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Le Point, 8 mai
Étienne Gernelle : « Il faut sauver le Parti socialiste ! »
ÉDITO. Après l’agression de Jérôme Guedj, Olivier Faure a une fois encore trembloté face à LFI. Les liens auraient dû être rompus depuis longtemps : la démocratie a besoin d’une gauche de gouvernement.

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La scène était terrifiante, la suite fut pire. Le 1er mai, à Paris, le stand du Parti socialiste fut la cible d’un véritable assaut de la part de militants d’extrême gauche cagoulés. Le porte-parole du parti, Jérôme Guedj, malmené, insulté, avec un vocabulaire qui ne laisse aucun doute sur la nature antisémite de l’agression, a dû être exfiltré. Où est-on ?
Certes, la haine des modérés, des « sociaux-traîtres », des mencheviks est une vieille passion de la gauche extrême ; la violence physique, son mode opératoire habituel ; et l’antisémitisme, une plaie qui n’est pas nouvelle dans ses rangs. Le problème, ici, réside dans la réaction relativement molle du chef du parti, Olivier Faure, qui n’a pas– c’est révélateur et stupéfiant – été capable de passer un coup de fil à Jérôme Guedj le soir même. Oubli, inattention ou embarras ? La dernière réponse est certainement la bonne, car ce n’est pas la première fois que Faure tremblote face au pire et, au fond, transige avec l’inacceptable.
Le chef du PS ne sait visiblement plus où il habite, et pour cause, il a vendu deux fois son parti à LFI : en 2022, au moment de la Nupes, et en 2024, avec le NFP. La politique passe parfois par des alliances de nécessité – et elles ne sont pas toujours glorieuses –, mais Faure est allé beaucoup plus loin que cela en se soumettant servilement à Jean-Luc Mélenchon.
Inventaire de l’abject
Or, de quoi le « lider maximo » insoumis est-il le nom ? Complaisance, à l’extérieur, envers des dictateurs, de Poutine à Maduro, et, à l’intérieur, envers les violences des black blocks ; refus de qualifier le Hamas de mouvement terroriste et usage répété, par lui-même ou ses ouailles, d’une rhétorique antisémite ; le tout sur fond de culte de Robespierre, l’auteur de la sinistre Loi des suspects, et de détestation de l’humoriste Sophia Aram, accusée d’être trop laïque… Et l’on pourrait continuer longtemps cet inventaire de l’abject.
La promesse du premier livre de Jean-Luc Mélenchon, intitulé À la conquête du chaos, publié en 1991, a donc été tenue ! Le gourou de la secte insoumise ne cachant pas grand-chose de ses intentions, le PS n’a d’ailleurs pas beaucoup d’excuses. Il aurait dû rompre depuis longtemps. Certes, la séparation semble bien avoir débuté, et même Olivier Faure a commencé à l’assumer. Mais les liens de compromission sont encore là.
Oui, il faut sauver le PS ! Ce n’est pas une affaire de boutique électorale mais d’intérêt général : où finit une démocratie sans possibilité d’alternance raisonnable ? L’existence d’une gauche de gouvernement est un enjeu qui dépasse largement celui de la gauche. Le cas du PS est d’autant plus important que chez Les Écologistes la subordination à LFI semble coulée dans le béton. En témoigne l’atroce sortie de sa patronne nouvellement réélue, Marine Tondelier, suggérant que Jérôme Guedj avait pris des risques inutiles en conviant des journalistes à le suivre le 1er mai. En clair, tout cela était un peu de sa faute… Devant le tollé, elle a présenté une explication alambiquée et des excuses, mais l’épisode en dit long sur sa relation de dépendance à LFI.
Relire Clemenceau
Reste donc le PS. Dans Le Défi de gouverner (Perrin), paru en 2024, François Hollande faisait remonter l’histoire de la gauche de gouvernement à l’affaire Dreyfus. L’engagement de Jaurès (après Clemenceau) dans le camp des dreyfusards fut effectivement un acte fondateur. À cet égard, la réaction mesurée du chef du PS aux injures antisémites dont fut l’objet Jérôme Guedj (tout comme l’eurodéputée Emma Rafowicz) constitue, pour le parti, un spectaculaire et tragique retour en arrière.
Il lui serait utile, en tout cas, de réviser ses classiques. Et, par exemple, de relire – ou lire – l’un des pères fondateurs de la gauche de gouvernement, d’ailleurs trop peu cité par François Hollande dans son livre, mais auquel certains au PS se réfèrent encore, comme Carole Delga et Michaël Delafosse : Georges Clemenceau. Lui ne cédait rien ni aux apôtres du chaos, ni aux antisémites, ni aux sectaires.
Le Point, 1 mai
« La gauche ne sait plus parler au beauf »
ENTRETIEN. Rose Lamy, militante féministe, vient de publier un essai très personnel sur la beaufitude. « Le Point » a échangé avec elle.
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« Mais quel gros beauf ! », peut-on parfois entendre, penser ou s’exclamer. Née en 1973 sous le coup de crayon de Cabu, dessinateur de Charlie Hebdo, la figure du « beauf » est désormais ancrée dans l’imaginaire collectif. Il est ce personnage grossier, grivois, mal fagoté, crado sur les bords, pas très fute-fute et souvent persuadé d’avoir raison contre le reste du monde. Le sociologue Gérard Mauger, spécialiste du sujet, définit le beauf comme « un personnage porteur de stigmates, caractérisé par sa bêtise épaisse et son bon sens supposé. »
Peut-on résumer la France des « beaufs » à cette seule représentation sociale, pas totalement fausse, mais construite sur des a priori méprisants ? Non, évidemment, et c’est pourquoi il faut lire Ascendant beauf (éditions du Seuil), publiée par Rose Lamy. Cette militante du droit des femmes, bien ancrée à gauche, connue pour son compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre, se réapproprie dans ce nouvel essai très intime la figure du beauf.
L’autrice, qui s’assume d’ailleurs en tant que « beaufe », raconte avec une certaine forme de tendresse son enfance coiffée d’une coupe mulet, sa famille, les claques sociales qu’elle s’est prises quand elle s’est mise à fréquenter la petite-bourgeoise intello-culturelle. Ce livre n’est pas qu’un livre. C’est un témoignage puissant d’une femme de gauche, qui, on l’espère, finira par inspirer son camp politique, trop souvent enclin à se vautrer dans le mépris social.
Le Point : Qu’est-ce qu’un beauf ?
Rose Lamy : Le dessinateur Cabu en a fait un personnage emblématique de la bande dessinée, mais le concept de beauf reste difficile à définir. Tout dépend des référentiels de chacun. Est-ce quelqu’un qui a de mauvais goûts ? Une personne perçue comme stupide, pauvre, peu attirante, inculte, voire proche de l’extrême droite ? L’édition 2021 du Grand et du Petit Larousse le décrit comme un « Français moyen aux idées étroites et bornées, se comportant généralement avec vulgarité ».
Pour ma part, je pense que la « beaufitude » est liée à un déficit supposé de capital culturel, combiné à une faible volonté de transformation personnelle. Le beauf, s’il existe, serait celui ou celle qui se laisse aller, qui ne fait pas l’effort d’améliorer sa condition.
La figure féminine du beauf, la « beaufe » donc, semble moins incarnée. Comment la représenteriez-vous ?
La beaufe, lorsqu’elle est représentée, apparaît souvent comme l’épouse de son « bonhomme », à l’image de personnages comme Mesdames Bidochon, Tuche ou Groseille. Dans les médias, elle est rarement mise en avant, sauf lorsqu’elle est évoquée en tant que victime de violences conjugales. Elle ne fait pas la une, n’est pas au centre des grands débats de société, et aucune réflexion féministe approfondie ne lui est consacrée.
Elle se distingue de la femme bourgeoise parisienne, perçue comme chic et détachée, par son apparence marquée par l’excès. La beaufe est définie par le « trop » : trop vulgaire, trop négligée ou à l’inverse trop sexualisée, ou réduite au stéréotype de la cagole. Elle est incarnée par des figures comme Loana, Nabilla ou les stars de la télé-réalité et des réseaux sociaux.
A-t-on conscience d’être beauf quand on est beauf ? Patrick Sébastien est souvent étiqueté beauf. Il dit même que si, comme lui, être beauf c’est être humaniste et ne pas boire d’alcool, alors il est fier de l’être.
Il a raison. Et cela illustre que le concept de beauf, en réalité, en dit davantage sur la personne qui l’emploie pour désigner quelqu’un que sur celle qui est visée. D’ailleurs, même lorsque j’utilise ce terme, je le fais avec beaucoup de distance, car je suis bien consciente que je suis moi-même assez proche de cette figure. Je me demande simplement ce que cela changerait si on acceptait ce mot, si on disait : « Oui, d’accord, je suis ça. » Mais sans en faire une fierté ou une revendication.
Je pense qu’on est tous un peu beauf à certains endroits. Par exemple, en ce moment, je fais des tournées en librairie et des interviews. Pour beaucoup, ce n’est pas du tout « beauf ». Et pourtant, moi, j’ai parfois l’impression d’être la « beaufe » du milieu de l’édition : je viens des réseaux sociaux, avec un petit diplôme, et au début, on se demandait un peu ce que je faisais là. Dans ce sens, je me dis : « Oui, d’accord, je suis la beaufe de l’édition. » Ça me va. Mais je n’en retire pas pour autant une fierté identitaire.
Vous écrivez que la gauche ne sait plus parler au beauf. Pourquoi ?
J’ai l’impression que cela repose, en partie, sur un phénomène analysé par le sociologue Gérard Mauger, qui s’est spécialisé dans l’étude du personnage du beauf. Selon lui, cette rupture remonte à Mai 68, un moment historique où l’aspiration à la révolution reposait sur le prolétariat, censé être le moteur du changement. Or, lorsque ce prolétariat a été appelé à voter, il a majoritairement soutenu la coalition de De Gaulle. Cela a créé un sentiment de trahison, je pense, et a marqué le début d’un discours de mépris et de brutalité envers cette population, perçue comme refusant le changement et la transformation.
Le RN le fait-il mieux ?
Non, car il les assigne à autre chose : un repli sur soi, une posture défensive, et souvent un discours raciste. Cette vision ne correspond pas à mon expérience de mon milieu, où il y a aussi beaucoup de lumière, d’amour et de joie. En essentialisant les classes populaires comme intolérantes et fermées, on ne leur rend pas service.
Par ailleurs, sur les questions de lutte des classes, le RN n’agit pas. Ce qui nuit aux classes populaires, ce sont les politiques d’austérité, les diminutions budgétaires qui amènent à la fermeture des services publics que le RN cautionne. On notera aussi l’absence de mesures concrètes dans leurs programmes, comme le retour de l’ISF.
Pourquoi écrivez-vous que le concept de beauf sert à déshumaniser les classes populaires ?
J’ai essayé d’appliquer un principe issu de la lutte féministe, qui montre qu’il existe un continuum de violence sexiste, débutant par les mots. Les mots sont essentiels : par exemple, remplacer « crime passionnel » par « féminicide » a permis de politiser le sujet. De la même manière, les injures et le dénigrement facilitent, plus tard, des violences physiques, des agressions sexuelles, voire des féminicides. Tout cela est lié.
Avec la figure du beauf, on désensibilise au sort des classes populaires. Ce mythe, ce personnage-repoussoir qui n’existe pas vraiment, réduit les gens des classes populaires à des blagues ou des stéréotypes, leur retirant une part d’humanité. Au bout de ce continuum, ces classes sont les premières victimes d’accidents du travail, d’une espérance de vie réduite, ou encore d’inégalités dans les déserts médicaux. Mon objectif était de montrer que ces mots, loin d’être anodins, participent à un système d’oppression qui tue.
Vous combattez dans ce livre la « gentrification culturelle ». Qu’est-ce que ce concept ?
Ce que j’appelle la gentrification culturelle suit la même logique que la gentrification urbaine, mais dans le domaine de l’art et du discours. Les classes dominantes s’installent dans un territoire de la culture pop, l’annexent, et le détruisent en le vidant de ce qui faisait sa nature « populaire ».
L’exemple de Juliette Armanet reprenant la chanson « Tu m’oublieras » de Larusso sur France Inter illustre bien ce phénomène. Larusso, avec son style festif et disco, a été moquée à l’époque. Mais dans la version d’Armanet, épurée et solennelle, la chanson devient soudain « belle » pour certains, car nettoyée de son vernis beauf.
Le beauf est parfois à la mode. Les coupes mulet fleurissent sur les têtes des jeunes hommes occidentaux et on redécouvre parfois les tee-shirts loup. On en revient à la gentrification culturelle. J’ai porté cette coupe toute mon enfance. Je pense que quelqu’un issu des classes populaires va plutôt fuir une coupe qui l’a stigmatisé.
Le Figaro, 30 avril
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers : « Ce que dit le narcotrafic de l’affaissement de la France »
Le trafic, la drogue et le crime organisé n’ont pas attendu notre temps pour semer la mort, mais il faut être Pangloss pour ne pas voir que nous ne cessons de franchir des seuils.
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En France, le narcotrafic, c’est l’autre nom des conséquences. Quand un pays s’affaisse, cède aux pressions migratoires, relâche son autorité, dégrade son école, disloque les familles, efface sa culture, il laisse place à l’argent facile, à la violence sauvage, aux plaisirs autodestructeurs. En cinquante ans, nous sommes passés de Borsalino à la DZ Mafia. Le conseil municipal d’une petite ville de province qui, au début des années 1980, réglementait les alambics, découvre, dans ses rues, l’horreur du trafic de crack.
De Marseille à Saint-Ouen, le Petit Nicolas et ses copains marchent au parc ou dans la cour de l’école sur les seringues ou les sachets de poudre. Rennes résonne du bruit des kalachnikovs et, de Poitiers à Grenoble, les braves gens croisent, entre deux courses, l’un des trois mille « points de deal » qui gangrènent notre pays. Évidemment, le trafic, l’addiction, la drogue, le crime organisé n’ont pas attendu notre temps pour semer la mort, mais il faut être Pangloss pour ne pas voir que nous ne cessons de franchir des seuils. « Péages » à l’entrée de cités, partition du territoire, conférence de presse menaçante et maintenant attaques de prison : c’est tout l’ordre social qui est ébranlé. L’État tente de répondre, pied à pied, mais tout indique qu’il est débordé.
C’est pour cela que la loi portée par Bruno Retailleau et Gérald Darmanin était plus que nécessaire. Nécessaire mais certainement pas suffisante. Cette loi est un préalable, mais le sursaut doit être d’une tout autre ampleur. Il exige que les mots retrouvent enfin leur sens. La frontière sans laquelle il est impossible d’empêcher les trafics. La sanction qui devrait être immédiate et impitoyable, du gros bonnet au consommateur en passant par les vendeurs, les guetteurs, les transporteurs. L’Éducation qui élève l’homme au-dessus de ses pulsions. La langue qui libère du seul langage de la violence. La culture, la sociabilité, les attachements, la transmission, les efforts du corps, la vie de l’esprit : toutes ces richesses immatérielles qui surclassent, sans convoquer la morale, les paradis artificiels.
Les narcotrafiquants n’ont pas seulement fait dans notre pays plus de cent morts en un an. Ils posent aussi à notre société disloquée, déboussolée, déprimée, une question existentielle.
Atlantico, 30 avril
Toi victime voter pour moi : La France peut-elle encore échapper au piège de l’apartheid identitaire et politique ?
Après la mort tragique d’un jeune fidèle sauvagement assassiné dans une mosquée du Gard, nombre de responsables politiques se sont lancés dans une exploitation éhontée des sentiments victimaires auxquels ils assignent les musulmans.
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Atlantico : Quelle est la réalité des discriminations à raison de la religion ou de l’origine ethnique en France ? Quel est le sentiment des Français à ce sujet ?
Guylain Chevrier : En France, selon l’enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS), menée par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) et publiée en novembre 2024, on relève une « très forte hausse » (+52 %) des discriminations déclarées entre 2021 et 2022, sur la base de leurs origines (48 %) et de leur couleur de peau (29 %). Viennent ensuite les critères de la religion (25 %) et du sexe (21 %). L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) précise par ailleurs, dans une enquête parue en novembre 2024, que le sentiment de discrimination augmente d’une génération à l’autre pour les personnes d’origine non européenne alors qu’il recule chez ceux originaires d’Europe…
Mais que dire de ce reflet fondé sur le « vécu » et le « ressenti » alors que les statistiques elles-mêmes de la Défenseure des droits dans son dernier rapport annuel 2024 donnent un tout autre reflet de la chose. Sur l’ensemble des 140 996 réclamations et demandes d’informations, orientations qu’elle a reçues, 5679 concernent la lutte contre les discriminations (-15% vis-à-vis de 2023 (6 703)). C’est le critère du handicap qui arrive en tête, celui de l’origine se situe à 15 %, des convictions religieuses à 3 %… Selon le ministère de la Justice, entre 2017 et 2021, 3 700 affaires en moyenne par an relatives aux discriminations, aux injures ou diffamations publiques à caractère raciste ont été traitées par les parquets. Elles représentent 0,1 % de l’ensemble des affaires du champ pénal traitées au cours de la même période. Il s’agit avant tout d’affaires d’injures publiques (76 %). Des discriminations existent, aucune n’est acceptable, mais même en multipliant par dix ce chiffre, rien ici ne désigne la France comme gangrénée par le racisme.
Un total de 173 faits antimusulmans ont été recensés en 2024. Ce chiffre est en diminution de 29 % par rapport à l’année 2023, marquée par 242 faits, selon le ministère de l’Intérieur. Les faits antimusulmans ont ainsi représenté 7 % des faits antireligieux, selon le ministère. Pas plus là on ne peut justifier l’idée d’une France antimusulmane.
Il est assez significatif que, selon une enquête de l’Ifop de décembre 2023, 20 ans après la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’école, les deux tiers de nos concitoyens de confession musulmane, 65 %, se disent favorables au port de ces derniers, contre seulement 18 % pour l’ensemble des Français. Une enquête de l’Observatoire Sociovision de novembre 2014 file:///C:/Users/chevr/OneDrive/Bureau/7775825413_note-sur-la-laicite-sociovision-octobre-2014.pdf soulignait que pour 82% des Français la religion était une question privée, les signes d’appartenance religieuse devant rester discrets en public. On voit bien le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à se faire comprendre concernant des mœurs propres à notre société qui font des convictions religieuses ou autres une question de for intérieur, à la faveur de ce que l’on met en commun d’abord pour faire ensemble société.
Les Français forment-ils toujours une “communauté politique” cohérente ou courent-t-ils le risque de se diviser en chapelles communautaires, à ne plus faire nation ? Comment penser aujourd’hui une communauté politique affranchie d’une identité partagée et consensuelle ?
Arnaud Benedetti : C’est de plus en plus difficile quand à chaque tragédie de ce type, des personnalités politiques en profitent pour donner une lecture accentuant les tensions. Ce n’est pas de la compassion, c’est un jeu malsain. Effectivement, une partie de la classe politique, singulièrement LFI, ne joue plus le jeu de la République et du socle commun. Notre capacité à être un peuple uni s’étiole à mesure que les spécificités communautaires se font jour et sont valorisés, distinctes les unes des autres.
Guylain Chevrier : Nous voyons bien la difficulté à faire nation aujourd’hui, avec la montée des affirmations identitaires et communautaires qui taraude notre société depuis les années 80, ce qui n’a cessé de se renforcer. L’immigration poussée par les guerres et les régimes autoritaires ou/et religieux intégristes vient de plus en plus loin, et pas seulement en milliers de kilomètres, mais aussi sur le plan culturel. Bien des pays ne séparent pas, par exemple, le religieux de l’Etat tout en menant la vie dure aux minorités religieuses ou culturelles différentes. Le fait d’avoir vécu dans ce type d’Etat, que l’on ait été de la communauté majoritaire ou d’une communauté minoritaire, on aura tendance à se penser en communautés. Le problème est ainsi, que les nouveaux arrivants ne sont pas nécessairement prédisposés à adopter le modèle républicain. Et cela est redoublé par des discours d’acteurs politiques parfois opposés sur ce qui doit être défendu comme socle commun au sein de notre propre société, jetant la confusion et le trouble, comme d’ailleurs on le voit bien à l’occasion de ce terrible assassinat.
Les jeunes issus de l’immigration bien des générations après l’installation de leurs ascendants ont, dans ce contexte, un rapport assez mythifié au pays d’origine de ces derniers. Ils présentent même un conflit de loyauté entre le pays d’origine et celui d’adoption. Ce qui se manifeste parfois par des comportements revendicatifs à caractère religieux en rupture avec les habitus de notre pays. Il y a là une sorte d’angle mort qui doit être pris en compte pour en déjouer les risques, trop souvent négligé, qu’il faut nommer.
Faire en sorte que soit intériorisé le modèle de société qui est le nôtre est un combat, ce n’est pas simplement une question de bonne pédagogie, mais d’un choix de société qui est profondément ancré dans notre modèle républicain. Il faut parvenir à montrer, par-delà les singularités de chacun, l’intérêt que représente le fait de se rassembler autour de valeurs et de principes communs pour faire peuple, à l’aune de la façon dont ce concept politique a émergé devant l’histoire pour conquérir une liberté dont tous bénéficient. On a toujours tendance à valoriser une liberté économique et une paix que beaucoup viennent chercher en s’installant en France, mais elles ne doivent pas être déliées des grandes libertés individuelles et publiques, de la citoyenneté, qui en sont indissociables. C’est la seule façon pour que cela puisse être compris et adopté, comme formant un espace commun au-dessus de ce qui nous différencie par ailleurs, sans s’y opposer nécessairement.
La réaction médiatique et politique au terrible meurtre de ce jeune musulman n’est-t-elle pas de nature à alimenter ce communautarisme, qui se nourrit aussi de l’émotion et de l’immédiateté ? Il n’a pas fallu une seconde pour que les causes de ce meurtre soient évoquées par les journalistes et politiques, sans qu’on ne sache pourtant grand-chose des circonstances.
Arnaud Benedetti : Dans une société travaillée par le fait communautaire, ethnique et religieux, les « narcissismes des petites différences », l’instrumentalisation des drames pour accentuer ces fractures est monnaie courante. Chacun cherche dans ces faits une confirmation de ses thèses. C’est regrettable pour tenir un débat public apaisé. Et ce phénomène est accentué par l’immédiateté du système médiatique qui commande de commenter dans la nanoseconde des évènements tragiques et complexes, sur lesquels on ne sait parfois quasiment rien. Les forces politiques jouent de la communautarisation pour s’imposer et capter des parts de marché électorale, qui, toutes à leurs préoccupations de groupes, réclament des prises de paroles fortes et rapides, parfois sans nuances. Les acteurs politiques sont complices de cette polarisation et souvent l’aggravent.
Guylain Chevrier : C’est la grande tendance médiatique de notre temps, l’information circule à toute vitesse avec un nombre d’informations que personne ne peut plus maitriser, ou l’émotion du coup l’emporte, avec une injonction qui en découle que tout soit dit dans l’instant. Les faits pourtant, contrairement à l’apparence, ne parlent pas d’eux-mêmes, mais nécessitent un temps de recul. C’est ainsi pourtant que percent des exigences exorbitantes dans ce contexte inflammatoire. Face au crime sanglant de ce jeune Malien musulman, Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, invité de France info ce lundi, a “regretté” que le Parquet national antiterroriste (Pnat) ne se soit pas, pour l’instant, saisi de l’affaire. Tous les éléments “auraient dû [le] pousser” à le faire, a-t-il estimé, ajoutant qu’une “grande majorité des musulmans de France ont le sentiment que la haine [à leur encontre] n’est pas prise au sérieux de la même façon que les autres haines”. Sur BFMTV, Mourad Battikh, l’un des avocats de la famille de la victime, juge ce choix “absolument choquant”. “Moi, la vidéo que j’ai pu voir, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que c’était un acte terroriste”. “Mettez-vous à la place des fidèles, qui ont l’impression et le sentiment que ce « deux poids, deux mesures” » se matérialise un peu plus chaque jour.” Des propos extrêmement graves.
En réalité, rien de cela, le Parquet national antiterroriste assure que les faits survenus sont toujours “en évaluation” par ses services. Mais à ce stade de l’enquête selon lui, ce crime ne s’inscrit pas dans un projet qui a pour objet de “troubler gravement l’ordre public” par “l’intimidation ou la terreur”, le critère défini par le Code pénal pour considérer qu’une infraction est terroriste. Les premiers éléments évoquent un périple meurtrier, qui ne s’inscrit dans aucune idéologie. L‘auteur du crime, Olivier H. s’est filmé après les faits en train d’insulter Allah, promettant de tuer au moins deux autres victimes afin de pouvoir être considéré comme un tueur en série. Il nie néanmoins avoir agi par haine de l’islam et assure “avoir tué la première personne qu’il a trouvée” sur son chemin, selon son avocat italien, Giovanni Salvietti. Le procureur d’Alès, Abdelkrim Grini, a aussi souligné qu’il avait “peut-être (…) des motivations de fascination de la mort, d’envie de donner la mort, d’envie aussi d’être considéré comme un tueur en série”. Une information judiciaire a été ouverte pour meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion, a annoncé, lundi après-midi, la procureure de Nîmes. Actuellement en Italie, où il s’est livré aux autorités, le suspect sera auditionné après avoir été extradé vers la France, ce qui sera déterminant pour la suite de la qualification de son acte. Le procès fait ainsi à la justice et à la France déborde d’erreurs de jugement, mais qu’importe, il aura fait son effet.
LFI s’est ruée sur le cas, alors que ses membres dénoncent souvent les “récupérations” politiques d’autres affaires. Comment expliquer cette dichotomie ? Entretiennent-t-ils certaines communautés dans un ressentiment victimaire dans un but électoraliste ?
Arnaud Benedetti : Jean-Luc Mélenchon n’est plus à une contradiction près. Lui et son parti sont allés très loin immédiatement, sans aucun recul, car il ont trouvé l’opportunité de pousser leur agenda politique et d’imposer leur récit. Ils sautent sur tout ce qui se présente. C’est du clientélisme pernicieux car il assigne et essentialise des communautés. Ce faisant, ils ont rompu avec le logiciel universaliste de la gauche républicaine et reprennent à leur compte les discours de victimisation des Frères Musulmans, auxquels ils ont emprunté toute la rhétorique. De la même manière, vous noterez l’emploi par le premier ministre Bayrou du terme d’ « islamophobie » immédiatement, sans attendre les conclusions d’une enquête, car aujourd’hui, les hommes politiques sont soumis à la dynamique du système médiatique. Ils collent à ce qui se dit ou anticipent ce qui sera dit. Ils ne veulent pas être en retard dans la dénonciation et la compassion. Pour François Bayrou, ce fut aussi peut-être un moyen de se distinguer d’Emmanuel Macron ou d’éviter d’affronter une polémique supplémentaire face à la gauche.
