le nouvel individualisme par le droit associé à cette évolution accrédite une conception de la démocratie comme le régime qui assure et garantit l’exercice le plus complet possible des droits fondamentaux des individus. Une conception qui donne la priorité aux libertés individuelles par rapport à tout pouvoir collectif, quand elle ne tend pas à la pure et simple éviction de la souveraineté du peuple et de sa traduction majoritaire.
Cela se vérifie au quotidien sur les deux terrains contentieux par nature que sont la procédure pénale et l’immigration. La pente de l’appareil juridictionnel qui met en œuvre l’État de droit est clairement à la minoration du droit de répression des collectivités comme à celle du droit de contrôle des États-nations sur la circulation et l’installation des personnes. Mais cela vaut aussi pour le libre exercice du droit de propriété, dont on sait pourtant qu’il a une responsabilité particulière dans la construction de l’intérêt général. Les droits qui sont à la base de la démocratie se mettent à jouer contre la souveraineté démocratique. C’est une contradiction que nos pères fondateurs n’avaient pas prévue. Après avoir lutté contre les abus de pouvoir, nous voilà aux prises avec des abus de droit. (…)
Discrimination: la recherche des causes
La procédure recommandée par le Comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations (le Comedd, qui a été dissous depuis) pour détecter une discrimination à l’embauche consiste à envoyer des candidatures à des offres d’emploi ne différant que par le nom du candidat, certains de consonance européenne, d’autres indiquant a priori une appartenance à une communauté ethnique ou religieuse. Cette procédure ne fait que constater une discrimination, et n’en donne pas les causes. (Contrepoints, 13 octobre, article payant)
Voir « Article du Jour »
Discrimination: la recherche des causes – IREF Europe – Contrepoints
La social-démocratie, un modèle politique dans la tempête
Ce régime de compromis mis en place dans les pays scandinaves dans l’entre-deux-guerres a vécu son âge d’or pendant les « trente glorieuses », avant d’être affaibli, depuis les années 1990, par l’essor du néolibéralisme et des mouvements populistes d’extrême droite. (Le Monde, opinion, 11 octobre, article payant)
Extraits :
Histoire d’une notion. Revendiqué à la fois par François Ruffin, Raphaël Glucksmann ou François Hollande, le terme social-démocratie désigne le plus souvent, dans le débat public, un espace politique aux contours flous – la gauche de gouvernement, le socialisme modéré, le réformisme démocratique, voire le goût du compromis. Enraciné dans une longue histoire, le mot désigne cependant aussi, et peut-être surtout, un modèle politique, économique et social original mis en place dans les années 1930 par les pays scandinaves. Un modèle qui n’a pas grand-chose à voir avec les traditions socialistes française, italienne, grecque ou espagnole. (…)
Si les sociaux-démocrates d’aujourd’hui sont les héritiers du réformisme d’Edouard Bernstein ou de Paul Brousse, s’ils ont en commun un refus de la stratégie insurrectionnelle ou révolutionnaire, ils ne défendent pas pour autant le même modèle. Le régime social-démocrate « chimiquement pur » mis en place à partir des années 1930 par les pays scandinaves ne correspond ni à la culture politique du PS français, ni à celle du PSOE espagnol ou du Pasok grec : il désigne une forme très particulière d’organisation syndicale et partisane, un régime inédit de gestion du « compromis social » et un système universaliste d’Etat-providence.
La social-démocratie scandinave s’enracine dans un terreau syndical et politique étranger aux traditions de la France et du sud de l’Europe – un puissant syndicat ouvrier adossé à un parti politique de masse. Selon Philippe Marlière, seuls le SAP suédois, le SPD allemand, le Parti travailliste britannique, le Parti socialiste belge ou le Parti travailliste néerlandais correspondent à cet « idéal-type » : les partis socialistes français, italien, espagnol et grec s’écartent de ce « modèle social-démocrate pur » en raison de leur faible nombre d’adhérents, de leur rapport distant avec les syndicats et de la composition plus « bourgeoise »de leur électorat. (…)
Le sociologue danois Gosta Esping-Andersen, qui a dressé en 1990 une typologie des régimes sociaux, fait une claire distinction entre ce système et celui des Etats-Unis, bien sûr, mais aussi de la France. Alors que le libéralisme américain se contente d’offrir une protection minimale aux plus démunis, alors que le système « corporatiste-conservateur » français fait varier la protection sociale en fonction du statut, le modèle scandinave repose, selon lui, sur un Etat-providence « universaliste » : il propose des services publics de qualité, dans tous les domaines de la vie sociale, à tous les citoyens, quels que soient leur métier, leur statut ou leur catégorie professionnelle.
Si la social-démocratie connaît son âge d’or pendant les décennies d’après-guerre, elle entre en crise dans les années 1990. Affaibli par le déclin du plein-emploi, l’ampleur des déficits publics et une polarisation du marché du travail alimentant la crainte du déclassement, le compromis social-démocrate est contesté, dès les années 1980, par les tenants du néolibéralisme, puis, au cours des décennies suivantes, par les populistes d’extrême droite adeptes de la rhétorique du welfare chauvinism (« social chauvinisme »). La social-démocratie vit son « crépuscule », affirmait, en 2018, l’historien suédois Tomas Lindbom sur la plateforme de débats Telos. Sauf, bien sûr, si elle parvient à se réinventer.
La social-démocratie, un modèle politique dans la tempête (lemonde.fr)
Marcel Gauchet : aux sources du malheur français
ENTRETIEN. Depuis quarante ans, l’historien n’a de cesse d’interroger la démocratie. Il publie aujourd’hui « Le Nœud démocratique » (Gallimard), où il analyse le mal qui ronge la France. (Le Point, 8 octobre, article payant)
Extraits :
Il est l’un des intellectuels français les plus importants. Pas le plus tapageur ni le plus polémique, et c’est pour ces raisons qu’il faut le lire et l’écouter. Marcel Gauchet publie Le Nœud démocratique chez Gallimard, un livre décisif quant à l’analyse de la crise française – crise qui n’épargne pas non plus l’Europe et l’Occident. Grand penseur de la démocratie, le philosophe explore les tréfonds de nos structures collectives, ce qu’il appelle « l’infrastructure de l’infrastructure », pour expliquer les vertiges existentiels de l’homme moderne et unidimensionnel. Là où une explication économique pourrait paraître évidente à chacun, lui postule qu’il y a, à l’œuvre derrière le néolibéralisme, un phénomène beaucoup plus important qu’il étudie depuis plusieurs décennies : la fin du processus de sortie de la religion.
Le Point : Dans ce livre, vous luttez contre les apparences, qui nous invitent, trop souvent, à tout expliquer par le poids d’une économie de nature néolibérale. Vous proposez donc une autre lecture de la crise existentielle qui touche la France, l’Europe et même l’Occident. Quelle est-elle ?
Marcel Gauchet : L’économie occupe le premier plan parce qu’on l’y a mise. Dans ce livre, j’expose les raisons pour lesquelles nos sociétés ont donné cette priorité à la dimension économique. Elle est un effet avant d’être une cause : c’est le renversement que je propose. La notion d’infrastructure a été la grande découverte du XIXe siècle. Elle s’est imposée contre la vision traditionnelle selon laquelle les idées commandaient d’en haut par l’intermédiaire des pouvoirs. On s’est aperçu que c’est le travail de la base qui comptait et qui dictait sa loi aux pouvoirs. J’explique qu’il y a encore autre chose qui sous-tend cette infrastructure : un mode d’organisation des sociétés. Pour le comprendre, il faut remonter au processus dont est née la modernité occidentale, à savoir la sortie de la religion. Il a consisté dans une rupture avec la structuration religieuse des sociétés qui a dominé le passé humain.
Nous n’avons pas pris, selon vous, toute la mesure de cette sortie. En avons-nous seulement conscience ?
La sortie de la religion a un prix : elle nous ferme à la compréhension de ce qu’a représenté la religion dans les sociétés du passé. Un passé qui continue d’empreindre la vie d’une grande partie des sociétés actuellement présentes sur la planète. La religion a été une manière de faire fonctionner les sociétés. Elle modelait les rapports sociaux. Elle organisait l’existence collective en assurant sa continuité au-delà de la naissance et de ses membres. Le fossé est vertigineux : depuis qu’elle existe, l’humanité a vécu religieusement ; pour nous, y compris pour les croyants, cette fonction n’existe plus. Les croyances personnelles restent, mais le rôle social a disparu.
Qu’est-ce qui s’est donc substitué à ce grand ordonnateur qu’était la religion ? L’État-nation ?
La sortie de la religion s’est étirée sur plusieurs siècles. Or l’événement historique que nous sommes en train de vivre depuis quatre ou cinq décennies, c’est l’achèvement de ce processus de substitution d’un nouveau mode de structuration à l’ancienne organisation religieuse des sociétés. (…)
Quel est l’événement, dans notre histoire contemporaine, qui a agi comme une charnière ?
C’est un micro-événement à l’échelle de la grande Histoire qui a précipité de manière cataclysmique le remaniement de la structuration des sociétés à l’échelle du globe. Une toute petite charge a déclenché la grosse explosion : en l’occurrence la crise économique qui se déclare dans le sillage du premier choc pétrolier de 1973. C’est le vrai point de départ de la mondialisation. Parallèlement, en bas, se déploie une individualisation radicale des sociétés. En l’espace de dix ans, entre 1975 et 1985, se mettent en place une autre société globale et d’autres sociétés locales. (…)
C’est pourtant le moment où le président Mitterrand nous dit : « L’Europe, l’horizon indépassable »…
Nous touchons ici au cœur du malheur français. En 1981, l’alternance à gauche s’opère sous le signe du déni complet de ce qui est en train de se passer à l’échelle du monde. Mais Mitterrand avait le sens des mouvements de l’opinion. Il a vendu l’Europe aux Français comme le substitut du « socialisme dans un seul pays » dont on avait vite vu les limites. « L’Europe sociale » était supposée permettre ce que la France ne pouvait plus faire seule. Sauf que l’Europe a été en réalité le moyen de l’adaptation jamais avouée à la mondialisation néolibérale. Les Français ne se sont pas remis de ce tour de passe-passe. Les divisions qui rendent aujourd’hui le pays ingouvernable sortent de là. (…)
De la même manière, on constate une impossibilité à parler en adulte de l’islam, qui est traité comme un sujet de polémiques et non comme un fait religieux aux conséquences sociales, donc un fait politique…
Le problème avec l’islam, c’est la proximité entre les trois monothéismes. On sait qu’entre les juifs et les chrétiens les relations ont été difficiles, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais il y a un troisième monothéisme, qu’on avait un peu oublié. Les chrétiens se sont définis par rapport aux juifs, dans un rapport de supériorité ; les musulmans se sont définis par rapport aux chrétiens et aux juifs dans un rapport de supériorité à tous les deux, là encore. C’est le problème. Le monde musulman a la conviction d’avoir la religion supérieure et, en même temps, la conscience d’être le perdant du monde dans lequel nous vivons. Et cela vaut a fortiori sur notre territoire, où précisément il se retrouve, comme toute immigration, en bas de la société. Je pense que, pour un musulman, la modernité est un problème particulièrement aigu, parce que celle-ci est le produit des religions vis-à-vis desquelles il se pense par tradition religieusement supérieur. Il ne faut pas seulement connaître l’islam, il faut le comprendre. (…)
Marcel Gauchet : aux sources du malheur français (lepoint.fr)
Yanis Varoufakis : «Le NFP est un mariage de convenance sans le degré d’honnêteté que les gens de gauche devraient adopter»
L’ancien ministre grec des Finances tire à boulets rouges sur l’alliance de l’extrême gauche et de la gauche dans un entretien à Libération. (Le Figaro, 7 octobre, libre accès)
Extraits :
Yanis Varoufakis n’a jamais mâché ses mots. L’ancien ministre grec des Finances, qui arrivait à moto devant les institutions européennes, dénonçait un «triangle du péché» en parlant des médias, des banques et de prestataires de l’État grec, s’en prend cette fois à la gauche et à l’extrême gauche française. «Le Nouveau Front populaire est un mariage de convenance sans le degré d’honnêteté que les gens de gauche et les progressistes devraient adopter», tacle-t-il dans un entretien auprès de Libération .
D’après l’ancien ministre grec des Finances, le programme de l’alliance de l’extrême gauche avec la gauche n’était pas une bonne idée. «Ce que je n’aime pas, c’est le fait que le NFP n’ait pas dit aux Français, ni avant l’élection, ni après, que leur programme impliquait un conflit avec l’UE», précise-t-il.
«Je n’ai pas de doute sur le fait que Mélenchon ira au clash avec l’UE, mais pas les socialistes, ce n’est pas dans leur ADN, pas plus que les Verts. Alors que font-ils à signer un programme commun, qui nécessite un conflit qu’ils ne sont pas prêts à avoir ?», s’interroge-t-il. Si le Nouveau Front Populaire n’allait pas «au clash» avec les institutions européennes, alors il se «retrouverait dans la même situation que la mienne en Grèce en 2015, à affronter la Banque centrale européenne, la Commission européenne, et même le FMI», souligne-t-il.
Yanis Varoufakis assure «être en train» de parler aux dirigeants de l’alliance. «La France n’est pas durable dans cette Union européenne. Laissez-moi vous donner un exemple en tant qu’économiste. Chaque mois, le déficit du commerce extérieur de la France se situe entre 6 et 8 milliards d’euros pendant que l’Allemagne a un surplus de 20 à 25 milliards. La France se met elle-même dans un état de dépendance», illustre-t-il. (…)
« La proportionnelle permettrait d’affirmer qu’un législateur n’est pas un élu local, que la proximité n’est pas une fin en soi »
L’illusion de la stabilité du scrutin majoritaire a masqué l’intérêt d’une réforme du mode de scrutin qui permettrait de représenter tous les courants et d’éviter les alliances bricolées, estime le juriste Bruno Daugeron dans une tribune au « Monde » (5 octobre, article payant)
Extraits :
Le débat ne s’est apparemment apaisé à partir de 1958 que parce que la Ve République naissante, puis installée à partir de 1962, a donné le sentiment que le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qu’elle instaure – en réalité qu’elle reprend de la IIIe République, qui n’a connu qu’une brève et incomplète parenthèse proportionnelle entre 1919 et 1927 – faisait corps avec la stabilité qu’elle offre. (…)
Trompeuse, car la stabilité politique offerte par le scrutin majoritaire s’est faite à un prix très élevé et s’est révélée n’être qu’un leurre : elle a masqué le désaccord croissant entre le corps électoral et les politiques conduites depuis quarante ans (…) Elle a offert l’illusion que la majorité des députés à l’Assemblée nationale était aussi « absolue » que celle du corps électoral alors qu’il n’en était rien et que le décalage entre électeurs et députés ne cessait de croître.
L’artifice de l’élection du président de la République au suffrage universel, sorte de trou noir du débat politique, a d’ailleurs fini par ne plus produire les effets escomptés : les électeurs refusent désormais aux élections législatives le vote qui leur a été imposé au second tour de l’élection présidentielle. (…)
Le refus entêté d’instaurer la représentation proportionnelle – fût-ce par le biais d’une « dose » toujours annoncée jamais adoptée – pour s’assurer de l’absence de formations politiques jugées indésirables à l’Assemblée nationale alors qu’elles avaient un écho sans cesse grandissant dans le pays n’a fait que contribuer à accentuer le décalage entre les électeurs et les représentants du peuple et alimenter une abstention devenue massive et déterminée. (…)
Ces questions touchent à la conception de la fonction des députés et au sens du vote des électeurs. Et de ce point de vue, les voies ouvertes par le scrutin proportionnel ne sont pas sans intérêt.
La première serait non seulement de permettre la représentation de tous les courants politiques significatifs à l’Assemblée nationale mais surtout de contraindre à tenir compte du poids des suffrages à proportion de leur poids dans les urnes afin de permettre la plus grande adéquation possible entre le vote des électeurs et les sièges attribués.
La seconde serait d’éviter le second tour et ses alliances bricolées, imposées plus que présentées, qui donnent le désagréable sentiment à certains électeurs d’avoir voté pour rien, voire contre leurs idées au point de jurer de ne plus s’y laisser prendre en se réfugiant dans l’abstention. (…)
La proportionnelle, tout en conservant l’échelon départemental dans le cadre duquel se répartiraient l’intégralité des suffrages, fût-ce avec une prime majoritaire, permettrait d’affirmer qu’un législateur n’est pas un élu local, que la proximité n’est pas une fin en soi dès lors qu’elle n’est que l’autre nom de l’incapacité à agir au plan national.
Car la constitution d’un gouvernement stable ne saurait être un but dans un régime parlementaire si elle ne tient pas compte de la volonté qui s’est exprimée lors des élections. Ce sont elles qui, en dernière analyse, permettent d’assurer la correspondance entre les électeurs et la représentation juridique du peuple. C’est cette question, et pas une autre, que pose et doit continuer à poser tout débat sur la proportionnelle.
Bruno Daugeron (professeur de droit public à l’université Paris Cité, directeur du Centre Maurice Hauriou) ; il est l’auteur de Droit constitutionnel (PUF, 2023)
«Pourquoi les premiers ministres ne devraient pas se passer du vote de confiance»
TRIBUNE – Michel Barnier a annoncé qu’il ne solliciterait pas de vote de confiance à l’issue de son discours de politique générale. Anne-Marie Le Pourhiet, professeur émérite en droit public, estime qu’il est problématique qu’un premier ministre n’engage pas la responsabilité de son gouvernement. (Le Figaro, 1 octobre, article payant)
Extraits :
(…) [La] responsabilité du gouvernement devant le Parlement est la marque du régime parlementaire, fondé sur la confiance politique des élus de la nation et clairement confirmé par Michel Debré dans son discours de présentation du projet de Constitution devant le Conseil d’État : « Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel, la voie devant nous est étroite, c’est celle du régime parlementaire. »
C’est sur cette base que les articles 49 et 50 de la Constitution ont donc organisé la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale (et non devant le Sénat qui est hors-jeu sur ce point). Cette responsabilité peut être mise en cause dans trois types de circonstances décrites par l’article 49 de la Constitution. Dès la nomination d’un nouveau gouvernement l’article 49 alinéa 1 prévoit que « le premier ministre, après délibération en Conseil des ministres, engage la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ». C’est ce que l’on appelle la « question de confiance » par laquelle un gouvernement fraîchement nommé sollicite lui-même l’investiture de l’Assemblée nationale.
L’usage du présent de l’indicatif impose logiquement à tout nouveau premier ministre de demander l’approbation préalable d’une majorité de députés, mais certains gouvernements de la Ve République s’en sont cependant dispensés. Il serait particulièrement choquant que le gouvernement Barnier s’abstienne d’engager formellement sa responsabilité. La confiance est votée à la majorité simple des suffrages exprimés. Cependant, un vote d’investiture ne vaut pas carte blanche pour toute la législature et il arrive qu’en cours de route un groupe politique ayant initialement voté la confiance la retire soit en refusant de voter un texte du programme gouvernemental, soit plus radicalement en votant une motion de censure.
Organisée par l’article 49 alinéa 2 la motion de censure permet aux députés eux-mêmes de mettre en cause la responsabilité du gouvernement. Ils ont donc, cette fois, l’initiative. La motion doit d’abord être signée par un dixième des députés (58) puis adoptée par la majorité d’entre eux (289). Il est donc plus difficile de censurer un gouvernement en cours de mandat que de lui refuser la confiance initiale.
Enfin, l’article 49 alinéa 3, bien connu des Français, réalise une mixture des deux systèmes en permettant au gouvernement lui-même d’engager ponctuellement sa responsabilité sur un texte de loi qui sera « considéré comme adopté » si une motion de censure n’est pas déposée et adoptée. Si la motion est votée le gouvernement doit en revanche démissionner. (…) «Pourquoi les premiers ministres ne devraient pas se passer du vote de confiance» (lefigaro.fr)
Meurtre de Philippine : à qui profite vraiment la « récupération » politique ?
La gauche accuse le RN de faire de la « récupération politique » après le meurtre effroyable de Philippine. Dans les deux camps, l’instrumentalisation n’est pas loin. (Le Point, 27 septembre, article payant)
Extraits :
(…) Que signifie « récupération politique » ? On pourrait la résumer ainsi : il s’agit pour un camp politique d’utiliser un fait de société pour promouvoir ses thèses, sa lecture du monde et, pourquoi pas, en tirer ensuite un bénéfice électoral. « La récupération politique est une pratique qui vient historiquement de l’extrême droite, mais elle est aujourd’hui le fait de tous les partis », complète Jean Garrigues, historien spécialiste de la politique, et auteur de Jours heureux (Payot, 2023).
Jean Garrigues distingue cependant deux types de récupération politique : celle dite de « confirmation » et celle d’« opposition ». Dans le premier cas, il s’agit de démontrer que sa vision du monde est correcte et de faire triompher ses idées. Dans le cas du terrible meurtre de Philippine, cela revient pour le RN à confirmer que l’immigration illégale constitue un danger pour la France et à justifier la nécessité d’un changement radical.
Sandrine Rousseau, probablement sans le savoir, se plie également à l’exercice de la récupération politique de confirmation. Celle qui revendique son féminisme, et dont l’un des combats politiques porte sur la lutte contre les féminicides, impose, elle aussi, dans cette affaire sa vision du monde. À propos du principal suspect, qui aurait dû être renvoyé au Maroc, elle déclare le 26 septembre sur France Inter : « Si [l’auteur] avait été dans un autre pays, il aurait mis tout autant en danger d’autres femmes. » En somme, peu importe d’où il agit. Ce qui compte, c’est la protection des femmes en général, qu’elles soient françaises ou non.
L’autre versant, celui de la « récupération d’opposition », est tout aussi courant. Si la députée Rousseau accuse « l’extrême droite » de récupération, c’est parce que sa grille de lecture est percutée par celle du RN, et qu’elle veut la combattre. Tout sépare effectivement les deux camps. Quand le RN développe un discours ferme sur l’immigration et ses conséquences sécuritaires, l’alliance de gauche à laquelle appartient Sandrine Rousseau pose un regard bienveillant et refuse que l’opprobre ne soit jeté sur tous les étrangers à cause d’un événement atroce, mais isolé.
Souvent, ces opérations de « récupération politique » se transforment en une véritable instrumentalisation. « Récupérer, c’est s’appuyer sur le réel pour accréditer sa propre thèse. Instrumentaliser, c’est ne retenir que les faits qui servent à la confirmer », explique Sami Biasoni, docteur en philosophie et auteur du Statistiquement correct. Ce glissement vers l’instrumentalisation traduit une démarche où la sélection des événements n’est plus neutre, mais orientée, contribuant ainsi à distordre la réalité pour valider une interprétation préétablie. « Récupération ou instrumentalisation : les faits de société, et les faits divers en particulier, sont utiles aux partis pour imposer leur agenda politique », poursuit Sami Biasoni. Et ils l’ont bien compris…
Meurtre de Philippine : à qui profite vraiment la « récupération » politique ? (lepoint.fr)
Mathieu Fulla, historien : « Reconquérir un électorat hostile à la gauche implique un travail de terrain ardu »
Les stratégies opposées de François Ruffin et de Jean-Luc Mélenchon pour faire gagner la gauche pourraient ne pas porter leurs fruits d’ici à l’élection présidentielle de 2027, estime le spécialiste de l’histoire des gauches en Europe. (Monde, tribune, 26 septembre, article payant)
Extraits :
A moins d’une semaine d’intervalle, Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin ont exposé, sous des formes différentes, deux stratégies électorales pour la gauche. En marge d’une manifestation fustigeant le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon, le chef de file de La France insoumise (LFI) a expliqué de manière crue à des militants l’intérêt de concentrer les énergies sur un segment particulier de l’électorat populaire, celui des quartiers. En rupture de ban avec LFI, le député de la Somme François Ruffin a dénoncé quant à lui cette lecture « spatiale » et « quasi raciale » des classes populaires se substituant à celle fondée sur les classes sociales constitutive de l’identité historique de la gauche. Contre cette approche segmentée, il prône la reconquête de l’ensemble des classes populaires dont le divorce avec sa famille politique est acté depuis longtemps.