J’ajoute qu’une personne comme Ritchy Thibault, qui a appelé à la constitution de milices d’autodéfense, a adopté un comportement factieux. Ni plus, ni moins. Et on retrouve malheureusement souvent cette tendance chez LFI.
Guylain Chevrier : Lors du rassemblement organisé place de la République, à Paris, dimanche, « contre l’islamophobie », en réaction à cet assassinat d’un fidèle musulman, Ritchy Thibault, collaborateur de la députée (La France insoumise, LFI) de Seine-et-Marne Ersilia Soudais, a appelé à « constituer partout dans le pays des brigades d’autodéfense populaire » pour se défendre contre « l’islamophobie ». « On ne peut pas compter sur les institutions. La police, la justice véhiculent l’islamophobie et le racisme. On ne peut compter que sur nous-mêmes », a-t-il lancé. Un appel au parfum d’insurrection, le ton est donné.
S’il y a sans doute une part d’authenticité dans la façon dont on s’indigne du côté de LFI, la dénonciation de ce crime sous ce signe d’amplification et comme un acte « islamophobe », désigne déjà par elle-même que cette organisation politique cherche aussi autre chose et de longue date. On sait la nocivité de ce terme qui biaise le combat antiraciste pour en faire un combat contre toute critique d’une religion, contre le droit au blasphème. On a à l’esprit la manifestation « Stop à l’islamophobie » du 10 novembre 2019, avec en toile de fond le Collectif contre l’islamophobie en France, depuis dissout, jugé comme entretenant « des liens étroits avec des tenants d’un islamisme radical invitant à se soustraire à certaines lois de la République », initiative soutenue par des organisations de gauche dont la LFI, où plusieurs personnes arboraient des étoiles jaunes, mais à cinq branches, dont certaines épinglées sur des enfants. Un sondage Ifop pour La Croix confirmait les résultats du travail d’ancrage électoral de LFI auprès des musulmans sur fond de victimisation, après le scrutin des européennes du 9 juin 2024, en indiquant que 62 % des citoyens français musulmans avaient voté pour La France insoumise. Mais LFI n’est pas seule à la manœuvre, Sabrina Sebaihi, députée d’Europe Écologie Les Verts (EELV), a lancé une pétition pour demander la création d’un « groupe d’études sur l’islamophobie » à l’Assemblée nationale, en s’appuyant sur la même logique de victimisation. La jonction a ainsi été faite entre l’islam politique qui instrumentalise la victimisation d’une religion pour atteindre ses buts et des forces politiques qui, peu ou prou, concourent au multiculturalisme contre la République.
Pleure-t-on plus “ses” victimes que la violence en elle-même ?
Arnaud Benedetti : Il y a un processus de replis communautaire et de fragmentation. C’est un discours communautariste qui s’impose progressivement. Celui de Mélenchon est même sur-communautarisé, avec le risque de le reprendre comme un boomerang en pleine face puisque par mimétisme, les autres communautés adoptent des réflexes identitaires aussi. Le socle universaliste s’affaiblit face à cette manœuvre mais aussi face à la réalité d’une immigration massive et éloignée sur le plan culturel. De fait, chaque niche communautaire va donc avoir tendance à pleurer les « siens » avant les « autres « , et à privilégier « ses » victimes. C’est ce qu’on appelle chez les anglo-saxons du « cherry picking », c’est-à-dire la sélection et la mise en avant de faits qui vont dans votre sens. Ainsi, quand cet assassin ignoble a mis ses 50 coups de couteaux à sa victime, il a bien tenu des propos laissant à penser qu’il commettait un acte anti-musulman, mais était-ce le déterminant de son crime ? Le passage à l’acte était-il lié à cela ? Il y a le devoir de prendre du recul avant de projeter ses obsessions. Le portrait-robot du tueur que l’on connait pour le moment, issu de la communauté rom bosnienne et de l’immigration, n’est peut-être d’ailleurs pas celui qu’espérait LFI. Gardons notre calme face à ce type d’actes plutôt que de les « récupérer », surtout quand ils sont isolés et ne s’inscrivent pas dans une récurrence.
Guylain Chevrier : L’émotion est un instrument très convaincant pour enflammer les esprits, et dans les cas de violence sur personne, si on se contentait d’écouter les proches, nous serions fréquemment face à une justice assez expéditive, ce qui est vrai aussi des réactions communautaires. Mais plus encore ici, où on oppose victime contre victime, à l’image de l’argument d’un deux poids deux mesures qui pourrait exister, selon d’aucuns, entre les victimes musulmanes et les autres.
On pleure plus ses victimes au sens de membres de la communauté et moins de la violence qui frappe la liberté d’opinion, de conscience, et finalement la liberté de tous. Ce qui est d’ailleurs dommageable dans la mesure où, à renvoyer chacun à pleurer ses morts, on ne peut plus les pleurer ensemble au nom de ce qui nous unit par-delà les différences. Mais c’est assez logique finalement, puisque tout ne semble pouvoir se penser qu’en termes de communautés. Le terme « islamophobie » relève pleinement de cela, lorsqu’il n’entend dénoncer qu’une atteinte réduite à une seule religion, il isole, il divise, il oppose. Il y a longtemps que l’on travaille à tenter de judiciariser ce terme qui serait, pour les tenants de sa promotion, non seulement le moyen de faire taire toute critique de l’islam devenant poursuivable devant les tribunaux, mais aussi d’imposer par cette sacralisation une fermeture communautaire, un droit à faire nation dans la nation.
Un entretien conduit par Gabriel Robin
IREF, 26 avril
Il est urgent de couper les subventions aux syndicats
Du 5 au 11 mai, un préavis de grève à la SNCF a été déposé par la CGT-Cheminots et SUD Rail. Au-delà des perturbations pour les voyageurs, cette mobilisation relance un débat de fond sur la place des syndicats dans le paysage politique, leur représentativité et l’abus du droit de grève.
Selon les chiffres officiels, seuls 18,5 % des salariés ont participé aux élections professionnelles entre 2021 et 2025. La CGT n’a recueilli que 25,76 % des suffrages exprimés, soit une base de légitimité extrêmement réduite rapportée à l’ensemble des salariés. Malgré le fait qu’ils ne représentent plus personne, les syndicats bénéficient de toujours plus d’argent public : 96,7 millions d’euros en 2023, une hausse de 24 % par rapport à 2015, grâce à une cotisation employeur de 0,016 % sur les salaires appelée sobrement « contribution patronale au dialogue social ». Cela revient, ni plus ni moins, à forcer les salariés à financer des organisations qui leur pourrissent la vie.
En théorie, les syndicats ont pour mission de représenter les salariés, de participer à la gestion paritaire de certains organismes et de contribuer à la négociation collective. Force est de constater qu’une majorité d’entre eux ne répond aucunement à ces exigences. Philippe Tabarot, ministre des Transports, a évoqué l’idée de limiter les grèves pendant les vacances et jours fériés afin de préserver l’exigence de continuité des services publics (près de 10 millions d’euros de pertes chaque jour !). Nous pensons toutefois qu’il faudrait aller beaucoup plus loin, à commencer par la suppression des subventions publiques et des aides directes ou indirectes qui leur sont accordées.
The Economist, 25 avril
Healthy living : France is a far healthier country than America
Yet even its medical care is under strain
Full text:
France spends less of its national income on health care than America, but is by most measures a lot healthier. Its total health expenditure, at 12.1% of GDP, is well below the 16.6% in America. Yet the French live on average six years longer than Americans. France’s mortality rate from heart attacks is a third of America’s, its obesity rate is about a third as high, and its rate of opioid-linked deaths a tiny fraction.
France outperforms its European peers on many measures too. It has a lower mortality rate from breast cancer than Britain and Germany. Life expectancy at the age of 65 is higher than in any other EU country bar Spain, which it equals. France also has the best survival rate following a heart attack of any OECD country after Japan and South Korea, tied with the Netherlands.
How does France do it? Part of the explanation is cultural habits. Indeed lifestyle, suggests Gaetan Lafortune, an OECD health economist, is more important in explaining France’s long life expectancy than its big government health budgets. In French state schools even tiny children sit down to a three-course meal. A recent menu in primary schools in Seine-Saint-Denis, a run-down suburb of Paris, includes vegetable soup, cod fillet with peas, and fresh fruit; chips are served only once during a month. In America up to 17% of the population lives in “food deserts”, with limited or no access to fresh produce. A researcher in France in 2021 found that the concept did not really exist.
Comprehensive state-mandated health coverage is another factor. The French system is a mix of national public health insurance, which reimburses patients for on average 70% of medical bills, and private mutual health insurance, which covers most of the balance. Employers have to provide this top-up insurance to their employees. The self-employed and pensioners buy their own policies. They cost on average €1,540 ($1,745) a year for a family, far less than the figure of $25,570 in America. The state covers those on low incomes.
Medical costs, meanwhile, are controlled through government caps on the fees charged by most family doctors, who are self-employed, as well as on the contracted private hospitals that provide 35% of hospital care. The share of health-care bills that families have to pay from their own pockets amounts to an average of just 2% of household spending in France. This is lower than in Britain (2.5%) despite its free-to-use National Health Service.
The hybrid French state system also helps patients get thorough treatment. France conducts twice as many CT, PET or MRI scans per person, for instance, as Britain. Appointments are not rationed by top-down bureaucracy. Thanks to a tech start-up called Doctolib, which 50m French patients use each year, appointments for most GPs, specialists and labs can be booked online with a few clicks.
The trouble with all this is that it comes at a cost. Total health spending in France, at €266bn, is higher as a share of GDP (12.1%) than in any other OECD country apart from America and Germany. Even when pandemic-linked spending is stripped out, French public health expenditure outpaced inflation from 2019 to 2025. Yet France’s finance minister, Eric Lombard, says he now needs to find €40bn of overall public-sector savings, some of it from health, to curb the country’s deficit to a still-hefty 4.6% of GDP in 2026.
This new pressure comes at a time when the health system already faces a triple squeeze. The first is due to a shortage of younger doctors. For decades the government capped the number of medical students. President Emmanuel Macron abolished the rule in 2019. But it will take a decade for numbers to recover. Nearly a third of GPs in France are aged over 60. Retiring GPs struggle to find younger doctors to take over their surgeries. A GP near Paris, aged 70, says he returned from retirement to consult part-time to help patients.
This shortage has exacerbated a second problem: overloaded hospital emergency services. France has more hospital beds and intensive-care beds per person than the OECD average. But in recent years it has been closing beds, as part of a strategy to rationalise hospitals and shift the focus to day surgery. Yet the number of patients turning up at emergency services has soared. Between 1996 and 2023 the yearly number of visits to accident and emergency doubled, from 10.1m to 20.9m. Moreover, 72% were “not very serious or urgent”, noted a report by the Cour des Comptes, the national auditor, in 2024. Some hospital doctors have gone on strike in protest. In February emergency doctors at Perpignan public hospital denounced an overload that was “more than critical”, saying that they could no longer staff shifts fully.
A third difficulty is “medical deserts”. Doctors tend to choose to live in big cities, cobbled towns and coastal resorts, leaving the rural interior without decent cover. Waiting times to see an ophthalmologist, for instance, vary from six days in some areas to 123 days in others, according to a Senate report in 2024. The government is offering sign-up bonuses to encourage doctors to move to unpopular areas. Some village mayors and big public hospitals, including one in a rough neighbourhood of Marseille, have provided surgery premises to lure GPs. But France’s patchy medical geography is proving hard to shift.
Mindful of these problems, the government is trying to ease the pressures, as well as to cut waste. Catherine Vautrin, the health minister, has just tightened the rules, for instance, on prescriptions for reimbursed sticking plasters, in order to save on the €740m it spends a year merely on this. But such sums are trifling next to the overall health budget. Old habits are resistant. The French remain enthusiastic pill-poppers; their doctors still prescribe more antibiotics than those elsewhere. France, notes the Cour des Comptes sternly, “is one of the last OECD countries to reimburse thermal spa treatments with no medical benefit proven”—and this to the tune of €250m in 2023.
In some ways France’s health system is a victim of its success. “Because of the very good historical indicators, and the sense that France has been one of the best health systems in the world, these new pressures come as a shock,” says Francesca Colombo, head of the OECD’s health division. Accustomed to excellence, the country expects it—and is ill-prepared for the upcoming budget squeeze on waste and excess that is needed to keep it that way. ■
https://www.economist.com/europe/2025/04/24/france-is-a-far-healthier-country-than-america
L’Express, 25 avril
Taxation des retraités : ce tabou politique qui risque de faire exploser le gouvernement
Politique. La ministre des Comptes publics a déclenché la foudre des oppositions pour avoir envisagé une hausse de la fiscalité des retraités. Mettant ainsi en lumière un sujet qui a tout de la nitroglycérine politique.
Full text:
Sa prudence rhétorique ne lui a été d’aucun secours. En envisageant d’alourdir la fiscalité des retraités à l’occasion du prochain budget, la ministre des Comptes Publics Amélie de Montchalin s’est attiré les foudres des oppositions. Et a rappelé à quel point une participation accrue des plus âgés à l’assainissement des comptes publics demeure un tabou politique. “Je pense, à titre personnel, qu’on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement”, assurait samedi l’ancienne députée dans un entretien au Parisien, au sujet d’une possible suppression de l’abattement fiscal de 10 % des retraités pour frais professionnels. La mesure pourrait rapporter 4,5 milliards d’euros, alors que le gouvernement cherche 40 milliards d’économies pour 2026.
La piste n’est pas révolutionnaire. Dans un rapport publié en octobre 2024, le Conseil des prélèvements obligatoire épinglait le dispositif actuel, pas suffisamment “ciblé sur les foyers aux revenus modestes et intermédiaires”. Un amendement au budget 2025, porté par plusieurs députés macronistes, prévoyait de limiter à 2000 euros le plafond de cet abattement. Il avait été rejeté. L’ancien Premier ministre Michel Barnier lui-même s’était opposé à une telle mesure, même si Bercy avait procédé à des simulations pour en calculer le gain budgétaire.
“Les retraités ne sont pas une variable d’ajustement”
Las, le ballon d’essai a déclenché un tir de barrages. Le Rassemblement national étrille une “très mauvaise idée”, palliatif à l’absence d’économies structurelles, quand le député LFI Eric Coquerel déplore l’attaque de “cibles bien commodes”. La fronde s’étend au socle commun. Le patron des députés LR Laurent Wauquiez dénonce une hausse déguisée des impôts – ligne rouge de la droite – quand le bloc central affiche ses divisions. “Les retraités ne sont pas une variable d’ajustement ni la victime expiatoire de l’absence de courage en matière de réduction des dépenses publiques”, s’est agacé sur X le député Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre, à rebours du discours de Bercy. Alors, l’exécutif fait assaut de prudence. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas, soucieuse d’éteindre le début d’incendie, a assuré mercredi 23 avril sur TF1 qu'”aucune décision n’était prise”.
La fiscalité des retraités, nitroglycérine politique. Le projet de Michel Barnier de désindexer les pensions de retraite pendant six mois avait déclenché un tir de barrages du bloc central, avant que le gouvernement n’opère un semi-recul sur le sujet. Insuffisant pour le Rassemblement national, qui s’était appuyé sur cette mesure d’économie pour censurer l’exécutif. Le jour de la chute du Savoyard, un ministre se lamentait : “C’est énorme qu’une crise de régime ne tienne qu’à la désindexation des retraites.”
“Tout cela est électoraliste”
A chacun ses arguments. Les partisans d’une taxation des retraités invoquent une juste répartition des efforts. D’après un rapport de la Drees publié en 2024, leur niveau de vie médian “demeurait légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population en 2021”. Ils ont en effet plus rarement des enfants et charges et “disposent davantage d’autres types de revenus que le reste de la population, notamment des revenus issus du patrimoine”, notait l’organisme. Les adversaires d’une telle taxation convoquent eux la fragilité sociale de certaines personnes âgées, tout comme l’urgence de réduire la dépense publique plutôt que de recourir à l’arme fiscale.
Le dernier motif d’opposition est moins avouable : les retraités représentent une manne électorale considérable. 23 % des électeurs de plus de 70 ans n’ont pas voté au premier tour de la présidentielle 2022, contre 42 % des 18-24 ans. “Tout cela est électoraliste, glisse un proche de François Bayrou. Les personnes âgées représentent un électorat de conquête pour Le Pen et un électorat de défense pour LR et nous.” Après l’offensive de Laurent Wauquiez contre la désindexation des retraites cet automne, un député LR ironisait, guère dupe de l’objectif poursuivi. “L’avenir est dans cette classe d’âge. Voilà un grand combat politique!”
Le gouvernement osera-t-il franchir le pas? Impératifs économiques et politiques se percutent ici. En l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, l’exécutif s’exposerait à une censure des oppositions réunies. Ou à une dislocation du socle commun, tant la droite érige la défense des retraités en valeur cardinale. Le risque est d’autant plus fort que le débat se cristallise sur la situation des personnes âgées au détriment d’une vision globale. Le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade se méfie “du débat caricatural qui s’installe autour de la ‘taxation des retraité’.” “L’enjeu est la recherche d’un meilleur équilibre entre générations afin de préserver un modèle social sans affaiblir ceux qui le financent.” Un ministre résume l’équation : “Nous avons perdu la capacité de débattre de fiscalité de manière rationnelle dans le pays. Tout est assez épidermique. Je ne sais pas comment on peut faire des budgets avec de vraies transformations fiscales dans ce contexte politique.” Derrière le gain budgétaire espéré, se niche une question lancinante mais peu avouable. Où serait le gain politique?
Atlantico, 24 avril
Sur les retraites, les services publics, la SNCF… l’état d’esprit des Français serait globalement plus réformiste que celui des responsables politiques
Sur la retraite, la gestion des finances publiques, la dette, la SNCF, la santé ou l’école… tout se passe comme s’il existait un clivage entre les opinions publiques et les professionnels de la politique sur les réformes à faire pour sortir le pays du déclin annoncé.
Full text:
A priori, les Français restent très conservateurs, très attachés à leurs droits acquis sur le terrain social, très préoccupés par l’avenir et très demandeurs d’un État-providence qui les protégerait de tous les risques. D’où sans doute un discours très protecteur des partis politiques de droite comme de gauche, incapables de bouger une pierre de l’édifice administratif, craignant de provoquer la colère des campagnes, des banlieues, des gilets jaunes ou des cheminots. Le résultat : la machine politico-administrative, dont les rouages essentiels se préparent à de grandes manœuvres préélectorales, reste immobile et prudente dès qu’il s’agit d’aborder les projets, les programmes et les réformes. On veut tout changer mais ne rien bouger. D’où finalement l’impression d’une montée du populisme et de la démagogie encouragée par tous les leaders. À droite, comme à gauche, tout le monde est vent debout contre tout changement. L’exercice offert le week-end dernier par les écologistes est une caricature, mais passons. Moins de 10 000 votants pour un programme flou mais dominé par la décroissance programmée. La formule magique !
Le diagnostic de l’état de la France publié par François Bayrou la semaine dernière, dont les faits et les chiffres ne sont véritablement contestés par personne, parce qu’ils ne sont pas contestables, n’a provoqué aucun commentaire, aucune proposition alternative. Dès qu’une réforme risque de gêner une catégorie de citoyens, le responsable politique l’enterre et les médias en général le suivent… Courage, fuyons à tous les étages de la société.
A priori, les Français restent très conservateurs, très attachés à leurs droits acquis sur le terrain social, très préoccupés par l’avenir et très demandeurs d’un État-providence qui les protégerait de tous les risques. D’où sans doute un discours très protecteur des partis politiques de droite comme de gauche, incapables de bouger une pierre de l’édifice administratif, craignant de provoquer la colère des campagnes, des banlieues, des gilets jaunes ou des cheminots. Le résultat : la machine politico-administrative, dont les rouages essentiels se préparent à de grandes manœuvres préélectorales, reste immobile et prudente dès qu’il s’agit d’aborder les projets, les programmes et les réformes. On veut tout changer mais ne rien bouger. D’où finalement l’impression d’une montée du populisme et de la démagogie encouragée par tous les leaders. À droite, comme à gauche, tout le monde est vent debout contre tout changement. L’exercice offert le week-end dernier par les écologistes est une caricature, mais passons. Moins de 10 000 votants pour un programme flou mais dominé par la décroissance programmée. La formule magique !
Le diagnostic de l’état de la France publié par François Bayrou la semaine dernière, dont les faits et les chiffres ne sont véritablement contestés par personne, parce qu’ils ne sont pas contestables, n’a provoqué aucun commentaire, aucune proposition alternative. Dès qu’une réforme risque de gêner une catégorie de citoyens, le responsable politique l’enterre et les médias en général le suivent… Courage, fuyons à tous les étages de la société.
La vérité, c’est que cette ambiance qui domine le débat politique et médiatique est peut-être en train de changer en profondeur : la conjoncture internationale, les risques encourus, la pression des chefs d’entreprise aussi, et le désordre de la gouvernance politique, sans parler de la « bordelisation » provoquée par LFI à l’Assemblée nationale, l’absence de majorité, les comportements contradictoires dans l’hémicycle… ont peut-être favorisé une prise de conscience des opinions publiques. Les sondages variés et multiples, les chefs d’entreprise, le comportement de la rue font remonter un sentiment de ras-le-bol dans le climat contre l’immobilisme des pouvoirs politiques. On le voit sur un certain nombre de dossiers qui ont été jadis très brûlants.
Un, le dossier des retraites par exemple, reste d’après les leaders politiques explosif. C’est possible, sauf que le conclave qui avait été réuni par Bayrou a sans doute anesthésié la grogne sur la question de l’âge. Pour une grande partie de l’opinion, le problème est ailleurs. La co-participation des organisations syndicales et patronales, le rôle de la Cour des comptes ont permis de faire une pédagogie du fonctionnement et du financement. On commence à parler d’une participation au financement des retraités eux-mêmes, d’une suppression de certaines charges sociales et d’un transfert sur une taxe dont l’assiette serait plus large, comme la TVA sociale par exemple. L’intérêt serait de donner de l’oxygène aux régimes de retraite et surtout aux salaires disponibles tout en abaissant pour l’entreprise le coût du travail. Toujours sur la retraite, l’hypothèse d’une complémentaire par capitalisation n’est visiblement plus un tabou et pour cause, les Français ont de l’épargne et un bon tiers ont déjà ouvert des PER (plans d’épargne retraite) et visiblement la classe politique et les syndicats ne trouvent rien à redire.
Deux, sur les questions fiscales, la majorité des Français a compris deux choses : il existe un lien entre le poids des prélèvements obligatoires et l’activité économique. Il existe une relation étroite entre les richesses créées et celles qu’on distribue. La dette publique, qui est devenue une des préoccupations des Français, ne peut être traitée aujourd’hui que par de la croissance ou la baisse des dépenses publiques. Les français comprennent de plus en plus nombreux que de taper sur les riches et les tres riches n’était sans doute pas la meilleure solution. Mieux vaudrait tout faire pour avoir le plus de riches possible ;
Trois, sur la question très sensible de l’organisation des services de l’État, les Français commencent à se rendre compte que le problème ne relève pas seulement des moyens alloués. Dans la santé et l’école, ils reconnaissent de plus en plus que ça fonctionne mieux dans le privé que dans le public. Question de management, de qualité du travail et d’incitation au travail.
Quatre, l’exemple de ce qui se passe à la SNCF prouve que les Français ne supportent plus le comportement des syndicats corporatistes. Menacer de grève pendant les grands week-ends de mai, avec des arguments fallacieux et même ridicules, va pousser les voyageurs vers la concurrence du privé quand elle existe, ou à la colère pure et simple. Et pas contre le gouvernement, mais contre certains syndicats, dont la seule stratégie passe par l’obstruction. Les voyageurs ont compris que le train était plus écologique que l’avion , mais ils aussi savent ce que leur coûte le billet TGV, ils connaissent les salaires et les primes, ils savent les régimes de retraites et les horaires. Bref, les Français savent qu’on est sorti de Germinal.
Si cette évolution d’état d’esprit correspond à la réalité, il va falloir que les partis politiques en tiennent compte et commencent à faire des propositions qui répondent aux questions que pose cette réalité. Les syndicats réformistes ont commencé à le faire. Le patronat, et notamment le Medef, ont mis beaucoup de nuances et de compromis dans leurs propositions. Les acteurs les plus en retard sont les responsables politiques qui vont devoir très rapidement se mettre à jour. À droite comme à gauche.
L’Express, 23 avril
Nicolas Baverez : “Notre classe politique prend le risque d’un nouveau juin 1940”
Grand entretien. Alors que l’Histoire s’accélère sous la houlette de Donald Trump, l’essayiste libéral s’alarme de la paralysie française, qui contraste avec la réaction des autres pays européens.
Full text:
Son dernier livre, paru en 2024, appelait à un “sursaut” de la France. Quelques mois plus tard, Nicolas Baverez dresse un constat accablant : alors que le monde connaît une accélération spectaculaire, notamment sous la houlette de Donald Trump, que les autres Etats européens tentent de réagir, notre pays est lui totalement englué dans ses divisions politiques et ses vieux démons bureaucratiques. Et qu’importent les indicateurs qui, des finances publiques au chômage en passant par l’industrialisation, la productivité, la santé ou l’éducation, sont tous inquiétants…
Dans un grand entretien, l’avocat et essayiste libéral, disciple de Raymond Aron, s’alarme de cette paralysie qui contraste avec le volontarisme de nos voisins. Fustigeant une classe politique qui, selon lui, a “capitulé” et fait le pari implicite d’une catastrophe historique du fait de son incapacité à mener des réformes en période normale, il explique comment nos dirigeants pourraient faire bouger la France.
L’Express : Alors que le monde est en train de basculer, notamment sous la pression de Donald Trump, la France semble paralysée. Êtes-vous inquiet?
Nicolas Baverez : Nous vivons une accélération inouïe de l’Histoire. Au niveau mondial, le cycle de la mondialisation se referme, les empires ont engagé une lutte à mort contre les démocraties, la violence revient en force – y compris sous la forme de la guerre de haute intensité sur le continent européen -, le protectionnisme se généralise faisant craindre un effondrement des échanges et des paiements internationaux. Les Etats-Unis, dont l’histoire se confondait avec la démocratie, connaissent une rupture historique et basculent dans l’illibéralisme. Donald Trump remet en effet en question le respect de la Constitution et le primat de l’Etat de droit; il réhabilite un capitalisme de prédation; il s’aligne sur les empires autoritaires en reprenant à son compte la logique des zones d’influence impériales et en reniant les principes de l’ordre de 1945 imaginé par l’Amérique : la souveraineté des nations, l’intangibilité des frontières, le respect des droits de l’Homme. L’Europe se découvre très vulnérable, prise sous le feu croisé de la Russie sur le plan militaire, des Etats-Unis qui en ont fait une cible privilégiée sur le plan économique et stratégique, de la Chine qui pratique un dumping systématique et entend déverser sur le grand marché le produit de ses surcapacités de production.
Au milieu de cette tourmente historique, la France est à l’arrêt. Elle fait exception même en Europe, où toutes les autres nations tentent de réagir. Les pays du Nord conjuguent compétitivité, solidarité, innovation, transition écologique et puissant réarmement pour contrer la menace russe. La Suède a ainsi rétabli le service militaire et augmenté son effort de défense de 1,4 % en 2021 à 2,4 % en 2025. A l’ouest, l’Irlande réfléchit à la bonne utilisation de ses excédents budgétaires. A l’est, la Pologne affiche une croissance moyenne de 5 % par an, assure le plein-emploi et consacre 4 % de son PIB à la défense. En Europe du Sud, le Portugal dégage désormais un excédent budgétaire et a réduit sa dette de 130 à 99 % du PIB en dix ans. En Espagne, la croissance a bondi de 3,2 % en 2024. L’Italie de Giorgia Meloni est le seul pays du G7 à présenter un excédent budgétaire primaire et dispose d’une balance commerciale excédentaire de 54,9 % du PIB grâce au dynamisme de ses exportations qui occupent désormais le 4e rang mondial – la France ayant été ravalée à la 7e place. Elle effectue une percée diplomatique spectaculaire en se positionnant comme un pont entre l’Europe libérale et illibérale, entre l’Union et les Etats-Unis, entre l’Europe et l’Afrique où elle reprend les positions laissées vacantes par l’expulsion de la France du continent. L’Allemagne, dont le modèle mercantiliste et le désarmement unilatéral sont totalement obsolètes, s’est mise en mouvement avec Friedrich Merz qui a réussi à réviser la Constitution avant même de constituer son gouvernement de coalition.
Sous l’électrochoc de la guerre d’Ukraine et du divorce des Etats-Unis avec la raison et la liberté, tous les gouvernements et tous les peuples démocratiques se remettent ainsi en question et se repositionnent dans la nouvelle donne géopolitique et économique mondiale. Tous sauf la France et les Français.
Sommes-nous donc aujourd’hui le seul homme malade de l’Europe?
Depuis que l’Allemagne a engagé sa transformation sous l’autorité de Merz, oui. Et la descente en vrille de la France constitue un risque majeur pour l’Union et la zone euro.
Avec Emmanuel Macron, le lent déclin s’est emballé pour se muer en chute libre. La démographie qui représentait un point fort s’écroule et tend vers la moyenne européenne avec 1,62 enfant par femme. Dans l’indifférence générale, la mortalité infantile s’envole pour atteindre 4,1 ‰, soit le 23e rang sur les 27 pays de l’Union. L’économie était, avant le choc protectionniste de Donald Trump, sur une trajectoire de croissance de 0,5 %. Elle est désormais proche de la croissance zéro car les exportations vers les Etats-Unis représentent 1,7 % du PIB et sont vitales pour 28 000 de nos entreprises. Le chômage remonte vers 8 % de la population active. La paupérisation galope avec une richesse par habitant inférieure de plus de 50 % à celle des Etats-Unis. La violence est sortie de tout contrôle, notamment chez les jeunes et chez les narcotrafiquants qui poursuivent la mexicanisation de la France comme on l’a vu avec les attaques coordonnées contre les prisons et les personnels pénitentiaires.
Pourtant, face à ces différentes crises, le système de décision publique est totalement dysfonctionnel et impuissant. Alors que la dette est devenue insoutenable et que l’appareil de production est au bord de la rupture, le gouvernement de François Bayrou a pour tout bilan le budget pour 2025 qui accable les entreprises et qui planifie, faut de coupes dans les dépenses et compte tenu de recettes fiscales virtuelles, un déficit de 6 % du PIB et une dette de 118 % du PIB à la fin de 2025. Il renforce ainsi la probabilité d’un choc financier majeur au moment où les taux d’intérêt se tendent et où Donald Trump a été très proche de déclencher un krach obligataire en déstabilisant la dette américaine.
La France se réduit à un gouvernement qui débat mais n’agit pas; un Parlement qui juge à travers des commissions d’enquête mais n’arrive plus à voter la loi; des juges qui gouvernent; des citoyens passifs et désabusés. Tout ceci caractérise un pays en panne, une démocratie corrompue et une République du vide.
Emmanuel Macron est-il le principal fautif avec sa dissolution ratée?
Emmanuel Macron n’est pas le seul responsable, même s’il restera comme l’homme qui a fait exploser le modèle de la décroissance à crédit en accumulant plus de 1 000 milliards de dettes et celui qui a fait dérailler les institutions de la Ve République par une hypercentralisation délirante du pouvoir, par sa déconnexion de l’action et des réalités du monde comme de la société française, par son arrogance illustrée par la décision insensée de la dissolution.
Au principe du naufrage, on trouve quarante-cinq ans de décrochage économique et d’euthanasie systématique de la production, de l’investissement et de l’innovation. La France est le seul pays dont la productivité a diminué de 6 % depuis 2019. Or sans gains de productivité, il ne peut y avoir ni croissance, ni progression des revenus. L’autre séquelle majeure, c’est le chômage de masse permanent et la coupure d’une partie significative de la population de tout lien avec le travail. Faute de produire et de travailler, la France a pris l’habitude de vivre à crédit, gérant par la dette publique tous les chocs et les crises. Mais cette dette n’est plus soutenable dès lors que les taux d’intérêt, autour de 3,5 %, sont largement supérieurs à la croissance nominale, qui fluctue entre 2 et 2,4 %. La France se trouve donc dans la situation de l’Italie de 2011, garrottée par l’explosion du service de la dette qui dépassera 110 milliards d’euros en 2029.
S’y ajoute le dysfonctionnement croissant de la Ve République. L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron a représenté un vrai tournant, avec un président égocentrique, irréfléchi et irresponsable, qui n’assume aucune de ses nombreuses erreurs. Depuis 2017, l’hypercentralisation du pouvoir se traduit par la disparition du Premier ministre, du gouvernement et des ministres, qui sont autant de porte-parole dénués de toute autorité et de tout poids politiques. La Ve République a été fondée par le général de Gaulle autour d’un modèle d’organisation militaire qui confie la stratégie à l’Elysée, l’opératif à Matignon et la tactique aux ministres. Quand tout remonte à l’Elysée, plus rien ne fonctionne. Le président parle mais dans le vide. La communication cannibalise l’action. Plus l’Etat se targue d’intervenir et moins il exécute. Et ce, jusqu’à accaparer 57 % du PIB pour être incapable de délivrer les services de base de l’éducation, de la santé, de la police, de la justice.
Avec la dissolution de juin 2024, nous sommes passés d’un déclin lent au suicide. Aujourd’hui, plus rien ne répond au moment même où la France et l’Europe jouent leur avenir, leur liberté et leur souveraineté.
Ne dépeignez-vous pas un tableau trop sombre?
Non. Les faits sont têtus. Regardez le budget. En 2024, le projet incompréhensible préparé par Michel Barnier qui prévoyait 50 milliards d’ajustements principalement sous la forme de hausses d’impôts a mis à l’arrêt l’économie : les Français ont cessé de consommer pour épargner; les entreprises qui supportaient 25 milliards de ponctions ont sabré dans leurs dépenses, coupé les investissements, bloqué les embauches. Les dépenses continuent à augmenter mais les recettes stagneront avec l’économie. Que fait aujourd’hui le gouvernement Bayrou? Il applique la même recette avec 40 milliards d’ajustements, pas de réduction des dépenses mais une nuée de hausses d’impôts maquillées en réduction des niches fiscales.
Sur le plan de la production, deux chiffres montrent l’ampleur des dégâts. L’an dernier, la construction automobile est retombée au niveau de 1962 en termes de véhicules produits. Et la construction de logements, à son étiage de 1952. A chaque fois, les réponses sont étrangères à toute cohérence et toute réalité. Pour l’automobile, une avalanche d’amendes pour les constructeurs qui ne peuvent écouler des véhicules électriques dont les consommateurs veulent d’autant moins que les infrastructures sont défaillantes. Et une cascade d’impôts supplémentaires pour les acheteurs. Pour l’immobilier, le retrait arbitraire plus de 10 % du parc avec les passoires thermiques alors que sévit la pire pénurie de logements depuis les années 1950.
Tournons du côté de l’énergie. Luc Rémont, qui a réalisé en deux ans un redressement historique des comptes d’EDF, passés de 18 milliards de pertes à 36 milliards de bénéfices, est limogé et publiquement humilié. Et dans le même temps, l’Etat diffère toute décision sur le financement du programme EPR, fait l’impasse sur les investissements indispensables au retraitement des combustibles au-delà de 2040, laisse en vigueur une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie qui prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035.
Dans le domaine de la santé, le Grenelle de la santé a réinvesti 40 milliards d’euros dans le système de santé qui fonctionne encore plus mal qu’avant faute de réforme, qu’il s’agisse des déserts médicaux, des urgences ou de la déshérence complète de la psychiatrie, pourtant grande cause nationale.
En matière d’éducation, on organise une chasse aux sorcières contre les établissements secondaires et supérieurs privés, qui ne sont certes pas parfaits mais affichent du moins des performances très supérieures à celles du secteur public, sans que nul se préoccupe du problème central de l’effondrement du niveau des élèves comme des professeurs.
La conclusion est claire. L’Etat ne défend plus que ses intérêts contre ceux de la France et des Français. Il sanctuarise tout ce qui nous tue et tue tout ce qui pourrait nous sauver.
Voyez-vous quand même des motifs d’espoir?
Ceux qui se battent, ce sont les entreprises et une minorité de Français, notamment les 10 % qui acquittent les trois quarts des impôts et des taxes. La classe politique, elle, a capitulé. Non seulement le système politique n’agit plus, mais il essaie de convaincre les Français que tout va bien. Le paradoxe veut que la France décroche alors qu’elle regorge d’atouts! Quand on retire la chape de plomb bureaucratique, les Français sont capables de choses extraordinaires. Les soignants, contre la bureaucratie délirante des ARS, ont permis que le système hospitalier tienne durant la pandémie de Covid et limité par leur engagement le nombre des victimes. L’Etat est responsable de l’incendie de Notre-Dame car il a pillé les recettes du monument et négligé de l’entretenir, y compris pour le système de détection et de lutte contre l’incendie. Le succès du sauvetage et de la reconstruction n’est pas à mettre à son actif mais doit uniquement au mérite des pompiers, des donateurs et des compagnons des métiers d’art. Son seul apport, certes décisif, fut la nomination du général Georgelin et la suspension des réglementations en matière de droit du travail et d’urbanisme.
De même, les Jeux olympiques ont été une remarquable réussite. Mais là aussi, elle a exigé un régime d’exception. Et aujourd’hui, il faut une “loi spéciale” pour reconstruire Mayotte en s’extrayant des règles kafkaïennes de la commande publique et de l’urbanisme. Cela dit tout des capacités des Français et de leur annihilation par le carcan administratif et la bureaucratie étouffante de notre pays. Cela ne manque pas d’interroger sur le fait que la France est un paradis pour les grands événements qui bénéficient d’un régime d’exception, mais un enfer pour ses citoyens soumis au joug des lois ordinaires. Cela souligne que dans la crise existentielle que traverse la France, l’Etat est le problème et les Français la solution, tant ils excellent quand on leur permet d’exprimer leurs talents.
Le Premier ministre François Bayrou entend d’abord faire de la pédagogie pour sensibiliser les Français à la gravité de notre situation budgétaire…
Chez François Bayrou comme chez Emmanuel Macron, on trouve assez souvent des diagnostics fondés et des mots justes, mais aucune traduction dans des stratégies cohérentes et des actions efficaces. On lance une alerte sur 40 milliards à trouver en 2016 pour justifier de nouveaux prélèvements, alors même que les dépenses qu’on se refuse à toucher portent sur plus de 1 700 milliards! Et on ne fait rien pour 2025 alors que le marché obligataire menace de rompre. Les diagnostics sur l’état des finances publiques françaises ont été dressés depuis des années, par la Cour des comptes, par l’Union européenne, par la BCE, par le FMI, par les agences de notation… Que faut-il de plus? Clemenceau soulignait à juste titre qu'”en politique, il faut savoir ce que l’on veut; une fois qu’on le sait il faut avoir le courage de le dire; une fois qu’on l’a dit il faut avoir le courage de le faire”. La France dispose de très nombreux atouts mais il lui manque l’essentiel : le courage d’agir de ses dirigeants.
Pour réformer, il faut un consensus. On voit mal comment il pourrait émerger alors que le pays est très clivé politiquement…
Ce consensus ne peut pas émerger, la classe politique française s’est convertie à une démagogie qui se nourrit d’émotions et se refuse à la raison et à la pédagogie. La communication est reine, et avec elle le marketing par la segmentation du corps politique. Prenons l’exemple des finances publiques. On met sous pression les retraités. Mais pour faire bouger le pays, il faut nouer un nouveau pacte entre les générations. Les retraités sont des citoyens; ils sont les parents d’enfants dont les revenus stagnent; ils sont les grands-parents de petits-enfants qui n’arrivent plus à faire des études, en dehors de quelques pôles d’excellence, et vivent de plus en plus dans la précarité. Passons un nouveau contrat politique et social, en expliquant aux retraités qu’on va désindexer leurs pensions parce que leurs revenus sont supérieurs de 10 % à ceux d’actifs ce qui n’est pas tenable. Mais en contrepartie, les actifs travailleront plus et plus longtemps, ce qui est le seul moyen de sauver le système de répartition français. En effet, un système de répartition qui distribue les cotisations de l’année ne peut être en déficit; or, aujourd’hui les pensions s’élèvent à 380 milliards d’euros pour 325 milliards de cotisations : il manque donc 55 milliards couverts par la dette. En contrepartie toujours, les jeunes ont vocation à sortir du système soviétique de l’Education nationale : vous faites semblant de travailler, et nous faisons semblant de vous décerner des diplômes qui n’ont aucune valeur. Recentrons le système éducatif sur sa raison d’être, qui n’est pas le débat, mais la transmission du savoir et l’apprentissage de la vie en société.
On pourrait aussi désindexer tant les aides sociales que les barèmes fiscaux jusqu’à ce que le déficit soit ramené à 1,5 % du PIB, soit une situation d’excédent primaire qui assure la soutenabilité de la dette. Il y a par ailleurs un travail important à effectuer sur l’efficacité des dépenses publiques. Le Pass Culture subventionne essentiellement le manga, un secteur très dynamique de l’édition qui n’a nul besoin de soutien. Le forfait de 50 euros pour la réparation d’un vélo a eu pour seul effet de gonfler toutes les factures d’autant. Les énergies éoliennes et solaires sont subventionnées à hauteur de plusieurs milliards, alors que ce sont des technologies matures. TotalEnergies est le premier acteur français de l’industrie solaire parce qu’il opère en situation de marché. L’économie subventionnée se réduit à ruiner les Français pour servir des rentes à des producteurs inefficaces.
En bref, au lieu de diviser et d’opposer les Français, mobilisons-les comme en 1945 autour de la production, du travail et de l’innovation pour reconstruire la France.
Faudrait-il un Doge à la française?
Le Doge est un parfait contre-exemple. Elon Musk agit dans la plus parfaite illégalité et détruit l’Etat au lieu de le réformer, avec des décisions irrationnelles qui compromettent la sécurité des Etats-Unis. Or dans cette période très dangereuse, nous avons besoin d’un Etat fort et efficace. L’Europe du Nord comme celle du Sud ont montré que les politiques de modernisation de l’Etat et de désendettement obéissent à des stratégies de long terme, qui doivent s’inscrire, pour être acceptées et réussir, dans le cadre du débat public et de l’Etat de droit.
Même la menace d’un Vladimir Poutine n’a pas réveillé notre pays sur le plan militaire…
Les Baltes et Polonais réarment depuis 2014 et l’invasion de la Crimée et du Donbass. Ils ont lu et écouté ce que disait Poutine. En France, il n’y a toujours pas de vrai réarmement. Nous avons engagé le rattrapage du retard apporté à moderniser la dissuasion, ce qui se traduit par un effort important pour mettre à niveau les vecteurs, les fusées et les têtes nucléaires. Mais le modèle de l’armée conventionnelle continue à obéir à une logique de corps expéditionnaire qui n’est absolument pas adapté à la guerre de haute intensité en Europe. L’armée française manque d’effectifs, de capacités critiques pour les drones, la défense anti-aérienne et les frappes à longue distance, de munitions et de pièces de rechange. Bref, nous sommes de nouveau en retard d’une guerre. Le président de la République a expliqué qu’il fallait porter l’effort de défense entre 3,5 et 5% du PIB contre 2,1 % aujourd’hui en intégrant les pensions. Il a lancé de multiples initiatives pour mobiliser l’argent privé. Mais ce qui manque aujourd’hui, c’est l’argent public pour augmenter le volume des forces et passer des commandes de matériels et d’équipements. Derrière les grands discours sur l’économie de guerre, il n’y a pas un euro supplémentaire pour les armées ou pour l’industrie.
A quel moment la France va-t-elle être rattrapée par la réalité?
La France sera très probablement rattrapée par la crise financière. La classe politique française a accepté le fait qu’elle n’arriverait pas à moderniser le pays. Elle attend donc une nouvelle catastrophe historique pour le faire.
Une autre rupture possible est l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, qui constituerait un puissant accélérateur de la crise financière. L’ironie de l’histoire veut que le RN a de fortes chances d’arriver au pouvoir pour se retrouver dans la même situation qu’Alexis Tsipras en Grèce, c’est-à-dire avec l’obligation de faire des ajustements que tous les autres ont refusés avant lui, sous peine de sortir de l’Union, de l’euro et du groupe des principaux pays développés.
La situation rappelle-t-elle 1983 et le tournant de la rigueur?
Elle est très semblable du point de vue économique et stratégique. François Mitterrand avait deux options après la calamiteuse relance de 1981 : couper à la serpe dans les dépenses publiques et augmenter les impôts, ou passer sous la tutelle du FMI. Il a choisi le tournant de la rigueur sans jamais l’assumer politiquement. Mais la France et les instituions de la Ve République étaient alors beaucoup plus solides. Et le contexte international était moins violent.
Aujourd’hui, se posent des questions similaires, avec une gravité et une intensité supérieure dès lors que nous sommes entrés dans l’âge des prédateurs, pour reprendre la formule de Giuliano da Empoli. Allons-nous réformer par nous-mêmes ou attendons-nous d’avoir heurté le mur de la dette et de passer sous la tutelle du FMI, de la Commission européenne et de la BCE? La classe politique a choisi la deuxième option. Sommes-nous prêts à un accord entre les forces républicaines plutôt que de prendre le risque d’une expérience populiste autoritaire de type Trump ou Orban? Là aussi, les politiques français ont opté pour la deuxième solution. Enfin, la Ve République attend-elle de disparaître comme la IIIe République pour permettre le redressement? Il a fallu passer par juin 1940 et Vichy, avant que les réformes qui paraissaient impossibles dans les années 1930 soient mises en place en 1945. La classe politique actuelle prend clairement le risque d’un nouveau juin 1940.
Tout dépend donc des Français. Ils réussissent des choses extraordinaires quand ils se libèrent de la tutelle de l’Etat. Il leur reste à faire le plus difficile : reprendre confiance en eux-mêmes, comprendre qu’ils sont les seuls à même de sortir la France de l’impasse dans laquelle elle est plongée, se saisir du grand péril dans lequel se trouvent la liberté et l’Europe pour renouer avec leur histoire et leur destin.
Le Point, 23 avril
La Ve République se suicide sous nos yeux
ÉDITO. Réindustrialisation, armement, dette, éducation… l’inertie touche tous les domaines de l’action publique, alors que l’histoire bascule.
Full text:
Plus l’histoire accélère, plus la France est immobile. L’âge des empires succède à l’après-guerre froide. Les États-Unis basculent dans l’illibéralisme et s’alignent sur les autocraties, qui désignent la démocratie comme ennemie. La mondialisation se referme et cède la place à des blocs économiques obéissant à une logique de protection et d’arsenal. La guerre de haute intensité effectue un retour en force et la violence sort de tout contrôle. L’Europe se trouve dans une position critique, prise sous le feu croisé du protectionnisme et du retrait de la garantie de sécurité des États-Unis, de la menace militaire de la Russie et du dumping industriel de la Chine.
Face à ce maelström sans précédent depuis les années 1930, l’Union européenne s’active pour répondre à la guerre commerciale de Washington et pour financer l’industrie de défense. L’Allemagne de Friedrich Merz rompt avec la déflation, le sous-investissement chronique, le désarmement unilatéral et l’atlantisme en révisant sa Constitution avant même l’entrée en fonction du nouveau gouvernement de coalition. L’Europe du Nord réarme à marche forcée. L’Europe du Sud se mobilise pour préserver sa dynamique de relance. Seule la France fait exception, qui demeure à l’arrêt, figée dans le déni du basculement du monde, réduite à l’inaction par l’impuissance de l’État, enfermée dans des postures et des débats déconnectés de toute réalité.
Du côté de l’économie, la guerre totale lancée par Donald Trump a plongé dans le chaos les échanges et les paiements mondiaux, jusqu’à déclencher une défiance massive vis-à-vis du dollar et un choc obligataire qui a été proche d’emporter la dette américaine. Avant les annonces de Donald Trump, la croissance française était au mieux de 0,5 % pour 2025. Les exportations vers les États-Unis représentent 1,7 % du PIB et sont vitales pour 28 000 entreprises.
Dans le meilleur des cas, notre économie échappera donc de justesse à la récession, sur fond d’envolée des faillites et du chômage. Le déficit public tendra vers 6 % du PIB et la dette vers 120 % du PIB. Et ce alors que le blocage de la croissance et la tension sur les taux longs la rendent insoutenable et que les marchés obligataires sont à la limite de la rupture. Or, loin de lancer une mobilisation générale pour réassurer nos entreprises et nos finances publiques exsangues, les autorités françaises restent passives et se contentent de communiquer sur des coupes dans les dépenses publiques pour 2026 tout en les laissant dériver cette année.
Loin des satisfecit sur l’attractivité
L’inertie est devenue chronique et touche tous les domaines de l’action publique. Aux antipodes des satisfecit sur la compétitivité et l’attractivité, la désindustrialisation sévit de plus belle tandis que les investissements étrangers stagnent en raison d’un mur de taxes, de charges et de normes encore augmenté par la loi de finances pour 2025.
L’énergie est le royaume d’Ubu, où l’État limoge et humilie Luc Rémont, l’homme qui a redressé en deux ans les comptes d’EDF, passés de 18 milliards d’euros de pertes à 36 milliards de bénéfices ; et ce tout en différant toute décision sur le financement du programme EPR, en faisant l’impasse sur les investissements indispensables pour le retraitement des combustibles au-delà de 2040, en laissant en vigueur la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie qui prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035. La débureaucratisation se limite à l’ajout d’un régime dit de simplification au foisonnement et à la complexité des réglementations existantes.
Dans l’éducation, la priorité va à la chasse aux sorcières contre les établissements privés du secondaire et du supérieur, diversion dérisoire pour éviter de traiter le problème central de l’effondrement du niveau des élèves comme des professeurs. La dégradation du système de santé s’amplifie également dans l’indifférence générale, illustrée par l’explosion de la mortalité infantile, qui a bondi à 4,1 pour 1000 enfants nés vivants – soit le 23e rang sur 27 dans l’Union ! –, ou par la descente aux enfers de la psychiatrie au moment où elle est érigée en grande cause nationale.
Sous les ambitions démesurées de porter l’effort de défense entre 3,5 et 5 % du PIB ou les appels aux financements privés, le réarmement demeure l’arme au pied : les forces ne reçoivent pas un euro supplémentaire et les crédits de paiement pour les commandes d’équipement sont bloqués.
L’épée de Damoclès de la censure
Alors que le président de la République ne cesse d’utiliser une rhétorique guerrière, de l’économie au climat en passant par la santé ou la recherche, la décision publique est au point mort, découplée de l’action et du principe de réalité. L’État pèse de plus en plus sur les citoyens par ses coûts, mais n’accomplit rien, étranger à toute obligation de moyen ou de résultat. Le gouvernement, placé sous l’épée de Damoclès de la censure, a pour seule boussole de durer en négociant un sursis supplémentaire en récompense de son apathie. Le Parlement est saturé d’une avalanche de textes aussi inutiles que mort-nés.
En pleine tempête historique, alors que la liberté est menacée, que la souveraineté de l’Europe est attaquée, que la déraison et la barbarie se déchaînent, le système politique français est non seulement paralysé mais tout entier tendu vers l’anesthésie de la nation. La mobilisation est limitée aux entreprises engagées dans le commerce international qui jouent leur survie sans même disposer du soutien des pouvoirs publics, contrairement à l’appui qui leur est apporté dans tous les autres pays développés.
« Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux », soulignait Raymond Aron. Face au basculement de l’histoire du XXIe siècle, la France n’agit plus et se contente de subir. Entre impuissance des institutions, démagogie des dirigeants, démission des citoyens, la Ve République se suicide sous nos yeux, rappelant la IVe République. Faute de l’existence d’une figure providentielle comme le général de Gaulle, elle renonce à moderniser le pays et se résigne à son déclin, misant sur une nouvelle débâcle comparable à juin 1940 pour réveiller les Français et provoquer l’électrochoc qui permettra le redressement. Cela n’a d’autre nom que la capitulation.
Le Figaro, 15 avril
Jérôme Fourquet: «En France, aujourd’hui, on incendie un McDonald’s périurbain pour soutenir la cause palestinienne»
ENTRETIEN – Dans la nuit du 7 au 8 avril, un restaurant McDonald’s en construction à Montrabé, près de Toulouse, a été incendié «en soutien au peuple palestinien». L’occasion pour le sondeur* d’analyser le millefeuille culturel français et la stratégie d’implantation d’une entreprise qui a métamorphosé notre pays.
*Jérôme Fourquet est directeur du département opinion de l’Ifop. Dernier livre paru : « Métamorphoses françaises. État de la France en infographies et en images » (Seuil, 2024).