Entre les lignes, il s’agirait de retrouver un paradis perdu, celui de l’union de la gauche des années 1970 entre le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste (PCF), au cours duquel ces deux formations captent une large majorité du vote populaire. Au second tour de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand recueille 72 % du vote des ouvriers et 62 % de celui des employés se rendant aux urnes. (…)
En se résignant rapidement à mettre en œuvre une politique d’austérité au nom des contraintes de la mondialisation libérale et de la construction de l’Europe, la gauche au pouvoir érode sérieusement son assise populaire. Le PS ne s’inquiète pas de cette hémorragie avant la défaite traumatique de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle du 21 avril 2002. L’avertissement lancé au cours de la campagne par l’ancien premier ministre Pierre Mauroy, qui enjoint au candidat socialiste de ne pas considérer le terme « ouvrier » comme un « gros mot », reste sans effet : 13 % d’entre eux seulement lui accordent leur suffrage. (…)
Les « insoumis » ne sont cependant pas les premiers, à gauche, à envisager de « laisser tomber »une grande partie des classes populaires, notamment celles concentrées dans les territoires périurbains, aujourd’hui solides bastions du RN. En 2011, au nom de l’efficacité électorale, une note rédigée par un think tank proche du PS, Terra Nova, recommandait déjà au futur candidat socialiste à l’élection présidentielle non pas d’abandonner les classes populaires, comme cela est trop souvent affirmé, mais plutôt de cibler l’effort militant sur « la France de la diversité », présentée comme la composante la plus dynamique de la gauche. La direction de LFI s’est réapproprié cette grille d’analyse qui suscitait jusqu’à présent un fort embarras dans les milieux de gauche. (…)
La « stratégie des bourgs » préconisée par François Ruffin s’accorde mal avec le temps court de la vie politique contemporaine. Réévangéliser des territoires et des couches sociales hostiles à la gauche implique un travail de terrain ardu et peu gratifiant.
A long terme, l’entreprise peut néanmoins se révéler fructueuse. (…)
La mise en œuvre aujourd’hui d’une telle stratégie, dont les premiers effets ne se feraient probablement sentir qu’après 2027, repose sur la redynamisation des milieux syndicaux et associatifs proches de la gauche et sur sa capacité à mobiliser un nombre suffisant de militants qui se consacrent à la cause. Un pari politiquement difficile à prendre à l’heure de la Ve République présidentialisée, où les formes de mobilisation de la jeunesse débordent et contournent largement les appareils partisans à l’égard desquels le degré de défiance n’a jamais été aussi fort.
Mathieu Fulla, historien, est chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po, spécialiste de l’histoire des gauches en Europe.
Quand la France aux yeux bandés s’arrêtera-t-elle de jouer à colin-maillard ?
L’ÉDITO DE FOG. Il soufflait, lors de la constitution du gouvernement Barnier, comme un air de IVe République. Désormais révélés, les ministres vont devoir relever trois défis les yeux grands ouverts. (Le Point, 25 septembre, article payant)
Extraits :
(…) Loin de nous l’idée de hurler au déni démocratique, comme le font tant de nos chers médias qui reprennent volontiers les éléments de langage de LFI. La gauche, surtout extrême, vit dans un monde parallèle et croit, comme Trump aux États-Unis, qu’elle gagne, même quand elle perd : aux législatives, elle n’a même pas obtenu un tiers des voix au premier tour (27,99 %). Et, à l’Assemblée, elle fait moins que la nouvelle coalition entre LR et les macronistes (195 contre 202 députés, voire une quinzaine de plus). Ce qui a changé la donne, c’est la grosse magouille du second tour avec les désistements réciproques entre macronistes et éléfistes, après lesquels, comble de l’amoralité, il n’était même pas question qu’ils gouvernassent ensemble ! (…)
Mauvais présage, alors que l’assainissement de l’économie devrait être la priorité des priorités. À moins de vouloir se suicider, la France ne peut plus continuer de vivre, à ce point, au-dessus de ses moyens avec 1 200 milliards de dettes supplémentaires en sept ans. Pour croire de nouveau en elle-même, il faut qu’elle cesse de vivre à crédit et d’emprunter, non pas pour investir, mais pour payer ses fins de mois ou les retraites de ses fonctionnaires. Sinon, elle sera de plus en plus à la remorque de ses créanciers, comme le Qatar, et c’est toute l’Europe qui lui marchera sur les pieds (…)
Un gouvernement digne de ce nom qui pense à la France se doit de remettre de l’ordre dans les finances publiques. Il y a deux solutions : ou bien, ce qui n’a pas notre préférence, il augmente les prélèvements obligatoires qui, chez nous, sont déjà parmi les plus élevés de la planète (48 % du PIB) ; ou bien il taille dans les dépenses publiques où il y a de la marge : en la matière, nous sommes champions du monde (57,6 % du PIB). À moins qu’il ne fasse les deux. Mais continuer à tout laisser filer, les déficits, la dette, l’immigration, les gabegies et le reste, serait criminel pour notre pays. (…)
Signe des temps, tandis que LFI s’est mise sans vergogne dans la roue de la République islamique d’Iran et que notre président n’arrive même pas à condamner le Hezbollah, son bras armé, le patriotisme est devenu l’apanage de ceux qu’on pourrait appeler les néo-Français : les Kamel Daoud, Boualem Sansal, Sonia Mabrouk, Sophia Aram, etc. Venus de l’autre rive de la Méditerranée, ils aiment la France et, contrairement à tant de Français dits « de souche », n’hésitent pas à le clamer. Ils nous font du bien §
Quand la France aux yeux bandés s’arrêtera-t-elle de jouer à colin-maillard ? (lepoint.fr)
Der Kampf um die Stimmen der «kleinen Leute» spaltet die französische Linke
Frankreichs alteingesessene Arbeiterschaft wählt Marine Le Pen. Der Linken-Führer Jean-Luc Mélenchon konzentriert sich deswegen auf die Banlieues und die Jugend. Das gefällt nicht allen Genossen. (NZZ, 24 septembre, article payant)
Extraits :
In Frankreichs linkem Lager tun sich Risse auf. Nicht nur innerhalb des sogenannten Nouveau Front populaire (NFP). Das breite Bündnis aus Sozialisten, Kommunisten, Grünen und radikalen Linken, das im Juni eilig zusammengeschustert wurde, um den Rechtsruck zu stoppen, war von Anfang an fragil. Die Bandbreite reicht von antikapitalistischen Revolutionären über Ökofeministinnen bis hin zu kompromissbereiten Sozialdemokraten. Kein Wunder, dass man sich schon kurz nach dem knappen Sieg bei der Parlamentswahl um die Frage stritt, wer im Namen der Neuen Volksfront Premierminister werden sollte.
Nun ist auch ein heftiger Richtungskampf am Rande des linken Lagers ausgebrochen, bei dem es um den Umgang mit dem Rassemblement national (RN) geht. Die Rechtsnationalisten sind längst die stärkste Kraft im ländlichen und kleinstädtischen Frankreich. Sie haben den meisten Zuspruch unter alteingesessenen Arbeitern und Geringverdienern, die sich abgehängt sehen und ihre letzte Hoffnung auf Marine Le Pen setzen. Haben die alten Arbeiterparteien überhaupt noch eine Chance, diese Menschen für sich zurückzugewinnen?
Einer ist überzeugt davon. François Ruffin, 48 Jahre alt, stammt selbst aus einer strukturschwachen Region, aus dem Département Pas-de-Calais im Norden. (…)
Das aber deckt sich nicht mit der Agenda eines anderen Schwergewichts der französischen Linken. Jean-Luc Mélenchon, 73 Jahre alt, charismatischer Gründer der Partei La France insoumise (Unbeugsames Frankreich), sucht vor allem in den «quartiers populaires», den migrantisch geprägten Arbeitervierteln der grossen Städte, sein Heil. Dort, wo sich andere etablierte Politiker selten blicken lassen. «Wir müssen die Jugend und die Arbeiterviertel mobilisieren. Den Rest kannst du vergessen. Da verschwenden wir unsere Zeit», vertraute Mélenchon kürzlich einer Aktivistin an, vor laufender Kamera.
Polarisieren und provozieren, das sind Mélenchons Stärken. Der frühere Trotzkist, der Fidel Castro und Hugo Chávez zu seinen Vorbildern zählt, versucht gar nicht erst, seine radikalen Ansichten zu mässigen. Der flammende Redner wettert, wo er nur kann, gegen den Kapitalismus, gegen die EU, die Nato und Israel. Und das kommt bei vielen jungen, urbanen Wählern und Muslimen gut an. Bei der letzten Präsidentschaftswahl 2022 gab jeder fünfte Franzose dem «Helden der Banlieues» im ersten Wahlgang seine Stimme.
Bei den muslimischen Wählern waren es sogar fast 70 Prozent. Das hat auch damit zu tun, dass Mélenchon als einziger Parteiführer den Diskurs der angeblich islamfeindlichen Gesellschaft für sich entdeckt hat. 2019 nahm er an einem «Marsch gegen Islamophobie» teil, der von einem obskuren islamistischen Verein organisiert worden war. (…)
Der linke Bruderkampf hat die Medien elektrisiert, denn die Frage, warum die französischen Arbeiter rechts wählen, ist ein Dauerbrenner. Der Soziologe Didier Eribon, selbst ein Arbeiterkind aus der Provinz, rechnete in seiner Biografie «Rückkehr nach Reims» schon vor Jahren mit dem Dünkel linker Parteien ab, die den Klassenbegriff abgeschafft hätten. Den gegenwärtigen Triumph des Rassemblement national sagte Eribon voraus. «Wenn es den Linken nicht gelingt, alle Wählergruppen anzusprechen, drohen sie völlig bedeutungslos zu werden», warnt der Politologe Rémi Lefebvre. (…)
Ein Bruderkampf spaltet die französische Linke (nzz.ch)
👎Le gouvernement de Michel Barnier, une alliance de perdants à rebours du front républicain
Le gouvernement penche clairement très à droite sans garantir une quelconque stabilité à l’exécutif, qui reste minoritaire à l’Assemblée nationale et se voit d’emblée accusé d’avoir bafoué le résultat des urnes. (Le Monde, édito, 24 septembre, article payant)
Extraits :
(…) Les partis signent leur retour. Ils ont littéralement encerclé le nouveau premier ministre pour négocier leur influence. La droite a fait le forcing sur le régalien, les macronistes et leurs alliés ont maintenu leur influence sur l’économie, le social, l’éducation nationale. Le domaine réservé du président de la République est maintenu, mais Michel Barnier obtient une tutelle directe sur les ministres chargés du budget, de l’outre-mer et de l’Europe.
Faute d’avoir scellé un pacte de coalition en bonne et due forme, la nouvelle équipe n’est tenue que par quelques vagues engagements de façade. Elle reste à la merci des chefs de parti qui ont tous choisi de rester en dehors du gouvernement, soulignant la fragilité de l’édifice.
Le message politique est à rebours des espoirs de changement soulevés lors de la campagne des législatives. (…)
L’ampleur du camouflet opposé au réflexe civique qui a conduit une large majorité d’électeurs à repousser, en juillet, le risque d’une prise de pouvoir de l’extrême droite se mesure surtout à ce constat accablant : le nouveau gouvernement est à la merci du Rassemblement national, qui pourra à sa guise faire monter les enchères sur l’immigration.
Le profond malaise démocratique né de cette situation surplombe les nombreux dossiers brûlants que Michel Barnier a devant lui. C’est paradoxalement leur gravité qui peut lui laisser espérer un peu de temps avant d’être atteint par une censure. De quelque parti qu’il soit, aucun des prétendants à la présidentielle de 2027 n’a intérêt à un brusque décrochage du pays. C’est aussi à cette réalité que se jauge la profondeur de la crise politique française.Le gouvernement de Michel Barnier, une alliance de perdants à rebours du front républicain (lemonde.fr)
Le fait divers permanent
L’ÉDITO DE PEGGY SASTRE. Nous avons tous des perceptions fragmentées de la réalité. Sauf que dans notre écosystème médiatique actuel, c’est la réalité même qui semble avoir disparu. (Le Point, 20 septembre, article payant)
Extraits :
C’est une expérience facile à réaliser : alternez l’exploration des médias de droite et des médias de gauche, et vous aurez l’impression d’avoir atterri dans deux contrées si ce n’est sur deux planètes distinctes. Un phénomène tout à fait normal et, dans ses grandes lignes, bénin. Les gens sont différents, ils ont logiquement des biais, des appétences et des points de vue différents. C’est même l’un des grands succès des sociétés modernes – une fois établi un cadre fonctionnel minimal pour que la discorde ne se transforme pas en chaos, elles arrivent à tourner en étant constituées d’individus, de ménages, de communautés, d’entreprises et autres groupes aux intérêts, valeurs, opinions et croyances qui divergent et dessinent une réalité différentialiste, relativiste et pluraliste. (…)
Voyez deux informations ayant, comme on dit, défrayé la chronique ces derniers jours. L’un pourrait plutôt faire couler l’encre à droite – la mort à Grenoble de Lilian Dejean, employé municipal grenoblois tué par balle sur la voie publique – et l’autre, plutôt à gauche – le procès des viols de Mazan, où comparaissent 51 hommes accusés d’avoir violé, tenté de violer et agressé sexuellement la même femme, droguée à son insu par son mari ayant méticuleusement filmé le tout, et ce, pendant une dizaine d’années. (…)
Avec la fusillade de Grenoble, revoilà l’insécurité galopante, le laxisme criminel des élus de gauche débordés par (parce que complaisants avec) la racaille et des gens normaux pris, ici au sens strict, entre deux feux. Avec Mazan, pour citer la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie dans Le Soir, nous serions devant « l’ordinaire de la violence patriarcale », et Gisèle Pélicot serait sa « victime typique ». (…)
Là où le problème redouble, c’est que la France peine à produire des chiffres fiables et non « idéologiquement biaisés », autant sur la criminalité et l’insécurité en général que sur les violences faites aux femmes en particulier. Nous n’avons pas la culture statistique des pays anglo-saxons, États-Unis en tête, où les données sont à la fois massives, facilement accessibles et, surtout, collectées depuis un temps suffisant pour que soit possible la mise en perspective, la kryptonite des paniques collectives. Celles qui nous font détaler, hurler, brûler pour échapper à de terrifiants éléphants, qu’importe qu’ils ne soient que le produit de nos imaginations et de nos bulles sociales toujours plus hermétiques, et où les aveugles sont rois.
Le fait divers permanent (lepoint.fr)
Coalitions politiques, un blocage français
Enquête : Chez la plupart de nos voisins européens, les parlements morcelés sont presque une norme, tout comme les négociations entre partis pour constituer un gouvernement. Depuis les législatives, les acteurs politiques français ont démontré en la matière une parfaite inaptitude, qui n’est pas d’ordre institutionnel mais bien culturel. (Le Monde, 17 septembre, article payant)
Extraits :
Certains s’emportent, d’autres se lamentent, mais tous semblent désemparés : depuis le mois de juillet, le résultat des élections législatives a plongé les responsables politiques dans une immense perplexité. En l’absence de majorité absolue, nul ne semble savoir comment constituer un gouvernement, bâtir une majorité, négocier une feuille de route. Dans un pays où, depuis 1962, tous les présidents de la République, à l’exception de François Mitterrand en 1988 et d’Emmanuel Macron en 2022, ont pu s’appuyer sur des députés le doigt sur la couture du pantalon, le pluralisme parlementaire apparaît comme une véritable calamité.
Nombre de dirigeants européens ont sans doute souri en écoutant les complaintes et les indignations des responsables politiques français. Chez la plupart de nos voisins, les « Parlements de minorités », selon l’expression de l’Elysée, sont en effet la norme : loin de faire de l’Hexagone une terre maudite, les élections législatives de juillet, constate le politiste Thierry Chopin, inscrivent la vie politique française dans le « droit fil » des dynamiques européennes. Dans un pays comme l’Allemagne, où aucun parti n’a gouverné seul depuis 1949, ajoute le chercheur Martin Baloge, le morcellement actuel du Palais-Bourbon n’a rien de « déroutant ».
Au fil des décennies, nos voisins ont d’ailleurs appris à gérer avec patience et doigté la fragmentation de leur paysage politique : depuis de longues années, ils font le pari de la négociation. A l’issue des élections espagnoles de 2023, le roi avait ainsi demandé au chef de la formation arrivée en tête, le parti conservateur, de constituer une majorité avant de solliciter, après son échec, le parti socialiste : au terme de plusieurs semaines de discussions, Pedro Sanchez avait formé un gouvernement de coalition en concluant une alliance avec la gauche radicale et les nationalistes. Cent seize jours après le scrutin, il obtenait l’investiture de la Chambre.
Les députés du Bundestag allemand, eux aussi, maîtrisent depuis bien longtemps l’art de la coalition. Dans ce régime parlementaire où le chef de l’Etat se contente d’une fonction honorifique, le nom du chancelier ne sort pas un beau matin du chapeau présidentiel : il est le fruit d’une longue négociation entre partis politiques – quatre-vingt-six jours en 2013, cent soixante et onze jours en 2017 et soixante-treize jours en 2021. Ce travail de longue haleine aboutit à la rédaction d’une feuille de route d’une centaine de pages que les députés du Bundestag sont tenus de respecter une fois que le gouvernement de coalition est constitué. (…)
Coalitions politiques, un blocage français (lemonde.fr)
Géographie, sociologie, sentiment de relégation: ce que révèle le vote Rassemblement national
EXCLUSIF – La percée du RN aux législatives confirme la sociologie du vote lepéniste. Dans une étude détaillée réalisée pour l’Institut Terram (1) dont Le Figaro publie ici de larges extraits, le tandem Jérôme Fourquet-Sylvain Manternach (2) approfondit la structure électorale du premier parti de France. (Le Figaro, 14 septembre, article payant)
Extraits :
(…) Le soutien au RN repose aussi sur deux ressorts sociologiques puissants. Il s’agit d’abord de ce que nous appelons l’« empathie de point de vue ». Pour fixer leur vote, beaucoup d’électeurs regardent d’abord si le diagnostic porté par telle ou telle personnalité politique sur l’état du pays correspond à celui qu’ils font eux-mêmes. Ils se demandent ensuite : « Est-ce que, dans le tableau que ce parti/candidat dresse de la France, moi et les miens figurons en bonne place ? » Si la réponse est positive se met alors en place une empathie de point de vue entre l’électeur et le candidat.
On peut se souvenir de la réponse d’une électrice calaisienne à Raphaël Glucksmann sur la raison de son vote en faveur de Marine Le Pen : « Vous savez, Marine, c’est la seule qui n’a pas honte de nous sur la photo. » Quand ces électeurs appellent Marine Le Pen et Jordan Bardella par leur prénom, ils désignent ces deux personnes comme si elles faisaient partie de leur famille ou de leur cercle d’amis. En promettant de baisser drastiquement les taxes sur les carburants, le RN cultive sa proximité avec le « peuple de la route ». L’empathie de point de vue cultivée avec cette population a porté ses fruits, puisque les électeurs les plus dépendants de l’automobile ont massivement voté pour les candidats RN.
Cette proximité est également cultivée par le RN dans sa stratégie de campagne. Ce parti organise préférentiellement ses meetings et les déplacements de ses candidats non pas dans les Zénith des capitales régionales ou dans les métropoles, mais dans des petites villes ou des zones rurales. De même, les principales figures du parti sont investies dans des circonscriptions situées dans cette France périphérique. Marine Le Pen a posé de longue date son dévolu à Hénin-Beaumont, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, tandis que Sébastien Chenu est élu à Denain, dans le Valenciennois, que Jean-Philippe Tanguy représente les cantons ruraux de la 4e circonscription de la Somme et que Laurent Jacobelli est élu de la 8e circonscription de la Moselle, qui comprend notamment les cantons de Florange et de Fameck.
Le choix d’un territoire d’élection n’est pas anodin, car il ancre symboliquement le responsable politique dans une géographie sociale. Jadis, les principaux dirigeants du Parti communiste français (PCF) étaient investis soit dans la banlieue rouge, soit dans des bassins miniers ou industriels, car il s’agissait de montrer que ce parti incarnait la classe ouvrière. Aujourd’hui, les ténors macronistes sont tous élus dans les départements très privilégiés des Yvelines ou des Hauts-de-Seine, les cadres de La France insoumise (LFI) ayant symétriquement investi l’Est parisien et les circonscriptions de banlieue. Chacun de ces trois blocs politiques représente une île de l’archipel français, et le RN s’y pose en défenseur de la France périphérique.
Le RN s’appuie parallèlement sur un autre mécanisme psychosocial qu’on appellera l’«« homologie de situation ». Nombre d’électeurs frontistes se disent que ce que les élus du RN subissent dans le système politico-médiatique ressemble à ce qu’eux subissent également dans leur vie quotidienne. Ce statut de parias, l’hostilité, le mépris de classe ou intellectuel dont sont victimes les représentants du RN renvoient à ce qu’eux aussi vivent à leur niveau. Le fait que certains députés n’aient pas serré la main aux députés RN à l’Assemblée nationale et que ces derniers n’aient pas bénéficié d’accès à des postes au sein de la direction de l’Assemblée nationale renforce l’homologie de situation.
Au premier tour des législatives de 2024, le RN a ainsi recueilli ses meilleurs résultats parmi les actifs qui se jugent particulièrement exposés à la pénibilité au travail. De même, le fait de ne pas avoir fait d’études vous confine à un statut de relégué. On notera que la plupart des figures du RN n’ont pas fait de longues études, à l’instar de Jordan Bardella, qui n’a pas validé sa première année de faculté. C’est précisément dans les segments les plus dominés culturellement que le RN a le plus progressé entre 2022 et 2024.
(1) L’Institut Terram est un groupe de réflexion dédié à l’étude des territoires
(2) Directeur du département opinion de l’Ifop, Jérôme Fourquet est l’auteur de « L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée » (Seuil, 2019), « La France sous nos yeux. Économie, paysages, nouveaux modes de vie » (avec Jean-Laurent Cassely, Seuil, 2021) et « La France d’après. Tableau politique » (Seuil, 2023). Sylvain Manternach est géographe et cartographe, auteur notamment des cartes et infographies publiées dans les livres de Jérôme Fourquet.
Intégrale, partielle, départementale… à l’Assemblée, 50 nuances de proportionnelle
DÉCRYPTAGE – De Yaël Braun-Pivet à François Bayrou en passant par le Rassemblement national et la gauche, chacun a une idée différente de ce que devrait être un scrutin législatif à la proportionnelle. (Le Figaro, 13 septembre, article payant)
Extraits :
Chaque année, le débat revient inlassablement dans la classe politique. Faut-il mettre en place la proportionnelle aux élections législatives afin d’assurer une meilleure représentativité des partis à l’Assemblée nationale ? Après le résultat des législatives de 2024, de nombreuses personnalités politiques ont réclamé sa mise en place. Marine Le Pen et le Rassemblement national en ont même fait l’un de leurs chevaux de bataille, conditionnant leur bienveillance à l’égard du futur gouvernement à la mise en place de cette réforme institutionnelle, qui pourrait leur être favorable en cas de nouvelle dissolution.
« S’il y a de nouveau des élections législatives dans un an, nous pourrions nous trouver dans la même situation de blocage total qu’aujourd’hui (…) Il faut donc adopter un critère, qui permette à une force politique d’avoir une majorité et de gouverner le pays, tout en ayant une meilleure représentation des courants qui la traversent », a détaillé la présidente du groupe RN à l’Assemblée, dans une interview à La Tribune du dimanche. (…)
Intégrale, partielle, départementale… à l’Assemblée, 50 nuances de proportionnelle (lefigaro.fr)
Proportionnelle : la pression monte sur l’exécutif
DÉCRYPTAGE – À l’Assemblée nationale, où aucune majorité claire ne se dégage, les députés veulent rouvrir le débat sur le mode de scrutin pour le faire évoluer d’ici aux prochaines élections législatives. (Le Figaro, 13 septembre, article payant)
Extraits :
(…) Alors un vieux serpent de mer institutionnel refait surface avec plus d’acuité encore que dans le passé : la proportionnelle. Issu d’une formation historiquement hostile à cette idée, le nouveau premier ministre LR, Michel Barnier, se retrouve confronté à de multiples demandes de réforme. Insoumis et lepénistes, en plus des bayrouistes, le somment de se saisir de cette promesse d’Emmanuel Macron, engagement abandonné avant lui (…)
La proportionnelle, qui consiste à répartir des sièges à des listes de candidats en proportion des voix obtenues, serait pourtant « la seule perspective crédible pour normaliser le pluralisme », a estimé François Bayrou dans un entretien accordé au Monde fin août. Ce système en vigueur dans la quasi-totalité des pays européens, que le centriste veut voir adopter par référendum, doit venir à bout des « réflexes majoritaires » et du « clanisme » qui prévalent à l’Assemblée, pourtant « obligée au compromis » depuis cet été. « Dans un système bloqué de façon durable, la proportionnelle fluidifierait la vie politique », a exposé mardi à Matignon le sénateur Hervé Marseille, président de l’UDI, lors d’un entretien avec Michel Barnier. (…)
« L’avantage, c’est que les électeurs ont le sentiment que chaque voix compte, et ça encourage l’esprit de compromis », observe-t-on évasivement dans l’entourage présidentiel. Tout en temporisant : « Il faut regarder tout cela de manière transparente et très ouverte. » (…)
À rebours de François Bayrou et de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, une partie des députés Renaissance et Édouard Philippe craignent une plus forte fragmentation de l’Hémicycle.
« Je suis très attaché au scrutin majoritaire, a affirmé l’ancien premier ministre la semaine dernière au Point , en marge de son annonce de candidature à la présidentielle. Méfions-nous d’un mode de scrutin qui laisserait la possibilité aux états-majors de partis politiques parisiens de construire des listes de candidats sans aucun lien avec les réalités politiques locales », avertit le maire du Havre, qui n’y serait favorable qu’avec un assouplissement du non-cumul des mandats.Proportionnelle : la pression monte sur l’exécutif (lefigaro.fr)
Jean-Éric Schoettl: «L’instauration de la proportionnelle serait le dernier clou sur le cercueil de la Ve République»
TRIBUNE – Alors que l’idée d’élire l’Assemblée nationale à la proportionnelle suscite désormais un large accord dans la classe politique, il ne faut pas perdre de vue les conséquences négatives que pourrait avoir ce mode de scrutin, rappelle l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel. (Le Figaro, tribune, 12 septembre, article payant)
Extraits :
(…) L’introduction d’une dose de proportionnelle dans le système actuel ne suffirait pas à assurer la fidèle représentation des courants d’opinion. Or, pour une bonne partie de nos compatriotes, la concordance la plus exacte possible entre pourcentages des voix et pourcentages des sièges est l’unique critère d’une bonne représentation. C’est oublier que les modes de scrutin servent aussi à faire émerger des majorités cohérentes. D’où la « prime majoritaire » attribuée à la liste arrivée en tête du second tour pour les élections municipales dans les communes de 1000 habitants et plus. (…)
Quant à la proportionnelle intégrale (dans le cadre national ou, comme en 1986, départemental), outre qu’elle distendrait encore ce qui reste du lien de proximité entre élus et électeurs, elle ne ferait qu’augmenter les risques de majorité introuvable et de tyrannie des groupes charnières, comme le montrent les exemples étrangers (Espagne, Belgique, Israël).
L’application de la proportionnelle intégrale aux résultats du 7 juillet eût produit une Assemblée non moins fracturée que l’actuelle, avec un peu moins de sièges à la gauche et au « bloc central » et nettement plus au RN et à ses alliés. Rappelons qu’avec le tiers des voix, ceux-ci n’ont remporté que le quart des sièges : conséquence impitoyable du scrutin majoritaire à deux tours combiné avec l’activation efficace du « front républicain ». (…)
L’éclatement de la représentation nationale est bel et bien un obstacle à la formation de majorités. Il est naïf de croire que la nécessité et le sens de l’intérêt national font émerger naturellement une majorité en forçant aux compromis. On le voit aujourd’hui en France, avec trois blocs et onze groupes. Quant à l’expérience des pays voisins, elle nous enseigne que, même avec une « culture de compromis » et une marginalisation des extrêmes, la construction d’une majorité peut être laborieuse et s’avérer bancale à l’usage (Allemagne). Par ailleurs, certaines coalitions, qui paraîtraient raisonnablement s’imposer pour débloquer une situation politique, peuvent se heurter à des antinomies inexpiables.
Ajoutons que, avec la proportionnelle, coalitions et plateformes de gouvernement doivent être négociées après le scrutin, loin du regard des électeurs. Que gagne au change la démocratie par rapport au système actuel, dans lequel l’électeur sait pour quelle coalition il vote ? (…)
Il n’empêche que ce serpent de mer est en passe de s’incarner. L’idée suscite un large accord dans la classe politique. Qui plus est, l’instauration de la proportionnelle est une des conditions mises par le RN à la non-censure du gouvernement Barnier. Enfin, comme elle relève de la loi ordinaire, elle est procéduralement plus facile à mener à bien qu’une révision constitutionnelle. (…)
Si elle se réalise, l’instauration de la proportionnelle serait l’une des conséquences chaotiques de la dissolution. Elle affecterait profondément notre système politique, compromettant les chances d’un retour aux alternances bipolaires de majorité qui avaient fait la force des institutions de la Ve République. Ce pourrait être la dernière pelletée de terre sur le cercueil de cette dernière.
Eugénie Bastié: «La France est-elle vraiment de droite?»
CHRONIQUE – Le sociologue Vincent Tiberj s’évertue sur 300 pages à réfuter la droitisation de notre pays. Selon lui, les Français seraient secrètement de gauche mais influencés par des discours politiques et médiatiques imposant certains thèmes dans le débat. Peu convaincant. (Le Figaro, 12 septembre, article payant)
Extraits :
« La France est de droite, sans doute comme elle ne l’a jamais été », affirmait Nicolas Sarkozy dans nos colonnes à la fin de l’été. N’en déplaise aux amis du Nouveau Front populaire qui ont cru au grand soir le 7 juillet dernier, l’opinion du Français moyen semble plus se rapprocher de celle de Michel Barnier que de celle de Lucie Castets. De sondages en enquêtes d’opinion, le retour de l’autorité, le besoin de sécurité, l’inquiétude quant à l’immigration incontrôlée sont des préoccupations constantes des Français.
Face à cette réalité difficile à digérer, la gauche universitaire oscille entre deux stratégies : gonfler l’hydre fasciste jusqu’à y englober le « printemps républicain » et la gauche laïque afin de se mettre dans la position de la citadelle assiégée devenue minoritaire (syndrome Bellanger). Ou bien minimiser au contraire cette droitisation, dire qu’elle n’est qu’une bulle médiatique sans fondements réels dans la société. C’est l’option qu’a choisie le politologue Vincent Tiberj dans son livre La Droitisation française. Mythe et réalités (PUF). Il pratique avec maestria cet art de démontrer que ce que l’on voit n’existe pas qu’on appelle « sociologie ».
Ce chercheur à Sciences Po Bordeaux conteste tout simplement l’existence d’une « droitisation par le bas ». Jamais Vincent Tiberj ne prend la peine de donner une définition claire de ce qu’est la droite. Il sous-entend qu’être de droite, c’est être raciste et intolérant, et a donc beau jeu de dire que, les Français ne l’étant pas, ils ne sont donc pas « de droite ». (…)
Il n’a pas tort cependant de souligner que le libéralisme économique et le conservatisme sociétal sont loin d’avoir le vent en poupe dans la société française. Que le pouvoir d’achat et l’environnement constituent des préoccupations majeures des Français. En réalité, c’est vrai, la droitisation s’effectue seulement sur les sujets d’identité, d’insécurité et d’immigration. Mais c’est déjà trop. Il attribue cette « droitisation par le haut » non pas à un souhait sincère de l’opinion confrontée aux dérives du multiculturalisme, mais à une manipulation des élites politiques et médiatiques. (…)
Par exemple, il souligne que les téléspectateurs de droite sont deux fois plus nombreux sur CNews que leur poids dans la population, et concède qu’on retrouve un tel déséquilibre dans le public de France Inter : « Parmi les auditeurs de cette station, les électeurs de gauche pèsent 2,25 fois leur poids dans la population, tandis qu’à droite ils sont quatre fois moins nombreux. » Pourtant, selon lui, on ne peut pas comparer. Non pas parce que l’un est payé avec nos impôts et pas l’autre. Mais parce que « France Inter a une culture forte de pluralisme interne ». On rit.
Mais pourquoi les électeurs de gauche écoutent-ils donc davantage cette station ? Pour Vincent Tiberj, être de gauche, c’est être neutre, objectif ; être de droite, c’est être partisan, biaisé. Il se permet d’ailleurs de qualifier d’« engagés » des journalistes de CNews et du Figaro, mais lui-même est un sociologue on ne peut plus engagé. Dans L’Obs, il se permet même de dispenser ses conseils au NFP pour gagner un nouvel électorat… (…)
Autre manière pour notre politologue de relativiser la victoire idéologique de la droite : noyer le poisson. Selon lui, l’abstention, qui en effet est un phénomène majeur de notre époque, fausse le résultat des élections qui ne refléterait pas la tendance profonde du pays réel. Ce qu’il appelle la « grande démission » des citoyens qui ne votent plus est une réalité indubitable. Et en effet, il y a peut-être dans ce gisement de déçus de la politique, qu’on retrouve en particulier chez les défavorisés ou chez les jeunes, un vivier électoral pour la gauche qu’elle ne parvient pas à attirer. Il lui suffirait, selon lui, d’assumer ses valeurs et de ne pas se laisser dicter ses thèmes par la droite pour reconquérir du terrain. On ne demande qu’à voir.
Eugénie Bastié: «La France est-elle vraiment de droite?» (lefigaro.fr)
La France est-elle en train de faire sécession ?
L’ÉDITO D’ÉTIENNE GERNELLE. Plutôt que de se pencher sur les enjeux de l’intelligence artificielle, nos députés préfèrent revenir sur la réforme des retraites. Ce pays est-il sérieux ? (Le Point, édito, 5 septembre, article payant)
Extraits:
Les infortunes du pouvoir… Il y a un an, Emmanuel Macron se voyait redessiner le monde et envisageait – dans un entretien accordé au Point – de « rebâtir une architecture géopolitique de l’Europe ». Le voici à patauger péniblement au milieu des factions et des sous-groupes de l’Assemblée nationale nouvelle, qu’il a contribué à créer. Ce n’est plus Vladimir Poutine en face de lui, mais quelques-uns de ses idiots utiles, comme Jean-Luc Mélenchon. Il faut savoir réviser à la baisse le niveau de ses adversaires…
Bien sûr, ce malheur est commun à tout dirigeant empêtré dans ses affaires intérieures, mais ce recentrage express est aussi révélateur d’un étonnant isolement français, en dehors de la – très réussie – parenthèse des Jeux olympiques. En clair, en désaccord avec la Terre qui continue de tourner, nous avons fait sécession et décidé de faire du surplace.
Ainsi, pour beaucoup de dirigeants tout autour du globe, la sensation de l’été ne fut pas Lucie Castets mais les dernières rumeurs quant à une nouvelle technologie de raisonnement d’OpenAI baptisée Strawberry. (…)
Certes, la campagne fut courte et les échéances ont été rapprochées, mais un petit tour des programmes, en la matière, des trois grands blocs pour les législatives laisse pantois. Celui d’Ensemble – censé incarner la start-up nation – ne mentionnait pas l’intelligence artificielle. Pas une ligne. Celui du RN ne l’évoquait qu’une fois, pour parler des besoins en énergie. Quant à celui du NFP, il expédiait le sujet en quelques mots : « Créer une mission nationale de maîtrise de l’intelligence artificielle. » Avec ça, nous sommes sauvés… (…)
L’IA doit donc être un sujet secondaire… De toute façon, en France, la question qui monopolise l’attention est de savoir si l’on va abroger ou suspendre la réforme des retraites. Voilà l’avenir ! Ce n’est d’ailleurs pas une blague, car, sur le papier, il existe bien une majorité à l’Assemblée pour voter ce retour en arrière, et donc acter notre séparation d’avec à la fois la raison et le reste de l’Europe. (…)
Faut-il que notre pays se croie le centre du monde, et une vocation éternelle à figurer parmi les pays riches et dominants, pour se permettre cela…
(…) la situation est peut-être encore pire que nous le pensions. Nous ne nous étonnons plus de grand-chose depuis un moment, mais il est tout de même stupéfiant de constater que c’est sur la demande insistante d’Éric Coquerel, président – LFI ! – de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, que Bercy a dû transmettre des documents montrant qu’un nouveau dérapage des finances publiques était en cours. Ce pays est-il sérieux ?
La France finira bien par retrouver le monde réel. Cela ne sera pas forcément agréable.
La France est-elle en train de faire sécession ? (lepoint.fr)
Le nouveau Premier ministre face au risque de censure des marchés
L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Le nouveau Premier ministre devra s’efforcer de rassurer nos créanciers en donnant au plus vite des gages de sérieux budgétaire. (Le Point, édito, 5 septembre, article payant)
Extraits:
Ce n’est pas sur la musique triomphante du chant du départ mais au son sinistre du tocsin que Bruno Le Maire s’apprête à quitter son poste. En révélant un nouveau dérapage du déficit pour 2024, le ministre de l’Économie démissionnaire a fait preuve d’un tardif mais louable souci de transparence. Cela ne suffira toutefois pas à faire oublier ses coupables erreurs de prévisions budgétaires à répétition et surtout le bilan désastreux en matière de finances publiques des sept années passées à Bercy de celui qui prétendait pourtant gérer les deniers de l’État « à l’euro près ». (…)
Voir texte intégral sous « Article du jour » !
Le nouveau Premier ministre face au risque de censure des marchés (lepoint.fr)
La quadrature du cercle : Blocage pour Matignon : le grand déni français
Et si l’équation politique à laquelle se heurtent Emmanuel Macron et tous ses « consultés » était en réalité très simple ? Il ne peut pas y avoir de majorité ni de « stabilité institutionnelle », avec un double cordon sanitaire, l’un contre le RN, l’autre contre LFI (voire le NFP). (Atlantico, tribune, 4 septembre, article payant)
Extraits:
(…) Il faut un gouvernement composé de personnalités dévouées et expérimentées, qui ne soit pas une réplique de l’existant. Il doit être aussi pluraliste que possible mais délié des enjeux partisans. Il devra mener une politique qui soit à la fois suffisamment acceptable pour ne pas se faire renverser et à la hauteur des enjeux économiques, financiers, sécuritaires et géopolitiques. Parmi ces enjeux, il y a ceux qui sont imposés par les contraintes économiques et financières (vote du budget, désendettement) et ceux qui tiennent à la nécessité de restaurer l’autorité de l’Etat. La demande d’ordre et de sécurité est majoritaire : c’est un des rares enseignements clairs de ces élections. Emmanuel Macron ne peut non plus, sans brader l’acquis de sept années de mandat, nommer un Premier ministre hostile à la politique de l’offre, partisan de l’abaissement de l’âge de la retraite ou laxiste sur le plan sécuritaire ou migratoire. Il a droit, lui-aussi, à ses lignes rouges.
Cocher toutes ces cases relève de la quadrature du cercle ! On comprend que le Chef de l’Etat y consacre le temps nécessaire. (…)
Nous expérimentons pour la première fois sous la Ve république une situation d’absence de majorité, fût-elle seulement relative. Elle est habituelle chez nos voisins européens. Leurs opinions publiques ne s’étonnent plus que, au lendemain d’élections législatives très disputées, la construction d’une majorité, la négociation d’une plateforme de gouvernement et la désignation des ministres prennent des semaines, voire des mois. Outre qu’elle n’est pas habituée à cette situation, la France rencontre une difficulté particulière : le caractère irréductible des divergences entre les trois blocs politiques en présence et au sein même de ces blocs.
Une majorité, au moins relative, est-elle introuvable ?
Les blocages sont réels : refus du NFP d’en rabattre sur son programme ; refus de la Droite républicaine d’entrer au gouvernement ; refus de tous de parler au RN ; menaces de motion de censure émanant de celui-ci et de la gauche. (…)
Pour illustrer ce que cette tripartition des opinions recèle de chaotique pour la suite, j’emprunterai l’analogie astrophysique du problème des trois corps. La trilogie romanesque intitulée « Le problème à trois corps », de l’écrivain de science-fiction chinois Liu Cixin, transposée dans une série télévisée diffusée par Netflix, imagine une humanité condamnée à vivre avec trois soleils. Cette civilisation tri-solaire pâtit cruellement du caractère imprévisible et erratique des interactions entre les trois astres. (…)
C’est à un semblable désordre, généré par l’interaction chaotique entre trois blocs, eux-mêmes hétérogènes, que conduisent les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Au lendemain du second tour, s’installe une l’Assemblée nationale dont ne se dégage aucune majorité cohérente. Deux pôles – chacun dominé par ses radicaux – encadrent un bloc central. Ces trois blocs occupent trois tiers (inégaux, mais de taille comparable) des 577 sièges. (…)
La stabilité n’est garantie à aucun gouvernement émanant d’un seul bloc, car il peut être renversé par les deux autres blocs, rivaux sans doute, mais alliés à l’occasion contre lui. Quant aux coalitions entre blocs, elles sont interdites par l’irréductibilité de leurs positions. La raison du blocage est idéologique beaucoup plus qu’imputable, comme on le dit un peu vite, à on ne sait quelle inaptitude française au compromis. (…)
Peut-il vraiment y avoir une majorité ou une « stabilité institutionnelle », avec un double cordon sanitaire, l’un contre le RN, l’autre contre LFI (voire le NFP) ? Dans quelle mesure le RN et LFI devraient-ils être intégrés au jeu des négociations plutôt que d’être ostracisés comme c’est le cas actuellement ?
LFI a été invitée aux consultations mais a posé des conditions telles qu’elle s’est exclue elle-même du jeu. C’est une formation radicale et antisystème qui cherche à déstabiliser les institutions plutôt qu’à gouverner. Son chef vise 2027 et ne veut pas se commettre dans un gouvernement bourgeois d’ici là.
Quant au RN, le tenir durablement à l’écart du jeu présente un risque considérable pour un gouvernement soutenu par un bloc central pesant au mieux (avec la Droite républicaine) 220 sièges. Arithmétiquement, le futur gouvernement ne peut pas se payer le luxe de s’en faire un ennemi. (…)
Un important facteur conditionnant la stabilité d’un gouvernement dans l’action duquel se retrouverait le bloc central serait d’atténuer l’hostilité du principal groupe de députés. Ce n’est pas une tâche impossible. Comment ? Pour l’essentiel, en cessant de diaboliser le RN. Le centre et la droite pourraient donc décider de considérer le RN comme un parti comme un autre, qu’il n’y a pas lieu d’ostraciser éternellement.
Le système politique restera chaotique tant que le RN sera exclu du jeu, c’est-à-dire tant qu’il sera considéré comme un mouvement d’extrême droite, plutôt que comme un parti de droite de tendance populiste, ce qu’il est. Le parti de la fille n’est plus celui du père ; il ne défile pas avec des oriflammes ; il combat l’antisémitisme ; ses députés se sont montrés respectueux des institutions et ont fait montre de civilité républicaine. Cela n’implique pas de l’inclure dans une coalition, mais cela veut dire que les députés du centre et de droite acteraient sa dédiabolisation et voteraient ses amendements sans état d’âme s’ils les estimaient conformes à l’intérêt national ; le RN, dont l’intérêt est d’achever sa mue et de prendre tout le temps nécessaire à la préparation des échéances électorales futures, ne chercherait pas à déstabiliser le gouvernement d’ici là.
Le centre et la droite cesseraient ainsi de voir le fascisme là où il n’est pas et, à l’inverse, s’opposeraient plus résolument à sa véritable résurgence contemporaine : la France insoumise, qui, par son mépris des institutions et des usages démocratiques, son culte du chef, son goût pour l’action violente et sa complaisance pour l’antisémitisme, s’inscrit beaucoup plus que le RN dans une tradition totalitaire. Bien entendu, lors de la présidentielle, chacun (bloc central d’une part ; RN et ses alliés d’autre part) mènerait son propre combat. Un tel pacte, même purement implicite, serait essentiel pour la stabilité d’un gouvernement centriste, pluraliste ou technique. (…)
Existe-t-il un déni français à l’égard du RN ?
Le RN s’est heurté au « front républicain » lors des élections législatives (tout sauf le RN). Le barrage s’est révélé incroyablement efficace : avec le tiers des voix, le RN et ses alliés n’ont obtenu que le quart des sièges. Dans une proportion élevée, les candidats du bloc central doivent leur victoire au désistement du candidat de la gauche et, réciproquement, les candidats du NFP, y compris ceux de LFI, doivent leur siège, dans une proportion significative, au désistement d’un candidat du camp présidentiel. (…)
Plus généralement, il n’est pas admissible de transformer en parias 143 députés, au nom d’un cordon sanitaire qui n’a pas sa place dans l’hémicycle ou de la continuation d’un front républicain déjà irrationnel avant le second tour des législatives et devenu franchement névrotique après le 7 juillet. Le plus terrible des cordons sanitaires, c’est quand un député refuse de serrer la main d’un autre député.
Blocage pour Matignon : le grand déni français | Atlantico.fr
En finir avec la politique de la vache qui regarde passer les trains
L’ÉDITO DE FOG. Choisir : un acte problématique, voire étranger à Emmanuel Macron, même pour nommer son Premier ministre. À ce dernier de renouer avec l’esprit de décision. (Point, édito, 4 septembre, article payant)
Extraits:
Premier ministre d’Emmanuel Macron est un métier affreux que je ne conseillerais pas à mon pire ennemi. À moins qu’il ne soit toujours revêtu de fibre de coco touffeté, matière avec laquelle on fait souvent les tapis d’entrée pour s’essuyer les pieds. (…)
Redonner à la France le souffle qui lui manque tant, telle devrait être la feuille de route du nouveau Premier ministre, alors que la France est encore prête à s’enthousiasmer pour elle-même, comme l’a montré la parenthèse enchantée des JO. Pour ce faire, il devra commencer par lui parler vrai, comme disait naguère Michel Rocard, ça nous changera. Sans oublier de faire de la pédagogie pour rééduquer une partie de la classe politique, inconsciente et inconséquente, à l’instar de l’ex-éléfiste François Ruffin, député écologiste de la Somme.
« Depuis quarante ans, notre but minable a été de réduire le déficit », a osé déclarer Ruffin. Au fou ou au fumiste ! Ne sait-il pas qu’en quarante ans la dette de notre pays est passée de 205 milliards en 1984 à quelque 3 200 milliards en 2024 ? Que la charge des intérêts de cette dette s’élève désormais à 50 milliards, pas loin du premier budget de l’État, l’Éducation nationale (63,6 milliards) ? Voilà l’héritage que nous allons laisser à notre descendance. L’absence de toute culture économique aveugle les « élites » françaises, abreuvées aux faux prophètes à la Piketty.