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LE FIGARO. – Le restaurant McDonald’s en construction à Montrabé, commune de l’Est toulousain, a été incendié dans la nuit de lundi 7 à mardi 8 avril. Un mystérieux groupe a revendiqué les faits, perpétrés « en soutien au peuple palestinien ».Comment interpréter cette revendication ? Les appels au boycott de marques ont-ils des effets concrets sur des mastodontes comme McDonald’s ?
JÉRÔME FOURQUET. – Il est intéressant de constater que le groupe qui a revendiqué cette action s’appelle Les Frites insoumises, un clin d’œil potache assez évident à LFI. Leur communiqué fait référence à un appel au boycott de la chaîne McDonald’s intervenu après le 7-Octobre. À l’époque, des vidéos avaient circulé sur les réseaux sociaux, dans lesquelles des employés de l’enseigne se mettaient en scène livrant des repas gratuits à l’armée israélienne. En réaction, des appels au boycott s’étaient propagés sur les mêmes réseaux sociaux en solidarité à la cause palestinienne.
Ces appels avaient eu un effet non négligeable sur la fréquentation de certains restaurants McDonald’s, essentiellement ceux situés dans les banlieues, dont le quartier du Mirail, à Toulouse. Et le collectif des Frites insoumises argue que c’est pour pallier ce manque à gagner que la firme américaine aurait décidé d’accélérer son implantation sur notre sol. Nous pensons plutôt, pour notre part, que c’est la concurrence accrue d’autres enseignes de fast-food, nourrie par l’engouement non démenti de nos concitoyens pour ces produits, qui est à l’origine de cette volonté d’étendre encore davantage le maillage de McDonald’s.
On constate en effet que, à ce jour, les appels à se détourner des marques américaines après l’investiture de Donald Trump n’ont eu que très peu d’écho parmi les consommateurs français. Cela illustre le lien très solide qu’ont su tisser au fil du temps des marques comme Coca-Cola, McDonald’s, Nike ou Levi’s avec la population française. Cela montre également combien le motif invoqué va jouer dans le résultat d’un appel au boycott. Appeler à boycotter par hostilité à l’impérialisme américain et contre la malbouffe n’a que peu d’effet, quand un appel motivé par un soutien au peuple palestinien fonctionne manifestement davantage dans certaines composantes de la population hexagonale.
En quoi cet événement est-il symptomatique de bouleversements culturels de notre société ?
Cet événement renvoie d’abord en creux à la stratégie de développement spectaculaire de l’entreprise McDonald’s, partout en France, notamment en périphérie des grandes villes. McDonald’s compte aujourd’hui 1 560 restaurants et a annoncé vouloir en implanter une cinquantaine d’autres cette année. Celui incendié à Montrabé fait partie de ce nouveau contingent.
Une commune de 4300 habitants constitue un bassin de chalandise suffisant. C’est révélateur de la place prise par cette entreprise dans nos vies et dans nos habitudes alimentaires
Jérôme Fourquet
La firme américaine a d’abord cherché à s’implanter dans le cœur des grandes villes. Puis elle s’est étendue progressivement dans les périphéries et les zones rurales. La marque McDonald’s fait aujourd’hui partie de nos paysages, avec le fameux « M » du logo, qui maille le territoire national d’une manière de plus en plus serrée. Le cas de l’agglomération toulousaine est symptomatique de cette implantation de plus en plus dense, qui épouse le front de l’étalement urbain et de la périurbanisation. Montrabé est en effet une commune de la deuxième couronne toulousaine, qui, comme beaucoup de petits bourgs de cette zone-là, a connu une croissance démographique spectaculaire. Elle symbolise cette France périurbaine, qui est sortie de terre entre les années 1980 et 2000, et qui a ensuite poursuivi sa croissance démographique du fait de l’attractivité de la métropole toulousaine. En 1982, Montrabé ne comptait que 1740 habitants, puis 2 350 en 1990, 3 200 en 1999 et 4322 aujourd’hui. Soit une croissance de 250 % de sa population en quarante ans !
Montrabé est à seulement 5 kilomètres du périphérique de Toulouse, ville-centre qui compte déjà un nombre important de McDonald’s. Il existe également trois McDonald’s dans trois des communes limitrophes de Montrabé, que sont Rouffiac-Tolosan, L’Union et Balma, commune qui abrite par ailleurs un Burger King et un KFC. Mais, manifestement, la direction de la multinationale américaine considère que la croissance démographique de Montrabé justifie l’implantation d’un restaurant supplémentaire dans cette zone. Une commune de 4300 habitants constitue ainsi aujourd’hui un bassin de chalandise suffisant pour un restaurant de ce type. C’est très révélateur de la place considérable prise par cette entreprise dans nos vies et dans nos habitudes alimentaires, mais aussi de la concurrence acharnée que se livrent ces différentes enseignes de fast-food pour occuper le terrain, et ne laisser aucun espace à leurs rivaux.
Le restaurant qui a été incendié était en construction sur un axe routier à proximité immédiate d’un rond-point, en face d’un supermarché Super U – le point de repère commercial de la commune. Montrabé est située par ailleurs entre l’autoroute A68 et la M112, deux voies très fréquentées qui permettent d’accéder à Toulouse. On voit que, dans la réflexion stratégique de McDo, il y a une volonté de mailler le territoire en dotant chaque sous-bassin de population d’un point de vente, mais aussi de cibler autant que possible des emplacements proches des grands axes de circulation. C’est une illustration de plus de la place prépondérante de l’automobile dans la vie des Français et de cette « civilisation de la voiture », sur laquelle surfe le fameux « drive » de McDonald’s, qui permet de commander un hamburger à emporter.
Les enseignes de fast-food ont-elles aussi transformé le rituel du repas à la française dans nos petites villes ?
À Montrabé, nous sommes typiquement dans une zone qui correspond à ce que j’appelle « la France hydroponique », un terme emprunté au registre lexical de l’agronomie (la culture hydroponique est pratiquée sous des serres dans lesquelles poussent, sur un substrat neutre, des fruits et des légumes au goût standardisé, NDLR). Cette commune périurbaine toulousaine ressemble ainsi, à bien des égards, à tant de communes situées dans les couronnes lyonnaise, bordelaise ou nantaise, par exemple. S’il subsiste quelques spécificités architecturales propres à chaque région, le rond-point, le Super U, le McDo et toutes les enseignes franchisées – avec leur esthétique standardisée et reconnaissable – contribuent à une uniformisation de nos paysages.
McDo sert 2 millions de clients par jour, ce qui fait de la France son deuxième marché mondial après les États-Unis.
Jérôme Fourquet
Avant que ce McDonald’s soit incendié, l’Association des parents d’élèves des écoles de la commune avait lancé une pétition contre le projet d’installation de ce restaurant. Ils s’inquiétaient des conséquences sur la santé de leurs enfants et alertaient sur les impacts pour la qualité de vie et l’environnement, tout en expliquant qu’il y avait déjà plusieurs fast-foods aux alentours. Cette mobilisation, pour respectable qu’elle soit, semble cependant un peu vaine, car, si la firme cherche à s’y implanter, c’est qu’elle a identifié une demande à satisfaire et une clientèle suffisante, y compris dans une commune de seulement 4 300 habitants. Une très large partie de la population s’est en effet convertie à ce type de pratiques alimentaires. McDo sert 2 millions de clients par jour, ce qui fait de la France son deuxième marché mondial après les États-Unis.
Dans une note pour la Fondation Jean Jaurès publiée en 2022, vous expliquiez que cette entreprise était plébiscitée par les 18-35 ans, quelles que soient leurs opinions politiques et leur catégorie socioprofessionnelle. Est-ce le dernier référentiel commun ?
L’étude portait sur les 18-35 ans, mais le phénomène dépasse cette génération. Les jeunes d’il y a trente ans qui ont découvert McDo à l’adolescence sont aujourd’hui pères et mères de famille. Ils y emmènent à leur tour leurs enfants. La mobilisation d’une partie du monde associatif local s’apparente donc à un combat d’arrière-garde.
En 1999, le syndicaliste agricole José Bové avait « démonté » le chantier du McDo de Millau, à 180 kilomètres de Montrabé. Ses arguments étaient identiques à ceux avancés par les parents d’élèves. En vingt-six ans, rien de nouveau sous le soleil, serait-on tenté de dire. Sauf que, à l’époque, les environs de Montrabé ne comptaient pas trois restaurants McDonald’s et la France n’en dénombrait pas 1 560. Le rouleau compresseur de cette enseigne avance implacablement.
Doit-on y voir l’échec de l’antiaméricanisme et des utopies anticapitalistes, qui ne datent d’ailleurs pas de McDonald’s ?
Tirant les enseignements de l’épisode José Bové, McDonald’s a compris que, pour séduire la clientèle française, il fallait franciser le concept. La marque a alors mis en avant le fait de faire travailler les agriculteurs français, a modifié sa carte (avec davantage de salades et de légumes au menu) et développé des recettes faisant référence à certains de nos terroirs.
En dépit de ces efforts d’acculturation, McDonald’s demeure un symbole emblématique de l’américanisation en profondeur de notre société. Le restaurant situé sur un rond-point face à un supermarché, comme c’est le cas de celui Montrabé, donne à nombre de communes périurbaines une couleur de « suburbs » américaines, telles qu’elles sont données à voir dans les innombrables films et séries américains, visionnés depuis plusieurs générations par le public français. Pour Montrabé, ce n’est pas l’unique ingrédient de cette coloration « yankee ». Dans ce pays de rugby, cette commune abrite de longue date un club de football américain, les Comètes, assez connu et performant sur le plan sportif. La ville accueille également le Montrabé Country Legend, un club de danse country, ainsi que trois salons de tatouage et une microbrasserie appelée Ice Breaker Brewing, où l’on peut commander une pinte de « craft beer », comme outre-Atlantique. Ajoutez à cela un golf et un skatepark : toute une série de marqueurs paysagers de l’Amérique contemporaine se trouvent transplantés dans la France hydroponique, dont Montrabé n’est que l’un des nombreux exemples.
Les McDonald’s sont-ils toutefois mieux acceptés que l’implantation massive de kebabs et d’autres enseignes de fast-food américaines en France ?
Peut-être en partie. Mais, au-delà du McDo de Montrabé, on trouve un Burger King et un KFC dans des communes voisines. À l’échelle nationale, d’autres chaînes se développent, comme Popeyes et sa cuisine cajun, originaire de Louisiane. Sans parler de Five Guys, des enseignes de donuts et de tous ces ingrédients de l’imaginaire américain qui se déploient progressivement chez nous, y compris dans des lieux reculés. Ce phénomène concerne l’alimentation, mais également, on l’a vu, des pratiques sportives et récréatives. Cette transformation génère auprès d’une frange minoritaire de la population des réactions parfois hostiles – en témoigne la pétition que j’évoquais plus tôt – ou plus radicales, comme l’illustre l’incendie de Montrabé.
Neue Zürcher Zeitung, 10 avril
Marine Le Pen attackiert die Justiz. Doch der Weg an die Macht führt in ihrem Fall nur über die Mässigung
Frankreichs beliebteste Politikerin muss damit rechnen, von der nächsten Präsidentschaftswahl ausgeschlossen zu sein. Das hat Le Pen dazu verleitet, ihren Erfolgskurs zu verlassen. Inzwischen gibt sie sich etwas zahmer – und fährt eine geschickte Doppelstrategie.
Full text:
Vergangene Woche sind in Frankreich neun aktive und ehemalige Politiker der Veruntreuung öffentlicher Gelder schuldig gesprochen worden. Die höchste Strafe bekam eine noch im Amt stehende Parlamentsabgeordnete: vier Jahre Gefängnis, davon zwei auf Bewährung, und 100 000 Euro Busse. Dazu kommt ein automatischer Entzug des passiven Wahlrechts für eine bestimmte Zeit – in ihrem Fall für fünf Jahre.
Die Ämtersperre ist eine in Frankreich immer häufiger verhängte Strafe: Im Jahr 2023 wurde sie gegen mehr als 16 000 Personen ausgesprochen; in 639 Fällen mit sofortiger Wirkung. Dennoch hatte das Urteil vom 31. März die Wirkung eines Erdbebens.
Denn die Parlamentarierin, die ihr Amt zwar behalten darf, aber sich vorläufig keiner Wahl stellen kann, ist jene Frau, die den französischen Politikbetrieb seit Jahren vor sich hertreibt. Zwar ist sie nur noch inoffiziell Chefin des Rassemblement national (RN). Doch Marine Le Pen ist dem Zentrum der Macht in den vergangenen Jahren Schritt für Schritt näher gekommen. Ihre Partei hat bei den letzten beiden Europawahlen das beste Ergebnis erzielt. Seit der Parlamentswahl im vergangenen Sommer stellt das RN die grösste Oppositionsfraktion im Parlament. Le Pen selbst hat es bei den letzten beiden Präsidentschaftswahlen in die Stichwahl geschafft – und 2022 war die Niederlage gegen Emmanuel Macron deutlich knapper als 2017. Ganz Frankreich weiss: Marine Le Pen will immer noch Präsidentin werden. Und ihre Chancen, endlich zu gewinnen, wären derzeit intakt.
Krawatten statt Krawall – und ein breiteres Programm
Die Entscheidung der Richter hat diese Pläne durchkreuzt. Nicht nur in Frankreich fragt man sich, welche Auswirkungen das mittelfristig haben wird. Unterstützer wie Kritiker Le Pens sind sich einig: Sie wird von der Verurteilung profitieren. Der Schuldspruch und die sofort wirksame Strafe machen es ihr leicht, sich als Opfer einer politisierten Justiz darzustellen.
In ihren ersten Reaktionen hat Le Pen diesen Erwartungen voll entsprochen. Sie verliess den Gerichtssaal, bevor die Richterin das Strafmass überhaupt ausgesprochen hatte. Nur wenige Stunden später gab sie ein wütendes Interview, in dem sie ihre Unschuld beteuerte, die Verletzung des Rechtsstaates beklagte und den Richtern Praktiken vorwarf, die sonst in autoritären Systemen angewandt werden. Sie zog absurde Parallelen zwischen sich und den Schicksalen des russischen Oppositionellen Alexei Nawalny sowie des kürzlich verhafteten Istanbuler Bürgermeisters. Und sie behauptete, dass «in allen europäischen Ländern die Chefs nationaler Parteien verfolgt» würden. Sie werde aber nicht aufgeben und dafür kämpfen, die «Demokratie zu retten».
Ausgelassen hat sie dagegen, dass das RN vor ein paar Jahren ebenfalls forderte, Veruntreuung öffentlicher Gelder und Betrug von Amtsträgern härter zu ahnden – und entsprechende Gesetzesverschärfungen unterstützte.
Die Angst ihrer Gegner, Le Pens Narrativ könnte wirken, ist dennoch nicht unbegründet. Seit Jahren zeigen Umfragen die wachsende Frustration der Französinnen und Franzosen über die etablierten Parteien und die Unzulänglichkeiten des Sozialstaates. Das Vertrauen in Politik und Institutionen ist in Frankreich im europäischen Vergleich tief. Le Pens Reaktion bekräftigt jene, die der Meinung sind, dass die Elite im Land sich um das Volk foutiere – oder es gar mithilfe der Justiz zu unterdrücken versuche.
Doch so erwartbar Le Pens Reaktion war – sie ist auch riskant. Denn ihr Erfolg der letzten Jahre kam vor allem durch Mässigung zustande. Das RN ist für immer mehr Französinnen und Franzosen wählbar geworden, weil Le Pen die extremsten Stimmen zum Schweigen brachte und das Themenspektrum der Partei erweiterte.
Zwar sind im Weltbild der Partei noch immer vor allem Ausländer – insbesondere Muslime – die Quelle aller Probleme im Land. Doch das RN hat auch Vorschläge für das französische Dauerbrennerthema Kaufkraft, eine Haltung zur Erhöhung des Rentenalters und ein sozialistisch anmutendes Wirtschaftsprogramm. Zudem hat Le Pen mit dem noch nicht dreissig Jahre alten Jordan Bardella einen Mann gefördert, der jüngere Wählerschichten mobilisiert.
Auch der Auftritt der RN-Vertreter hat sich verändert. In der Assemblée nationale, wo es in den letzten Monaten überdurchschnittlich stürmisch zu und her ging, spielte das RN seine Rolle als grösste Oppositionspartei mit Würde und wenig Krawall. Und als die Nationalisten sich im Dezember entschieden, mit den Linken zusammen den Regierungschef zu stürzen, begründete sie dies vor allem mit viel Kritik am Haushaltsgesetz: Es enthalte – einmal mehr – zu viele Steuererhöhungen, sei zum grossen Nachteil der Rentner und Geringverdienenden und überhaupt ein Gesetz ohne Ziel und Vision.
Das RN hat es seinen Gegnern immer schwerergemacht, seine Vertreter als Systemfeinde darzustellen. Die Nationalisten haben sich ins System eingefügt, so dass die Bezeichnung «extrem» zunehmend fehl am Platz schien. Auch bei der internationalen Verbrüderung wurden sie wählerisch. In den letzten Jahren distanzierte sich das RN von jenen, die ihnen zu extrem – weil systemfeindlich – erschienen, etwa die deutsche AfD oder Donald Trump.
Weg frei für die Ambivalenz
Diesem über Jahre sorgfältig polierten Image haben Le Pen und ihre Mitstreiter mit ihren Wortmeldungen der letzten Tage Risse zugefügt. Doch Le Pen wäre töricht, würde sie die Strategie derart radikal ändern und dem offensichtlich erfolgreichen Kurs der letzten Jahre so leichtfertig abschwören. Denn trotz persönlichem Ärger wird sie im Kopf haben, dass ein Sieg bei der Präsidentschaftswahl nur möglich wird, wenn das RN noch mehr Wählerinnen und Wähler mobilisieren kann – in einer Stichwahl mehr als 50 Prozent. Das funktioniert nicht über Radikalisierung; Politologen schätzen den systemkritischen Kern der RN-Wählerschaft auf etwa 20 Prozent.
In den vergangenen Tagen gab es weitere Indizien, wonach die Viktimisierung von Le Pen nicht zur Mobilisierung taugt. Laut Umfragen finden 57 Prozent der Befragten das Urteil gegen Marine Le Pen angesichts der Vorwürfe angemessen. Und eine vom RN organisierte Solidaritätskundgebung am vergangenen Wochenende brachte weit weniger Teilnehmer auf die Strasse als erhofft. Schon bei dieser Veranstaltung klang der Parteipräsident Bardella differenzierter. Er sagte, das RN stelle weder die Gewaltenteilung noch die Unabhängigkeit der Justiz infrage, sie seien die Garantie eines Rechtsstaats. Le Pen echauffierte sich zwar erneut über das «politische Urteil», meinte nun aber auch, man dürfe nicht «die ganze Justiz» über einen Kamm scheren.
Die überschäumende Empörung über das Urteil ist am Ende womöglich weniger Strategie als durch Le Pens persönliche Ambitionen begründet. Hartnäckig behauptet sie, mit der fünfjährigen Ämtersperre gegen sie werde den RN-Sympathisanten die Präsidentschaftswahl gestohlen – und damit die Demokratie beschädigt. Dieser Vorwurf ist absurd. Zwei Jahre sind lang genug, um einen anderen Kandidaten aufzubauen. Aber beim RN ist eine Alternative zur Kandidatur Le Pens bis jetzt ein Tabu. Die 56-Jährige arbeitet inzwischen seit fünfzehn Jahren darauf hin, in den Élysée-Palast einzuziehen. Am Ende könnte es darum gehen, ob sie bereit ist, ihre persönlichen Ambitionen für den Erfolg der Partei zurückzustellen.
Doch so weit ist es noch nicht. Die Ankündigung des Berufungsgerichts, bis im Sommer 2026 eine Entscheidung zu fällen, verschafft Le Pen Luft – und macht den Weg frei für eine zweigleisige Strategie. Sie positioniert sich als Kämpferin für «die Demokratie» und klammert sich an die (kleine) Hoffnung, die zweite Instanz möge die Dauer der Ämtersperre reduzieren oder sie gleich ganz aufheben. Gleichzeitig kann ihr junger Parteichef mit moderaterer Stimme sprechen und versichern, wie viel dem RN daran liege, den Rechtsstaat zu respektieren. Mit dieser Arbeitsteilung halten sich Le Pen und Bardella alle Optionen offen.
Gewonnen ist damit zwar noch nichts. Noch ist völlig unklar, mit welchen Konkurrenten es das RN dereinst zu tun haben wird. Dennoch haben Le Pens Gegner allen Grund, mit Sorge in die Zukunft zu blicken. Bardella kommt bei der Bevölkerung so gut an wie seine Mentorin.
Le Point, 8 avril
Fin de règne : le « coup de vieux » d’Emmanuel Macron
CHRONIQUE. Un grand meeting sans lui, un monde qui tourne mal, mais sans lui, le président qui voulait incarner le nouveau monde est passé de mode.
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Avec la crise internationale et son appel à la mobilisation patriotique, le président de la République a-t-il connu, deux ans avant la fin de son mandat, son chant du cygne ? En quelques jours, deux événements distincts nous suggèrent qu’il est passé de mode.
Le premier est la sortie officielle, jeudi dernier, du dernier livre de Giuliano da Empoli, L’Heure des prédateurs. Ce remarquable essai politique raconte, de Riyad à Washington, l’alliance objective entre les seigneurs de la tech et les autocrates décomplexés, façon Trump ou Milei – qu’il appelle les borgiens – pour devenir les maîtres du monde.
Les premiers, selon l’auteur, ont beaucoup en commun avec les seconds : « Comme eux, ils se méfient des experts et des élites, de tous ceux qui représentent l’ancien monde et qui pourraient les empêcher de poursuivre leurs rêves. Comme eux, ils ont le goût de l’action et sont convaincus de pouvoir modeler la réalité selon leurs désirs ; la viralité prime sur la vérité et la vitesse est au service du plus fort. Comme eux, ils n’ont que mépris pour les politiques et les bureaucrates : ils en voient la faiblesse et l’hypocrisie, ils sentent que leur époque est révolue. »
Un bureaucrate comme les autres
Le chef de l’État aussi, il y a neuf ans presque jour pour jour, quand il créait En marche ! à Amiens, voulait tout faire exploser : la gauche et la droite comme les vieux codes de la politique. Il a en partie réussi. Mais, selon le récit glaçant de Giuliano da Empoli, il a trouvé plus neuf que lui. Les « borgiens » ne respectent pas les règles du droit international, celles-là mêmes qu’Emmanuel Macron entend défendre de toutes ses forces.
Les « borgiens » détestent la réflexion et méprisent la lecture, à l’image de Donald Trump qui, paraît-il, ne consulte pas sérieusement une seule note, même d’une demi-page. Emmanuel Macron avait fait, au début de son règne, un emblème de son rapport à la littérature et à la langue française. Saxifrage est, racontait-il alors, son mot préféré. Ceux des borgiens sont plutôt cryptomonnaie, forage ou tronçonneuse. Et puis, le président français est terriblement classique pour ces aventuriers qui entendent donner le « la » sur toute la planète : il est lui aussi, qu’il l’assume ou non, un bureaucrate, un représentant des élites anciennes, blanchies sous le harnais des meilleures écoles où elles ont obtenu les meilleures notes.
Emmanuel Macron entend représenter le cercle de la raison dans un monde qui déraille ? On ne peut que l’y encourager, mais cette volonté ne paraîtra que démodée si elle n’est pas suivie de résultats.
« Attal président »
L’autre événement s’est déroulé dimanche dernier à la Cité du cinéma de Saint-Denis. Pour le neuvième anniversaire de la création d’En marche !, l’ancêtre de Renaissance, son nouveau patron Gabriel Attal tenait meeting « Pour la démocratie » et surtout pour lui-même.
« Nous étions des pionniers lorsqu’il y a neuf ans jour pour jour, derrière Emmanuel Macron, nous avons quitté nos familles politiques pour faire ce choix dans l’intérêt du pays. » C’est à peu près la seule référence au président qu’a faite son ancien Premier ministre, tandis que retentissaient dans la petite foule réunie les « Attal président ». Une incantation qui semblait très prématurée, pour ne pas dire un peu ridicule. Emmanuel Macron a personnifié un souffle nouveau. Gabriel Attal risque de sembler démodé avant même d’avoir été vraiment jeune.
L’Opinion, 8 avril
François Bayrou : un Premier ministre ne devrait rien dire « à titre personnel »
Comment les Français ne peuvent-ils pas être troublés par cette communication intermittente ?
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Qui gouverne la France ? Le ci-devant François ou le Premier ministre Bayrou ? Une chose est sûre, François Bayrou ajoute la confusion au chaos lorsqu’il mêle à ses positions officielles des expressions « à titre personnel ». L’un refuse de commenter une décision de justice à propos de Marine Le Pen ; l’autre, face aux députés, s’interroge « en tant que citoyen » sur l’exécution provisoire. L’un soutient ouvertement la proposition de loi (déjà votée au Sénat) pour généraliser l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives ; l’autre, devant les membres de sa majorité, freine pour l’inscrire à l’agenda de l’Assemblée nationale afin de ne pas « stigmatiser nos compatriotes musulmans ». Sans doute en quête de cohérence, son entourage invoque là encore des « propos personnels ». Même langue en stéréo pour les zones à faibles émissions ou pour Parcoursup.
Pour l’hôte de Matignon, ce double langage a ses avantages : déguiser des couacs en liberté de parole, dans une gouvernance plus qu’approximative ; ménager les contraires, dans une majorité relative fragile ; faire passer l’immobilisme pour de la stabilité, dans un flot de mots aussi brouillé que contradictoire. Mais comment les Français peuvent-ils ne pas être troublés par cette communication intermittente ? Sur le financement de l’effort de guerre, sur les retraites, sur la santé, sur la réforme budgétaire, le pays a moins besoin de bavardages que d’arbitrages, de concertations que de décisions. Rapides et en nombre. Quitte à programmer une session extraordinaire, option jusque-là écartée – par soucis de durer plutôt que d’endurer ? Dans cette période de grands fracas, la clarté dans les propos et dans l’action devrait être un impératif. Portée par une règle d’or : un Premier ministre ne devrait rien dire à titre personnel.
Le Point, 7 avril
La France, dernier homme malade de l’Europe
ÉDITO. Alors que l’Europe avance, l’exécutif est à l’arrêt, et la France, désarmée face à la plus dangereuse situation qu’elle a dû affronter depuis les années 1930.