Un gouvernant digne de ce nom doit en finir avec la stratégie de l’évitement pour traiter enfin des sujets depuis longtemps oubliés. Alors que la gauche réclame à grands cris l’abrogation de la réforme des retraites, Gabriel Attal annule les aménagements de l’assurance-chômage. Que voulez-vous, il est urgent de ne rien faire et surtout de ne pas essayer de rétablir les comptes. C’est une pitié que l’art de la politique soit devenu l’art de la diversion. (…)
Alors que l’immigration sans contrôle déstructure notre vieux monde, l’immobilisme est toujours en marche en France et rien ne semble pouvoir l’arrêter. La procrastination, tendance à remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même, est, avec le déni de la réalité, notre grand sport national. À l’image du président Macron, nos politiciens s’y adonnent avec, si j’ose dire, détermination. Cette fois, la pusillanimité comme méthode de gouvernement aura au moins une excuse : l’absurde dissolution n’ayant pas amené de majorité à l’Assemblée nationale, nos dirigeants seront condamnés à bricoler des coalitions de circonstance, selon les jours, jusqu’à l’été prochain, quand le président aura retrouvé, au bout d’un an, le droit de renvoyer les députés devant les urnes §
En finir avec la politique de la vache qui regarde passer les trains (lepoint.fr)
X is banned in Brazil : The all-powerful judge taking on Elon Musk
Is the legal cure of banning X worse than the disease? (The Economist, 4 septembre, article payant)
Extraits:
IT REQUIRES A giant ego and plenty of courage to take on Elon Musk, the world’s richest man who owns X, a social-media network that can often seem like his personal megaphone. Alexandre de Moraes, the judge who on August 30th ordered X blocked in Brazil, has both. Mr Musk has likened him to Darth Vader and shared an AI-generated image of the judge behind prison bars.
The ban on X partly reflects Brazil’s severe laws on speech. But it also fits a pattern of controversial decisions by Mr Moraes, known for his relentless pursuit of high-profile cases. In hyper-polarised Brazil he was once cheered as a hero by liberals for taking on Jair Bolsonaro, an autocratic former president. Now even they worry that Mr Moraes may be overreaching his judicial powers. (…)
The blocking of X is Mr Moraes’ most famous decision yet. It comes after Mr Musk refused to comply with his orders to take down accounts on X as part of an investigation into online misinformation. Instead, Mr Musk closed X’s local office. Without a legal representative in Brazil, the company is not permitted to operate there. That is a position few well-run firms would contemplate.
Nonetheless the judge’s punitive response stretches the norms of proportionality. He has warned that anyone logging into X by using a virtual private network (VPN)—services that make it appear as if a device is in another country—will face daily fines of up to 50,000 reais ($8,700). He has also frozen the Brazilian bank accounts of Starlink, a separate satellite company founded by Mr Musk, supposedly in order to collect fines levied on X of nearly 19m reais.
Part of the explanation for this draconian approach is Brazil’s interventionist laws on speech. These now seek to police “crimes against democracy”, such as falsehoods on social media that may jeopardise the electoral process, and “crimes against honour,” even when offensive messages are received in private. Although a single judge on Brazil’s 11-member Supreme Court can make binding decisions, these are sometimes reviewed by the full or partial bench. On September 2nd a panel of five judges including Mr Moraes upheld his rulings on X with small modifications. (…)
Mr Moraes is undoubtedly brave. As the public face of the crusade against bolsonarista fanatics, he has received numerous death threats. Yet today there is a wider sense that his mission has veered off track. In December 2022 almost a third of Brazilians said the court did a “good” or “excellent” job. In May only 14% did. Pushback is mounting. The day he shut X Mr Moraes demanded that Apple and Google prohibit downloads of X and VPNs, but revoked the order hours later after public outcry.
Luiz Augusto D’Urso of the Fundação Getulio Vargas, a university in São Paulo, calls the VPN order “absurd”. The decision to freeze Starlink’s assets “violates the fundamental rights” of the firm, says Ricardo Sayeg, a lawyer. Many farmers and soldiers depend on Starlink to go online in remote areas. Starlink has since refused to block X. The takedown of X and Mr Musk’s angry response may even help energise Brazil’s hard right, which feels vindicated in claiming it is persecuted. Mr Moraes’s legacy may be to strengthen the very elements he sought to contain. ■
The all-powerful judge taking on Elon Musk (economist.com)
Benjamin Morel : «Il faut arrêter de mettre en avant une soi-disant “culture politique” française qui serait hostile aux coalitions»
ENTRETIEN – Pour le constitutionnaliste, la disparition des majorités pléthoriques à l’Assemblée nationale pourrait permettre à la France renouer avec une tradition plus parlementaire. (Le Figaro, 3 septembre, libre accès)
Extraits:
LE FIGARO. – Alors que les négociations préalables à la nomination d’un premier ministre s’éternisent, on entend parfois que cela attesterait d’une « immaturité démocratique » française. Quel regard portez-vous sur ce jugement ? La « culture politique » française peut-elle être perçue comme une cause de ce blocage ?
BENJAMIN MOREL. – Il me semble qu’il faut arrêter de mettre en avant une soi-disant « culture politique », comme on parlerait de culture culinaire. La Constitution fixe des règles du jeu, et les acteurs politiques tentent d’agir au mieux de leurs intérêts, non pas forcément parce qu’ils sont cyniques et égoïstes, mais aussi parce qu’ils considèrent que c’est la manière la plus efficace de faire prévaloir leur programme et leur vision de l’intérêt général. Jusqu’en 1958, tout le monde était d’accord sur le fait que le présidentialisme n’était pas dans la « culture politique » de notre vieille république parlementaire. Dans tous les régimes parlementaires, former des coalitions prend du temps.
Depuis 1962, nous avons connu des majorités pléthoriques et disciplinées. C’est toutefois quelque chose d’assez exceptionnel, à la fois dans l’espace et dans le temps, lié principalement à une forte bipolarisation de la vie politique, à des partis structurés et à une mobilisation différentielle importante après une élection présidentielle. Cela rendait peu utile les coalitions qui par ailleurs, chez nos voisins, prennent plus de deux mois à se former. Il y a cependant deux spécificités qui rendent les choses plus difficiles. D’abord, avec le mode de scrutin majoritaire à deux tours, vous ne pouvez gagner le second tour qu’à condition de passer le premier. Cela signifie que si vous rompez les accords passés avant l’élection, vous risquez de diviser votre camp en vue d’une prochaine élection et donc de perdre. Si le PS et EELV devaient rompre avec LFI aujourd’hui, beaucoup de leurs députés seraient sur un siège éjectable. L’autre élément, c’est évidemment l’élection présidentielle au suffrage universel direct. (…)
Le président de la République sous la IIIe République avait aussi en théorie des pouvoirs importants, avant que la pratique ne cède le pas à la Chambre à partir de 1877. La Ve République pourrait-elle connaître un infléchissement semblable et voir une culture de la coalition apparaître ?
Pour les raisons avancées, c’est en effet fort possible. Si le mode de scrutin majoritaire ne produit plus structurellement de majorité pléthorique ou si l’on passe à la proportionnelle, nous changeons de facto de régime. Le président ne pourrait alors plus être au centre des décisions et des coalitions devraient se construire après chaque élection. On se tourne souvent vers les constitutionnalistes pour leur demander d’imaginer une VIe République idéale. C’est méconnaître le fait que la vie politique dépend d’une alchimie particulière entre des règles constitutionnelles, des conventions qui conduisent les acteurs politiques à interpréter collectivement les règles et un système de partis. Si cela change, tout peut changer.
Le président de la IIIe République devait être fort et disposait même en droit, sur biens des points (direction des forces armées, pouvoir réglementaire…), de prérogatives supérieures à celles du président de la Ve République. Michel Debré en 1958 pensait mettre en place un régime primo-ministérialiste de type anglais. Il faut donc être prudent vis-à-vis des réformes dont on ne connaît pas toujours l’effet, tout comme des interprétations définitives de la Ve République dont « l’esprit » serait fait de granit.
Benjamin Morel, constitutionnaliste : « Nommer Lucie Castets à Matignon n’est pas une obligation, ce n’est pas non plus une interdiction »
Le fait que le gouvernement démissionnaire soit en place depuis si longtemps est « un problème », affirme le maître de conférences à l’université Paris-Panthéon-Assas, dans un entretien au « Monde ». (Le Monde, 29 août, tribune, article payant)
Voir texte intégrale dans « Article du jour » !
Martin Baloge, politiste : « Le modèle allemand de la coalition ne nous fournira aucune solution miracle »
L’enseignant-chercheur dégage, dans une tribune au « Monde », six leçons que la France peut tirer du modèle de coalition allemand, tout en reconnaissant qu’elles restent peu opérationnelles, tant la pratique du pouvoir et la culture politique diffèrent dans les deux pays. (Le Monde, 29 août, tribune, article payant)
Extraits:
Pour un observateur allemand, la situation dans laquelle se trouve le paysage politique français à la suite des élections législatives du 7 juillet est finalement assez peu déroutante. Du fait d’un mode de scrutin à finalité proportionnelle, les élections législatives allemandes ne désignent pas de vainqueur remportant la majorité des sièges au Bundestag. Depuis 1949, jamais un parti n’a gouverné seul. Le modèle allemand de la coalition ne nous fournira aucune solution miracle, tant la pratique du pouvoir diffère en France et en Allemagne. Mais nous pouvons quand même tirer quelques leçons de la comparaison.
D’abord, les coalitions allemandes sont de tailles réduites. Il est en effet rare (ce n’était plus arrivé depuis les années 1950) que ces alliances reposent sur plus de deux partis. Le gouvernement d’Olaf Scholz (Parti social-démocrate – SPD –, Verts – Grünen –, Parti libéral-démocrate – FDP) constitue en ce sens une exception, et sa fragilité s’explique, entre autres, par la nécessité d’articuler les attentes de trois partis différents. Plus une coalition fait entrer de groupes politiques en son sein, plus elle prête le flanc aux dissensions.
En ce sens, le cas français invite à la prudence, voire au pessimisme, tant le nombre de groupes politiques présents à l’Assemblée nationale va venir compliquer l’élaboration d’un compromis entre des partis aux idéologies souvent opposées, y compris au sein d’un même bloc politique, voire au sein d’un même parti. L’émiettement des forces politiques à l’Assemblée nationale n’a pas d’équivalent au Bundestag où seuls six partis siègent, dont deux – Die Linke à l’extrême gauche et l’AfD à l’extrême droite – ne sont pas considérés comme des options envisageables dans la mise en place d’un gouvernement fédéral.
(…), la mise en œuvre d’une coalition prend du temps. Jamais, depuis la réunification allemande, en 1990, la durée nécessaire pour former un gouvernement n’a duré moins de trente jours. A partir de 2013, la durée a augmenté, passant à 86 jours, 73 en 2021 et même jusqu’à 171 jours en 2017, lors de la dernière grande coalition d’Angela Merkel. Logiquement, plus les partis engagés dans les négociations sont distants idéologiquement, plus le temps requis pour bâtir des compromis augmente.
(…) en Allemagne, les coalitions tiennent dans la durée par deux outils complémentaires : le contrat de coalition et la discipline partisane.
(…) les Allemands n’ont pas à se soucier d’un acteur politique venant compliquer l’élaboration d’une coalition en France : le président de la République. En Allemagne, celui-ci n’est pas élu directement par le peuple et sa légitimité est donc faible. Il endosse un rôle d’arbitre et de figure neutre. En 2017, constatant l’impasse dans laquelle se trouvaient les discussions exploratoires pour créer une coalition, le président Frank-Walter Steinmeier avait appelé avec succès le SPD, dont il était auparavant membre, à reprendre les négociations avec la CDU (Union chrétienne-démocrate)/CSU (Union chrétienne-sociale). Son rôle s’arrêtait là. (…)
Rien de comparable en France où, en rupture avec l’article 20 de la Constitution, le président gouverne sans être responsable devant le Parlement, s’appuyant sur un fait majoritaire désormais introuvable. Pour les Allemands, il serait certainement inconcevable qu’un président, même élu, mais qui ne répond pas de ses actes devant le Bundestag, influence les négociations puis dirige (ou entrave) la coalition. Alors que la France s’apprête à (re)découvrir le parlementarisme, en cas de coalition, la logique voudrait qu’Emmanuel Macron s’efface et laisse, comme en Allemagne, au futur premier ministre et à ses alliés le soin de la créer puis de la conduire. Le fera-t-il ? L’ancrage de la pratique présidentialiste permet d’en douter. (…)
Recherche premier ministre désespérément : derrière l’impasse politique, la faute historique de la classe politique française
La séquence électorale 2024 aura montré que les partis français de gauche comme de droite préfèrent risquer l’explosion politique plutôt que d’arrimer un RN pourtant en quête de respectabilité à la République. (Atlantico, 23 août, article payant)
Extraits:
Atlantico : Au-delà de la responsabilité personnelle d’Emmanuel Macron dans la dissolution de l’Assemblée nationale, les partis politiques n’ont-ils pas une part de responsabilité dans la crise politique ? Les partis ne sont-ils pas prêts à saborder la vie politique et à handicaper l’avenir du pays plutôt que de gouverner ou de tendre la main au RN, qui s’est engagé dans une quête de respectabilité ?
Maxime Tandonnet : Le problème de la vie politique française est qu’elle est dominée par des réactions névrotiques. Le RN n’est pas le seul concerné par ce traitement. LFI est aussi concernée. Au coeur de la vie démocratique, il n’y a plus de logique de débats d’idées, de désaccords et d’oppositions de projets. La logique aujourd’hui au sein de la démocratie et pour la classe politique est une logique d’exclusion et de rejet viscéral. L’émotion et la haine dominent, au détriment du débat d’idées. Le RN et LFI sont considérés comme des partis maudits. Il n’y a plus de dialogues et de discussions possibles avec ces formations politiques. Il s’agit de la principale différence entre la Ve et la IIIe et la IVe République. Par le passé, il n’y avait pas de partis complètement pestiférés avec lesquels il n’était pas possible de négocier. Le président de la République Raymond Poincaré, qui était un modéré, recevait aussi bien des personnes de la SFIO que des maurrassiens. Il y avait des débats d’idées, et des désaccords. Aujourd’hui, le pays est dans une situation politique où le dialogue est quasiment impossible.
Alors que le RN s’est engagé dans la voie de la dédiabolisation et de la respectabilité, quel est le plus grand danger pour notre démocratie et pour notre système démocratique entre le risque démocratique représenté par une alliance de circonstance avec le RN et le risque d’impasse politique actuelle en l’absence de Premier ministre ?
La question centrale est de savoir si sur des projets de loi, sur le budget par exemple, il sera possible de conclure des ententes de circonstance avec des députés RN, élus au suffrage universel. En démocratie, cela ne devrait pas poser de problème de fond à part un problème idéologique pour certains. Dans la vie politique, il faut être pragmatique sans trahir ses idées ou changer de cap. Travailler sur des projets ponctuels avec le RN dans la mesure où ce sont des députés élus au suffrage universel ne pose pas un problème démocratique.
En revanche, il y a un vrai danger à l’absence de toute cohésion possible à l’Assemblée nationale, de tout Premier ministre durable et de tout gouvernement. Au regard de la crise politique et de l’impasse en l’absence de Premier ministre, notre démocratie peut rapidement entrer dans le chaos et dans l’anarchie avec l’impossibilité de gouverner, de prendre des décisions. La crise démocratique actuelle risque d’engendrer un immense climat de révolte et de rejet populaire touchant tous les courants de l’opinion. Cela ne concerne pas seulement la droite ou la gauche. La crise politique va entraîner un sentiment de dégoût général face à l’absence de gouvernement et de capacité à prendre des décisions. Le vrai danger démocratique est le chaos, l’anarchie et le désordre total qui pourraient régner dans les années qui viennent. (…)
«Il y a une véritable faille dans le droit» : le gouvernement démissionnaire peut-il rester en place jusqu’au vote du budget?
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Alors qu’aucune disposition ne peut contraindre Emmanuel Macron à nommer rapidement un nouveau premier ministre, la notion d’ «affaires courantes» expédiées par le gouvernement démissionnaire pourrait progressivement s’élargir, analyse le constitutionnaliste Benjamin Morel. (NYT, 20 août, entretien, article payant)
Extraits:
(…) Après plus d’un mois sans gouvernement, Emmanuel Macron a invité les présidents des partis et groupes politiques à l’Élysée, le 23 août prochain, pour des «consultations» en vue de la désignation d’un nouveau premier ministre. En prenant son temps, le chef de l’État respecte-t-il le droit ?
L’article 8 ne fixe aucun délai. Il n’y a donc aucun problème constitutionnel. On peut le regretter, mais c’est ainsi. C’est un vrai vide juridique. C’est d’autant plus le cas que la notion d’affaires courantes n’est pas figée. Plus cela dure, plus des mesures qui, a priori, n’en relèvent pas peuvent être considérées comme urgentes et donc faire l’objet d’actes par le gouvernement. Il n’y a rien de plus politique qu’un budget, mais si un gouvernement démissionnaire devait rester en place jusqu’au 31 décembre, le Conseil constitutionnel censurerait-il un budget qu’il aurait proposé et fait voter ? Ce serait difficile pour un juge de ne pas considérer qu’il s’agit d’une nécessité vitale et de censurer un texte au risque de précipiter le pays dans le chaos. En d’autres termes, plus un gouvernement démissionnaire dure, plus ses compétences se rapprochent de celles d’un gouvernement de plein exercice, sans pour autant qu’il puisse être renversé. En effet, une motion de censure a pour effet de forcer le gouvernement à démissionner, ce qui n’a pas de sens pour un gouvernement déjà démissionnaire.
Régulation : Pan sur les doigts de Thierry Breton : l’UE a-t-elle encore une boussole en matière de liberté d’expression ?
La commission de Bruxelles a reproché à Thierry Breton sa lettre envoyée à Elon Musk à propos de Donald Trump. Pourtant, au-delà du cas Breton, le bilan européen en matière de liberté d’expression est loin d’être irréprochable… (Le Figaro, 15 août, tribune, quelques articles gratuites / sem.)
Extraits:
Atlantico : Bruxelles a reproché à Thierry Breton d’avoir envoyé une lettre à Elon Musk, menaçant de le sanctionner si le contenu publié sur X (ex-Twitter) était jugé susceptible de causer « de graves préjudices » aux citoyens de l’UE. Quel était le contenu de cette lettre et pourquoi est-elle problématique selon Bruxelles ?
Thibault Mercier : Thierry Breton, commissaire européen au numérique, a envoyé une lettre à Elon Musk, publiée sur X. Dans cette lettre, il mettait en garde Musk sur plusieurs points, notamment pour avoir pris position lors des émeutes en Angleterre en soutenant certains partis, plutôt que le gouvernement en place. Breton a également exprimé son inquiétude quant à une interview en direct entre Donald Trump et Elon Musk sur Twitter, craignant que cela puisse enfreindre la nouvelle réglementation européenne sur les contenus en ligne. En réponse, Musk a répliqué plutôt franchement, indiquant de manière assez cinglante son désaccord avec Thierry Breton. De son côté, la Commission européenne a pris ses distances avec le commissaire européen au numérique car elle ne veut pas être accusée de prendre part à la campagne présidentielle américaine et affirme que le « timing » et la « formulation » de la lettre sont inappropriés. (…)
L’UE a-t-elle encore une boussole en matière de liberté d’expression ?
Pierre Beyssac : On observe une nette rigidification au sein de l’Union européenne, accompagnée de craintes croissantes à l’égard des médias ouverts, notamment les réseaux sociaux publics. On remarque également une volonté accrue de réguler les communications privées, comme en témoigne le projet de « Chat Control ». Cette tendance à renforcer les réglementations soulève des préoccupations quant à une ingérence dans la vie privée. L’Union européenne semble en effet se diriger vers davantage de régulation, ce qui pourrait aboutir à des restrictions de certaines libertés, sous prétexte de protéger le pluralisme. (…)
Au-delà du cas Thierry Breton, à quel point le bilan européen en matière de liberté d’expression est-il problématique ?
Thibault Mercier :La réglementation DSA (Digital Services Act), qui oblige les plateformes à supprimer des messages de manière préventive, est extrêmement problématique. Cette obligation intervient sans qu’un juge ait au préalable déterminé si le contenu est illégal, et ce, sous peine de lourdes amendes. La Commission Européenne impose ainsi aux plateformes de mettre en place des systèmes de modération très restrictifs, ce qui va totalement à l’encontre de la liberté d’expression et de notre tradition de liberté. Traditionnellement, la liberté est la règle et la restriction l’exception. On devrait pouvoir s’exprimer librement, et ce n’est que si un contenu est jugé illégal après coup que des sanctions devraient être appliquées. Désormais, l’Union Européenne contourne le juge et pousse les plateformes à s’autocensurer sous la menace d’amendes, sans qu’aucune décision judiciaire n’ait validé l’illégalité du contenu publié. (…)
Législatives : les dangers cachés d’un retour à la proportionnelle
Le scrutin proportionnel, présenté comme la solution miracle pour s’extraire du marasme politique actuel, ne va pas sans inconvénients. (Le Point, 14 août, opinion, entretien, article payant)
Extraits:
(…) Les avantages de la proportionnelle, qui est largement pratiquée chez nos voisins européens, sont connus : elle permet notamment de tenir compte de la diversité des courants politiques et favorise la parité, rendant, en principe, la constitution de coalitions plus facile. Prenons les législatives de 1986. François Mitterrand, par calcul – le président de la République voulait affaiblir la droite en la divisant –, avait instauré la proportionnelle intégrale et permis l’élection de 35 députés du Front national.
Pour la première fois, le courant de Jean-Marie Le Pen est représenté au Palais-Bourbon. Le pari démocratique de la représentativité des courants politiques était respecté, au grand dam de Jacques Chirac, qui s’empressera de rétablir, via l’article 49.3, le scrutin majoritaire. Le Premier ministre dénonçait alors les effets pervers du scrutin proportionnel « dont les appareils politiques ont la part belle ». « Ils élaborent les majorités, déterminent les actions à conduire, choisissent les candidats et décident par avance de la victoire ou de leur défaite », tançait-il.
C’est là le principal danger d’un retour à la proportionnelle. Cela favoriserait le retour au « régime des partis » qu’abhorrait de Gaulle. Un retour à la IVe République, en somme. Les sièges sont attribués en proportion du nombre de voix obtenues par chaque formation politique. Il s’agit donc moins de voter pour un homme ou une femme que de voter pour un parti ou un programme. (…)
« Le scrutin majoritaire, c’est l’individualisme appliqué sur la base d’un contrat d’homme à homme ; le scrutin proportionnel, c’est la prédominance absolue des partis », résumait en 2022 l’historien et essayiste Jacques Julliard dans une chronique pour Le Figaro. Et alors que l’Assemblée est déjà fragmentée en onze groupes, le risque serait de se retrouver avec une somme de petits groupes ; un accord programmatique et la constitution d’une majorité absolue apparaîtraient encore plus hypothétiques qu’aujourd’hui.
« On entrerait dans l’ère de la démocratie minoritaire. Les boutiques partisanes seraient obligées, pour exister, de s’adresser à leurs clientèles », pointe Stéphane Fournier, doctorant en sciences politiques et directeur d’étude à l’institut Cluster 17. Ce serait par ailleurs donner un poids institutionnel considérable à des partis qui n’ont jamais été aussi faibles. Chaque personnalité politique serait ainsi tentée de monter son propre parti pour exister à l’Assemblée.
« On se retrouverait avec 35 listes, comme aux européennes. Je ne suis pas certain que ça favoriserait la clarté du débat public », relève un député PS. Un garde-fou est néanmoins prévu : les sièges sont répartis entre les partis ayant obtenu au moins 5 % des suffrages. (…)
Cet effet pervers pourrait en entraîner un autre : il réduirait l’ancrage territorial des députés, déjà affaibli par la suppression du cumul des mandats. Le scrutin proportionnel étant un scrutin de liste, il renforce le poids des partis et les « stars » de ces formations seraient systématiquement placées en tête, sans renouvellement. Le risque, pointent les détracteurs de la proportionnelle, est qu’un élu doive sa réélection davantage à sa place au sein de l’appareil politique qu’à sa connaissance d’une circonscription et de ses électeurs.
« On aurait des candidats qui n’auraient même pas besoin de faire campagne. On ne voterait plus pour un élu qui nous représente à l’Assemblée nationale et fait remonter les problématiques locales mais pour un nom attaché à un parti », souligne ce même député PS, qui estime par ailleurs que ce débat est anachronique : « On pouvait s’interroger sur la proportionnelle en 2017, lorsque le FN puis le RN n’avait presque pas de députés alors que sa candidate se qualifiait au second tour mais on n’est plus dans cette configuration ! D’un point de vue démocratique, personne n’a à se plaindre. Le bloc de gauche, par exemple, incarne 30 % de l’électorat depuis des années et occupe aujourd’hui environ 30 % des sièges de l’hémicycle. » (…)
Législatives : les dangers cachés d’un retour à la proportionnelle (lepoint.fr)
Alain Minc: «La situation politique inédite laisse la France sans solution… ou presque»
ENTRETIEN – Vote de confiance à l’Assemblée nationale, recours à l’article 16, déchéance du président : l’ancien conseiller politique et essayiste présente quelques pistes pour sortir de l’impasse dans laquelle la dissolution de l’Assemblée nationale a conduit le pays. (Le Figaro, 14 août, entretien, article payant)
Extraits:
(…) L’hypothèse d’un gouvernement technique est-elle à exclure ?
Remplacer le ministre des Affaires étrangères par la secrétaire générale du Quai d’Orsay fonctionnerait. Mais la directrice du budget ne peut pas édicter le budget de la France : le Parlement doit le voter. Si un projet de budget est déposé par un gouvernement, quel qu’il soit, il est à la merci d’une motion de censure. Seule l’abstention des socialistes éviterait le vote d’une motion de censure. Cependant, comment obtenir l’abstention des socialistes sans lever l’hypothèque de départ, le « déni de démocratie », par un vote de confiance refusé au gouvernement du Nouveau Front populaire ? (…)
Peut-on trouver un homme providentiel ?
Quand bien même la France dénicherait un homme comme Mario Draghi, c’est-à-dire un personnage mondialement reconnu, il serait confronté au même problème. Un Mario Draghi français ne pourrait faire adopter un projet de loi de finances sans l’abstention du camp socialiste. Or, Emmanuel Macron a écarté leur candidate d’un revers de la main. Lucie Castets semble en effet avoir été choisie à l’initiative du Parti socialiste.
Il faut d’abord prouver qu’un gouvernement Castets ne fonctionne pas, pour donner ensuite une chance à un gouvernement technique ou à une personnalité de centre droit. La situation est inédite et laisse la France sans solution, sauf en cas d’abstention d’un pan important de l’Assemblée lors du vote du budget, ce qui laisserait entrevoir un espace pour un gouvernement capable de faire adopter un budget. (…)
👎 Macron has to stop hiding behind the Olympics – and name a prime minister
By refusing to confirm the election-winning leftwing coalition’s candidate, the president is looking more and more autocratic (The Guardian, 31 juillet, opinion, libre accès)
Extrait:
When one political bloc ranks first in the vote… that bloc has won. That’s the logic, that’s the tradition. Macron must name as prime minister the pick of the Nouveau Front Populaire (NFP). The fact that he has already refused to do so is a negation of democracy.”
That is conservative politician Charles de Courson calling on president Macron to respect French political tradition and name the newly selected NFP candidate, Lucie Castets, as prime minister. When even politicians on the French right are coming to the aid of a leftwing alliance and criticising the president’s disdain for parliamentary procedure, you know a line has been crossed. (…)
Many on the left have condemned his manoeuvring as dangerous and autocratic: he is effectively denying the NFP its parliamentary victory, however small the margin of its success. (…)
Speaking to the French press on Sunday, Lucie Castets said: “The president of the republic must put an end to the unprecedented paralysis our country is going through. He must take the results of the parliamentary elections seriously and let the bloc that led these results rule the country.” It is time for Macron to stop sulking and do the right thing.
Thierry Chopin, politiste : « Le rejet permanent de toute forme de coalition n’est plus tenable »
Le Parlement doit urgemment renouer avec la culture du compromis, si la France veut éviter la paralysie juge le professeur (Le Monde, 29 juillet, tribune)
Excerpt:
Les résultats des élections législatives des 30 juin et 7 juillet en France dessinent un paysage politique très fragmenté en dépit de la formation de trois blocs : la gauche, le centre et l’extrême droite. Cette fragmentation inscrit la vie politique française dans le droit fil des dynamiques à l’œuvre en Europe tant au niveau national qu’à l’échelle de l’Union. Mais son degré est inédit pour la Ve République et les formations politiques françaises y sont mal préparées du fait de l’absence de culture du compromis et de la brutalisation de la vie politique hexagonale.
La principale conséquence de cette situation est évidente : l’absence de majorité stable. La France sera difficilement gouvernable au-delà des affaires courantes et urgentes. (…)
La voie d’une grande coalition semble ainsi d’emblée avoir été exclue, plusieurs partis l’ayant rejetée dès le soir des résultats. En outre, tout gouvernement minoritaire risquerait de faire l’objet d’une motion de censure et aurait beaucoup de difficultés à mettre en œuvre son programme, renforçant à terme le Rassemblement national. Comment sortir de cette impasse politique et de la crise institutionnelle qui en découle ? (…)
Le rejet permanent de toute forme de coalition n’est plus tenable. Rendre de futures coalitions possibles suppose la réémergence d’un centre gauche et d’un centre droit autonomes, faisant campagne sur leurs thèmes respectifs au moment de l’élection. Le tout en n’excluant pas a priori la possibilité de travailler ensemble si les résultats électoraux le rendent nécessaires, comme dans la plupart des pays européens.
Il est notable que les groupes politiques qui ont soutenu la réélection d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne – verts, sociaux-démocrates, centristes et centre droit – auraient une majorité absolue très nette à l’Assemblée nationale (environ 350 députés). (…)
La France doit sortir de la crise institutionnelle où elle est plongée si elle veut éviter la paralysie dans un contexte économique, social et international qui ne l’autorise pas. Renouer le fil de la culture du dialogue et du compromis en constitue la condition indispensable.
Jusqu’où ira le naufrage politique français ?
Notre journaliste Nathalie Schuck a publié en mai un livre sur le délitement des institutions de la République. Le chaos actuel impose un nouveau chapitre. Le voici (Le Point, 25 juillet, opinion, article payant)
Extraits :
(…) Concédons qu’on n’a pas eu à attendre la réponse longtemps. Déjà atomisé par un septennat de débauchages au nom du « en même temps », le paysage politique a été passé au napalm par cette dissolution qui a conduit 10,6 millions de Français dans les bras de Jordan Bardella et consorts, et la gauche dans ceux des Insoumis, effaçant comme par magie les impardonnables fautes commises depuis les attaques du 7 Octobre. Une « clarification », jurait le maître de l’Élysée. On peine toujours à comprendre ce qu’il pouvait en sortir de bon.
Depuis ce sinistre 9 juin, la classe politique a hélas donné d’elle-même le plus désolant des spectacles, fragilisant comme jamais nos institutions, que chacun décrypte désormais à sa guise jusqu’à l’absurde, selon ce qui lui sied ou non. Un ministre par intérim peut-il voter pour lui-même à l’Assemblée ? On était persuadé que non, en vertu de la séparation des pouvoirs. Mais puisque les « sages » du Conseil constitutionnel se déclarent incompétents… Un scrutin pouvait-il être entaché de fraude dans cette vénérable enceinte et des députés se toiser à coups de chifoumi, comme dans une cour d’école ? Les scénaristes les plus créatifs sont enfoncés. (…)
Dans la torpeur estivale, on n’a plus qu’une envie : du pain et des jeux, cela tombe bien, pour oublier quelques semaines durant ce marasme. Il y a fort à craindre qu’on se réveille groggy mi-août avec, pour tout gouvernement, une équipe « zombie » inapte à prendre la moindre décision politique, selon le mot du constitutionnaliste Benjamin Morel. (…)
Le plus grave est ailleurs. En appuyant sur le bouton nucléaire, Emmanuel Macron a offert un stock de munitions inespéré à Marine Le Pen. La triple candidate va pouvoir combler les failles du ronflant « plan Matignon », en évinçant les candidats à casquette nazie ou preneurs d’otages de ses rangs, sans parler de la manne publique que son parti va percevoir. En l’écartant des « top jobs » à l’Assemblée, les macronistes et la droite viennent aussi alimenter son refrain victimaire sur le « système » qui mépriserait ses millions d’électeurs. (…)
On pourra trouver le constat brutal, mais qui osera dire que nous venons de montrer le meilleur de nous-mêmes après ce formidable élan démocratique dans les urnes ? Quel sera l’ultime chapitre de cette décomposition ? En dignes animaux politiques qui savent renifler à des kilomètres l’odeur de l’orage, les Mélenchon, Wauquiez, Hollande ou Le Pen ont compris qu’une présidentielle anticipée n’avait plus rien d’un scénario de science-fiction si plusieurs gouvernements tombaient dans les prochains mois sur des motions de censure à répétition. Tous candidats à devenir demain, selon le mot apocalyptique d’un conseiller du PS, « l’homme (ou la femme) le plus riche du cimetière ».
Jusqu’où ira le naufrage politique français ? (lepoint.fr)
Défi sécuritaire : JO 2024 : un fiasco en matière de libertés publiques ?
A quoi bon imposer des QR codes qui collectent les données privées si la police n’est même pas équipée de lecteurs ? (Atlantico, 24 juillet, article payant)
Extraits :
Atlantico : A quelques jours du début des Jeux olympiques, les QR codes sont obligatoires pour se déplacer pendant la compétition. L’Etat contraint les Parisiens et leurs visiteurs à lui livrer leurs données tout en étant dans l’incapacité d’en tirer une efficacité en matière de sécurité, certains policiers n’étant pas équipés de lecteurs de QR codes. Comment cela pourrait-il être justifiable en termes de libertés publiques ?
Thibault Mercier : Le recul des libertés publiques a été acté à partir de la mise en place des QR codes. Cette mesure a été décidée par la préfecture de police, par des fonctionnaires. L’objectif était de boucher les trous d’une sécurité très difficile à assurer pendant toute la durée des Jeux olympiques face à des menaces concrètes. Le préfet de police a fait tout ce qu’il peut pour boucher les trous dans la raquette alors que la mairie de Paris et l’Etat ont souhaité une cérémonie d’ouverture assez démesurée. Il est difficile de reprocher au préfet d’avoir mis en place des structures de contrôle et des méthodes très fortes. Il est en revanche possible d’être un peu plus critique sur la manière dont ces restrictions ont été imaginées à travers la mise en place du QR Code qui est un processus administratif qui prend énormément de temps, qui consomme de l’argent, qui fatigue tout le monde. Dans les faits, sa mise en place pratique pose d’énormes problèmes. Les policiers n’ont pas forcément les moyens de contrôler ces QR codes. Les Parisiens ne savent pas comment se connecter à la plateforme pour demander leur QR code. La plateforme en question est très complexe à appréhender. Il y a beaucoup de documents à transmettre en ligne, notamment sa photo d’identité. Sachant que ces documents vont être stockés pendant une période de trois mois après les JO, il est important de se demander d’ailleurs s’il n’y a pas des failles ou des risques de sécurité de ce côté-là. Il y a aussi eu des refus de QR codes.
Les Parisiens sont donc pris à la gorge dans cette période des Jeux olympiques. Les autorités leur ont confisqué leur ville, sous couvert de sécurité. Dans les faits, cette sécurité n’est même pas assurée ou garantie puisque des failles grotesques sont constatées dans l’application concrète de ces contrôles qui ne peuvent pas être effectués faute du matériel adéquat.
JO 2024 : un fiasco en matière de libertés publiques ? | Atlantico.fr
Pierre Manent: «Aux sources de la paralysie de la vie politique française»
Dans un texte magistral et définitif, le philosophe revient aux racines de l’évidement et de la paralysie de notre vie politique que la dissolution de l’Assemblée nationale n’a fait que révéler. Elle trouve son origine dans une opposition superficielle et mortifère entre ceux présentés comme les membres légitimes du corps civique et ceux qui en sont exclus (Le Figaro, 21 juillet, tribune, article payant)
Extraits :
(…) Ce qui frappe dans le phénomène du parti exclu, FN puis RN, c’est le contraste entre sa paresse intellectuelle, la rareté et pauvreté de ses initiatives, son incapacité en quarante ans à parvenir au moindre enracinement social, et ses succès électoraux presque constamment croissants. Il a prospéré non par l’énergie ou la qualité de son action, mais en réponse, ou plutôt comme un contrecoup pour ainsi dire mécanique aux défaillances de plus en plus béantes des gouvernements successifs. La malédiction jetée contre lui devint son talisman, tandis que son excommunication fut pour la classe politique une ressource de gouvernement et un moyen de contrôle social et moral dont elle usa et abusa d’une manière qui a profondément altéré la sincérité et la liberté de la conversation civique dans notre pays.
Ce qu’il faut souligner, c’est que le face-à-face interminable entre le cercle de la raison, ou l’arc républicain, d’un côté, et le Rassemblement national de l’autre, suppose ou entraîne la désactivation du dispositif représentatif. Ne sont plus en présence deux partis représentant deux parties du corps politique, mais s’opposent les membres légitimes du corps civique et ceux qui en sont exclus. Ce n’est plus un débat dont l’enjeu est la définition de la chose commune, c’est la mise en évidence d’une séparation ontologique ou religieuse entre les élus et les réprouvés. Le métabolisme salutaire de la représentation politique, qui renforce le commun par l’exercice à la fois créatif et purgatif des oppositions les plus vives, ne fonctionne plus. (…)
Que nous est-il arrivé pour que nous nous obligions à l’unanimisme des « valeurs de la République », que nous nous imposions cette extraordinaire discipline de parole et de pensée qui fait que les livres ou articles écrits avant les années 1980 ou même 1990 nous semblent remplis de propos intolérables et d’impubliables provocations ? D’où vient cette vertigineuse absence de confiance en nous-mêmes ? C’est que nous sommes lentement, imperceptiblement, mais décidément sortis de la communauté politique que nous formions, c’est-à-dire, je le répète encore une fois, de la république représentative dans le cadre national. Les institutions sont toujours là, elles fonctionnent, mais nous avons émigré mentalement et moralement. Nous nous sommes laissé envelopper par la douce persuasion que sans doute la République française avait trop longtemps péché par excès de zèle, que l’ « effort » gaulliste était inutile et un peu ridicule, que l’on pouvait enfin se détendre et se fondre dans des associations plus larges et plus lâches, où des administrations impartiales – européennes ou internationales – se chargeraient de nos droits et de nos intérêts, qu’en somme la république, et en général la politique, était une passion inutile ou même dangereuse. (…)
J’ai parlé du cercle de la raison et du parti national. Il me faut dire un mot du troisième grand protagoniste. Rendons cette justice à Jean-Luc Mélenchon : il explique avec beaucoup de force et de clarté ce qu’il entend faire. Il entend former un nouveau peuple, « notre peuple », comme il le dit avec une fierté toute paternelle. Ce peuple sera principalement nouveau en effet, car constitué pour ainsi dire de tous les peuples du monde, qui installeront avec tant de naturel et de franchise leurs formes de vie parmi les anciens et récents citoyens de ce pays que ces derniers se fondront prestement dans le nouveau peuple, « notre peuple ». Cette entreprise, je le répète, ignore la distinction entre l’intérieur et l’extérieur. Elle l’ignore à tel point qu’elle place la « Palestine » au centre de sa visée. Plus précisément, elle désigne « Israël » – l’État d’Israël et le peuple juif – comme la source et le foyer d’une injustice toute particulière qui réclame d’être placée de toute urgence au centre de la conscience de tous. Le geste qui prétend nous indiquer le chemin de l’avenir est le même geste qui montre « les Juifs » comme l’obstacle qui barre le chemin.
Peut-être la dissolution de l’Assemblée nationale, avec ses suites, est-elle cet « accident extrinsèque » qui, selon Machiavel, oblige les cités à « se reconnaître » et à se refonder. Dans la confusion et l’éclair de juillet, une lumière a lui : nous devons revenir à la maison. Le salut ne viendra pas de « l’Europe » qui s’éclipse dès que l’urgence frappe à la porte, moins encore du peuple-humanité qui ne trouve unité et énergie que dans la haine. Le salut ne viendra que de « nous », peuple français qui se gouverne selon le régime de la république représentative, régime dont nos hautes juridictions n’ont de cesse d’obscurcir la légitimité et de contraindre le fonctionnement. Personne ne viendra à notre secours si nous ne voulons pas nous gouverner nous-mêmes.
Pierre Manent: «Aux sources de la paralysie de la vie politique française» (lefigaro.fr)
Plus de 80 % des Français ont une mauvaise image des politiques
Après des élections législatives et deux semaines de tractations à l’Assemblée, les Français ont une mauvaise image des hommes et femmes politiques (Le Point, 22 juillet, libre accès)
Extraits :
(…) Pire, 89 % des personnes interrogées estiment que les politiques ne sont pas honnêtes et 88 % ne les trouvent pas crédibles, détaille cette enquête d’opinion réalisée les mercredi 17 et jeudi 18 juillet sur un échantillon de 1 005 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Plus de deux tiers d’entre eux (69 %) jugent également que les formations politiques « ne sont pas utiles ». (…)
Cependant, parmi cette alliance de gauche, les avis divergent. Les Écologistes est le parti qui possède la cote sympathie la plus importante (40 % de bonnes opinions, soit une hausse de 4 points depuis les législatives de 2022). Si seulement 37 % des sondés ont une bonne opinion du Parti socialiste, c’est le parti qui bénéficie de la meilleure tendance : + 8 points.
Tout le contraire de La France insoumise qui perd 5 points en deux ans pour arriver à 21 % de jugements positifs. (…)
Plus de 80 % des Français ont une mauvaise image des politiques (lepoin
Peter Sloterdijk : Jean Ferrat, Jupiter et le goût si français du carnaval…
INTERVIEW. Pour le philosophe allemand, les Français, acculés à un « moment de vérité », restent fidèles à leur réputation : goût du drame et « ingratitude » envers leur « souverain » Macron (Le Point, 17 juillet, entretien, article payant)
Extraits :
(…) Disons que, sous la pression, les Français redeviennent plus raisonnables ! Comme s’il fallait qu’ils voient vraiment l’abîme sous leurs pieds pour enfin se dire que ça ne vaut décidément pas la peine d’y sauter… La dictature, donc, n’est pas pour demain ! (…)
Je ne crois pas que Macron ait perdu son pari. D’abord, il a imposé aux Français un affrontement par les urnes dans un vrai grand moment de vérité. Et, à ce titre, c’est un succès foudroyant. Ensuite, puisque son souci était de barrer la route au Rassemblement national, le fait est que les Français, en se ressaisissant, et peut-être parce qu’ils tiennent à leurs économies, l’ont suivi sur ce point. Donc, à partir de ce moment, il est libre de rêver à son départ… Il peut rester à l’Élysée, et mon intuition me dit qu’il restera car Jupiter ne démissionne pas de l’Olympe. Mais il pourrait, aussi, décider de partir, l’honneur sauf. (…)
Oh, l’Assemblée nationale, en France, n’a jamais été le lieu où les grandes décisions de la politique française ont été prises. La démocratie parlementaire n’est pas vraiment l’atout de votre pays, en tout cas depuis l’adoption de la Constitution de la Ve République, c’est-à-dire il y a soixante-six ans…
C’est une institution plus ou moins symbolique, et la France a plutôt toujours vécu sous une sorte de Directoire… (…)
Je trouve qu’en France vous êtes ingrats avec Macron. Il est la meilleure chose qui vous soit arrivée parce qu’il comprend, lui, l’économie, et cela dans un pays où non seulement les dirigeants politiques n’y comprennent rien mais où ils s’en vantent, le meilleur exemple étant de Gaulle. François Hollande y comprenait quelque chose, mais il était lamentablement « normal », comme il disait dans un moment de réflexion intime. (…)
Les Français en demandent trop à leur président. Faudrait-il donc qu’il incarne une sorte de chaman capable de soigner sa tribu malade ? Ils se comportent comme un peuple de déserteurs qui réclament que quelqu’un les sauve et, quand il est là, prennent la fuite au lieu de se laisser contaminer par son élan vital, sa capacité de travail inépuisable et sa volonté de créer un avenir pour son pays… (…)
Il est vrai que les Français vont se réveiller dans un pays en même temps très familier et un peu inconnu, où les deux partis radicaux, inéligibles pour un citoyen raisonnable, obtiennent désormais une voix sur deux. Or ce que ces deux extrêmes promettent, ce sont des programmes qui visent à augmenter la folie de la dette publique, pour financer les illusions ronchonnes des générations actuelles au détriment des générations futures… (…)
Bon, au moins, à côté de la « léthargocratie » allemande, la France est un pays très doué pour les drames : il s’y passe toujours quelque chose ! Les Français ont joué à se faire peur, ensuite ils se rassérènent un peu avant les vacances dans un moment de soulagement, mais, en automne, on verra où ça mène. Ce sont les agences de notation qu’il faut maintenant rasséréner… Or le premier signal d’alarme, avec la dégradation par Standard & Poor’s, s’est déjà fait entendre…
Peter Sloterdijk : : « En France, vous êtes ingrats avec Macron » (lepoint.fr)
« Le risque insurrectionnel est aujourd’hui majeur en France »
Fausse défaite du RN, Front Populaire mort-né et paralysie politique… Notre déroute nationale pourrait être lourde de conséquences pour l’Europe, selon Mujtaba Rahman, analyste londonien (Le Point, 17 juillet, entretien, article payant)
Extraits :
Mujtaba Rahman est reconnu pour sa capacité à anticiper les évolutions des grandes questions politiques et à en prévoir les conséquences sur le climat économique et ses perspectives. Sans fournir directement de conseils en investissement, il aide ses clients à faire les meilleurs choix avec nuance et hauteur de vue. Autant d’atouts précieux en ces temps troublés. Mais pas forcément de quoi rassurer…
(…) Augurez-vous également d’un risque insurrectionnel ? Notamment en provenance de l’extrême droite, où l’on se dit victime d’un « hold-up démocratique » ?
Oui, c’est un risque aujourd’hui majeur. Le fait est qu’un gouvernement d’union nationale excluant l’extrême droite et l’extrême gauche, et d’autant plus s’il est très technocratique, offrira un boulevard d’exploitation pour les extrêmes. Sans compter que le contexte général n’aide pas. Votre président est fébrile, le macronisme a été délégitimé et tout gouvernement pourrait ainsi être vu comme « illégitime », et galvaniser le ressentiment et l’agitation populaires. Les risques à moyen terme sont élevés, d’abord pour la France, et par conséquent pour l’Europe. (…)
« Le risque insurrectionnel est aujourd’hui majeur en France » (lep
Le désordre qui vient: radiographie de la France fracturée, par Jérôme Fourquet
Les élections législatives ont confirmé la partition du pays en trois blocs politiques qui recouvrent les trois blocs sociologiques du pays, estime le directeur Opinion de l’Ifop (Le Figaro, 13 juillet, entretien, article payant)
Extraits :
(…) Ce scrutin montre une France avec trois blocs, géographiquement et sociologiquement très différents.