Par Nicolas Baverez
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La France se trouve dans une position paradoxale. Après la remise en mouvement de l’Allemagne par Friedrich Merz, alors que l’Europe du Nord conjugue compétitivité, transition écologique et réarmement, que l’Europe du Sud se redresse, que l’Europe orientale poursuit son rattrapage, notre pays reste le seul homme malade de l’Europe.
Mais, dans le même temps, le retour des empires, l’ensauvagement du monde, la prise en étau de l’Europe par l’alliance contre-nature des États-Unis et la Russie soulignent la pertinence du principe d’indépendance nationale, fondateur de la Ve République, comme celle du projet d’une Europe autonome défendu depuis les années 1960.
Et ce au moment où le tournant illibéral des États-Unis crée un choc existentiel pour l’Allemagne, reconstruite et réunifiée sous leur protection, pour le Royaume-Uni, dont la dissuasion nucléaire et le renseignement dépendent de Washington, pour la Pologne et les pays Baltes, qui ont confié leur destin à l’Otan après la désintégration de l’Union soviétique.
Dette publique insoutenable
Sous Emmanuel Macron, le déclin de la France s’est transformé en effondrement. Effondrement démographique avec une fécondité réduite à 1,62 enfant par femme et la perspective de décès supérieurs aux naissances dès 2027. Effondrement économique avec une croissance anémique de 0,4 %, une productivité en chute de 6 % depuis 2019, la reprise de la désindustrialisation et l’explosion des faillites.
Effondrement commercial avec un déficit de 81 milliards d’euros en 2024, avant même les mesures protectionnistes décidées par Donald Trump. Effondrement social avec la remontée du chômage vers 8 % des actifs, la paupérisation de pans entiers du territoire et de la population, une richesse par habitant inférieure de plus de 15 % à celle de l’Allemagne.
Effondrement financier avec une dette publique de 3 305 milliards d’euros, soit 113 % du PIB, insoutenable dès lors que les taux d’intérêt (3,55 %) sont largement supérieurs à la croissance nominale (2,5 %). Effondrement de l’État avec la décomposition de l’éducation, de la santé et de la sécurité en dépit de la mainmise sur 57 % du PIB.
Une situation absurde
Depuis la dissolution insensée de juin 2024 s’ajoutent le chaos institutionnel, la paralysie de la décision publique, l’installation de la vie politique dans une bulle déconnectée du monde extérieur comme de la société française. Alors que la Ve République a été conçue pour affronter les chocs de l’Histoire, l’exécutif est à l’arrêt, et le pays, désarmé face à la situation la plus dangereuse depuis les années 1930. Le président de la République comme le Premier ministre ont pour seul objectif de durer.
La multiplication des sommets, l’inflation des annonces et des chiffres, avec la volonté de prolonger le « quoi qu’il en coûte » en l’appliquant à la défense, ne masquent plus le défaut systématique d’exécution et l’inanité de l’action, y compris dans le domaine du réarmement.
La France est tétanisée et marginalisée par le déni persistant de sa crise, le refus de la modernisation de l’État et de la baisse des dépenses publiques, l’occultation du lien fondamental entre le réarmement et la réorientation du modèle économique et social autour du travail, de l’investissement et de l’innovation. Elle constitue un risque majeur et non pas une source de réassurance de l’Europe au moment où sa souveraineté et sa liberté sont menacées.
La situation critique de la France est d’autant plus absurde que notre pays regorge d’atouts : des talents remarquables, des universités et une recherche de rang mondial, de l’épargne, une énergie décarbonée avec le nucléaire, des infrastructures de qualité, de grands groupes internationalisés et compétitifs, un patrimoine et une culture exceptionnels, une dissuasion autonome et des armées ayant conservé l’expérience du combat. Mais ces points forts sont annihilés par un système politique qui sanctuarise tout ce qui nous ruine et condamne tout ce qui pourrait nous sauver.
Des réformes indispensables
Si nous cessions de détruire les ressources rares dont nous disposons, le redressement pourrait être spectaculaire et rapide, comme en témoignent notre histoire, notamment en 1945 ou en 1958, ou la relance des pays scandinaves et des autres pays méditerranéens.
Or le rétablissement de la France est une condition nécessaire pour la transformation de l’Europe en puissance. Mais il faut pour cela que les Français choisissent d’effectuer rapidement les réformes indispensables pour échapper à la tutelle du FMI, de l’Union européenne et de la BCE, et qu’ils conjurent la tentation autoritaire.
Marc Bloch soulignait dans L’Étrange Défaite que « les ressorts profonds de notre peuple sont intacts et prêts à rebondir. Ceux du nazisme, par contre, ne sauraient supporter toujours la tension croissante, jusqu’à l’infini, que les maîtres présents de l’Allemagne prétendent leur imposer ».
Les empires autoritaires rejoints par les États-Unis ont le vent en poupe mais le règne de l’arbitraire, le capitalisme de prédation et les projets d’expansion illimitée ne sont pas soutenables à terme. Il est urgent de mobiliser l’énergie et la créativité des Français, qui demeurent bien réelles, au service du sursaut de la France et de la défense de la liberté. Sans attendre 2027. Car nous n’avons que trop perdu de temps.
Le Figaro, 7 avril
Nicolas Baverez : «La corruption des institutions de la Ve République»
CHRONIQUE – Le gouvernement se réduit à un club d’autoentrepreneurs politiques, qui se consacrent à leur carrière et à leur communication sans se préoccuper ni de conduire des politiques publiques ni de diriger leur administration.
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Dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, le général de Gaulle soulignait qu’« une Constitution, c’est un esprit, des institutions et une pratique ». L’esprit de la Ve République consistait à restaurer la stabilité et le pouvoir d’action de l’État pour assurer, en toutes circonstances, la continuité, la souveraineté et la liberté de la nation. Les institutions reposaient sur la nature duale du régime, à la fois présidentiel et parlementaire, ainsi que sur la garantie des droits individuels confiée à l’autorité judiciaire. La pratique contrebalançait la prééminence du chef de l’État, ancrée dans son élection au suffrage universel direct à partir de 1962, par la mise en jeu de sa responsabilité en cas de désaveu par les électeurs.
La Ve République détient désormais un record de longévité. Elle a montré une remarquable plasticité en s’adaptant à l’alternance, aux cohabitations, au quinquennat, au renforcement des pouvoirs du Parlement, à l’érection du Conseil constitutionnel en cour suprême. Mais elle n’est parvenue à durer qu’au prix de sa corruption, qui constitue l’une des sources du naufrage de la France réduite au rang d’homme malade de l’Europe. Et la dissolution a joué le rôle d’accélérateur et de révélateur de sa dénaturation.
Des institutions dévoyées
L’esprit s’est perdu puisque l’État, obèse et impuissant, ne sert plus que ses propres intérêts et ses agents, ignore les enjeux de long terme, constitue un facteur de risque pour la nation et les citoyens par son inefficacité chronique et sa faillite financière.
Les institutions ont été dévoyées. Le président de la République concentre tous les pouvoirs mais n’en exerce réellement aucun, l’État ayant perdu non seulement la capacité à agir mais même le monopole de la violence légitime. Le premier ministre n’est plus une fonction mais une fiction. Le gouvernement se réduit à un club d’autoentrepreneurs politiques, qui se consacrent à leur carrière et à leur communication sans se préoccuper ni de conduire des politiques publiques ni de diriger leur administration, laissant le champ libre à une bureaucratie qui a colonisé et asservi l’État. Le Parlement multiplie des textes inutiles qui tuent les lois nécessaires ; il ne contrôle pas le gouvernement ; il ne contribue pas au débat public par des échanges éclairés et raisonnables mais encourage l’ensauvagement de la société.
La Ve République a été pervertie en une IVe République, en pire : elle cumule en effet l’instabilité, l’impuissance, le discrédit international et le mépris de ses propres citoyens
L’autorité judiciaire s’est engouffrée dans ce vide. Elle s’est autonomisée et fait prévaloir la vision morale du corps des magistrats sur la loi, gouvernant de plus en plus, poursuivant une vendetta judiciaire contre la classe politique, délaissant tant le maintien de la paix civile que la protection des libertés fondamentales, comme on l’a vu pendant l’épidémie de Covid. Le droit ne lie plus la communauté des citoyens et n’exprime plus l’intérêt général ; il devient une norme abstraite au service d’un projet militant. Trahi par ses dirigeants, abandonné par une justice qui ne le protège plus, tyrannisé par un État aussi impitoyable avec les gens honnêtes que faible face à la violence, le citoyen est passé de la sidération au désespoir puis à la colère et à la violence.
Enfin, la pratique a été viciée par l’hyperprésidentialisation, qui est allée de pair avec une irresponsabilité illimitée. La démocratie, c’est la responsabilité des dirigeants devant les citoyens qui constitue le véritable antidote à l’arbitraire. Or la dissolution insensée de juin 2024, venant après le double échec des législatives de 2022 et des élections européennes, a démontré de manière définitive que celui qui décide de tout n’est jamais responsable de rien, alors que ceux qui assument les conséquences de ses actes irréfléchis ne décident de rien.
Les conséquences sont immenses. La Ve République a été pervertie en une IVe République, en pire : elle cumule en effet l’instabilité, l’impuissance, le discrédit international et le mépris de ses propres citoyens, mais sans la croissance et le plein-emploi, la modernisation de l’appareil productif et l’amélioration du niveau de vie. Elle est entrée en apesanteur. Apesanteur du point de vue de la légitimité avec un président qui n’a été élu qu’en escamotant débat et campagne et en achetant l’élection avec l’argent des Français à travers un déluge de dépenses et de dettes publiques qui a mis la France au bord du défaut. Apesanteur du point de vue constitutionnel puisqu’il n’existe plus ni séparation des pouvoirs, ni garantie effective des droits, ni réassurance de l’ordre public. Apesanteur opérationnelle puisque l’État accapare 57 % du PIB sans être capable d’assurer les services publics de base. Apesanteur démocratique avec un système politique déconnecté des bouleversements du monde comme des réalités de la société française.
Nouvelle donne
À l’égal de la IIIe République face à la montée des totalitarismes dans les années 1930, à l’égal de la IVe République face à la guerre d’Algérie dans les années 1950, la Ve République se décompose au pire moment, alors que les États-Unis basculent dans l’illibéralisme, qu’ils s’alignent sur l’offensive lancée par les empires autoritaires contre la démocratie et l’Union, que l’Europe se trouve prise sous les feux croisés de l’impérialisme et du protectionnisme de Washington, de la menace militaire de Moscou, du dumping de Pékin.
Dès lors, que faire ?
L’abandon de la Ve République serait aussi erroné que paradoxal, au moment où ses principes fondateurs – l’indépendance et la souveraineté nationales, la dissuasion nucléaire, la construction d’une Europe politique et autonome, la mobilisation en faveur d’une économie sociale de marché moderne – sont pleinement validés par la nouvelle donne du XXIe siècle. L’adoption du scrutin proportionnel doit donc être résolument écartée, qui lui donnerait le coup de grâce en institutionnalisant la fragmentation du système politique et son instabilité tout en coupant définitivement la représentation nationale des citoyens.
La solution consiste dès lors à restaurer l’esprit de la Ve République en réintégrant la responsabilité en haut et l’engagement des citoyens en bas. Il faut rétablir la cohérence de l’exécutif : la stratégie à l’Élysée, l’opératif à Matignon et la tactique dans les ministères. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs doit être réarmée, qui suppose que le Parlement contrôle le gouvernement et les politiques publiques plutôt que de prétendre s’ingérer dans le fonctionnement des entreprises à travers les commissions d’enquête, et que l’autorité judiciaire réintègre sa mission de « bouche de la loi », selon la formule de Montesquieu.
Le retour de la responsabilité dans le système de décision public passe par trois ruptures majeures : une déréglementation massive afin de libérer l’économie et la société du poids d’une bureaucratie incapable et ruineuse ; une décentralisation effective, notamment des secteurs clés de l’éducation et de la santé ; l’application d’une contrainte financière généralisée afin de rétablir la souveraineté de la nation en même temps que l’équilibre des finances publiques. Il reste que du fait du blocage du système politique tout dépend aujourd’hui des Français.
The Economist, 4 avril
Bar one : Marine Le Pen’s ban polarises France
Pending her appeal, it also opens up the presidential election
Full text:
For the better part of a decade Marine Le Pen has worked methodically to transform an extremist, xenophobic fringe movement into a more respectable nationalist party ready to govern. The French hard-right leader had a reasonable chance of winning the highest office in 2027, after three unsuccessful presidential bids. The Paris court ruling on March 31st, however, which barred Ms Le Pen from running for elected office for five years, has upended both her chances and her strategy. Channelling her inner Donald Trump, the visibly furious leader of the National Rally (RN) party declared that “the system has taken out the nuclear bomb…because we are on the verge of winning power…We will not allow the French people to have the presidential election stolen from them.”
The court ruling came as a political thunderbolt. The surprise was not that it found Ms Le Pen guilty, along with eight other current or former members of the European Parliament and 12 former assistants. The meticulous 152-page ruling found the accused had misused public funds to the tune of €4.1m ($4.4m), but did not point to any personal enrichment. It did place Ms Le Pen “at the heart” of a system which, between 2004 and 2016, used funds from the EU’s assembly to finance her national party. One parliamentary assistant, said the judges, had never lived in Brussels. Ms Le Pen was also given a €100,000 fine and a prison sentence of four years, two of them suspended and two to be carried out by the use of an electronic bracelet. She denies any wrongdoing.
What really shook the RN leader was the immediate application of the ban, even pending her appeal. The public prosecutors had requested this, but the judges were not obliged to agree. It does not stop Ms Le Pen from continuing to sit as an opposition member of parliament. But, unless overturned on appeal, it will make it impossible for her to run for the presidency at the next election.
The Court of Appeal has now said that it aims to have a decision on Ms Le Pen’s appeal ready by the summer of 2026. This offers a narrow chance for her to rescue her presidential bid. She is also lodging an appeal to the constitutional council, France’s highest constitutional body, for a suspension of the ruling on the grounds of respecting the freedom of the electorate. But as a French constitutional lawyer says, “the timetable is very tight; it is not at all evident that she can get back in the game.”
Furious party figures have seized the chance to portray Ms Le Pen as a victim of a system bent on keeping her from power. Jordan Bardella, the RN’s official president and her 29-year-old protégé, posted on X that “French democracy has been executed.” Ms Le Pen declared that the “rule of law has been totally violated” and that the judges were applying practices “which one thought confined to authoritarian regimes”. She received messages of support from such regimes, including from a Kremlin spokesperson and from Hungary’s Viktor Orban, who posted “Je suis Marine!”
This anti-system message will ring true with her core voters, who have applauded over the years as she depicts herself as the champion of the people battling the Paris elite. A poll by Elabe found that 89% of her supporters considered the ruling to be designed to bar her from running. The party is organising a “peaceful” show of support for Ms Le Pen in Paris on April 6th.
For more recent supporters though, who have been drawn to the scrubbed-up version of the RN with its snappily dressed parliamentarians, the effect could be different. Unlike the party’s adherents, a majority (57%) of all those polled judged the ruling reasonable. Politicians from President Emmanuel Macron’s broad centre have a fresh spring in their step. “She’s playing the Trump card, but I’m not sure how well that will go down here,” says Roland Lescure, a deputy from Mr Macron’s party. In another poll 79% had an unfavourable opinion of Mr Trump.
All of this leaves the RN in some disarray. It was unprepared for the ruling, and scrambled to organise an emergency meeting in response. Ms Le Pen insists that she remains the presidential candidate, and the party is not publicly discussing a back-up plan. If it leaves it too late, though, and her ban is confirmed on appeal, its prospects will be damaged. Mr Bardella is popular, smooth and boasts a 2m-strong TikTok following; but he has little experience, and none outside politics. The party had been preparing him as a potential future prime minister, not a president.
Pending Ms Le Pen’s appeal, the presidential election now looks far more open than it did before the court ruling. Mr Macron cannot constitutionally run for a third consecutive term. There is no single front-runner from the political centre to replace him, but there are plenty of aspirants. Polls give Edouard Philippe, one of his former prime ministers, a slight edge. Gabriel Attal, another ex-prime minister, also fancies his chances. A more open race will intensify rivalry between them, as well as with hopefuls on the left and centre-right. Polls may now begin to sort them more clearly.
Yet this week’s ruling is also likely to stir up France’s polarised politics. Ms Le Pen is not about to lead, or even encourage, a physical siege of the National Assembly: it is Mr Trump’s messaging, not his methods, that appeal. Yet her full-frontal assault on the judicial system borrows vocabulary from the American populist in ways that could put off wider recruits to her cause, while also making her indignant base more determined than ever. ■
https://www.economist.com/europe/2025/04/03/marine-le-pens-ban-polarises-france
Le Point, 4 avril
Étienne Gernelle : « L’affaire Le Pen et le bourbier français »
ÉDITO. Le malaise créé par l’exécution provisoire accompagnant le jugement de Marine Le Pen est un nouveau spasme pour une France en pleine déliquescence politique et économique.
Full text:
Le paradoxe de la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire – c’est ce dernier point qui fâche – est qu’elle a en partie détourné l’attention des crapuleries d’une candidate dont le parti avait autrefois adopté le slogan « Mains propres et tête haute »…
« Le crime fait la honte et non pas l’échafaud », écrivait Corneille. Le tribunal, en ajoutant à sa décision une dispensable « exécution provisoire », et surtout en la motivant de manière étonnamment légère par un « risque de récidive », qui découlerait selon lui de l’absence de reconnaissance des faits par les prévenus, a contredit Corneille et jeté la suspicion sur son propre jugement. Sans cet appendice, il n’y aurait rien eu à redire à la sentence, et il est à parier que personne n’aurait pour autant dénoncé un quelconque laxisme de la justice.
Le piège, dès lors, est tendu. Peut-on réaffirmer, d’un côté, que nul n’est au-dessus des lois, même une favorite des sondages, et défendre, de l’autre, l’un des principes essentiels du droit, le double degré de juridiction – c’est-à-dire la possibilité de faire appel –, qui ne devrait souffrir d’exceptions, comme l’exécution provisoire, que dans des cas rares et solidement justifiés ?
La difficulté de tenir les deux bouts de cette affaire explique sans doute le malaise constatable chez plusieurs responsables politiques réputés modérés et raisonnables, de droite comme de gauche, qui ont fait montre d’une singulière retenue. On les comprend, tant l’injonction de choisir un « camp » est forte ces temps-ci, et la nuance, en voie de disparition. Une « époque de sommations », selon la formule de Kamel Daoud…
Assemblée balkanisée, gouvernement quasi fantôme
Bourbeuse époque où il devient téméraire de se lever lorsqu’un adversaire, même indéfendable, est traité inéquitablement ; où l’on ne comprend plus que les droits de la défense doivent aussi bénéficier aux coupables. Et coupable, Marine Le Pen l’est. Coupable, Marine Le Pen l’est aussi d’ailleurs, même si c’est là un jugement politique, de s’être vautrée dans une pathétique complaisance envers Vladimir Poutine, lequel n’est pas un modèle en matière d’État de droit. Mais voilà une raison de plus de lui montrer la différence entre la justice d’ici et celle de là-bas… Les apôtres de cet ersatz de robespierrisme, selon lequel il serait logique d’accorder un peu moins de libertés aux ennemis de la liberté, ne servent pas la cause.
L’affaire Le Pen ne va évidemment rien arranger au marécage politique français : une Assemblée nationale balkanisée et un gouvernement quasi fantôme, sur fond de glissade vers l’abîme de nos finances publiques. L’impossible budget 2025 a été fatal à Michel Barnier ? Qu’importe, l’équipe suivante, menée par François Bayrou, a remédié à la situation en faisant passer un texte encore moins crédible… Le déni en la matière des forces politiques – RN et LFI en tête – semble d’autant plus difficile à perturber que celui qui était censé incarner la « raison », Emmanuel Macron, a creusé un trou béant dans la coque budgétaire. Dès lors, pourquoi se gêner ?
Le gouffre de la dette
Il y a un an, notre journal titrait en couverture « L’homme aux 1 000 milliards de dette », avec la photo du président. Nous avions élaboré plusieurs hypothèses quant au moment où la dette accumulée depuis son accession à l’Élysée atteindrait ce niveau symbolique. L’intéressé avait alors très mal pris nos petits calculs (et notre « une »). Sauf qu’il a en réalité fait pire que ce que nous pensions, puisque le seuil des 1 000 milliards a été franchi début septembre 2024, soit avant l’échéance la plus rapprochée que nous avions envisagée (janvier 2025)… La déliquescence s’aggrave, et les options semblent, elles, se réduire à presque rien dans la configuration politique aussi visqueuse que délétère que nous connaissons.
Le monde accélère – il n’est qu’à voir l’offensive chinoise dans le domaine de la voiture électrique – ou s’embrase, selon les régions. La France, elle, est tétanisée. Pire, à chaque spasme politique, elle semble s’enfoncer un peu plus, comme dans des sables mouvants. Jusqu’où ?
Le Point, 3 avril
Condamnation de Marine Le Pen : le malaise de l’exécution provisoire
Sévère à juste titre, le jugement de Marine Le Pen, dans le cadre du procès des assistants d’eurodéputés du FN, peine à justifier, en droit, l’inéligibilité avec effet immédiat.
Par Nicolas Bastuck :
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«On a compris que l’enjeu dépasse cette audience, mais le tribunal va faire comme d’habitude et donner les explications qu’il estime utiles », indique dans un petit sourire la présidente Bénédicte de Perthuis. Il est 10 h 15, ce lundi 31 mars, au palais de justice de Paris. Impassible sur son banc, dans cette salle 2.01 pleine à craquer, Marine Le Pen ignore encore que la foudre judiciaire va bientôt s’abattre sur elle.
Assez vite, le tribunal rompt le suspense en laissant entendre que les neuf députés européens poursuivis vont être reconnus coupables de détournement de fonds publics. « L’existence d’un système mis en place pour rémunérer, sous couvert de contrats fictifs d’assistant parlementaire, des personnes qui travaillaient en réalité pour le parti ou ses dirigeants ne fait pas de doute », tranche la présidente de la 11 e chambre correctionnelle. « Ces pratiques organisées ont permis au Front national de faire des économies importantes », poursuit-elle.
Les fonds détournés, utilisés à hauteur de 4,1 millions d’euros, ont servi à rémunérer 12 personnes qui travaillaient en réalité au « Paquebot », le siège de Saint-Cloud, puis au nouveau QG de Nanterre, comme secrétaire, garde du corps, cheffe de cabinet, chargé d’études électorales ou encore graphiste – ce fut le cas de Yann Maréchal, sœur de Marine et mère de Marion. « S’ils n’ont pas généré d’enrichissement personnel direct des députés et de leurs assistants, les faits constituent un contournement démocratique et une double tromperie aux dépens du Parlement européens et des électeurs français », lit Bénédicte de Perthuis, dont la voix monocorde tranche avec la sévérité du propos.
« Les auteurs, complices et receleurs ont provoqué une rupture d’égalité, favorisant leurs candidats et leur parti au détriment des autres. Leurs manquements portent atteinte à la confiance légitime qu’ils devraient inspirer aux citoyens et aux règles du jeu démocratique. La gravité des faits résulte de leur nature systématique, de leur durée, du montant des fonds détournés et de la qualité d’élu des personnes condamnées. » « La peine complémentaire d’inéligibilité apparaît donc nécessaire, dévoile la présidente. Elle sera donc prononcée à l’encontre de tous les élus condamnés. »
Quand Marine Le Pen quitte la salle
Mais ce que la présidente du groupe RN à l’Assemblée redoute par-dessus tout est à venir : cette peine d’inéligibilité, que le tribunal vient d’annoncer, sera-t-elle assortie de l’exécution provisoire, cette mesure qui la rendrait applicable immédiatement, nonobstant les recours (appel et pourvoi en cassation) que Marine Le Pen pourrait former ? À cet instant encore, l’espoir demeure.
Après de longs développements soufflant le chaud (« le risque de voir les personnes condamnées être candidates ») et le froid (« le risque que cette peine complémentaire ne soit pas confirmée en appel »), la présidente finit par annoncer vouloir placer cet obstacle infranchissable sur sa route vers l’Élysée. « Il s’agit de veiller à ce que les élus, comme tout justiciable, ne bénéficient pas d’un régime de faveur », justifie la présidente. « Au cœur du système depuis 2009, Marine Le Pen l’a optimisé, donnant des instructions, décidant de l’affectation des enveloppes. Elle s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père. »
C’en est trop pour Marine Le Pen. Sans attendre le détail de sa peine, elle quitte bruyamment la salle d’audience, puis le palais par une porte dérobée. On en oublierait presque la lourdeur de la sentence qui la frappe : quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme (aménageables sous la forme du port d’un bracelet électronique), 100 000 euros d’amende et, c’est donc confirmé, cinq ans d’inéligibilité « exécutoire par provision ».
La « recherche du consensus social »
Difficile de faire plus sévère… Si les éléments invoqués par le tribunal sont classiques et recevables (« confiance trahie des citoyens », « nécessaire égalité devant la loi ») pour des atteintes à la probité de cette ampleur, les motivations retenues pour justifier l’« exécution provisoire » laissent perplexe. En la prononçant, le tribunal sert-il la « recherche du consensus social » qu’il revendique ? Bien que pratiquée au quotidien dans les tribunaux, la mesure n’en est pas moins redoutable. Elle fait exception à l’effet « suspensif » de l’appel et du pourvoi, un principe général du droit pénal qui commande que les peines ne sont applicables, et appliquées, que lorsque la condamnation est devenue définitive ; quand toutes les voies de recours ont été « épuisées ».
Comment le tribunal justifie-t-il cette implacable dérogation ? Il s’agit, énonce la juge Perthuis, de s’assurer de l’« efficacité de la peine » et de « prévenir la récidive ». Et sur quels éléments les juges se fondent-ils pour craindre que Marine Le Pen et ses anciens collègues eurodéputés puissent à nouveau détourner des fonds ? Bizarrement, sur la manière dont ils se sont défendus durant l’instruction et le temps du procès.
« Dix ans après la dénonciation des détournements, tous contestent les faits, ce qui est évidemment leur droit. Les personnes [aujourd’hui] condamnées n’ont exprimé aucune prise de conscience d’avoir violé la loi ni mesuré l’exigence particulière d’exemplarité qui s’attache aux élus », regrette le tribunal. « De très nombreux recours ont été exercés » ; des « requêtes en nullité » ont été déposées. « Dans le cadre du procès, [la défense] a revendiqué une immunité totale et absolue » ; « des prévenus ont tenté de s’écarter du débat au fond » et « n’ont manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité », « niant parfois jusqu’aux évidences ».
Le risque de récidive
Ainsi, l’exécution provisoire procéderait-elle d’« un risque de récidive objectivement caractérisé », découlant d’un « système de défense » que le tribunal n’est pas loin de considérer comme inapproprié, voire indécent. « Cette défense constitue une construction théorique qui méprise les règles du Parlement européen, les lois de la République et les décisions de justice. Elle révèle […] une conception peu démocratique de l’exercice politique et des exigences qui s’y attachent », lit-on dans le jugement dans un chapitre ainsi intitulé : « Le risque de récidive au regard du système de défense : au-delà de l’absence de reconnaissance des faits, une immunité revendiquée ».
« Si j’ai bien lu, il faudrait donc faire acte de contrition, se flageller pour échapper au pire ? » s’étrangle un avocat de la défense. « C’est oublier que la défense est libre et que la présomption d’innocence implique le droit de ne pas s’auto-incriminer. »
Autre argument invoqué pour prononcer l’exécution provisoire : la formule fourre-tout du « trouble majeur à l’ordre public » qu’engendrerait « le fait que soit candidate, voire élue, par exemple à l’élection présidentielle, une personne qui aurait été condamnée en première instance à une peine d’inéligibilité, et qui pourrait l’être définitivement par la suite ». Il s’agirait, pour le tribunal correctionnel de Paris, de « veiller à ce que les élus ne bénéficient pas d’un régime de faveur ». Son jugement conclut que la mesure d’exécution provisoire, « dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, est proportionnée aux objectifs constitutionnels de sauvegarde de l’ordre public et de bonne administration de la justice ».
Le Point, 3 avril
Condamnation de Marine Le Pen : pour Finkielkraut, « la justice est hors de ses gonds »
TRIBUNE. Le pouvoir judiciaire se croit investi de la mission d’écarter la « peste brune » et de faire barrage au « fascisme », regrette le philosophe.
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« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », a écrit Montesquieu. Aujourd’hui, rien n’arrête le pouvoir judiciaire. Rompant avec l’esprit du libéralisme, il ne connaît plus de limites. Il enfreint toutes les règles, bafoue tous les principes pour satisfaire ses pulsions justicières.
À peine ose-t-on formuler la moindre objection qu’il se drape derrière la séparation des pouvoirs et impose ainsi son hégémonie. Tous les moyens lui semblent bons pour écarter les responsables politiques qu’il juge mal-pensants et pour punir ceux qui ont osé contester ses pratiques. Après François Fillon et Nicolas Sarkozy, c’est au tour de Marine Le Pen.
Avec l’exécution provisoire, le droit de faire appel est vidé de sa substance et, pour motiver cette décision, la juge a déclaré que Marine Le Pen ne reconnaissant pas les faits qui lui sont reprochés, il y a un risque de récidive. Elle aurait donc dû plaider coupable pour espérer l’indulgence de la justice. Dans quel monde vivons-nous ?
Un combat contre le retour des « vieux démons »
Les politiques ont, hélas, leur part de responsabilité dans cette situation. Marine Le Pen voulait même que Jérôme Cahuzac soit inéligible à vie. Comme un boomerang, cette hargne lui revient aujourd’hui en pleine figure. Le pouvoir juridique se croit investi de la mission d’écarter la « peste brune », de faire barrage au « fascisme ».
Cela m’évoque la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018, qui a interdit au législateur d’ériger en délit l’aide à la circulation des étrangers en situation irrégulière. Il retournait le principe de fraternité contre la préférence nationale, considérée désormais comme discriminatoire, c’est-à-dire raciste.
Comment les hommes aimeront-ils [leur patrie], si la patrie n’est rien de plus pour eux que pour les étrangers, et qu’elle ne leur accorde que ce qu’elle ne peut refuser à personne ? » Cette phrase de Jean-Jacques Rousseau, fondateur du progressisme, l’esprit du temps l’impute à Charles Maurras.
Ce qu’il croit être le devoir de mémoire lui interdit de penser, avec le philosophe de gauche Michael Walzer, que sans la possibilité d’accepter ou de refuser des nouveaux entrants « il ne pourrait pas y avoir de communauté de caractère historiquement stable, des associations continues d’hommes et de femmes spécialement engagés les uns envers les autres et ayant un sens spécifique de la vie en commun ».
Dans la décision du Conseil constitutionnel comme dans le verdict à l’encontre de Marine Le Pen, le pouvoir juridique se croit habilité à mener un combat tous azimuts contre le retour des « vieux démons ». Avec cette justice hors de ses gonds, aucun gouvernement n’est plus en mesure d’agir sur le cours des choses. La gauche et la droite devraient ensemble se révolter contre une telle dérive. Il y va de l’avenir de la politique, et même de la nation.
*Alain Finkielkraut est philosophe. Dernier ouvrage paru : « La Modernité à contre-courant » (Bouquins).
Le Figaro, 3 avril
L’éditorial d’Yves Thréard: «Marine Le Pen inéligible, le trouble, l’inconnu et la peur»
La rengaine antisystème pourrait monter encore davantage en volume dans une société ballottée par les crises et tenaillée par la défiance.
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Marine Le Pen condamnée, les juges de première instance ont estimé que sa candidature à la présidentielle présentait un « risque majeur de trouble à l’ordre public ». Il leur est donc apparu nécessaire d’« assortir la peine d’inéligibilité de l’exécution provisoire ». Ils n’y étaient pas obligés, mais ils l’ont fait. En toute connaissance de cause.
Dura lex, sed lex ? La locution ne tient pas. Ni la loi ni le système judiciaire n’imposaient aux juges de prendre cette précaution. C’était à leur entière discrétion. N’en déplaise aux chaisières de la République, François Bayrou a effectivement quelques raisons d’être « troublé » par cette décision aux conséquences politiques imprévisibles. Il est très rare d’entendre un ministre de la Justice, Gérald Darmanin, espérer publiquement que le procès en appel soit organisé dans le délai « le plus raisonnable possible ». La peur d’une radicalisation d’une partie de l’opinion est réelle.
N’est-ce pas maintenant que Marine Le Pen est – presque – hors jeu dans la course à l’Élysée que le risque de trouble à l’ordre public, redouté par les magistrats, est le plus à craindre ? Elle et sa troupe, qui jouaient la respectabilité depuis des années, la fameuse « stratégie de la cravate » sur les bancs de l’Assemblée nationale, n’ont pas tardé à ressortir la sulfateuse lexicale pour dénoncer la « tyrannie des juges ».
Après la normalisation du RN, une « trumpisation » du mouvement est-elle en marche ? « C’est la démocratie qui est exécutée », lance le jeune Jordan Bardella. « Indignez-vous ! », ajoute celui dont on sonde déjà les capacités à suppléer son aînée, pas du tout disposée, quant à elle, à lui céder la place. Un rassemblement de soutien est organisé ce dimanche à Paris.
Si elle était définitivement disqualifiée, que feraient les électeurs de Marine Le Pen et tous ceux qui, au-delà du Rassemblement national, auraient le sentiment qu’on se moque d’eux ? À qui profiterait le « crime » ? La rengaine antisystème pourrait monter encore davantage en volume dans une société ballottée par les crises et tenaillée par la défiance. La démocratie française avance dans l’inconnu, sur un fil dangereux. Ne crains pas la justice, dit le proverbe, mais crains le juge.
The Economist, 2 avril
Leaders | Ill-suited sentence: Why Marine Le Pen should be allowed to run for president
Punish the offender without also punishing French democracy
Photograph: Getty Images
BETWEEN 2004 and 2016, Marine Le Pen was at the heart of a scheme that diverted European Union funds to pay her party’s political staff, falsely claiming that they were working as assistants to its deputies in the European Parliament. Thus ruled a Paris court on March 31st, sentencing Ms Le Pen and 23 other officials of her hard-right National Rally (RN) party to a mix of fines, prison terms and bans from campaigning. The decision has landed in French politics like a bomb, owing to one aspect of Ms Le Pen’s sentence: she is barred for five years from running for office, with immediate effect. That would include the presidential election in 2027, in which she is the front-runner.
The RN’s leader and her populist allies have attacked the ruling as a political stitch-up. That claim is false and it undermines faith in the rule of law. There is no reason to think the verdict was improperly reached. The evidence is voluminous, the law is clear and there are no serious allegations of judicial bias. The court’s independence should be respected. Nonetheless, although blocking Ms Le Pen from running for president is perfectly legal, it risks undermining the legitimacy of the next election. That is the wrong trade-off for France. If an appeals court can shorten the ban and allow her to campaign in 2027, it should.
Ms Le Pen’s suspension from running for office raises two questions. First, in what circumstances should a democracy disqualify a candidate? Ms Le Pen’s sentence stems in part from a tough law France passed in 2016 to overcome its long-standing leniency towards corrupt politicians, including Jacques Chirac, an ex-president. That law permits banning candidates from running for political office, with immediate effect. Ms Le Pen supported the reform, and it is rich for her to claim that its penalties, when applied to her, are themselves an assault on democracy.
Most countries have laws that can block candidates, but mainly for grave attacks on democracy itself. After the Maidan revolution Ukraine barred officials of Viktor Yanukovych’s corrupt, Russian-backed government, and after its civil war America banned those who had participated in insurrection. Jair Bolsonaro, Brazil’s ex-president, was disqualified for contesting the validity of the election that unseated him in 2022. The crimes of which Ms Le Pen has been convicted are serious, but not of the same order. France’s harsh sentence in this case limits the choice of citizens who are capable of judging for themselves who should get their vote. By creating a mechanism that politicians might be thought to have co-opted, the law encourages talk of conspiracy—especially if, like Ms Le Pen, the barred politician belongs to a party that is founded upon a suspicion of the elites.
The second issue is the relationship between politics and the judiciary. The rule of law demands that politicians be treated like other citizens. When it comes to deciding guilt, that is straightforward. But the notion that sentences should take no account of their consequences for politics or governance is misguided. The courts should and do weigh a range of factors, such as their impact on the legitimacy of institutions, including elections. In New York in January, Donald Trump received no punishment for the felonies of which he had been convicted because the American people were deemed to have a right to an unencumbered president. With Ms Le Pen, the French court leant the other way, saying that it had imposed a longer sentence because of the harm she might do in high office.
The danger of courts aggressively sentencing politicians is that both the law and the courts become seen as partisan. Judiciaries rely on citizens accepting verdicts with which they disagree. Elections are supposed to generate consent for the incoming government. A poll after Ms Le Pen’s conviction found just 54% of French thought she was treated like any other accused, a narrow margin of confidence in judicial independence. Among RN voters, 89% thought she was singled out for political reasons.
Supporters of the court’s sentence would note that mistrust of France’s judiciary is mostly the fault of Ms Le Pen and her party. The RN has spent decades spreading conspiratorial allegations that France is ruled by a nebulous self-dealing elite which uses its control of institutions to keep them out of power. Ms Le Pen received messages of support not just from the European hard right (Hungary’s Viktor Orban tweeted “Je suis Marine”), but also from France’s hard left: Jean-Luc Mélenchon, leader of the Unsubmissive France party, said the people should decide the fate of elected politicians.
Ms Le Pen should indeed be able to stand in 2027. Her appeal would ordinarily take up to two years to reach trial, but the court of appeal has wisely said that it will be decided by the summer of 2026. The court should shorten her suspension (other defendants got as little as a year), allowing her to re-enter the contest before the election. Eric Ciotti, a French right-wing MP with ties to Ms Le Pen, wants legislation to end immediate pre-appeal suspensions; if it were adopted before the appeal is heard, Ms Le Pen might be able to run. François Bayrou, the prime minister, says he is open to debating the proposal. In any event, Ms Le Pen will not get off easily: she must serve two years wearing an electronic tag (plus a two-year suspended sentence), and pay a heavy fine. That seems right: the aim should be to punish the offender without also punishing French democracy. ■
The Wall Street Journal, 1 avril
Le Pen Verdict Fuels Claims That Europe’s Elites Are Colluding Against Populists
Critics of French court ruling accuse judiciary of disenfranchising voters, while mainstream politicians praise upholding the rule of law
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Leaders of the U.S. and Europe are increasingly at odds over a key aspect of democracy: How far should the courts go in constraining the power of elected politicians and should those decisions be allowed to undermine the will of voters?
That conflict is sure to deepen after Monday’s decision by a French court found nationalist Marine Le Pen guilty of embezzlement and barred her from politics for five years, making it unlikely she can take part in 2027 presidential elections, when she was expected to be the front-runner, unless she can win a swift appeal.
The decision will strengthen a growing narrative among members of the Trump administration, as well as their right-wing nationalist allies in Europe, that liberal elites around the world are undermining democracy by weaponizing the judiciary against political rivals they don’t want to take power—in much the same way President Trump has claimed he faced legal prosecution before winning his second term.
“When the radical left can’t win via democratic vote, they abuse the legal system to jail their opponents,” wrote Elon Musk on X in response to the French decision. “This is their standard playbook throughout the world.”
In response to the ruling, U.S. State Department spokeswoman Tammy Bruce said it was “concerning” to exclude people from the political process and pointed to the “aggressive and corrupt lawfare waged against President Trump.”
The ruling plays directly into the growing trans-Atlantic debate over democracy, rule of law and political legitimacy, according to Camille Lons, at the European Council on Foreign Relations think tank. Trump has said that a leader who acts in the interest of his country can’t be seen as breaking the law. He and his allies have publicly railed against judges who rule against him or his administration and suggested they should be impeached and replaced.
“In the U.S., where JD Vance and Donald Trump have repeatedly denounced ‘democracy by judges,’ this verdict is likely to be framed as further evidence of European overreach and democratic decay,” Lons said. American conservatives, she added, will “likely seize on Le Pen’s conviction to argue that centrist elites in Europe are using legal mechanisms to suppress right-wing opposition.”
The move to bar Le Pen, of the National Rally party, comes only months after Romania’s courts overturned the first-round results of a presidential election on the grounds that the winner, right-wing nationalist Călin Georgescu, benefited from Russian influence on his TikTok campaign. Election authorities later barred Georgescu from taking part in May’s do-over elections. Georgescu has denied links to the Kremlin and called the move a political witch-hunt.
Vice President JD Vance, who has sharply criticized the Romania decision, has become the Trump administration’s leading antagonist against Europe. He has chastised European governments for moves he said have weakened democratic values on the continent by shutting out voices they don’t like—either restricting free speech or, in the case of Germany, having a so-called firewall that means mainstream parties don’t cooperate on legislation with the far-right AfD, now the country’s second-biggest party.
“Democracy rests on the sacred principle that the voice of the people matters. There is no room for firewalls,” he said in a speech in Munich in February.
Many mainstream European politicians said it was important to uphold the rule of law in the case of Le Pen. And broadly speaking, much of the voting public agrees. A poll of 3,025 French people by think tank Destin Commun in January found that 59% of respondents agreed that the prosecution of Le Pen, including the possibility of a ban, aimed to “protect democracy.”
The fact that powerful politicians can face defeat in courts could be seen as welcome evidence that no one here is above the law, said Stefan Marschall, professor of political science at Heinrich-Heine University in Düsseldorf, Germany.
“The rule of law can be an economic argument, even a comparative advantage, for Europe,” he said, giving investors assurances that their rights will be respected and their contracts honored even if they displease the powerful.
But many right-wing European nationalists saw politics at play. “People who are afraid of the judgment of the voters are often reassured by the judgment of the courts,” said Italy’s deputy prime minister, Matteo Salvini.
The debate over the best form of democracy is as old as democracy itself. The American Founding Fathers wanted a system of checks and balances, partly to protect minorities from the “tyranny of the majority.” Ensuring the rule of law also helped protect individual rights like property rights.
Most European voters accept that politicians will have limits put on them through the courts, especially in places such as Germany, Spain and Italy that had dictatorships in their recent past. Freedom of speech, while recognized across most of Europe, is also conditional in France, Germany and other European countries that ban hate speech and even limit the use of symbols such as the swastika.
The current U.S.-Europe debate echoes similar controversies that have broken out within Europe in recent years. European antiestablishment populists who won power in Poland and Hungary almost immediately sought to assert themselves over their respective judiciaries, earning strident criticism from their neighbors.
The case of Le Pen still raises thorny questions for democracies: Should the rule of law apply always, or only most of the time? And when it comes to politicians, how can we trust the law is being applied without political considerations?
For many, the debate boils down to whether one trusts the democratic institutions such as courts and regulators taking those decisions. In many cases, they are trustworthy; in other cases, they might be less reliable.
The disqualification of Le Pen risks deepening the polarization of France’s electorate, divided between urbanites who are broadly supportive of institutions such as the judiciary and rural, working-class voters who see Le Pen as a change agent.
Those voters mistrust institutions. That narrative gathered steam after last summer’s snap parliamentary elections, when disparate parties—ranging from President Emmanuel Macron’s pro-business ranks to the far-left France Unbowed—cooperated to keep Le Pen’s candidates from winning seats by withdrawing underperforming candidates from individual races so that voters could coalesce behind a single candidate opposed to Le Pen.
The case against Le Pen comes after years of deliberations and is a solid case taken by a fiercely independent French judiciary, said Mujtaba Rahman at consultancy Eurasia. But he said the case was likely to raise eyebrows partly because it came so soon after the Romania decision, where the case against Georgescu was widely seen as much more flimsy—based largely on an intelligence report.
“The case against Le Pen was much more clear-cut than Romania,” he said. The French courts were clearly upholding the rule of law, he said. But in the case of Romania, there were legitimate questions over whether there was political interference, he said.
Rahman said he thinks France’s Constitutional Court will take up Le Pen’s case, and is likely to weigh the damage done by not enforcing the letter of the law in this particular case to the damage done to French democracy and voters by preventing a front-runner from taking part.
The case against Le Pen was the best known of a series of investigations into European Parliament lawmakers over the past decade involving allegations they used office payments to fund domestic political work. EU lawmakers receive over 100,000 euros in annual salary but they also receive thousands of euros monthly for staff, travel and other office costs.
Many of the cases have targeted lawmakers from populist, right-wing parties. The UK Independence Party, the precursor of Britain’s Reform Party, was fined several hundred thousand euros after a probe into its use of funds, with its leader Nigel Farage having his salary halved to recoup money. Like the National Rally, UKIP said the case was politically motivated and denied wrongdoing.
Some EU lawmakers from mainstream parties have at times been targeted. France’s current prime minister, Francois Bayrou, was eventually acquitted by a French court last year after facing a yearslong probe into whether his party had misused European Parliament funds.
European Parliamentary sources say what was different about the National Rally case was the systematic and protracted use of EU funds for domestic political work among a number of lawmakers, amounting to millions of euros.
Marianne, tribune, 1 avril
Jean-Éric Schoettl : “Le Pen inéligible : les juges se rebellent contre le Conseil constitutionnel… et contre les électeurs”
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Le tribunal judiciaire de Paris a-t-il outrepassé ses prérogatives en ordonnant l’exécution provisoire de l’inéligibilité de Marine Le Pen ? Trois jours après une décision du Conseil constitutionnel posant des limites strictes à cette mesure, la justice pénale a choisi de passer outre, explique Jean-Éric Schoetll, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, auteur de « La Démocratie au péril des prétoires : De l’État de droit au gouvernement des juges » (Gallimard). Une décision juridiquement discutable, politiquement lourde, qui soulève de sérieuses questions sur le respect du droit d’éligibilité, la souveraineté populaire… et la tentation d’un gouvernement des juges.
Procès des assistants des eurodéputés du RN : la fuite en avant des juges. L’exécution provisoire de l’inéligibilité ordonnée contre Marine Le Pen par le tribunal correctionnel de Paris, décidée le 31 mars dans l’affaire des assistants des eurodéputés du Rassemblement national, est contestable à divers égards. Elle est d’abord contraire à la décision du Conseil constitutionnel du 28 mars 2025 (QPC n° 2025-1129).
Ce qu’a dit le Conseil constitutionnel
Étaient contestés, dans l’affaire jugée par le Conseil constitutionnel, deux articles du code électoral portant l’un sur l’inéligibilité aux élections municipales des individus privés d’éligibilité, l’autre sur sa conséquence (la déchéance immédiate du mandat en cours). En s’en tenant strictement aux dispositions en cause, on pouvait certes constater que les deux articles soumis à l’appréciation du Conseil constitutionnel n’avaient pas de rapport direct avec l’éligibilité à une élection présidentielle.
Toutefois, pour mesurer la portée de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mars, et ses incidences sur la décision rendue trois jours plus tard par le tribunal judiciaire de Paris, on ne pouvait se borner à ce constat. Ce qui était essentiellement en jeu, dans les deux affaires, c’était l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité. Lorsque celle-ci est prononcée par le juge, elle est d’effet immédiat : l’intéressé ne peut plus se porter candidat à une élection et ses mandats électoraux (autres que parlementaires), s’il en exerce, s’interrompent. Et ce, alors même qu’il n’est pas définitivement jugé. Le droit au recours et le droit d’éligibilité en sont nécessairement affectés.
La question de l’inéligibilité à titre provisoire d’un élu municipal est englobée par celle, plus générale, de l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité. Cette question touche tous les mandats électifs, avec cette différence que la déchéance du mandat parlementaire par suite de l’inéligibilité n’est, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, jamais prononcée avant condamnation définitive.
Ordonner l’exécution provisoire de l’inéligibilité
Le Conseil devait se prononcer sur le point de savoir si l’exécution provisoire d’une inéligibilité était conforme à la nature des mandats politiques et plus particulièrement à la liberté de l’électeur. Au-delà de l’effet immédiat de l’inéligibilité sur l’exercice d’un mandat, était en cause son effet immédiat sur la possibilité de se présenter à une élection future.
La faculté, pour le juge pénal, d’ordonner l’exécution provisoire de l’inéligibilité résulte, que ce soit pour la poursuite du mandat ou pour le droit de se présenter à une élection, des dispositions combinées de l’article 131-26-2 du Code pénal (trouvant son origine dans la loi Sapin 2), qui punit de la peine complémentaire « automatique » d’inéligibilité des manquements à la probité comme le détournement de fonds publics et la prise illégale d’intérêts, et de l’article 471 du code de procédure pénale, qui permet de donner un effet immédiat aux peines complémentaires.
La réponse apportée par le Conseil avait donc une portée dépassant celle du sort des mandats en cours des élus municipaux. Elle concernait notamment l’élection présidentielle. La loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection présidentielle prévoit en effet qu’un candidat inéligible ne peut être candidat à cette élection. Elle le fait par renvoi à l’article L199 du code électoral, aux termes duquel : « Sont inéligibles les personnes désignées à l’article L. 6 et celles privées de leur droit d’éligibilité par décision judiciaire en application des lois qui autorisent cette privation ». Le Conseil constitutionnel a statué au regard notamment « du droit d’éligibilité, garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 3 de la Constitution ».
Le cœur de sa décision tient dans une réserve d’interprétation explicite, de portée « directive » : « Sauf à méconnaître le droit d’éligibilité garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, il revient au juge, dans sa décision, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure (l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité) est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur ». Il résulte de ses termes mêmes que cette réserve d’interprétation s’applique non seulement aux mandats en cours, mais encore aux élections futures. Quel sens aurait sinon la référence à la liberté des électeurs ?
Conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil constitutionnel ne censure pas, dans son principe, l’exécution provisoire de l’inéligibilité. Cette mesure, considère-t-il, a pour objet de prévenir la récidive, de garantir la bonne exécution des décisions de justice et de contribuer à « renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants ». Mais il assortit cette bénédiction d’une sérieuse réserve d’interprétation.
Conséquences disproportionnées sur la liberté de l’électeur
Eu égard à cette réserve, le tribunal judiciaire de Paris ne pouvait éviter de se prononcer sur le point de savoir si l’exécution provisoire de l’inéligibilité de Marine Le Pen et de ses coprévenus emportait de conséquences disproportionnées sur la liberté de l’électeur lors des prochains scrutins, notamment à l’élection présidentielle. Et poser cette question, c’est y répondre : l’exécution provisoire de l’inéligibilité de Marine Le Pen emporte manifestement des conséquences disproportionnées sur la liberté de l’électeur, car elle prive des millions de nos concitoyens de leur candidate naturelle à la principale élection du pays.
Déjà discutable quant à ses finalités (prévenir la récidive ? sauvegarder l’ordre public ?), l’exécution provisoire de l’inéligibilité méconnaît la réserve d’interprétation émise par le Conseil. Elle va en effet à l’encontre de la « liberté de l’électeur » que la réserve d’interprétation vise précisément à garantir. Elle contrevient, ce faisant, à l’autorité conférée par l’article 62 de la Constitution à la chose jugée par le Conseil constitutionnel.
La décision du tribunal judiciaire de Paris est également contestable du point de vue de la souveraineté populaire et de l’universalité du suffrage. En démocratie, c’est en effet à l’électeur de dire qui est digne de ses suffrages. Nous basculerions dans le gouvernement des juges si nous admettions que le peuple est incapable de discernement moral et qu’il appartient en conséquence à la magistrature de filtrer les candidats selon l’idée qu’elle se fait de leur vertu.
Le 31 mars 2025, le tribunal judiciaire de Paris a pris le risque de se rebeller contre le Conseil constitutionnel, comme celui de déstabiliser la vie politique du pays en frustrant et en indignant une partie importante de ce « peuple français » au nom duquel il statuait.
New York Times, 1 avril
Marine Le Pen Falls to the Rule of Law and a Great Battle Looms
A court’s conviction of the far-right leader for embezzlement and its ban on her running for office have set off a new crisis for France.
Full text:
Last year, Marine Le Pen spoke menacingly of the possible fallout from her trial on embezzlement charges. “Tomorrow, potentially, millions and millions of French people will see themselves deprived of their candidate for the presidency.”
After a court disqualified her on Monday from running for public office for five years, those millions of French voters are adrift and angry. France is a democracy governed by the rule of law, as the verdict demonstrated. But it is unclear how far its troubled Fifth Republic can resist an inevitable gale of political protest before the 2027 election.
Unlike President Trump, who met with convictions, indictments and criminal cases on the way to his election last year, possibly even benefiting from perceived persecution, Ms. Le Pen could find no political path past the verdict of the French legal system.
“The independence of our justice system and the separation of powers stand at the heart of our democracy,” said Valérie Hayer, a centrist lawmaker in the European Parliament. “Nobody is above the law.”
That view is certain to come under sustained attack in a global environment where questioning of the legitimacy of legal systems has become frequent — across Europe, but particularly in Mr. Trump’s United States. Mr. Trump has called for the impeachment of judges who rule against him and called them “lunatics.”
“When the radical left can’t win via democratic vote, they abuse the legal system to jail their opponents,” Elon Musk, Mr. Trump’s billionaire aide, said after the verdict.