Tout à fait. Sociologiquement, le RN, recrute d’abord dans les catégories populaires (47 % parmi les ouvriers et employés au premier tour) et confirme géographiquement son assise dans les territoires où il est implanté depuis très longtemps. Le Nord-Est bien sûr, mais si vous regardez la carte électorale, de Perpignan à Nice, à part quelques enclaves urbaines, sur tout le littoral méditerranéen sans discontinuer, toutes les circonscriptions sont RN.
La deuxième force, c’est la gauche, reconstituée autour du concept de Nouveau Front populaire. Le choix de ce nom ne doit rien au hasard et fait appel à l’histoire. Comme en février 1934, après la mobilisation des ligues, la gauche a fait bloc sous pression de sa base qui scandait «Unité, unité!» face au péril de l’extrême droite. Sociologiquement, ce Nouveau Front populaire recrute un électorat de classe moyenne et supérieure (38 % parmi les professions intermédiaires, 33 % chez les cadres et professions intellectuelles), auquel s’adjoint l’électorat des quartiers qui vote massivement pour la France insoumise. Traduction géographique de cette sociologie: les bastions du NFP se situent à la fois dans les grandes villes et leurs banlieues, auxquelles il faut ajouter les points d’appui historiques de la gauche, notamment dans le Sud-Ouest avec les Landes, l’Ariège ou la Haute-Garonne.
Ces gens qui ont fait des études supérieures, mais qui, comme disait Bourdieu, ont un capital culturel mais pas économique. On les retrouve dans les métiers de la santé, du social, de la culture et de l’éducation
Le troisième bloc, c’est le camp présidentiel, disposant d’un électorat CSP +, lui aussi urbain. Ensemble remporte ainsi 9 des 12 circonscriptions des Yvelines et 7 des 13 des Hauts-de-Seine. Comme jadis les meilleures circonscriptions de la banlieue rouge étaient réservées aux dirigeants du PC, les figures de proue du macronisme ont été facilement élues dans ces circonscriptions cossues de l’ouest francilien: Yaël Braun-Pivet et Aurore Bergé dans les Yvelines ; Gabriel Attal, Stéphane Séjourné, Prisca Thevenot et Maud Bregeon dans les Hauts-de-Seine. Les Français expatriés ont également apporté un soutien de poids (avec 10 circonscriptions sur les 11 des Français de l’étranger), tout comme les régions d’implantation historique du courant de la droite libérale française modérée ou catholique: l’Alsace, le Grand Ouest, l’Aveyron et les Savoie. (…)
Le désordre qui vient: radiographie de la France fracturée, par Jérôme Fourquet (lefigaro.fr)
Dominique Reynié : «Pour les Français, ce n’est pas rien de voir que l’on s’est ligué pour empêcher la victoire du premier parti de France»
Le professeur à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) tire les leçons de ces élections législatives 2024. Un scrutin qui, selon lui, n’a fait qu’obscurcir le paysage politique et ne permet pas de dégager de «vainqueur clair» (Le Figaro, 9 juillet, entretien, article payant)
Extraits :
(…) La campagne de l’entre-deux-tours n’a pas eu d’autre objet, pas d’autre projet que de dissuader le vote RN. Tous les regards ont été focalisés sur le parti, observé à la loupe. Simultanément, il a été dit et répété que le Nouveau Front populaire (NFP) n’avait aucune chance de gagner. Finalement convaincus que l’extrême gauche n’avait aucune chance de gagner tandis que l’extrême droite pouvait devenir majoritaire, de nombreux électeurs ont pensé que le barrage allait sanctionner les deux extrêmes, faisant surgir une majorité centrale, forcément centriste. (…)
Le Nouveau Front populaire, dont on disait qu’il ne pouvait pas gagner, est arrivé en tête des élections législatives. Que révèle ce résultat ? Comment l’expliquez-vous ?
On ne peut établir un verdict de « victoire » pour personne. Gagner les élections législatives, dans notre République, suppose qu’une force politique, un parti ou une coalition, obtienne au moins 289 députés et, s’il s’agit d’une coalition, qu’elle soit capable de durer. À gauche, aujourd’hui, aucun parti, aucune coalition ne satisfait ces deux critères. On ne peut donc pas dire qu’il y a un vainqueur. C’est le résultat le plus marquant et le plus préoccupant de ce scrutin pourtant décidé pour faire émerger une nouvelle majorité. De ce point de vue, au contraire, la situation est plus dégradée au terme de la dissolution. (…)
Comment expliquer que LFI, malgré sa dérive communautariste et antisémite, fasse aujourd’hui moins peur, semble-t-il, que le RN ?
Le journalisme, l’université, les métiers de la communication, de la culture, le monde associatif, ont une appétence connue pour les idées de gauche, peut-être parce qu’ils dépendent beaucoup des mécanismes économiques de redistribution. Cela pèse lourd sur le fonctionnement de notre débat public. C’est ce monde social si particulier, métropolitain, diplômé, aux revenus supérieurs à la moyenne, souvent protégé par un statut dérogatoire, d’une manière ou d’une autre, qui détermine la norme morale. Mais ce monde social peut se montrer parfaitement insensible, y compris à propos de sujets fondamentaux. (…)
À gauche, le NFP est un artifice électoral. Bricolé dans la hâte, il ne résistera pas. Électoralement plus faible que jamais, la gauche est en miettes tandis que ses idées économiques et sociales sont incompatibles avec la réalité de notre situation. Le centre est exposé à l’érosion programmée du macronisme, tandis que la droite reste tiraillée entre ce centre en déclin et le RN, en pleine ascension. Nos institutions, notre système représentatif et de gouvernement semblent désormais complètement déréglés. (…)
Le RN représente désormais près de 80 % des votes de droite. Autant dire que le RN, c’est la droite. Mais alors, le « barrage républicain » devient un « barrage » contre la droite, un barrage orchestré par une gauche qui n’a jamais été aussi faible sous la Ve République.
Enfin, compte tenu de la sociologie du vote RN et compte tenu du nombre croissant de ses électeurs, le « barrage républicain » est non seulement en train de fabriquer une équivalence entre le RN et la droite, mais aussi entre le RN et le « peuple », le RN et le monde du travail ; puis entre le RN et les élites, le « barrage républicain » mobilisant plus fortement une France plus favorisée, plus instruite, mieux connectée ; pour finalement aboutir à l’ultime retournement d’une équivalence entre le RN et la démocratie. (…)
After a deadlocked election, can anyone govern France?
The country is scrambling to find a new prime minister (The Economist, 9 juillet, article payant)
Extraits :
(…) France has no replacement government ready, and is not yet sure how to form one.
Other Europeans, with their fragmented parliaments, are used to dealing with unclear outcomes. Rival parties sit down together, manage their differences and hammer out a coalition deal, however long it takes. In Germany in 2021 it took 73 days, and a 166-page document, to form the current federal government. Belgium went for nearly two years before it forged a seven-party coalition government the previous year.
French political parties, however, have no tradition of consensus-seeking compromise, at least not at national level. (…)
Even if the nfp was invited to form a minority government, however, it might not last long. By itself the alliance is over 100 seats short of the 289 needed to govern with a stable majority, and is highly unlikely to be able to scrape together the numbers needed to secure one. Besides which many of its plans involve heavy spending. With a budget deficit forecast to reach over 5% of gdp this year, France’s public finances are already stretched. Markets could swiftly punish extravagant unfunded big-spending plans. As Mujtaba Rahman, European director of Eurasia, a consultancy, points out: “The European Commission’s decision to put France into an excessive deficit procedure is a reminder that Brussels and Berlin want France’s deficit and debt to fall, not rise.” (…)
A third option would be a “technical government”. Run by a civil servant or technocrat, of the sort that Mario Draghi managed in Italy, this would be designed to keep the machinery of government running rather than to enact big reforms, and to last until fresh elections. Under the constitution, these cannot take place for at least another 12 months. The markets would doubtless approve, and such a government would bring stability.
But French voters are already distrustful of Mr Macron’s outgoing technocrat-heavy team. It is unlikely that such an outcome would be acceptable unless all political efforts had been exhausted, and the country genuinely felt ungovernable. The French, in short, have returned a fractured parliament that accurately reflects the divided nature of the country, but which offers no clear or immediate path to generating a stable government. ■
After a deadlocked election, can anyone govern France? (economist.com)
Frédéric Sawicki, politiste : « Sans majorité à l’Assemblée, il est peu probable que la gauche soit en mesure d’appliquer l’ensemble de ses propositions »
Même si la gauche a montré que sa culture militante n’avait pas disparu, sa victoire est en trompe-l’œil, car elle repose sur une base sociologique trop peu populaire et sur un socle électoral trop composite, analyse le politiste (Le Monde, 9 juillet, tribune, article payant)
Extraits :
(…) La gauche a ainsi montré qu’elle avait de beaux restes, que sa culture militante n’avait pas disparu.
Cette victoire demeure toutefois en trompe-l’œil. Non seulement elle est très loin de la majorité, mais elle repose sur un socle électoral politiquement composite et fragile, et sur une base sociologique trop peu populaire. Son audience dans les banlieues des grandes villes, où dominent locataires en habitat social et populations d’origine étrangère, et chez les moins de 35 ans ne doit pas masquer son désancrage au sein des classes populaires et des petites classes moyennes. (…)
« La classe politique et les médias vont devoir apprendre ce qu’est un véritable régime parlementaire »
Aucun parti n’a gagné les élections car aucun n’a eu la majorité absolue des sièges, soulignent les juristes Denis Baranger, Olivier Beaud, Bruno Daugeron et Jean-Marie Denquin, dans une tribune au « Monde ». De nouvelles pratiques constitutionnelles vont devoir se mettre en place : si une coalition fondée sur un accord de gouvernement se dégage, le président devra lui confier Matignon (Le Monde, 9 juillet, tribune, article payant)
Extraits :
(…) La première donnée essentielle à prendre en considération est qu’en matière d’élections législatives la seule majorité qui compte est la majorité absolue : peut uniquement être déclaré vainqueur d’une élection de ce type la coalition déclarée de partis qui remporte plus de la moitié des sièges (au moins 289, en France).
A l’Assemblée nationale, la notion de « majorité relative », si souvent utilisée, n’a en effet pas de sens : dans le cas d’une « tripartition », on ne doit pas parler d’une quelconque « majorité ». Dimanche, aucun parti n’a gagné les élections car aucun n’a eu la majorité absolue des sièges.
En d’autres termes, pour qu’il existe une telle majorité dans la future assemblée, il faudra que ce soit une majorité de coalition. Lorsque l’assemblée populaire est divisée, c’est la règle usuelle dans tous les régimes parlementaires : les pays voisins de la France, que ce soit l’Allemagne, l’Italie ou encore la Belgique ou l’Espagne, connaissent très bien cette situation. Il en résulte que le parti arrivé en tête – en l’occurrence le NFP – n’a nullement le « droit » de diriger le gouvernement pour la bonne et simple raison qu’il ne détient pas la majorité des sièges à l’Assemblée. Un parti politique ayant devancé ses rivaux n’a pas la faculté de gouverner. (…)
Une chose est aujourd’hui certaine : cette nouvelle configuration, totalement inédite, a mis fin au système né du quinquennat et de l’inversion des élections qui ne date que d’un quart de siècle. De nouvelles pratiques constitutionnelles vont devoir se mettre en place (…)
La classe politique et les médias vont devoir apprendre ce qu’est un véritable régime parlementaire. Ce serait une erreur de croire que l’on retournera à la IVe République : paradoxalement, la Constitution de 1958 a été prévue pour fonctionner en l’absence de majorité parlementaire stable. C’est d’ailleurs ce qui explique l’existence du parlementarisme « rationalisé » et de certaines prérogatives du chef de l’Etat – le général de Gaulle a d’ailleurs gouverné sans majorité de 1959 à 1962.
Il est certain que le président ressort considérablement affaibli de la séquence qu’il a provoquée, et qu’il n’aura pas, en droit comme en fait, le pouvoir qu’avaient ses prédécesseurs, y compris pendant les trois cohabitations. C’est dire à quel point, pour les constitutionnalistes, la période qui s’ouvre apparaît à la fois inédite et féconde en innovations institutionnelles.
What Just Happened in France Is Astounding (NYT, 9 juillet, tribune, quelques articles gratuites / sem.)
Extraits :
(…) Cooperation among National Rally’s opponents was central to the turnaround. After the first round, over 200 third-place candidates from the New Popular Front and Mr. Macron’s coalition stood down, allowing other candidates clear runs. In what the Green leader Marine Tondelier called a “new republican front,” nodding to the tradition of French voters combining to thwart the far right, voters were asked to back whoever could beat the National Rally candidate.
They answered the call, left-wing voters especially. According to a poll, in duels in which either Mr. Macron’s allies or conservatives faced National Rally, seven in 10 left-wingers turned out for the anti-Le Pen candidate, with most others abstaining. The front held less well in duels between the left and Ms. Le Pen’s party: About half of Mr. Macron’s supporters backed the left, and one in six voted for the far right. The result, though, was stark. In seat after seat, the far right’s strong position wasn’t enough to overcome its combined opponents. (…)
Opinion | What Just Happened in France Is Astounding – The New York Times (nytimes.com)
Nicolas Baverez: «La France en apesanteur» (Le Figaro, 8 juillet, tribune, article payant)
Au terme des élections de 2024, la France reste l’homme malade de l’Europe et elle ne dispose ni d’un projet, ni d’institutions en ordre de marche, ni des forces et du socle politiques pour engager son redressement
(Voir texte entier dans “Article du jour”)
Nicolas Baverez: «La France en apesanteur» (lefigaro.fr)
Florent Gougou, politiste : « Le RN n’a pas perdu les élections législatives malgré ses nombreux échecs au second tour »
Le scrutin est très positif pour le parti de Marine Le Pen, avec une forte poussée en voix et un accroissement sans précédent de son nombre de députés, souligne le chercheur dans une tribune au « Monde ». Il va pouvoir s’appuyer sur des ressources financières inédites et poursuivre la formation de son personnel politique (Le Monde, tribune, 9 juillet, article payant)
Extraits :
(…) Qualifié pour 446 seconds tours dans les 501 circonscriptions restant à pourvoir, le RN aurait pu se retrouver engagé dans 300 triangulaires ; à la suite des 207 retraits de ses adversaires (124 candidats NFP, 80 Ensemble et 3 LR), le RN s’est en fait retrouvé dans « seulement » 89 triangulaires, quatre de ses candidats décidant également de se retirer dans leurs circonscriptions. Or, à quelques exceptions près, ces triangulaires ont concerné des cas dans lesquels le RN n’était a priori pas menaçant, de sorte que c’est dans les 354 duels que l’échec du second tour des législatives s’est creusé. (…)
Le vote barrage contre le RN a simplement été plus fort qu’en 2022, tout particulièrement pour les électeurs de gauche. Jamais l’accès du RN au pouvoir national n’avait semblé aussi proche, et même si les données de la dernière livraison du baromètre d’image Verian-Epoka du Rassemblement national confirment le recul de la proportion des Français le considérant comme une « menace pour la démocratie » (− 17 points depuis 2018), son rejet reste trop important.
Pour autant, la dynamique électorale du RN enregistrée aux européennes puis confirmée au premier tour des législatives, avec des niveaux historiques au-delà des 30 %, n’a pas ralenti. Au soir du 30 juin, le RN avait déjà remporté 39 circonscriptions, où la question du front républicain n’avait pas fait sens. Et au second tour, il a ajouté 104 victoires, portant son futur groupe à l’Assemblée nationale à 143 unités (124 pour le RN, 19 pour les alliés républicains à droite d’Eric Ciotti). Ce nouveau record désintègre celui de 2022 (89 élus). En cela, Jordan Bardella peut légitimement se féliciter de « la percée la plus importante de l’histoire » de son parti. Pour le dire autrement, les nombreux échecs du RN au second tour ne doivent pas conduire à conclure que le RN a perdu les élections législatives.
De fait, l’ensemble de la séquence électorale est très positif pour le parti de Marine Le Pen, avec une forte poussée en voix et un accroissement sans précédent de son nombre de députés. (…)
La présidentielle de 2027 est déjà dans les esprits de la plupart des responsables politiques, à commencer par celui de Marine Le Pen. Pour autant, les turbulences ne sont pas finies. Avec la parlementarisation forcée de la Ve République qui va résulter de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale, de nouveaux équilibres vont se créer. Et la question d’un passage à un scrutin proportionnel va inévitablement être sur la table des négociations préalables à la formation de la prochaine coalition gouvernementale. Quelles que soient ses modalités pratiques, un tel mode de scrutin, qui rendrait obsolète la question du front républicain, ne serait pas un obstacle à la stabilisation du RN au très haut niveau atteint lors de la séquence électorale qui vient de se refermer.
« La France qui penche à droite vient contre toute attente de donner la victoire à la gauche » (Le Point, 8 juillet, interview, article payant)
La politologue Chloé Morin décrypte pour « Le Point » les résultats du second tour des législatives et les inconnues qu’ils soulèvent
Extraits :
(…) Le paradoxe de ce scrutin est qu’une France qui penche nettement à droite vient, contre toute attente, de donner la victoire à la gauche. Et pas à n’importe quelle gauche, mais à une gauche dont le programme est très largement inspiré de celui des Insoumis.
Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours n’a-t-il pas atteint ses limites ?
Il engendre depuis longtemps une grande frustration chez des millions d’électeurs car il est conçu pour « fabriquer » des majorités de gouvernement de manière artificielle. Ce scrutin est conçu pour le bipartisme, et pour rendre quasi impossible l’accession des extrêmes au pouvoir (dès lors qu’ils restent marginaux). Les candidats arrivés en 3e position, qui furent longtemps ceux du Rassemblement national, obtenaient un nombre de sièges très inférieur à leurs scores moyens dans le pays. Pour arriver en première ou seconde place, et espérer gagner le match, ce mode de scrutin oblige à créer des alliances larges avant le premier tour. Au risque de marier des tendances profondément différentes. Au second tour, ce mode de scrutin oblige à des désistements, qui peuvent sembler contre-nature, pour empêcher le RN d’obtenir une majorité absolue. N’en doutons pas : tout cela laissera des traces durables chez ceux qui sortent perdants de ce scrutin.
(…) À ce stade, ce que l’on peut constater, c’est que LFI reste le groupe le plus important au sein du bloc de gauche, et que la volonté du PS de marginaliser l’extrême gauche n’a pas été couronnée de succès. (…)
Faut-il en finir avec la Ve République, qui semble à bout de souffle malgré une forte participation aux élections ?
Des ajustements d’ampleur sont nécessaires dans nos institutions. Une proportionnelle avec une prime au parti arrivé en tête. Une pratique plus fréquente du référendum ou du recours à la convention citoyenne. La question du partage des pouvoirs est de plus en plus centrale dans notre pays : partage entre exécutif et législatif, entre majorité et oppositions, entre pouvoir central et collectivités, entre président et Premier ministre… Si l’on ne revoit pas les choses en profondeur, comme l’avait affirmé Édouard Philippe lorsque je l’ai interrogé il y a deux ans, nos institutions finiront par « péter ».
La France périphérique, cette France en trop (Le Point, 8 juillet, chronique, article payant)
Les millions d’électeurs du RN sont déjà vite oubliés des politiques, notamment de gauche, qui savourent leur demi-victoire. Gare au retour de bâton (Le Point, 8 juillet, chronique, article payant)
Extraits :
(…) Or, pour saisir l’état politique réel de la France, il faut regarder la carte des résultats, non pas du second tour, mais du premier. La seule qui vaille. Elle ressemble, à quelques nuances près, à la carte du Front populaire de 1936, soit une implantation du RN dans des territoires de tradition égalitaire, républicaine et laïque. La carte électorale du second tour, bien que ne souffrant aucune contestation démocratique, est le résultat de désistements et d’appels au « front républicain », qui brouillent la lecture de la dynamique électorale. On sait que plus de 10 millions d’électeurs ont voté pour des candidats du RN au premier tour. Ils étaient 4 200 000 en 2022. 39 candidats ont été élus dès le premier tour, le 30 juin.
Ni Jean-Luc Mélenchon ni Olivier Faure, hier soir, n’ont eu de mots pour ces millions de Français qui vivent plus intensément que d’autres les réalités de la mondialisation (malheureuse, celle-ci). La France, dans la bouche du socialiste comme dans celle de l’Insoumis, s’est résumée au « peuple de gauche ». Les autres, les beaufs, les ploucs, les « sans dents », n’existent pas. N’existent plus. C’est ce qu’il en coûte lorsque, par désespoir, un électeur vote RN : il sort de l’histoire, par sa seule faute. (…)
À la lecture des résultats, il n’y a plus aucun doute possible sur l’étendue du séparatisme socioculturel qui touche notre pays. La géographie antagonique française n’oppose plus les régions catholiques aux régions déchristianisées, comme ce fut longtemps le cas, mais les grandes villes aux campagnes et aux zones périurbaines. Il y a 15 ans, Christophe Guilluy et Jérôme Fourquet en ont analysé les premières tendances.
Aujourd’hui, nous en sommes au stade où ces deux France n’ont plus rien en partage. (…)
Législatives 2024 : la France périphérique, cette France en trop (lepoint.fr)
Élections législatives : rien ne change (Contrepoints, 8 juillet, article payant)
Extraits :
(…) LFI : l’arbre qui cache la forêt
Hurlant fort, Mélenchon veut accaparer la victoire. La réalité est différente. LFI a 74 députés contre 79 pour le PS et les divers gauche. Mélenchon n’est pas premier à gauche et le Nouveau front populaire n’obtient que 186 sièges. Loin, très loin, d’une majorité absolue. La droite, du RN au Modem, représente 382 députés, soit les deux tiers de l’Assemblée. La gauche est très bruyante, c’est sa force, mais elle demeure minoritaire dans les urnes. (…)
Élections législatives : rien ne change – Contrepoints
UNE FRANCE DIVISÉE : Législatives 2024 : les 1001 paradoxes français (Atlantico, 8 juillet, interview, article payant)
Avec 182 députés, le Nouveau Front populaire termine en tête de ces élections législatives en nombre de sièges. Le RN chute au second tour, avec 143 sièges. Entre ces deux forces, la coalition présidentielle Ensemble perd sa majorité relative et obtient 163 députés
Extraits :
(…) Le décalage entre le « pays réel » (le corps électoral tel qu’il s’est exprimé au soir du premier tour, en particulier les plus de 9,3 millions de voix obtenues par le RN seul), et le « pays légal » (le nouvel hémicycle au soir du second tour) porte en germes une crise politique qui peut trouver son règlement dans la victoire du RN à l’élection présidentielle de 2027. Les deux coalitions anti-RN (celle de gauche et celle du centre) auraient tort de crier victoire quand celle-ci pourrait très bien être une « victoire à la Pyrrhus ». Certes le « Front républicain » a joué pleinement en leur faveur, certes le réflexe « TSRN » (Tout sauf le RN) a fonctionné dans de très nombreuses circonscriptions mais il faudra regarder de combien de voix des candidats anti-RN ont gagné, dans nombre de circonscriptions : cet écart est souvent très faible… On peut considérer, sans trop de risque d’être démenti, que le « Front républicain » a peut-être, avec cette élection-ci, connu son ultime « efficacité politique ». La vraie difficulté, demain, va être de « gérer » politiquement la frustration des centaines de milliers de Français qui vont avoir le sentiment, dès ce lundi, de « s’être fait voler leur victoire »… D’autant que l’on peut faire confiance aux dirigeants du RN pour répéter cette dernière formule (dangereuse d’ailleurs) comme un mantra, pendant les mois et les années à venir. (…)
Législatives 2024 : les 1001 paradoxes français | Atlantico.fr
France’s parliamentary election : A shock election result in France puts the left in the lead (The Economist, 8 juillet, article payant)
But they are well short of a majority; uncertainty looms
(The Economist, 8 juillet, article payant)
Extraits :
In a result that took France wholly by surprise, the left-wing New Popular Front (nfp), dominated by Jean-Luc Mélenchon, looks poised to become the biggest bloc in parliament after final-round voting at legislative elections closed on July 7th. Official final results gave the nfp 182 seats in the 577-seat National Assembly. This is far short of the 289 seats needed to control the lower house. Voters have returned a badly hung parliament, and France is now set for a period of uncertainty and political manoeuvring as the country tries to learn how to act as many other European countries already do, and forge a majority coalition. (…)
For President Emmanuel Macron, who called this election against the advice of his close allies, the result will come as something of a relief. Ensemble, his centrist coalition, will hold on to 168 seats, down from the 250 it held in the outgoing parliament. Though painful, this is not quite the calamity that had been widely expected. His bloc looks likely to become the second-biggest, slightly ahead of the rn, and his group of deputies could now hold the key either to forming a governing coalition or to keeping a minority left-wing government in power. (…)
One lesson from this vote is that a solid majority of the French still rejects the hard right. After first-round voting, polls had suggested that, under France’s first-past-the-post electoral system, the rn had a chance of winning a majority of seats. But a tactical effort by both Mr Macron’s Ensemble and the left-wing alliance to withdraw third-placed candidates in over 200 constituencies helped to avoid splitting the anti-rn vote. This was laborious, fractious and in some cases painful; but it seems to have worked. To the indignation of Mr Bardella, who denounced an “alliance of dishonour”, it turned the vote in many constituencies into a referendum on the rn—which could store up problems for the future among its voters, who will feel robbed of victory by a stitch-up by the Paris elite. (…)
France, however, unlike Germany, Italy and many other European countries, has no experience of forging the compromise agreements needed for governing coalitions to stick. The three blocs that will make up the new assembly dislike each other intensely, and distrust each other even more. Given such uncertainty, Mr Macron may well ask the 35-year-old Gabriel Attal, his current prime minister, who said he would offer his resignation to the president on Monday, to continue as a caretaker while talks take place. This arrangement could last for much of the summer period, including during the Paris Olympic Games, which begin on July 26th. France seems to have pulled back from the brink; but it is still heading for the unknown.