European societies, given their history, are sensitive to the revival of far-right movements. France, like Germany, has a visceral memory of how fragile democratic institutions are and how once the rule of law goes, the way is open to dictatorial power.
“After Ms. Le Pen, the next direct target of a big political battle is going to be the rule of law,” said Alain Duhamel, a prominent political scientist. “There will be accusations that this is a government of judges, attacks on our highest court, not just from the National Rally but the center right,” he said, naming Ms. Le Pen’s party.
But, he added, “French magistrates are resolutely independent.”
Jordan Bardella, Ms. Le Pen’s carefully groomed protégé, pronounced French democracy dead, killed by the court. It is not; and to Mr. Bardella will no doubt fall the task of leading the anti-immigrant party into the election, unless Ms. Le Pen’s appeal overturns her ban in time.
At 29, he is young to aspire to the highest office, but he has demonstrated broad appeal and a near-unflappable command of detail. Just how he disentangles his ambitions from Ms. Le Pen’s remains to be seen. Up to now, they have avoided conflict.
Across Europe, the far right leaped on the court’s decision.
Matteo Salvini, Italy’s hard-right deputy prime minister, said those “who are afraid of voters’ judgment” often seek reassurance from courts’ judgment. Viktor Orban, the Hungarian prime minister, said that he stood with Ms. Le Pen.
In Moscow, Dmitri Peskov, the Kremlin’s spokesman, said, “More and more European capitals have opted for the violation of democratic norms.”
Of course, critiques of democracy from President Vladimir V. Putin’s Russia are hardly persuasive. But in this case they overlap significantly with those of the U.S. vice president, JD Vance, who in February attacked European states for trying to stifle the far right in the name of saving democracy.
Ms. Le Pen, like it or not, may now become another element in the Vance-Musk case for European democratic failure. The fact is, however, she was convicted, after prolonged investigation and on detailed evidence, of embezzling millions of dollars of European Union funds to pay party staff members with money intended for aides to European lawmakers.
Over the past decade, Ms. Le Pen led a campaign of “de-demonization,” shifting her National Rally party from its fascist antisemitic roots to an anti-immigrant mainstream party that has more seats in the National Assembly than any other.
She could now direct the party to make trouble.
The most direct means would be to overturn the centrist government of Prime Minister François Bayrou by supporting a no-confidence motion this year, in effect saying to the French people that they should be the judges and issue their verdict in a parliamentary election.
A major swing to the National Rally would not open the way for Ms. Le Pen to become president, but it would be a powerful statement.
If there is a parliamentary election, which can be held after June, Ms. Le Pen could not defend her current seat, but nothing would prevent her from becoming prime minister if the National Rally won big.
“The tribunal demonstrated its political will, not legal but political,” said Wallerand de Saint-Just, a former party treasurer who was also convicted.
Not so, said a host of centrist politicians, who have made their pride in the French legal system clear as Mr. Trump attacks a supposedly “weaponized” American judiciary.
“Madame Le Pen, whether elected or a candidate, is a French citizen,” said Sacha Houlié, a center-left lawmaker. “The law of the Republic applies.”
L’Opinion, 1 avril
Marine Le Pen inéligible: un moment de grand danger démocratique
La dirigeante du RN a vu sa trajectoire politique fracassée par le verdict de juges qui, au-delà de la sentence au fond, avaient tout loisir de ne pas rendre immédiatement applicable sa condamnation à l’inéligibilité
Full text:
C’est un bouleversement comme la politique française n’en a pas connu depuis des décennies. Deux fois finaliste à l’élection présidentielle, patronne du premier parti de France en nombre de députés et forte des meilleures intentions de vote pour 2027, Marine Le Pen a vu sa trajectoire politique fracassée par le verdict de juges qui, au-delà de la sentence au fond, avaient tout loisir de ne pas rendre immédiatement applicable sa condamnation à l’inéligibilité.
En empêchant une des figures prédominantes du théâtre politique français de poursuivre sa carrière, la justice fait en réalité entrer le pays dans un moment de grand danger démocratique. Comment éviter en effet que les millions de Français qui s’apprêtaient à voter Le Pen à la prochaine présidentielle ne s’estiment bernés par « le système » et ne se posent en victimes d’une sorte de coup d’Etat judiciaire de magistrats politisés les privant de leur libre choix de citoyen ? Comment empêcher que ce jugement, en nourrissant le populisme, ne vienne gonfler la colère sourde qui gangrène le pays ? Comment ne pas voir avec quelle volupté les pays, faux-amis ou ennemis de la France, s’emparent de cette affaire pour critiquer nos valeurs et s’ingérer dans notre façon de vivre la démocratie ? Affaiblie par l’absence de majorité consécutive à la dissolution et par le surplace du gouvernement, la France aurait gagné à se passer de cet épisode judiciaire.
Bien sûr, on entend les vertueux, les plaideurs, les Dandin, professer que la justice n’a fait qu’appliquer la loi, que le Rassemblement national a sciemment fraudée, et que l’exemplarité exigée des élus ne doit pas être prise à la légère. Mais face au séisme que crée la décision du tribunal correctionnel de Paris, la vraie question reste : est-ce que la justice aurait failli à son devoir si, en prononçant les mêmes peines, elle avait rejeté l’exécution provisoire ? D’évidence, la réponse est non.
https://www.lopinion.fr/edito/marine-le-pen-ineligible-un-moment-de-grand-danger-democratique
Le Point, 1 avril
« L’inéligibilité immédiate de Marine Le Pen est un coup porté à l’État de droit »
INTERVIEW. Ancien président de la Licra, l’avocat Alain Jakubowicz, opposant historique au Rassemblement national, dénonce la décision du tribunal, y voyant une atteinte aux principes fondamentaux de la justice.
Full text:
C’est une bombe judiciaire dont la déflagration ébranle jusqu’aux fondements mêmes de la République. Marine Le Pen, figure tutélaire du Rassemblement national, s’est vu infliger une peine de quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et cinq ans d’inéligibilité exécutoires sur-le-champ, dans l’affaire des assistants parlementaires.
Une sentence implacable, qui a sidéré jusqu’aux plus fins connaisseurs des prétoires. Pendant plus d’une décennie, entre 2004 et 2016, a jugé le tribunal, des fonds européens ont été détournés pour rémunérer des assistants fantômes, officiellement au service du Parlement à Bruxelles, mais en réalité employés par le parti à Nanterre.
La juge a motivé sa décision en invoquant un « trouble à l’ordre public » et un risque de récidive, justifiant selon elle l’éviction de la candidate naturelle du RN de la course à l’Élysée en 2027. Un verdict qui suscite le malaise jusque dans les rangs des opposants historiques du RN. Président d’honneur de la Licra, l’avocat Alain Jakubowicz, ardent défenseur de l’État de droit, dénonce un affront aux principes fondamentaux de la justice.
Le Point : Quelle est votre réaction à la décision du tribunal du 31 mars 2025 condamnant Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire ?
Alain Jakubowicz : Je suis abasourdi. Les critères usuels pour une exécution provisoire, comme le risque de récidive ou la dangerosité, ne me semblent pas ici clairement réunis. Cela prive Marine Le Pen d’un second degré de juridiction, ce que je trouve choquant.
Je vois pourtant la limite de mon raisonnement : les faits semblent avérés, et il paraissait inéluctable que Marine Le Pen soit condamnée au final, probablement avec une inéligibilité. Les juges ont estimé qu’il fallait trancher immédiatement. Je considère que cela porte atteinte à la présomption d’innocence, même dans un dossier accablant. Je comprends pourquoi le RN, Marine Le Pen et ses proches parlent d’une décision politique. Leur mise en cause de l’État de droit n’est pas totalement illégitime, et c’est ce qui me rend triste. Cette situation questionne l’État de droit d’une manière que je ne peux pas ignorer, et c’est ce qui me perturbe le plus.
La juge a invoqué un trouble à l’ordre public, et un risque de récidive pour justifier l’exécution immédiate de la peine d’inéligibilité. Qu’en pensez-vous ?
Je l’affirme : c’est un prétexte. Quel risque de récidive ? Marine Le Pen n’est plus députée européenne, donc elle n’a plus les moyens de récidiver dans ce cadre précis. Pour moi, c’est absurde, ce n’est pas sérieux, et ça donne l’impression de prendre les gens pour des imbéciles. Qui peut sérieusement croire qu’elle représente un danger imminent de ce type ? C’est ridicule et insultant pour l’intelligence. Je comprends qu’on puisse se demander si cette décision a un caractère politique. Pour moi, c’est une énorme sottise, un sale coup porté à l’État de droit. Je suis vraiment attristé par ce verdict et par ces justifications qui ne tiennent pas la route. Ça me heurte en tant que défenseur des principes juridiques.
Quelles conséquences craignez-vous après ce verdict ?
Je redoute le procès fait à l’institution judiciaire. En tant que légaliste et défenseur de l’État de droit, je m’inquiète des jugements d’exception. Je crains également que la Cour de cassation, si elle était saisie, puisse être influencée par les conséquences de sa décision plutôt que par des considérations purement juridiques…
L’exécution immédiate de l’inéligibilité pourrait-elle radicaliser l’électorat du RN avant 2027 ?
C’est possible. Ce qui me choque, c’est que cet électorat n’ait pas été heurté par sa culpabilité. Il s’agit d’un détournement de fonds publics, des faits graves qui devraient entraîner l’inéligibilité automatique et définitive. La vraie moralisation de la vie publique passe par là. Cet électorat est tellement acquis à sa cause qu’il ne perçoit pas la gravité des faits. Ce ne sont plus des électeurs mais des « aficionados », des « groupies ». Cette évolution du monde politique me fait peur, et on observe le même phénomène chez Jean-Luc Mélenchon. Finalement, les extrêmes se rejoignent : quand le « gourou » parle, les adeptes se taisent.
Le Conseil constitutionnel a exigé une exécution provisoire « proportionnée » et respectant la « liberté de l’électeur ». Ce verdict du 31 mars vous semble-t-il y répondre ?
La présomption d’innocence n’est pas négociable. Comment réparerait-on les dégâts si la Cour de cassation cassait finalement cette décision ? Je comprends l’exécution provisoire face à un risque immédiat comme pour un violeur, mais la procédure reste la meilleure protection des libertés individuelles et publiques. Je suis opposé à tout ce qui viole la règle normale, et nous ne sommes pas dans un cas d’exception ici.
The Wall Street Journal, 1 avril
Lawfare à la Francaise
A French court tries to ban Marine Le Pen from running for President.
Full text:
‘If you can’t beat ’em, try ’em,” might as well be the motto of the age. So it is that France’s Marine Le Pen joins Donald Trump, Italy’s Silvio Berlusconi, Brazil’s Jair Bolsonaro and plenty of others in the pantheon of political insurgents whom prosecutors have tried to keep out of office with criminal indictments.
A Paris court on Monday sentenced Ms. Le Pen, leader of the insurgent-right National Rally, to a four-year prison sentence, with two years suspended and the rest to be served under house arrest or electronic monitoring. It also blocked her from running for the presidency in 2027.
Her crime is said to involve misuse and embezzlement of allowances provided for members of the European Parliament to hire assistants. She allegedly diverted the money for party purposes rather than parliamentary uses, though there’s conceivably overlap between the two. Ms. Le Pen has denied wrongdoing.
All of which means the case bears two hallmarks of modern political lawfare, which is that the details are a legal stretch and will be incomprehensible to most voters who lack the time or inclination to parse complex regulations governing political expenditures. Americans still confused by Alvin Bragg’s New York prosecution of Mr. Trump on obscure and dubious campaign-finance violations know the feeling.
And that’s before you get to selective enforcement: Other members of the European Parliament have stumbled over the vague financial rules at issue in this case. Follow the Money, an investigative news outlet, reported that, between 2019 and 2022, 139 European lawmakers, nearly one in five, likely misused the allowance that supposedly tripped up Ms. Le Pen. In the National Rally case, prosecutors dredged up allegations related to transactions as long ago as 2004.
In most of those European Parliament cases, the controversy ended after the lawmakers repaid the money. Le Monde reports that Ms. Le Pen repaid €330,000 in 2023 with no admission of guilt. Yet French prosecutors and the court have now thrown the book at Ms. Le Pen and also imposed a €2 million fine on National Rally.
Ms. Le Pen’s real crime in the eyes of traditional politicians and media is her popularity. She has gained ground in successive presidential elections, and opinion polls suggest she’d stand a good chance of winning the presidency in the next election in 2027. This worries and offends mainstream types who remember the party’s sordid earlier history of antisemitism (which Ms. Le Pen would say she’s trying to purge) and take umbrage at her successful campaigns against, well, them.
There are many reasons to be wary about Ms. Le Pen’s policy ideas, and the rise of the radical-socialist left suggests French voters aren’t sold on National Rally as the only alternative to the mainstream. But ample evidence around the world suggests there’s no better way to goad voters into supporting Ms. Le Pen than to prosecute her. The French authorities are playing straight into her main political pitch, which is that she speaks truths that “the establishment” doesn’t want voters to hear.
Maybe one of these days the world’s champions of democracy will trust democracy, rather than trying—and often failing—to win elections in the courtroom.
PDF: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/03/1-avril-4.pdf
Le Point, 1 avril
Jean-Jacques Urvoas : « Marine Le Pen n’est victime de rien du tout, elle est coupable »
L’ancien garde des Sceaux estime que le verdict prononcé à l’encontre de Marine Le Pen, ce 31 mars, est conforme aux textes législatifs mais s’interroge sur le cadre juridique en vigueur en matière d’inéligibilité.
*Jean-Jacques Urvoas, Antimanuel de droit constitutionnel, Odile Jacob, 2025.
Full text:
C’est une déflagration à la croisée de deux de ses passions que sont la justice et la politique. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux de 2016 à 2017, professeur de droit public à l’université de Brest, réagit auprès du Point à la peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire prononcée à l’encontre de Marine Le Pen ce 31 mars dans le cadre du procès des assistants d’eurodéputés du FN. Un coup de tonnerre dans le ciel politique à deux ans de l’élection présidentielle.
L’ancien ministre socialiste estime que les « magistrats n’ont fait qu’appliquer la loi » dans ce dossier mais s’interroge sur le fait que celle-ci permette l’exécution de l’inéligibilité « avant l’épuisement des voies de contestation ». « Le cadre juridique est bancal », alerte l’auteur d’un Antimanuel de droit constitutionnel*, tout en regrettant que « la critique contre les juges soit devenue un point de passage obligé pour les politiques ».
Le Point : Selon Le Télégramme, vous affirmiez en décembre ne pas « croire un instant » à une inéligibilité de Marine Le Pen en 2027. Le verdict de ce matin ne vient-il pas percuter cette hypothèse ?
Jean-Jacques Urvoas : Ce n’est pas si sûr. Il est trop tôt pour considérer que cette affaire est terminée. Les juges n’ont fait qu’appliquer la loi mais je reste convaincu qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut prospérer dans le cadre de l’appel que Mme Le Pen va former. L’article 471 al. 4 du Code pénal sur lequel repose l’exécution provisoire n’a jamais été soumis au Conseil constitutionnel. Saisie à deux reprises, en 2018 et 2022 de cette question, la Cour de cassation a refusé de lui en transmettre l’étude. J’imagine que ses avocats vont lui suggérer d’entreprendre une QPC, nous verrons cette fois la réaction de la Cour de cassation. Évidemment, les délais sont à ce stade imprévisibles, mais, sur le fond, je persiste à douter de la constitutionnalité de cet article.
Pourquoi ?
Il paraît curieux de priver un justiciable d’une possibilité réelle de recours. La décision d’inéligibilité est parfaitement légale mais qu’elle soit applicable avant l’épuisement des voies de contestation me surprend. Il y a ici une forme de spoliation. L’exécution provisoire est prononcée pour éviter la récidive, il serait logique qu’un juge d’appel puisse se prononcer dessus. Le cadre juridique me semble bancal.
Il y a eu une surenchère dans les lois adoptées mais les magistrats n’ont fait que les appliquer.
Jean-Jacques Urvoas
La décision du Conseil constitutionnel, ce vendredi 28 mars, qui a confirmé les peines d’inéligibilité avec exécution immédiate à l’encontre d’un ex-élu mahorais, n’a donc pas tranché cette question ?
En dépit du vacarme qui a accompagné cette décision vendredi dernier, il faut redire que le Conseil n’était pas saisi de cette question. Il n’avait donc pas à se prononcer sur la conformité à la Constitution de l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité. Au surplus quand bien même l’aurait-il fait, sa décision ne concernait pas le juge pénal, seulement celui qui est chargé d’appliquer les dispositions du Code électoral qui étaient au cœur de la QPC de l’ex-élu mahorais.
Sans parler de l’exécution provisoire, le fait d’avoir rendu obligatoire en 2016 la peine d’inéligibilité en cas de condamnation pour atteinte à la probité était-il une mauvaise idée ?
Cette disposition vient d’un amendement parlementaire du rapporteur socialiste Sébastien Denaja dans la loi Sapin 2 de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Il ne s’agissait pas d’une volonté gouvernementale. Je viens de relire les débats de l’époque et cette initiative fut accueillie par un concert d’éloges, par exemple, de la part d’Olivier Marleix ou de Charles de Courson.
Il y a eu ensuite en 2017 une nouvelle surenchère lors de la loi pour la confiance dans la vie politique. La pression de l’opinion était très forte mais il faut toujours faire attention à la façon de rédiger la loi. Vouloir toujours plus restreindre la marge d’interprétation du juge n’est pas nécessairement une bonne idée.
D’un point de vue strictement juridique en revanche, le verdict visant Marine Le Pen, ce lundi, vous paraît-il justifié ?
Bien sûr. Il y a eu une surenchère dans les lois adoptées mais les magistrats n’ont fait que les appliquer. Il n’y a aucun reproche à leur faire. Mme Le Pen n’est victime de rien du tout. Elle est coupable d’un détournement de fonds sanctionné par cette peine. Et concernant la surenchère, je rappelle que le 5 avril 2013, sur Public Sénat en pleine affaire Cahuzac, Mme Le Pen prônait « l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui ont été condamnés pour des faits commis grâce ou à l’occasion de leur mandat ».
Ce verdict ne pose-t-il pas pour autant des questions démocratiques ?
Je ne mésestime pas la secousse que peut représenter dans l’opinion l’invalidation de la candidature de la personne présentée comme favorite pour la prochaine élection présidentielle, mais cette compétition se déroule selon des règles intangibles depuis 1962. Être candidat à une élection n’est pas un droit, c’est une possibilité conditionnée au respect de certains critères, dont l’âge, la nationalité, la signature de 500 élus issus de divers territoires ou le fait de ne pas avoir été condamné pour inéligibilité. Les millions de voix qui se sont portées en 2017 et en 2022 sur Marine Le Pen ne constituent pas un totem d’immunité. Par ailleurs, la motivation d’une candidature ne réside pas dans la personnalité du candidat mais dans le message politique que traduisent ses engagements. Le Rassemblement national (RN) n’est pas interdit de candidature.
Mais le fait que l’une des candidates favorites des sondages ne puisse potentiellement pas se présenter ne risque-t-il pas de susciter des frustrations dans l’opinion et de déboucher sur des formes encore plus exacerbées de populisme ?
Je constate que, depuis quelques petites années, la critique contre les juges est devenue un point de passage obligé pour certains responsables politiques. Quand des personnalités respectables se laissent aller à cette facilité, avec des mots comme « coup d’État des juges » ou « gouvernement des juges », cela laisse la porte ouverte aux excès dans les moments de tension. La décision qui est prise aujourd’hui ne serait pas accueillie de la même manière si le terrain n’avait pas été préparé par ces critiques incessantes contre les juges.
De son côté, Jean-Luc Mélenchon a estimé dans un tweet que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple ». Qu’en pensez-vous ?
Dans son programme de 2022, Jean-Luc Mélenchon proposait d’empêcher une personne condamnée pour corruption de se présenter à n’importe quelle élection. Au surplus, en 2019, il avait déjà consacré un livre entier à tenter de démontrer que l’institution judiciaire menait à son encontre « une guerre politique ». Dans les deux cas, comme aujourd’hui, il occupe le rôle qu’il s’est donné : être excessif jusqu’à la caricature. Et comme disait, paraît-il, Talleyrand, tout cela est donc insignifiant.
Le Figaro, 1 avril
Jean-Pierre Camby : «Le tribunal judiciaire de Paris descend dans l’arène électorale et trie lui-même les candidatures»
TRIBUNE. – La peine d’inéligibilité prononcée contre Marine Le Pen ce lundi constitue un bouleversement : le juge s’est mué en acteur politique, analyse le juriste. Cette décision, ajoute-t-il, conduit à priver des millions d’électeurs de leur candidate attendue à l’élection majeure du pays.
*Dernier ouvrage paru : Le Conseil constitutionnel juge électoral (Dalloz 2025)
Full text:
La décision du tribunal correctionnel de Paris rendue le 31 mars dans l’affaire des assistants des eurodéputés du FN (désormais RN) prête le flanc à la critique. Le juge est le garant du respect de l’État de droit, mais ne saurait être un arbitre électoral.
Le 13 novembre 2024, le parquet avait requis, contre Marine Le Pen, cinq ans de prison, dont trois avec sursis, 300.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire, des peines semblables contre les vingt-six autres prévenus, dont Louis Aliot, le maire de Perpignan, et contre le parti lui-même, une amende de 2 millions d’euros. Les responsables du MoDem (dont le premier ministre) ont été poursuivis pour des faits très similaires, mais ils n’ont pas été condamnés à l’exécution provisoire de l’inéligibilité. C’est l’exécution de la peine qui pose ici le problème majeur.
L’exécution provisoire de l’inéligibilité est justifiée pour prévenir la récidive, pour un délit routier ou sexuel par exemple. Mais elle pose un problème pour l’inéligibilité : s’agissant des mandats locaux, sans égard à l’effet d’un recours, elle entraîne la déchéance immédiate du mandat, et, pour toutes les élections, une impossibilité d’être candidat.
Comment concevoir qu’une décision non définitive puisse ainsi faire obstacle à une candidature ? Le juge pénal de première instance est-il légitime à déclencher, par le seul effet de son jugement et à sa seule appréciation, une mesure ayant des effets aussi irréversibles sur la vie politique du pays ? D’où l’importance prise dans le débat par la question prioritaire de constitutionnalité jugée le 28 mars par le Conseil constitutionnel, sur renvoi du Conseil d’État.
La question posée portait sur l’exécution provisoire des décisions d’inéligibilité prises à l’encontre d’un élu municipal (articles L 230 et L 236 du code électoral, qui prévoient la déchéance immédiate du mandat en cours). Mais, au-delà de cet objet précis, la solution apportée vaut pour toute élection, dont la majeure pour le pays : l’élection présidentielle.
La QPC visait « les dispositions contestées (…), en tant qu’elles s’appliquent à des élus ayant fait l’objet d’une condamnation pénale déclarée exécutoire par provision sur le fondement de l’article 471 du code de procédure pénale, alors que cette sanction n’est pas devenue définitive ». Ces dispositions, avait estimé le Conseil d’État, « soulèvent une question présentant un caractère sérieux » au regard du droit de suffrage. C’est bien l’exécution provisoire de l’inéligibilité pour toute élection qui est en cause, même si la question de constitutionnalité n’est posée que dans le cadre des élections municipales.
La jurisprudence appliquant les dispositions contestées est toujours prise en compte par le Conseil constitutionnel lorsqu’il juge d’une QPC. Pour ces élections, elle prévoit que le préfet prononce la démission d’office immédiate de l’élu concerné, même lorsque la peine d’inéligibilité est décidée par provision. Si, comme ce fut le cas de Brigitte Barèges à Montauban, dont la suspension des fonctions de maire fut infirmée par la cour d’appel de Toulouse le 14 décembre 2021, l’élu retrouve son siège à la fin de la procédure, les dégâts sont considérables. Si l’exécution provisoire empêche une candidature, ils peuvent être plus ravageurs encore.
Par exception, s’agissant des mandats parlementaires, le Conseil constitutionnel a lui-même jugé, de façon constante, que seule une décision définitive peut entraîner la déchéance du mandat. Cette différence de régime est justifiée par la différence de nature entre les mandats. En revanche, l’exécution immédiate fait obstacle à la candidature à n’importe quelle élection.
Le tribunal judiciaire de Paris trie lui-même les candidatures et se mue ainsi en acteur politique, et pire encore, électoral. Qui gardera ce gardien ?
Jean-Pierre Camby
Le Conseil a rendu une décision dont on ne peut ignorer la portée. Celle-ci réside dans une réserve d’interprétation explicite : « Sauf à méconnaître le droit d’éligibilité garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, il revient alors au juge, dans sa décision (sur l’exécution provisoire), d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur. »
Lorsque le juge constitutionnel émet ainsi une réserve d’interprétation, il adresse aux juridictions un message qui vaut pour toutes les élections. Comment le tribunal correctionnel de Paris a-t-il pu ne pas en tenir compte ? Le Conseil constitutionnel le conduisait à se demander si l’inéligibilité par provision de Marine Le Pen avait des conséquences disproportionnées sur la liberté de l’électeur. Tel est bien le cas : la peine prononcée aboutit à priver des millions d’électeurs de leur candidate attendue à l’élection majeure du pays.
La réserve émise par le Conseil – reprise significativement dans le dispositif de sa décision – a été mise en doute de deux manières. Était-elle nécessaire à la solution du litige ? La réponse est positive car le Conseil ne pouvait éviter de statuer sur l’effet du prononcé provisoire de l’inéligibilité au regard du droit d’éligibilité. Liait-elle le juge pénal ? La réserve s’impose « aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » en vertu de l’article 62 de la Constitution. Le juge pénal ne pouvait donc l’ignorer, surtout au regard de la sensibilité du sujet.
En tenir le plus grand compte eût été pour lui la solution la plus sage. Comme l’écrit Alexandre Viala dans sa thèse sur les réserves d’interprétation, « l’embarras du juge est moindre, sa discrétionnalité réduite, sa responsabilité sociale atténuée et la gravité de sa fonction minimisée » lorsque les dispositions qu’il applique sont encadrées par une réserve d’interprétation du juge constitutionnel. Ici, la responsabilité sociale et politique du juge pénal est d’autant plus engagée qu’il se dresse contre le Conseil constitutionnel et désespère une partie importante du corps électoral, et, ce, non pour garantir une liberté, mais pour empêcher une candidature. En démocratie, c’est à l’électeur de dire qui est digne de ses suffrages, non au juge d’effectuer un tri a priori.