A shock election result in France puts the left in the lead (economist.com)
👍Julia de Funès: «Les fanfarons du bien ignorent que la moralisation du vote ne fonctionne plus» (Le Figaro, tribune, 3 juillet, article payant)
La majorité présidentielle et la gauche, ainsi que des sportifs et des artistes, ont appelé à « faire barrage » à l’extrême droite. La philosophe, auteur notamment de Socrate au pays des process (Flammarion, 2021), y voit un exercice d’exhibition de vertu inefficace
Extraits :
Il est passé le temps du secret de l’isoloir et de l’enveloppe opaque, c’est ouvertement que certains affichent publiquement leur intention de vote et leur volonté de faire barrage. Ils sont de plus en plus nombreux ces footballeurs, influenceurs, anciens ministres, artistes, à annoncer la mine grave mais satisfaite qu’ils ne voteront pas pour les extrêmes, et encore moins pour l’extrême droite. Ce sont des gens bien, du bon côté de la vie, et il s’agit d’en faire part à la France entière. On a le sentiment qu’il ne s’agit pas seulement de partager un avis réfléchi (aucune argumentation n’émane de leurs propos), ni d’émettre une opinion personnelle (qui n’intéresse qu’eux-mêmes), mais de se grandir moralement au point de se hisser directeurs de conscience et maîtres dans l’exercice d’exhortation. (…)
Alors nos combattants en toc ne disent plus « Rassemblement national » mais extrême droite (plus effrayant), postent des vieilles photos compromettantes de Jordan Bardella et ses amis, et rappellent les propos déshonorants de Jean-Marie Le Pen. Mais cette récupération morale reste vaine et inopérante pour trois raisons philosophiques de fond. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de défendre le RN, mais de montrer pourquoi la moralisation à son sujet ne fonctionne plus.
La première, c’est que le souffle du front anti-RN sent le remugle des années 1980 face à Jean-Marie Le Pen. Bien que le RN soit un parti républicain, la nazification de l’extrême droite reste un réflexe, une tentation irrépressible. (…)
Deuxièmement, c’est ignorer que la moralisation n’a pas d’effet sur les consciences. Si l’on se contentait de voir le bien pour le faire, l’histoire serait plus radieuse, le monde meilleur et l’éducation plus aisée. (…)
Enfin, c’est oublier une autre vérité philosophique, à savoir que la délibération vient après la décision. Les citoyens ont déjà tous, pour la plupart, choisi leur camp et vont maintenant délibérer durant ces deux prochaines semaines. (…) « En nous interrogeant scrupuleusement nous-mêmes, nous verrons qu’il nous arrive de peser des motifs, de délibérer, alors que notre résolution est déjà prise. Une voix intérieure, à peine perceptible, murmure : pourquoi cette délibération ? tu en connais l’issue, et tu sais bien ce que tu vas faire », avouait Bergson.
« Approuve ce que je te dis d’approuver, car je sais mieux que toi où se situe le bien » semble être leur credo aussi prétentieux, intolérant, qu’inopérant. Rappelons-leur que la rationalisation du bien n’influe pas sur une conviction intime déjà choisie, et que la moralisation des choix politiques outrepasse le respect de la liberté de conscience de chacun, dont le vote reste un des derniers gardiens.
👍Arnaud Benedetti: «Le macronisme finissant va-t-il devenir “l’idiot utile” du mélenchonisme de conquête ?» (Le Figaro, tribune, 3 juillet, article payant)
Pour le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire*, Jean-Luc Mélenchon est en passe d’imposer sa ligne de force au « bateau ivre » d’un exécutif qui retombe là où a commencé son aventure ambiguë : à gauche. Un pari triplement dangereux pour Emmanuel Macron, estime-t-il.
Extraits :
Le second tour sera dantesque. Et il l’est déjà. En effet, le RN est bien aux portes du pouvoir. Emmanuel Macron dont tout le combat consistait à en écarter la possibilité est vaincu. Il est vaincu électoralement mais aussi devant l’histoire. Il se pourrait qu’il le soit aussi aux yeux de la morale. En lançant implicitement un appel à un barrage anti-RN, y compris avec LFI, il en rajoute dans le confusionnisme qu’une partie de son électorat pourrait potentiellement rejeter au soir du 7 juillet.
À l’épreuve des événements, dans le feu et la panique des circonstances, il est en passe d’inventer un objet politique improbable, le macro-mélenchonisme qu’il érige ainsi en ultime rempart contre la formation de Jordan Bardella et de Marine Le Pen. Ce faisant, il se dédie. Infréquentable hier, l’aile la plus à gauche du Nouveau Front populaire le devient par la grâce de l’illusion « antifasciste ». Il se pourrait que nous assistions dès lors à l’ultime spasme de la stratégie du « front républicain ». Et ce pour au moins trois raisons. (…)
Voir l’article entier dans « Article du jour »
France Is Headed for Disaster (NYT, Tribune de Philippe Marlière, professeur à University College London, 2 juillet, article payant)
Extraits :
(…) The more likely scenario, however, is that National Rally falls short of a majority, leaving France with a hung parliament. Things would quickly become messy. As the biggest party, National Rally would still try to gather the support of other parties to pass legislation — but no one, perhaps besides a few defecting deputies from the right-wing Republicans, will want to enable the far right to govern. With a weakened Mr. Macron atop a fractious and uncooperative assembly, France would enter a profound political crisis with no remedy in sight. (…)
It’s fitting, in a way, that the main political casualty of this troubled period may be Mr. Macron himself. Whatever happens on Sunday, it is clear to everyone that Mr. Macron’s unnecessary gamble has failed dramatically and he is responsible for the political chaos to come. His authority, both nationally and internationally, will be greatly diminished, and his presidency all but sunk. He will surely face increasing pressure to resign.
But Mr. Macron’s loss is France’s loss, too. With no force capable of governing other than potentially the far right, the country is entering a period of great volatility and turmoil. Stability will be a thing of the past. For a country facing big economic, social and even military challenges, that’s a daunting prospect. (…)
That’s for the future. Right now, France is on the brink. It is a deeply torn and anxious nation approaching an epochal vote. (…) The stakes have never been so high.
Opinion | France, With Elections, Is Headed for Disaster – The New York Times (nytimes.com)
France’s political earthquake : A crushing blow for Emmanuel Macron’s centrist alliance (The Economist, 2 juillet, article payant)
A big turnout for Le Pen’s hard right makes clear the president’s gamble backfired spectacularly
Extraits :
(…) the vote was a crushing humiliation for President Emmanuel Macron’s centrist alliance, Ensemble. Many of his own deputies and closest allies, sensing an impending wipe-out, were aghast at his unexpected decision on June 9th to call a snap election. It backfired, spectacularly. Ensemble secured a dismal 20.8% of the national vote. It is now expected to lose more than half of its 250 seats; projections by Ipsos suggest it could hold on to as few as 70-100. One deputy called it a “total catastrophe”.
What is clear from the first-round vote is that Mr Macron’s centrist project, and the president’s political authority, will emerge severely damaged from these elections. (…)
If the rn-led alliance does manage to win a majority, or can scrape one together with new defectors, the country will be heading for a form of uncomfortable “cohabitation” between the president and the government, in which they each hold a diametrically opposite view on almost everything, from fiscal policy to Europe, Ukraine and nato. The fifth-republic constitution, devised by Charles de Gaulle in 1958 precisely to bring about much-needed stability, could be sorely tested. This week Ms Le Pen challenged the separation of powers, by suggesting that the head of state’s constitutional role as commander-in-chief of the armed forces was only “honorary”. Either way, markets are worried. On June 28th the yield spread between French and German ten-year sovereign bonds moved to its widest level since 2012. France seems to be heading at full speed, in a state of anger and apprehension, into the political unknown.
A crushing blow for Emmanuel Macron’s centrist alliance (economist.com)
Le vote de la colère (Le Point, édito, 1 juillet, article payant)
L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Une étude de deux économistes montre le rôle joué par les émotions dans le choix des électeurs. Le résultat révèle que ces derniers veulent renverser le statu quo
Extraits :
Le recul spectaculaire du chômage tombé à son plus bas niveau depuis quarante ans n’a permis ni de diminuer le sentiment de défiance des Français à l’égard de leurs gouvernants ni d’apaiser leur colère. Bien au contraire, comme le confirme une passionnante étude menée par Yann Algan et Thomas Renault, économistes du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), qui ont répertorié les principales émotions associées aux préoccupations des Français telles qu’elles apparaissent dans leurs tweets rédigés entre 2011 et 2024.
C’est en effet la colère qui domine largement (35 % des messages), suivie de l’inquiétude et de la peur (14 %) et de la révolte (12 %), tandis que les émotions positives, comme la confiance, l’enthousiasme, l’espoir ou encore le bonheur, ne dépassent pas la barre des 10 %. En une décennie, les tweets liés à la colère ont surtout enregistré une hausse spectaculaire de 66 %, inspirée en premier lieu par le thème de la fiscalité et des taxes, devant celui de l’immigration.
En termes d’appartenance politique, le sentiment de colère est présent dans 45 % des messages envoyés par des électeurs d’extrême droite et dans 34 % de ceux rédigés par des personnes liées à la gauche radicale.
Cette montée de la colère a d’importantes conséquences électorales. « Alors que l’inquiétude ou la peur augmente la perception du risque et incite par conséquent à un comportement plus prudent ou plus conservateur, écrivent Yann Algan et Thomas Renault, la colère incite les électeurs à renverser le statu quo et à choisir des candidats plus radicaux dans une logique du “plus rien à perdre” que l’on entend chez la plupart des électeurs du RN actuellement et du NFP dans une moindre mesure. »
La colère rend aveugle
Un autre trait psychologique essentiel est que, dans un état émotionnel de colère, le cerveau d’un individu n’enregistre plus d’informations nouvelles et contraires à ses croyances. Comme les statistiques de l’Insee indiquant que le pouvoir d’achat des ménages a augmenté en moyenne l’année dernière alors qu’une immense majorité de Français est persuadée qu’il a fortement baissé.
Parce que la colère rend aveugle, peu importe auprès de leurs électorats respectifs que les programmes économiques du RN et du NFP soient irrationnels et irréalistes. Peu importe que Jordan Bardella s’emmêle les pinceaux sur la baisse de la TVA ou l’âge de la retraite, peu importe que Jean-Luc Mélenchon annonce des chiffrages budgétaires totalement délirants. (…)
Législatives : le vote de la colère (lepoint.fr)
«Die Franzosen sind Träumer. Und eine Mehrheit von ihnen verhält sich wie kleine Kinder», sagt Daniel Cohn-Bendit / “Les Français sont des rêveurs. Et une majorité d’entre eux se comportent comme des petits enfants”, dit Daniel Cohn-Bendit (NZZ, interview, 1 juillet, article payant)
In Frankreich findet am Sonntag die erste Runde der Parlamentswahl statt. Der deutsch-französische Politiker Daniel Cohn-Bendit spricht über Macron, der mit Dynamit spielt, und die Fata Morgana der extremen Rechten, die bald regieren könnten.
Extraits :
(…) Frankreich muss vor allem dringend sparen. Aber wie?
Mit dem Rassemblement national wohl nicht. Und auch die neue Volksfront hat hier nichts zu bieten. Die Franzosen sind Träumer. Sie glauben daran, dass alles besser wird. Wir leben aber in einer Zeit nach der Pandemie. Wir haben Krieg in der Ukraine, einen nicht beherrschbaren Konflikt im Nahen Osten und den sich verschärfenden Klimawandel. Und wie verhalten sich die Mehrheit der Franzosen gegenüber dieser Häufung an Krisen? Wie kleine Kinder! Sie halten die Hände vor den Kopf und verschliessen die Augen. Sie tun so, als wären sie nicht hier. / Les Français sont des rêveurs. Ils croient que tout ira mieux. Mais nous vivons dans une période post-pandémique. Nous avons la guerre en Ukraine, un conflit non maîtrisable au Proche-Orient et le changement climatique qui s’aggrave. Et comment se comportent la majorité des Français face à cette accumulation de crises ? Comme des petits enfants ! Ils mettent leurs mains devant leur tête et ferment les yeux. Ils font comme s’ils n’étaient pas là. (…)
Daniel Cohn-Bendit zur Parlamentswahl: “Macron ist wahnsinnig” (nzz.ch)
Emmanuel Macron’s centrists are facing a disastrous first-round vote (TheEconomist, 28 juin, article payant)
Marine Le Pen’s party will be the main beneficiary
Extraits :
(…) At this stage, second-round polling is perilous; qualifying candidates (who must secure at least 12.5% of registered voters) can drop out under tactical deals. Tentative projections by four different polling agencies from June 19th-26th suggest that the rn might gain a massive 200-305 of 577 seats, up from 88; the upper limit of this range would give it a majority. The nfp might secure 125-240. Mr Macron’s alliance could be shrunken to a rump of 65-100. A raft of deputies, and some ministers, could lose their seats, possibly in the first round. (…)
The French go to the polls on edge. Many are at a loss to explain what voters may be about to do: plunge the country into chronic uncertainty. A poll for the Fondation Jean-Jaurès, a think-tank, found that the predominant feelings in France right now are fatigue, anger, sadness and fear. A month from the opening of the Paris Olympics, this was supposed to be a time when the nation would come together. Instead, it seems apprehensive and more divided than ever.
Emmanuel Macron’s centrists are facing a disastrous first-round vote (economist.com)
Raphaël Doan: «En cas de paralysie de l’Assemblée nationale, l’option de gouverner par référendums» (Le Figaro, tribune, article payant)
Si la majorité était introuvable au Parlement après le 7 juillet, la France pourrait s’inspirer du modèle helvétique, voire athénien, de démocratie directe, estime l’essayiste (Raphaël Doan est agrégé de lettres classiques, ancien élève de l’École normale supérieure et de l’ENA. Dernier livre paru : « Si Rome n’avait pas chuté », Passés composés, 2023)
Extraits :
Au lieu du modèle allemand de grande coalition, la France pourrait donc s’inspirer du modèle helvétique, américain, voire athénien, de démocratie directe. Nos institutions s’y prêtent déjà. Dans une allocution du 6 avril 1962, le général de Gaulle déclarait : « Nous allons consacrer décidément la pratique du référendum, la plus nette, la plus franche, la plus démocratique qui soit. (…) Désormais, sur un sujet vital pour le pays, chaque citoyen pourra être directement appelé à en juger. (…) Nul doute que le caractère et le fonctionnement des institutions n’en soient profondément marqués. »
La pratique de la Ve République par ses successeurs n’a malheureusement pas poursuivi cet élan initial, en partie parce que de Gaulle lui-même avait fait de chaque référendum un plébiscite pour ou contre le chef de l’État. Il faudrait au contraire, aujourd’hui, que la pratique référendaire soit clairement distinguée de la popularité du président de la République. Une assemblée ingouvernable, avec un gouvernement technique et un président en fin de mandat, donnerait précisément l’occasion de refaire du référendum une véritable consultation de la volonté majoritaire des Français sur une série d’enjeux. Il serait même bon de soumettre plusieurs questions au vote des Français en un seul scrutin, ce qui contribuerait à dissocier le référendum de la personne du président.
Pour accompagner cette évolution, l’idéal serait de réviser la Constitution pour élargir le champ des sujets pouvant être soumis à référendum, aujourd’hui limité à l’organisation des pouvoirs publics, aux réformes relatives à la politique économique, sociale et environnementale, et à la ratification d’un traité. Mais beaucoup peut déjà être fait en l’état actuel du droit.
Il est possible, bien sûr, qu’une majorité absolue sorte du prochain scrutin législatif. Mais si ce n’était pas le cas, le président de la République et les nouveaux députés gagneraient à se tourner franchement vers le référendum, non pas comme une énième manière de tester la légitimité du chef de l’État, mais comme une méthode de gouvernement. Il y a là l’occasion, sur de nombreux sujets cruciaux, d’une clarification politique – de fond, cette fois.
Frankreich : « Land ohne Mitte » / La France, un pays sans centre (FAZ, 26 juin, tribune de Wolfgang Matz, article payant)
Das Scheitern Macrons zeigt sich in der Abwesenheit einer starken Partei zwischen der extremen Rechten und der extremen Linken. Hierin liegen Gefahren für Frankreich, Europa und die Ukraine / L’échec de Macron se traduit par l’absence d’un parti fort entre l’extrême droite et l’extrême gauche. C’est là que résident les dangers pour la France, l’Europe et l’Ukraine.
Extraits :
(…) Das strukturelle Problem ist und bleibt, dass Alternativen der linken und rechten Mitte nach wie vor fehlen.
Bernard-Henri Lévy hat deshalb leider recht mit seiner Feststellung: Es gibt heute keine andere demokratische Wahlmöglichkeit als die Kandidaten im Umkreis der „Macronie“. Leider – denn die Konstellation von einer Partei allein gegen die Extreme ist auch künftig keine Basis der Demokratie. Das ultimative Schreckensszenario bleibt die mögliche Stichwahl zwischen Rassemblement National und La France insoumise, eine Wahl zwischen Pest und Cholera. Die Erklärung des jüdischen „Nazijägers“ Serge Klarsfeld, er wähle in diesem Fall RN, kann nur den überraschen, der sich nie näher mit Mélenchons Truppe befasst hat. (…)
Ein Bollwerk gegen die Extreme wird es nicht geben, solange die ungelösten Probleme nicht überzeugend angegangen werden, und zwar von der republikanischen Mitte. Die parteipolitisch offene Frage bis zur nunmehr übernächsten Wahl 2027 wird sein, ob die demokratischen Parteien und Kandidaten von links bis rechts sich so aufstellen können, dass sie nicht nur an einer Wahl teilnehmen, sondern eine echte Auswahl zwischen glaubwürdigen Alternativen anbieten. Bleibt es bei der Konstellation eines einzigen Lagers der Mitte – Macron darf nicht noch einmal kandidieren – und zwei Extremen, dann schlägt womöglich erst 2027 die wirklich schwarze Stunde.
Frankreich: Nach Macrons Scheitern fehlt eine Partei der Mitte (faz.net)
Jean-Pierre Le Goff: «Emmanuel Macron a encouragé l’autodestruction du politique» (Le Figaro, interview, 26 juin, article payant)
Pour le sociologue, la dissolution prononcée par le chef de l’État participe de sa façon «disruptive» de faire de la politique. Une décision impulsive qui, sous prétexte de redonner la voix au peuple, renforce aussi l’instabilité, le désarroi et l’angoisse des Français
Extraits :
(…) La gauche affiche une version postmoderne de l’antifascisme et du Front populaire, dont les principaux acteurs n’ont plus grand-chose à voir avec les classes populaires. Les ouvriers et les employés votent désormais majoritairement pour le RN, mais la gauche se considère toujours comme son authentique représentant et continue de parler en leur nom. Pour le gauchisme adolescent, l’antifascisme est devenu depuis longtemps une posture antiautoritaire et un mot d’ordre à tout faire qui divise le monde entre les bons et les méchants. Les électeurs du RN sont considérés au mieux comme des « beaufs », au pire comme des racistes, des fascistes et des nazis.
Une nouvelle fois on remet ça avec les résultats que l’on sait : le RN ne cesse de progresser. Mais rien n’y fait, les leçons de morale, la prégnance du gauchisme et la réactivation fantasmagorique des luttes passées permettent d’éviter d’affronter les réalités dérangeantes qui préoccupent les Français, comme la sécurité, l’immigration, le devenir de la nation… Depuis des années, la gauche s’est enfermée dans l’entre-soi ; elle a arrêté de penser. Le gauchisme culturel est désormais partie intégrante de son identité et fait le jeu du Rassemblement national. (…)
[E. Macron] s’occupe de tout et a réponse à tout avant même que les questions ne soient posées. Ses discours traînent en longueur, alliant dans un curieux mélange de grands principes et de nobles valeurs avec des explications détaillées sur de multiples dossiers qui finissent par faire perdre le fil et noyer le poisson. Ce président communicant est devenu comme l’animateur en chef d’une sorte de jeu de question-réponse et d’un grand débat permanent dans un pays qui est devenu difficilement gouvernable. Il a saturé l’espace public et médiatique de sa présence. À force de se mettre constamment en avant, il a polarisé sur lui les ressentiments et les haines existant dans la société dont se nourrissent les populistes. (…)
Jean-Pierre Le Goff: «Emmanuel Macron a encouragé l’autodestruction du politique» (lefigaro.fr)
Jérôme Jaffré: «Le RN a des chances réelles d’obtenir une majorité absolue» (Le Figaro, interview, 26 juin, article payant)
À la veille des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet prochains, le politologue décrypte les raisons de l’échec programmé des macroniste (Ancien vice-président de l’institut Sofres, Jérôme Jaffré est directeur du Cecop (Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique) et chercheur associé au Cevipof)
Extraits :
(…) Beaucoup d’électeurs se montrent inquiets. L’opinion est à la fois caractérisée par l’impopularité profonde d’Emmanuel Macron et par une absence de crédibilité des trois blocs en lice. Aucun de leurs programmes ne la convainc : le RN et le Nouveau Front populaire avec trop de promesses ou de dépenses, quand celles des sortants sont affaiblies par leur usure.Aucun des trois blocs ne bénéficiant d’alliés, cela enferme le vote des Français dans une hiérarchie de choix négatifs. Or, ce n’est pas l’essence de la démocratie qui voudrait qu’on choisisse en fonction de ses préférences et non de ses rejets. (…)
Néanmoins, la gauche n’a pas réuni les conditions d’une victoire, en présentant un programme maximaliste sur le plan fiscal, radical sur les institutions et éloigné de son ancrage proeuropéen. Ce Front est bien peu populaire puisque seulement un ouvrier sur cinq s’apprête à lui donner son suffrage – soit le score le plus bas de toute l’histoire de la gauche. (…)
Le RN a désormais des chances réelles d’obtenir une majorité absolue de sièges à l’issue du second tour, même avec 35 % des voix au premier. Il pourrait bénéficier de l’effet repoussoir d’une gauche toujours dominée par LFI. Il y aurait d’ailleurs une forme d’équivalence avec le succès gaulliste de 1962. À l’époque, celui-ci avait recueilli 35 % des voix au premier tour et une majorité absolue de sièges au second en bénéficiant de l’anticommunisme d’alors. (…)
Jérôme Jaffré: «Le RN a des chances réelles d’obtenir une majorité absolue» (lefigaro.fr)
Européennes : pourquoi la jeunesse ne vote pas (Le Point, tribune de Iannis Roder, 25 juin, article payant)
CHRONIQUE. L’abstention galopante des jeunes sous-tend un désintérêt, sinon un détachement, pour les principes républicains et le concept de démocratie
Extraits :
Enfin, aux côtés de ces deux pôles de la jeunesse en existe un autre, celui de l’abstention. Les classes d’âge les plus jeunes sont les plus abstentionnistes. En 2022, lors du premier tour des législatives, les jeunes avaient été 69 % à ne pas aller voter (41 % au premier tour des présidentielles). Le 9 juin dernier, ce sont 60 % des 18-24 ans qui ne se sont pas déplacés, selon la même note pour la Fondation Jean-Jaurès. Par conséquent, tout en étant polarisée sur les extrêmes, ce qui caractérise d’abord la jeunesse est bien l’abstentionnisme.
Les recherches récentes amènent des éléments explicatifs intéressants concernant le rapport de la jeunesse à la chose publique. Tout d’abord, Frédéric Dabi, dans La Fracture, son livre sur « la sécession de la jeunesse », nous dit que celle-ci n’accorde qu’une importance relative aux conceptions républicaines (27 % des moins de 35 ans n’ont pas de vision positive de la République, contre 19 % pour les plus de 35 ans) qu’elle a du mal à maîtriser. De fait, la démocratie apparaît de moins en moins essentielle à une partie des jeunes. En 2019, l’enquête de L’Observatoire de la démocratie Viavoice avait montré que les 18 à 24 ans n’étaient que 42 % à juger la démocratie comme indispensable (20 points de moins que les plus de 60 ans) et 28 % d’entre eux considéraient alors que l’élection au suffrage universel n’était pas essentielle.
(…) Dans son livre Politiquement jeune, la sociologue Anne Muxel parle d’une « érosion de la confiance dans les institutions de la démocratie représentative [qui] se traduit par une détérioration de la participation démocratique classique (participation électorale, militantisme partisan, engagement civique) ». Une partie non négligeable des jeunes Français ne considère donc pas la démocratie représentative comme un système politique incontournable.
Européennes : pourquoi la jeunesse ne vote pas (lepoint.fr)
Frédéric Sawicki : « Le scrutin proportionnel est la norme dans la plupart des démocraties européennes sans que ces pays soient plus mal gouvernés que la France » (Le Monde, Interview, 25 juin, article payant)
Dans les démocraties de compromis, les minorités ont davantage voix au chapitre que dans l’Hexagone, et les électeurs ne sont pas obligés, en raison du vote tactique du scrutin majoritaire, de choisir des partis dont ils sont éloignés, souligne le politiste et professeur de science politique à l’université Panthéon-Sorbonne
Extraits :
Lorsque les représentants sont élus à la proportionnelle, la désignation du chef de l’exécutif et le programme du gouvernement résultent de compromis qui sont construits après le vote.
Avec le scrutin majoritaire à deux tours des législatives, c’est l’inverse : le système incite les partis à conclure des alliances, voire à présenter des candidatures et un programme communs, avant même le premier tour. La constitution du Nouveau Front populaire en est l’expression la plus exemplaire, mais les tractations rocambolesques entre le Rassemblement national (RN), Reconquête ! et le président du parti Les Républicains (LR), ainsi que les accords discrets passés ici et là entre Renaissance et LR pour se partager certaines circonscriptions, s’inscrivent dans la même logique. (…)
Le scrutin majoritaire à deux tours a très longtemps tenu le FN, puis le RN, à l’écart du pouvoir – hormis entre 1986 et 1988, où le FN disposait d’un groupe de trente-cinq députés, car l’Assemblée était élue à la proportionnelle. Alors qu’il représentait autour de 20 % de l’électorat dans les années 2000-2020, le FN/RN a été exclu du Parlement jusqu’en 2022. A cette date, la tripolarisation a cependant cessé d’être contenue par le mode de scrutin : en 2022, le RN a obtenu la majorité des suffrages dans des dizaines de circonscriptions.
(…) les législatives à venir, qui sont découplées de la présidentielle, devraient logiquement mobiliser davantage d’électeurs. Avec une participation plus forte, le seuil de 12,5 % des inscrits pour le second tour sera plus facile à atteindre : il y aura donc mécaniquement plus de triangulaires. (…)
Depuis [1958], on prête au scrutin majoritaire à deux tours des vertus magiques : il simplifierait l’offre politique en favorisant la bipolarisation et il garantirait la stabilité du gouvernement en évitant la dispersion des forces politiques. On oublie que la IIIe République a connu, malgré un scrutin majoritaire à deux tours, une forte instabilité et un grand émiettement partisan. On oublie également que le scrutin proportionnel est la norme, souvent depuis le début du XXe siècle, dans la plupart des démocraties européennes sans que ces pays soient mal gouvernés ou plus conflictuels que la France. (…)
Dans ces pays européens qui ont adopté la proportionnelle, le paysage politique diffère-t-il de celui de la France ?
Dans ces démocraties de compromis, les minorités ont davantage voix au chapitre que dans l’Hexagone, et les électeurs ne sont pas obligés, en raison du vote tactique du scrutin majoritaire, de choisir des partis dont ils sont éloignés. Ces pays ne sont en outre pas plus ingouvernables que le nôtre, car des dispositions constitutionnelles conditionnent l’adoption d’une motion de censure à l’existence d’une majorité alternative. (…)
Dominique Schnapper : « Le président suscite un rejet qui fragilise nos institutions » (Le Monde, Interview, 25 juin, article payant)
La sociologue, Directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), analyse, dans un entretien au « Monde », comment les principes de liberté et d’égalité, au fondement de la démocratie, peuvent se retourner contre celle-ci et aboutir à un seul climat de haine
Extraits :
Dans votre livre, vous déplorez l’essor d’une démocratie extrême, qu’entendez-vous par là ? Comment se manifeste-t-elle ?
Platon, Montesquieu et Tocqueville ont déjà souligné les excès possibles de la démocratie. Revenir à ces auteurs permet de penser ce moment où les principes qui la fondent, c’est-à-dire la liberté et l’égalité des citoyens, risquent de se retourner contre elle. L’aspiration à la liberté peut alors devenir un libertarisme hostile ou indifférent aux normes communes. L’aspiration extrême à l’égalité peut mener à des formes d’égalitarisme qui gommerait les singularités et les distinctions constitutives de la condition humaine et de la vie sociale. De fait, la distinction entre un élu et un citoyen, entre un professeur et un élève, entre un médecin et un patient est aujourd’hui moins bien acceptée. La dynamique démocratique peut avoir des effets contraires à ses promesses.
Nous assistons à la montée de tensions sociales qui empêchent la tenue des débats rationnels qui, avec l’esprit de compromis, font partie de la pratique démocratique. Le respect des institutions, nécessaire à la pratique démocratique, est ébranlé. L’assaut lancé, le 6 janvier 2021, contre le Capitole par des partisans de Donald Trump, convaincus que l’élection présidentielle avait été truquée, représente un grave exemple de ce délitement. En France, certains continuent de remettre en cause la légitimité de l’élection d’Emmanuel Macron, parce qu’ils ont été contraints de voter pour lui en 2022 pour faire barrage à l’extrême droite. Mais, en démocratie, il est habituel de voter souvent sans enthousiasme pour celui qui gérera le mieux ou le moins mal les affaires de la vie collective. L’enthousiasme pour le chef, c’est plus souvent pour un tyran.
Une partie de la population voue une haine particulière [à E. Macron]. Aucun de nos présidents n’a échappé à une forme de détestation, mais ce sentiment doit rester contrôlé, faute de quoi la démocratie ne peut pas fonctionner normalement. S’agissant de notre président, on en vient à oublier qu’il a été élu de manière conforme à la Constitution. On peut être en désaccord avec sa décision de dissoudre l’Assemblée et la critiquer, sans tomber pour autant dans la haine. Emmanuel Macron continue d’être perçu comme un homme arrogant. Je ne sais pas si c’est vrai, mais cette perception est devenue un facteur politique important. L’aspiration à l’égalité fait que les démocrates ont tendance à refuser toutes les formes de supériorité. Aujourd’hui, le président suscite un rejet qui fragilise nos institutions. Dans la vie politique démocratique, les adversaires politiques ne doivent pas devenir des ennemis. La haine corrompt la démocratie.
Dominique Schnapper : « Le président suscite un rejet qui fragilise nos institutions » (lemonde.fr)
Âge, sexe, profession, ancrage territorial: comment a évolué l’électorat du Rassemblement national? (19 juin)
Le RN a désormais l’électorat le plus proche de l’ensemble de la population française. Sur le plan géographique aussi, grâce à une progression en dehors de ses zones de force initiales (Le Figaro avec la Fondation Jean Jaurès, Graphiques)
European elections: “A fiasco” (June 17)
Free access : Élections européennes, le fiasco
Quelques réflexions au sujet des élections récentes et à venir (Contrepoints)
Excerpt :
En conclusion : La politique est source de conflits et de perversion. Elle est faite d’inconstance et de trahisons. Elle est bien trop souvent à courte vue, et repose beaucoup sur les circonstances et combinaisons du moment. Mais sans être notre horizon indépassable, et faute de songer à interdire les partis politiques, la démocratie conserve les défauts qu’elle a toujours eus par nature depuis ses premières origines. Il est donc vain de croire que l’on pourra espérer des transformations radicales par le simple fait de s’abstenir. Comme il est vain de croire que le chaos est souhaitable pour que les choses changent et que les politiques en tirent les leçons. Ce ne sont alors que les plus extrêmes ou opportunistes qui se chargeront d’en récolter les fruits.
La surenchère dans les promesses est ce qui risque bien une nouvelle fois de l’emporter. Celui qui gagnera les élections, dans les conditions actuelles et après plusieurs décennies d’illusion donnée aux Français que l’État peut tout et est en mesure de pourvoir à tous nos besoins (quoi qu’il en coûte), sera celui qui promettra aux électeurs de diminuer immédiatement l’âge de départ à la retraite (hors toute considération de bon sens ou de moyen terme), qui promettra de faire payer « les riches », qui assurera qu’il baissera la facture de gaz des ménages, ou tout autre fantasme susceptible de rameuter les foules à bon compte et sans souci des lendemains bien sombres qui ne manqueront pas d’en découler.
Dans ce contexte, il n’est cependant jamais inutile de persévérer dans l’idée qu’il reste possible par l’éducation, l’argumentation patiente, le débat, la transmission, de faire évoluer peu à peu les idées. Même si cela prend du temps – beaucoup de temps – et, qu’en attendant, bien des drames et désillusions se produiront.
Pour ceux qui aspirent à davantage de libéralisme, il n’est pas évident de s’y retrouver. Le terme « libéral » lui-même est galvaudé. Ceux à qui on attribue cette étiquette, que ce soit aux États-Unis où c’est pire encore, ou ici-même, en Europe comme en France (Macron est encore parfois qualifié de libéral !) ne le sont pas. Le libéralisme lui-même n’a pas vocation à se mêler de politique et à se constituer en tant que mouvement, alors qu’il s’agit d’un état d’esprit, d’une philosophie.
Nous le savons là encore, libéralisme et démocratie ont beaucoup de mal à s’accorder. Alexis Tocqueville avait déjà montré le caractère despotique de la seconde. Et il est bien difficile de se sentir pleinement satisfait, faute de mieux, sinon de son mode de fonctionnement, du moins de ses résultats. Il n’en reste pas moins que transmettre et diffuser les valeurs du libéralisme, notamment en direction de certains politiques qui pourraient s’en inspirer au moins partiellement, n’est pas une chose vaine. En d’autres temps, en d’autres lieux même aujourd’hui, cela existe. C’est donc que c’est possible. Sur le temps long. Et toujours avec l’idée que les choses sont fragiles et les succès temporaires.
En ces temps où l’on pourrait être tentés de baisser les bras, il est donc toujours utile de continuer de défendre nos valeurs, de les transmettre, de les diffuser, de débattre, d’argumenter. Pour que vive la liberté.
Élections européennes, le fiasco – Contrepoints
“You gotta bet big to win big in Europe” (June 14)
Pay wall :No wonder Macron’s gambling: Europe is home to the high-roller : You gotta bet big to win big in Europe (The Economist)
Excerpt :
Emmanuel Macron’s surprise announcement on June 9th that he was calling a snap parliamentary vote—just hours after his party got trounced in the European elections—has all the hallmarks of a compulsive gambler thinking a bad run can be fixed with just one last roll of the dice. The decision looks rash. It is also archetypally European. This is a continent where muddled politics means you must bet big to win big.
Politicians defiantly demanding voters either back ’em or sack ’em is one of those gory European specialities, like bullfighting or Balkan politics. Whereas in America elections are held at fixed intervals, in many European countries leaders can call votes to suit their purposes or flatter their egos. A stretch in the White House is enough to enter the history books. In Europe the incessant coming and going of leaders means staying around for a decent stint, and preferably getting something done, is necessary to be remembered. (…)
As soon as Mr Macron called the election, parallels were made with recent European history’s most ill-advised bet: David Cameron calling a referendum on Britain leaving the European Union in June 2016. This highlights the asymmetry between the payout from winning such a wager compared with the downside of losing. Lord (then plain Mr) Cameron personally stood to gain by shutting up the Eurosceptic wing of his party. Yet the brunt of defeat was borne more widely. Yes, Lord Cameron self-defenestrated and ended up for a time as a glorified lobbyist, before returning as foreign secretary last year. But Britain as a whole got a one-way ticket out of a club whose membership was vital to its interests. Heads I win, tails we all lose, and you lot pay the price.
(…) The main concern in Brussels is that Europe will suffer the collateral damage from this gambit of Mr Macron’s. Turning your own country’s politics into a flaming mess is seen as the prerogative of national leaders. Exporting that mess to the European level is considered bad form. Germany, the only eu country bigger than France, is already mired in coalition politics. Tedious as Mr Macron’s endless speeches on Europe can be, he has served as a useful figurehead for the union. Will that continue, if he loses? Foreign policy, and thus France’s stance in Brussels, is the president’s remit. But should he end up chastened in Paris, Mr Macron would effectively place limits on the ambitions of Europe as a whole.
No wonder Macron’s gambling: Europe is home to the high-roller (economist.com)
“France Is in Danger” (June 13)
Some free articles / week :Whatever happens next, it’ll go down as one of the wildest gambles in modern French history. President Emmanuel Macron’s decision to dissolve the National Assembly and hold snap legislative elections on June 30 and July 7 has given the far right its best shot at governing France for the first time since the Vichy regime of World War II (NYT, Guest Essay)
Excerpt :
The new elections are an attempt to salvage Mr. Macron’s second term. And he may genuinely believe voters will deliver him a fresh parliamentary majority, hoping his base of old and wealthy voters will once again show up to the polls in much greater numbers than the young and working-class voters who are less sympathetic to his presidency. Lingering animosity among various left-wing parties and a generalized fear of the far right coming to power could also play in his favor.
But there is a more cynical way of viewing Mr. Macron’s wager. As France’s far right continues to gain traction — its various obsessions propelled by a newly sympathetic media landscape and, in some cases, even inspiring pieces of legislation — it is increasingly favored to win the 2027 presidential election. Against this backdrop, Mr. Macron’s tactic can also be seen as an effort to derail the National Rally’s march to the Élysée Palace by, counterintuitively, forcing the party to govern.
In other words, the move could be a last-ditch bid to demystify the party’s anti-establishment allure by bringing it into the messy real world of policymaking, probably as part of a wider coalition. Under this theory, even the prospects of the National Rally securing an absolute majority and naming a prime minister of its own can be seen as a kind of worthy sacrifice: better to have Prime Minister Jordan Bardella, the rising star of the National Rally, than President Le Pen. (…)
In 2017 Mr. Macron, then a candidate, boldly announced his intent to “eradicate the anger” fueling support for the National Rally. Seven years later, it appears safe to say he has failed. He may well be remembered for a very different reason: not as a principled opponent of the far right, but as a reckless enabler in chief.
Opinion | France, With Elections, Is in Danger – The New York Times (nytimes.com)
“Double or quits : Emmanuel Macron is taking a big risk “ (June 11)
Pay wall :Emmanuel Macron wants a snap election to get him out of a deep hole (The Economist, Leader)
Excerpt :
(…) On the other hand, French voters have in the past always enforced a taboo about the hard right holding national office. Ms Le Pen has already done a lot to make her party more professional. If a rn prime minister surprised France on the upside, it could both make Ms Le Pen into a more normal candidate and enhance her popularity—rather like Italy’s right-wing prime minister, Georgia Meloni.
Yet Ms Le Pen has not yet shown that she aims to follow in Ms Meloni’s less extreme footsteps. If she were to win the presidency in 2027 with her current policies, it really would be alarming: she is pro-Russia, against heavily arming Ukraine, and deeply sceptical of the eu even if she no longer says that she wants France to leave it. A Le Pen presidency would be bad news for anyone who thinks that deeper integration is a necessary part of the solution to many of the problems Europe faces, from its deficit in technology to its energy transition. Race and religious relations in France would worsen and disruptive xenophobes like Hungary’s Viktor Orban would gain a powerful ally. The countries of the Balkans, banging on Europe’s doors for entry, would have longer to wait.
The irony in all of this is that what looks like a crisis in France has actually distracted attention from an election that was not as dire as centrists had feared. Europe as a whole saw no right-wing surge. The parties of the hard right collectively picked up only three or four percentage points of support; they did well in Germany and in Austria, as they did in France, but elsewhere they had a disappointing night. That slight loss of ground for the political centre will make governing in Brussels a little trickier, but not much. Yet the surge in France, and a smaller one in Germany, is hogging the headlines, in part due to Mr Macron’s surprise. We hope it was worth it.
Emmanuel Macron wants a snap election to get him out of a deep hole (economist.com)
Pascal Perrineau: “Macron’s decision is solitary, hasty and unreasonable” (June 11)
Pay wall :Pascal Perrineau : « La décision de Macron est solitaire, hâtive et irraisonnée » : Le politologue de Sciences Po analyse le séisme politique à l’œuvre depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale (Le Point, Interview)
Excerpt :
Le Rassemblement national est-il, d’après vos observations, prêt à gouverner ?
Le RN n’a pas de culture de gouvernement. Il n’a jamais gouverné seul une grande région, un département et même une grande ville si ce n’est Toulon il y a de nombreuses années, et ce fut une catastrophe, ou aujourd’hui Perpignan, mais c’est tout. Le RN a ses preuves à faire. En le portant au pouvoir, on prendrait un grand risque. Il faut s’attendre à une vaste agitation dont le pays n’a pas besoin. (…)
Le vote FN n’est pas le fruit d’un racisme invétéré, il est l’effet d’une préoccupation identitaire. Les Français sont inquiets, ils doutent, leur choix électoral est le signe de préoccupations matérielles et immatérielles. Il ne faut pas négliger non plus la réaction anti-élitiste. Ce n’est pas un hasard si la France est le pays en Europe où le vote d’extrême droite a été le plus haut aux européennes. La coupure entre le bloc des élites et le bloc populaire est préoccupante. Les élites donnent l’impression d’évoluer dans leur monde, et cela dans toutes les institutions, l’université, l’entreprise, comme Jacques Julliard l’avait bien souligné dès 1997 dans La Faute aux élites en constatant la rupture croissante entre le peuple et ses élites intellectuelles. L’élitisme, c’est la démocratie sans le peuple. Le populisme, c’est le peuple sans la démocratie.
Pascal Perrineau : « La décision de Macron est solitaire, hâtive et irraisonnée » (lepoint.fr)
“The day Narcissus broke the mirror” (June 11)
Pay wall :Le jour où Narcisse a cassé le miroir : M. Macron a tellement fait pour l’ascension du RN qu’on peine à croire qu’il puisse maintenant l’endiguer par un coup de poker hasardeux (Le Point, Editorial)
Excerpt :
Les Français, qui ne l’ont pas aidé, ne s’aident pas eux-mêmes. S’ils ont propulsé le Rassemblement national à une hauteur vertigineuse, ils ont, en plus, validé la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, grand flagorneur de passions tristes, y compris de l’antisémitisme. Contrairement à ce qu’annonçaient les gazettes, LFI n’a pas été sanctionnée, au contraire, sa « gazaouisation » lui a même profité, comme on a pu le vérifier avec ses scores de Lille ou de Strasbourg. Faut-il croire que les deux extrêmes sont désormais appelés à se disputer la France d’après Macron, le président n’ayant laissé, à la fin, que des décombres en héritage ?
Le jour où Narcisse a cassé le miroir (lepoint.fr)
“In Calling Elections in France, Macron Makes a Huge Gamble” (June 11)
Some free articles / week :The president has challenged voters to test the sincerity of their support for the far right in European elections. Were the French letting off steam, or did they really mean it? (NYT, Analysis)
Excerpt :
Why play with fire in this way? “It’s not the same election, not the same form of ballot, and not the same stakes,” said Jean-Philippe Derosier, a professor of public law at the University of Lille. “Macron apparently feels it’s the least bad choice to have a possible National Rally prime minister under his control, rather than a Le Pen victory in 2027.”
In other words, Mr. Macron, who is term limited and will leave office in 2027, may be flirting with the notion that three years in office for the National Rally — turning it from a party of protest to a party with the onerous responsibilities of government — would stall its inexorable rise.
It is one thing to rail from the margins, quite another to run a heavily indebted and polarized country so angry over the level of immigration, crime and living costs that many French people seem driven by a sentiment that “enough is enough.”
As in other Western societies, including the United States, a widespread feeling of alienation, even invisibility, among people outside the wired cities of the knowledge economy has led to a broad feeling that the prevailing system needs blowing up. (…)
“France is a country of the discontented, but Mr. Macron has provoked an acute form of personal resentment,” Mr. Duhamel said. “He has given many French people the feeling of being inferior, and they detest that.”
Macron’s Early Election Call After EU Vote Is a Huge Gamble – The New York Times (nytimes.com)
“With the dissolution, Macron seeks less to respond to the democratic crisis than to make it invisible” (June 11)
Pay wall :Christophe Guilluy: «Avec la dissolution, Macron cherche moins à répondre à la crise démocratique qu’à l’invisibiliser» – Pour le géographe, la percée du RN aux Européennes a été portée par un mouvement existentiel de contestation de «la France d’en haut». Dans ce contexte, la dissolution de l’Assemblée nationale s’apparente à une fuite en avant qui pourrait aussi être un pari risqué (Le Figaro, Interview)
Christophe Guilluy: «Avec la dissolution, Macron cherche moins à répondre à la crise démocratique qu’à l’invisibiliser» (lefigaro.fr)