En prononçant une exécution provisoire de l’inéligibilité aux effets disproportionnés sur la liberté de choix des électeurs et qui ne se justifie pas par le risque de récidive, d’atteinte à l’ordre public ou par le bon fonctionnement de la justice pénale, le tribunal judiciaire de Paris descend dans l’arène électorale. Il trie lui-même les candidatures et se mue ainsi en acteur politique, et pire encore, électoral. Qui gardera ce gardien ?
Frankfurter Allgemeine Zeitung, éditorial, 31 Mars
Keine Ausnahme für Le Pen
In einem Rechtsstaat gelten die Gesetze für alle. Marine Le Pen hat nicht nur die französischen Steuerzahler geschädigt, sondern die in der gesamten EU.
Full text:
Darf es für die Justiz ein Kriterium sein, dass eine Angeklagte die Politikerin mit den besten Umfragewerten ist? Nein, das darf es nicht sein, denn vor Gericht sind alle gleich.
Wenn nicht Marine Le Pen, sondern der Anführer irgendeiner Splitterpartei verurteilt worden wäre, dann hätte es über diese Frage höchstwahrscheinlich keine öffentliche Debatte in Frankreich gegeben. Und Urteile gegen einfache Bürger werden noch viel seltener auf ihre Legitimität hin abgeklopft.
Urteile gegen andere Spitzenpolitiker
In einem Rechtsstaat, und das ist Frankreich ohne Zweifel, kann der Angeklagte in der Regel in Berufung gehen. Le Pen wird das sicherlich tun. Für die französische Justiz spricht außerdem, dass Le Pen nicht die einzige Spitzenpolitikerin ist, die in jüngerer Zeit eine Haftstrafe wegen Korruption erhielt.
Zu den prominenten Verurteilten zählen der frühere Premierminister François Fillon und der frühere Präsident Nicolas Sarkozy. Beide gehören den Republikanern an, nicht dem Rassemblement National. Es gibt also keinen triftigen Grund, das Urteil gegen Le Pen parteipolitisch zu deuten.
Es ist in einer Demokratie auch kein Beinbruch, wenn einer Partei die Führungsfigur abhandenkommt, so charismatisch sie auch sein mag. Sie kann andere Kandidaten aufstellen. Der RN hat mit Jordan Bardella einen Politiker als Vorsitzenden, der an der Basis ähnlich populär ist wie Le Pen.
Zur Gewaltenteilung gehört, dass der Gesetzgeber den Strafrahmen festlegt. Die Nationalversammlung kann das französische Antikorruptionsgesetz jederzeit ändern, wenn es ihr nun zu drakonisch erscheint.
Der Grundgedanke, dass Politiker sich bei der Parteienfinanzierung an strenge Regeln halten müssen, ist im Grundsatz aber richtig. Sie können nun mal über öffentliches Geld verfügen, da sollte man ihnen keine Freihändigkeit zugestehen, wie sie Le Pen offenbar für selbstverständlich hielt. In diesem Fall sind nicht nur die Steuerzahler in Frankreich geschädigt worden, sondern die in der gesamten EU.
The Economist, 1 avril
Carton rouge: Barring Marine Le Pen is a political thunderbolt for France
Her sentence for improper use of EU funds could strengthen the hard right
Full text: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/03/1-avril-3.pdf
Le Point, 24 mars
Contre LFI, à quand un cordon sanitaire ?
CHRONIQUE. Défiler, au nom de l’antiracisme, dans des cortèges où sont prônés l’antisionisme, la haine de l’État et de la police n’est pas défendable.
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Quelques dizaines de milliers de personnes seulement dans les rues de France, samedi, pour une marche contre le racisme et le fascisme, c’est peu. Ça pourrait même être inquiétant. Toutefois, cette faible affluence montre peut-être, au contraire, que beaucoup de personnes prêtes à se mobiliser contre le racisme avaient démasqué la supercherie montée par l’extrême gauche en général et La France insoumise en particulier.
L’obstination et même la rage avec lesquelles Jean-Luc Mélenchon s’est refusé à condamner une affiche ouvertement antisémite appelant à cette manifestation laissaient en effet augurer du pire. Et le pire s’est bien produit, avec des slogans largement repris tels qu’« antiracisme égale antisionisme » ou encore « à bas l’État », « à bas les flics »…
LFI est donc devenu infréquentable, mais pas au point que plusieurs organisations de gauche aient renoncé à mettre leurs pas dans les siens. Certaines se sont, certes, efforcées de ne pas se trouver au contact trop rapproché d’un mouvement désormais considéré comme radioactif. Sophie Binet, la patronne de la CGT, tenait même à souligner ce samedi la présence « de nombreuses associations qui luttent contre l’antisémitisme » présentes dans le « carré de tête ». Une telle remarque prouve à elle seule le grand malaise créé par l’apposition d’un signe « égal » entre l’antiracisme et l’antisionisme.
Une grotesque logique orwellienne
Comment, en conscience, se commettre dans ce genre de manifestations où il est question de lutter contre le racisme et l’« islamophobie » sans jamais un mot contre l’antisémitisme ? Le piège tendu par LFI est toujours le même : porter haut le double étendard de l’antiracisme et de l’antifascisme pour pouvoir montrer du doigt ceux qui n’acceptent pas de s’y rallier. S’ils refusent de jouer ainsi les idiots utiles, c’est, selon le catéchisme mélenchoniste, la preuve implacable qu’ils sont complices de l’extrême droite.
« Un jour, vous vous regarderez dans la glace d’avoir fait croire que les antiracistes sont des racistes », a ainsi lancé samedi à des journalistes, dans une syntaxe sûrement rendue approximative par l’émotion, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. C’est là une variante de la même rhétorique : plaider l’inversion des responsabilités et des turpitudes en y ajoutant une petite pincée de victimisation.
Produire une affiche antisémite, refuser de la condamner, promouvoir l’idée que l’antisionisme –expression sournoise de l’antisémitisme – relève de l’antiracisme, tout cela procède d’une grotesque logique orwellienne, selon laquelle « la guerre c’est la paix » et « l’ignorance c’est la force ».
Les partis et organisations de gauche ont depuis toujours sommé la droite de maintenir un « cordon sanitaire » avec l’extrême droite. Pour l’heure, ils ne semblent pas tout à fait prêts à s’appliquer à eux-mêmes ce noble principe. Pourtant, depuis samedi, la simple « prise de distance » ne suffit plus.
L’Express, 15 mars
“Emmanuel Macron se regarde dans le miroir de De Gaulle” : son come-back européen vu par la presse étrangère
Revue de presse. “Voyant ses aspirations européennes de longue date se transformer en réalité […] le président français est de retour au centre de la diplomatie mondiale”, analyse le Washington Post.
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es Français ne le savent peut-être pas, mais leur président de la République aurait, d’après le New York Times, le nez creux. Ses avertissements sur “l’état de mort cérébral” de l’Otan, sur la nécessité d’envoyer des troupes européennes au sol pour aider l’Ukraine, ou encore sur “la pertinence de la notion d’autonomie stratégique paraissent aujourd’hui prémonitoires”, concède le titre américain de référence. Autant de paradigmes abordés dans son discours “radical” prononcé à la Sorbonne en 2017 relève pour sa part le Washington Post.
Une lucidité qui renforce sa crédibilité sur la scène internationale – le Washington Post décrit notamment un président français “de retour au centre du jeu international, en lutte avec les grands de ce monde” – mais pas seulement. En l’espace de deux mois, la cote de popularité d’Emmanuel Macron a enflé de 9 points, passant de 18 % d’opinion favorable à 27 %, d’après un sondage publié jeudi 13 mars par Les Echos. Ce, alors même qu’il “semblait condamné à terminer les trois dernières années de son mandat en canard boiteux”, formule le New York Times.
Cette proposition qui a fait “mouche” auprès de Vladimir Poutine
Une popularité relativisée par l’hebdomadaire britannique conservateur The Spectator : “peu de Français lui font confiance pour gérer efficacement la situation en Ukraine“. De son côté, le quotidien suisse-allemand Tages-Anzeiger tente d’expliquer les causes de cette remontée dans les sondages. D’après nos confrères, Emmanuel Macron jouirait d’un triple avantage.
Primo, le régime constitutionnel de la Ve République “lui confère des pouvoirs dont aucun président américain ne peut se targuer” […]. Deuzio, le chef de l’Etat serait doté d’un “esprit brillant” qui “sait parler et ne s’en prive pas”. Tertio, il est à la tête d’une puissance nucléaire tricolore qu’il envisage de mutualiser avec d’autres Etats européens. Un élargissement du parapluie nucléaire qui “soulève des questions tout à fait essentielles”, pointe le journal, faisant référence aux divisions politiques internes qu’un élargissement de la puissance nucléaire suscite.
Une idée qui a le mérite d’avoir fait “mouche”, note le journal transalpin La Repubblica. En sous-entendant qu’il pourrait assurer le rôle de protecteur de l’Europe que les Etats-Unis avaient jusqu’alors joué, Emmanuel Macron aurait contraint Vladimir Poutine “à rompre le silence”, fait valoir le quotidien italien.
Plutôt Napoléon ou De Gaulle ?
À l’instar de nombreux autres titres de presse, La Repubblica est revenu sur les pics échangés entre le président français et le maître du Kremlin qui ont débouché sur une épidémie de caricatures publiées par la presse russe. La plupart représentent Emmanuel Macron “en Napoléon chevauchant vers sa défaite et même le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov”, raconte le quotidien transalpin. En Espagne,El Mundo a même expliqué les raisons pour lesquelles Vladimir Poutine avait comparé Emmanuel Macron à Napoléon : “Il s’agit d’une allusion concernant la campagne militaire menée par l’empereur français contre le tsar Alexandre Ier en 1812, une entreprise désastreuse qui marqua le début de son déclin”.
Du Napoléon chez Emmanuel Macron ? El País préfère une autre comparaison, voyant en ce jeune chef de l’Etat davantage un reflet du fondateur de la Ve République. “Emmanuel Macron évoque le général De Gaulle, en silence depuis des semaines, par ses gestes, par sa tentative de prendre la tête de l’offensive européenne afin de ne pas être laissé de côté dans un éventuel processus de paix en Ukraine, et par sa méfiance croissante à l’égard des Etats-Unis en tant que grande puissance dirigeante des armées occidentales”, développe le quotidien espagnol qui titre : “Macron se regarde dans le miroir de De Gaulle.”
D’aucuns s’intéressent au rapprochement d’Emmanuel Macron avec deux autres poids lourds du Vieux Continent, encouragé par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche : la Grande-Bretagne de Keir Starmer et l’Allemagne de Friedrich Merz. Outre-Manche, nos confrères de The Economist admettent par exemple que les liens franco-britanniques “semblent plus solides qu’ils ne l’ont été depuis de nombreuses années”. De son côté, le titre bruxellois Politico note que “sans Trump, il n’est pas certain que les deux dirigeants [NDLR : Friedrich Merz et Emmanuel Macron] seraient partis sur d’aussi bonnes bases.”
La – désormais récurrente – corrélation entre l’aggravation des crises internationales et la remontée de la cote de popularité d’Emmanuel Macron pousse à s’interroger :”Les cyniques pourraient se demander si Macron ne profite pas de cette situation pour redorer son image après des mois désastreux”, raille le magazine The Spectator qui peint le portrait d’une France en “ruines”, asphyxiée par les problèmes d’insécurité, l’inquiétude suscitée par l’immigration, et une “économie vacillante”.
Et nos confrères du Tages-Anzeiger d’abonder : “Macron est un président faible, sans majorité au Parlement” et dont le gouvernement “peut être balayé du jour au lendemain”, qui “dit vouloir trouver des milliards pour le réarmement national, malgré une dette imposante, et sans augmenter les impôts”. Ainsi, le “moment de grâce” dont jouit Emmanuel Macron, selon la formule du quotidien helvétiqueTages-Anzeiger, pourrait n’être que de “courte durée”.
Le Point, 13 mars
L’Assemblée nationale se divise sur le renforcement du soutien à l’Ukraine
Une proposition de résolution visant à renforcer le soutien à Kiev a été adoptée mercredi soir par les députés. LFI a voté contre et le RN s’est abstenu.
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Un hémicycle divisé. L’Assemblée nationale a adopté, mercredi 12 mars, au terme de longues heures de débats, une résolution de renforcement de soutien à l’Ukraine, contenant notamment un appel à saisir les avoirs russes. Ce texte, adopté par 288 voix contre 54, a essentiellement une valeur symbolique. Seule La France insoumise a voté contre, tandis que le Rassemblement national et le groupe allié d’Éric Ciotti se sont abstenus.
Si le texte, proposé par le groupe Liot, a été voté par une large majorité, la question de la saisie des avoirs russes a été l’un des points d’orgue du clivage de l’Assemblée. Celle-ci a notamment été défendue par l’ex-Premier ministre Gabriel Attal (Ensemble pour la République), alors que le gouvernement s’y oppose, craignant que la stabilité financière de l’Europe ne soit menacée.
Des députés RN et LFI se sont aussi opposés à cette idée. Le Rassemblement national a notamment invoqué « une interrogation sur le droit international », selon les termes de Matthias Renault, député d’extrême droite de la 3e circonscription de la Somme. « La décision n’appartient évidemment pas au législateur […] mais dépend de décisions de juges étrangers », s’est-il justifié sur les 210 milliards d’actifs bancaires russes.
« Les avoirs des oligarques, notre groupe est totalement favorable à leur saisie, mais nous n’avons pas l’outil législatif qui nous le permet », a fait valoir, de son côté, l’Insoumis Bastien Lachaud, citant l’exemple du Canada dont il indique qu’il s’est heurté « au droit fondamental de la propriété ».
Dans un communiqué de presse, La France insoumise explique « avoir choisi de voter contre la résolution européenne relative à la guerre en Ukraine », estimant que la résolution est « totalement déconnectée de la situation internationale ». « Cette résolution ne remet à aucun moment en cause l’alignement de la France avec les États-Unis », selon eux, car le texte « promeut une Europe de la défense dont les commandes gaveront l’industrie étatsunienne de l’armement, au détriment de notre indépendance ».
Des débats sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE
L’hémicycle s’est aussi montré divisé, lors des débats parfois houleux, sur la question de la construction d’une Europe de la défense ou encore du soutien au processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, au sein du RN, des Insoumis, et même au-delà. « La libre circulation conduirait au désastre. Nous ne pouvons pas éternellement produire les mêmes erreurs », a déploré le député du groupe écologiste François Ruffin.
« Oui, on peut soutenir l’Ukraine sans vouloir qu’elle adhère systématiquement à l’Union européenne. J’ai même envie de dire, c’est parce qu’on soutient sa souveraineté, qu’on lui conseille d’ailleurs de ne pas adhérer », a plaidé Laurent Jacobelli (Rassemblement national), déplorant une « ingérence nouvelle ».
« Nous avons le droit de dire que nous ne voulons pas, au sein de l’Union européenne, d’un pays où le smic est à 200 euros », a soutenu l’Insoumise Sophia Chikirou. « La facture de cet élargissement, ce serait encore et toujours aux Français de devoir la payer », a abondé, pour sa part, Maxime Michelet (Union des droites pour la République). « Ce n’est pas ce soir que le Parlement serait appelé à voter l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, qui est un processus très long, très exigeant », a néanmoins rassuré le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola.
Le vote de ce texte est intervenu en plein tumulte géopolitique, marqué par l’accélération des pourparlers de paix. Donald Trump, qui presse Poutine d’accepter une proposition de trêve, a même assuré que des responsables américains étaient en route, dès mercredi soir, pour négocier en Russie.
L’Express, 13 mars
Réarmement de la France : les points de PIB ne font pas tout, par Jean-Marc Daniel
Tribune. A la fin de la guerre froide, la France consacrait 3,6 % de sa richesse nationale à sa défense. Un effort qu’elle peut rééditer, à condition de mener au préalable une réflexion stratégique profonde sur la menace actuelle.
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Réfléchir à la défense d’un pays suppose d’avoir une vision précise de son contenu, à la fois dans le temps et dans l’espace. Au fil des décennies, l’approche doctrinale de la France a clairement évolué, avec la fin de la guerre froide, de la conscription et les interrogations sur les interventions extérieures, notamment en Afrique. Quant à la comparaison dans l’espace, elle conduit à faire la différence entre l’effort national de défense mesuré par l’Otan et le budget voté par le Parlement. Depuis le sommet de l’Alliance atlantique de Vilnius, en 2023, la France consacre au moins 2 % de son PIB à sa défense. L’an dernier, le montant s’élevait à près de 60 milliards d’euros. Cependant, le budget des armées stricto sensu, c’est-à-dire hors les retraites des anciens militaires, n’a représenté, en fait, que 48,2 milliards, soit 1,6 % du PIB.
A entendre les discours du moment, ce budget serait le dernier de la séquence ouverte par la chute du mur de Berlin, qui restera comme celle des “dividendes de la paix”. Comparons-le à celui de 1988, qui fut la dernière année de la période précédente, celle de la guerre froide. Le montant du budget hors pensions de 1988, en euros d’aujourd’hui, était de 50 milliards, soit peu ou prou le même que celui de 2024. Mais rapporté au PIB, il en absorbait 3,6 %, au lieu des 1,6 % de l’an dernier.
“La première des puissances moyennes”
Quand on prend du recul, on note que, sur le long terme, la France a plutôt cherché à maintenir une dépense militaire élevée. Cette constance a correspondu à sa volonté d’être considérée comme une grande puissance, aujourd’hui membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU et dotée de l’arme nucléaire, ou à tout le moins d’être considérée, pour reprendre une expression du roi Louis-Philippe, actualisée par Valéry Giscard d’Estaing, comme la “première des puissances moyennes”.
Pour s’en convaincre, on peut examiner le budget militaire hors pensions, celui dont le périmètre actuel est de 1,6 % du PIB, en remontant jusqu’à la fin du XIXe siècle. En 1889, l’adoption de la loi Freycinet sur la réorganisation des armées, qui réaffirme en particulier le principe de la conscription, entérine l’adoption par la IIIe République d’une organisation sociale agro-militariste fondée sur la promotion d’une armée dédiée à la revanche après la défaite de 1870, d’une agriculture protégée par les droits de douane Méline et d’une école publique obligatoire axée sur le patriotisme.
En 1953, les dépenses militaires atteignaient 8,7 % du PIB
Le budget militaire de 1890, qui est l’équivalent de 3 milliards d’euros d’aujourd’hui, absorbe 3,7 % du PIB. Cette part se maintient à 4 % en 1900 et à 3,7 % en 1910. Elle monte jusqu’à 9 % en 1920 avant de baisser à 3,2 % en 1930 puis de remonter a` 8,5 % en 1938. Après 1945, l’effort ne se relâche pas. La menace soviétique et la guerre d’Indochine font de 1953 l’une des années où le poids des dépenses militaires est le plus élevé. Il atteint 8,7 % du PIB, sachant qu’une partie de cet effort est prise en charge par l’aide américaine, dont le montant global représente 64 % du budget d’équipement. A la mort de Staline, ce poids se met à décliner, lentement d’abord, plus rapidement après la fin de la guerre d’Algérie, pour atteindre les 3,6 % en 1988. Il faut noter, au passage, que l’édification de l’arsenal nucléaire s’est, en partie, substituée et non pas ajoutée à l’entretien d’une armée conventionnelle.
Retrouver le niveau de 1988 en part de richesse nationale supposerait aujourd’hui une hausse de 60 milliards d’euros. Mais cette augmentation de la dépense militaire exige au préalable une réflexion approfondie sur la menace et les réponses à y apporter. En 1988, l’armée est encore une armée de conscription qui rassemble 558 000 individus. Désormais, elle en compte 264 000. Et alors que l’armée de terre représentait 54 % de ces effectifs, celle d’aujourd’hui n’en constitue que 42 %.
Lors de la présidentielle de 2017, un débat s’était engagé sur la nécessité de doter la France d’un deuxième porte-avions, afin de compenser l’indisponibilité périodique – dix-huit mois, tous les dix ans – pendant laquelle l’entretien du Charles de Gaulle handicape la marine. A présent, certains militent plutôt pour donner la priorité à la dissuasion nucléaire, dont l’enveloppe s’élevait à 6 milliards d’euros l’an dernier, contre 30 milliards de francs en 1988, soit 8 milliards d’euros d’aujourd’hui. Les choix stratégiques qui s’imposent en 2025 pour protéger le pays ne peuvent se résumer à de simples points de PIB.
* Jean-Marc Daniel est économiste, professeur émérite à ESCP Business School et auteur de Nouvelles Leçons d’histoire économique (Odile Jacob, 2024).
Le Point, 12 mars
LFI : le scandale de l’affiche Hanouna
CHRONIQUE. En publiant sur ses réseaux sociaux une image caricaturale, antisémite, de l’animateur, les mélenchonistes ont-ils commis le faux pas de trop ?

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On les avait presque oubliés. Un peu noyés par le cyclone médiatique trumpien et l’actualité internationale, les « Insoumis » avaient un besoin urgent de faire parler d’eux. Et de reprendre leur croisade communautariste, si possible au bazooka. Ils ont réussi au-delà du raisonnable, ou plutôt de l’abject.
En appelant à une manifestation contre l’extrême droite pour samedi 22 mars, les as de la communication du mouvement mélenchoniste ont commis une sacrée bévue, voire bien pire. Ils ont publié sur leurs réseaux sociaux deux affichettes représentant Pascal Praud et Cyril Hanouna, les animateurs vedettes de CNews et d’Europe 1.
Comme au bon vieux temps du Far West, les deux stars de la galaxie Bolloré se retrouvent symboliquement livrées en pâture aux chasseurs de prime du Net et à la haine en ligne. La direction de LFI n’a pas ajouté le sigle « Wanted » sur l’image, mais comment ne pas y penser.
Antisémitisme de plus en plus assumé
Pis, et c’est là que les affaires se corsent, l’affiche représentant Cyril Hanouna rappelle furieusement celle du « Juif éternel », le célèbre et répugnant film de propagande nazi de 1940, supervisé directement par Hitler et Goebbels, dont l’objectif clairement avoué était de préparer l’opinion allemande à la Solution finale.
Devant le concert d’indignations suscité par l’apparition de cette affiche pour le moins nauséabonde, la direction de LFI a l’a retirée de ses réseaux. Et publié une nouvelle image, plus présentable, de l’animateur. Une manière de reconnaître ce qui relève, a minima, d’un faux pas du mouvement.
Mais ce qui pourrait apparaître comme une bourde grossière est aussi le signe d’un antisémitisme de plus en plus assumé, comme à ciel ouvert, des « Insoumis ». Jean-Luc Mélenchon et ses affidés, ceux qui dirigent ce mouvement « gazeux », sans contre-pouvoirs internes, ont-ils donné leur imprimatur pour la publication de cette petite ignominie ?
Ont-ils sciemment laissé passer l’affiche du scandale, histoire de faire le buzz, de reprendre la main dans les médias, dans la bonne tradition trumpienne du « plus c’est gros, plus ça passe », avec toujours cette obsession d’occuper le terrain ?
Indulgences poutino-trumpistes
Dans l’affirmative, il faut désormais sérieusement s’inquiéter sur les dérives de l’organisation tout entière dévouée au culte du chef. On n’y cache plus ses sentiments pro-islamistes et son antisémitisme désinhibé.
On peut critiquer les saillies néopopulistes des histrions d’Europe 1, mener une bataille politique contre leurs indulgences poutino-trumpistes, s’en prendre à leurs coups de gueule démagogiques, ne pas les écouter, changer de chaîne ou de fréquence radio.
Mais l’opération montée par la direction de LFI va bien au-delà du débat politique et des joutes démocratiques. Comment ne pas envisager des suites judiciaires à ce forfait politique ? Il va forcément laisser des traces à gauche, et creuser définitivement le fossé qui sépare le PS et les écologistes d’un parti si peu recommandable.
https://www.lepoint.fr/politique/lfi-le-scandale-de-l-affiche-hanouna-12-03-2025-2584560_20.php
Le Point, 10 mars
Michel Richard: Le Pen-Mélenchon, les disqualifiés de 2027
CHRONIQUE. S’il en est fini des temps de paix, si l’heure est à l’armement, l’enjeu de la présidentielle change radicalement. De quoi chambouler la place des leaders LFI et RN.
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Cette fois, Emmanuel Macron n’est pas seul à le dire. Pas seul à sonner le tocsin, pas seul à dénoncer la menace russe sur l’Europe et la France, pas seul à acter un lâchage américain qui vient de loin, pas seul à vouloir une Europe qui prend en main sa défense. Tous les pays européens le disent aussi et, comme lui, appellent à une sorte de réveil patriotique et militaire.
Il a fallu une guerre en Ukraine menée par Poutine, l’élection aux États-Unis d’un Donald Trump proprement renversant, l’arrivée en Allemagne d’un vrai chancelier avec Friedrich Merz pour qu’enfin l’on s’accorde à penser que la nécessité d’une défense européenne, préconisée dès 2018 par Macron, n’était pas une lubie. Qu’elle était pertinente hier, qu’elle s’impose aujourd’hui et pour demain.
« Attribut de présidentialité »
Résister à notre ennemi russe, celui qui envahit l’Ukraine, mène chez nous des cyberattaques d’hôpitaux, s’ingère dans les élections démocratiques, manipule l’opinion par les réseaux sociaux. Mais aussi supplanter notre allié américain qui nous fait faux bond, brutalement certes, mais non sans fondement, qui déserte et fait ami-ami avec la Russie. Double challenge.
On dira, ceux du moins qui ne le haïssent pas d’une rage aveugle, qu’Emmanuel Macron est l’homme idoine pour pareils défis. Il en a eu la prescience, a doublé les budgets militaires français et se voit rejoint par ses collègues, allemands et britanniques notamment. Sa position est d’autant plus éminente qu’il est le détenteur unique du feu nucléaire, dont plusieurs pays d’Europe souhaitent qu’il les protège aussi.
Macron bénéficie comme jamais d’un exceptionnel « attribut de présidentialité ». C’est ainsi que les experts appellent ce pouvoir unique accordé au président, seul à l’incarner, et seul à pouvoir l’exercer. Par ses rencontres, ses initiatives, ses médiations, Macron l’exerce pleinement et les Français, en tout cas, le jugent plus capable d’affronter une crise grave que ses concurrents.
Sauf que son mandat s’achève dans deux ans. S’il a quelque raison de goûter un retour en grâce que lui vaudrait la situation actuelle, Macron ne peut s’en réjouir ni pour le pays, ni pour lui-même. Lui-même prochainement exclu, le pays déjà divisé.
C’est peu dire que l’unité nationale ne se manifeste pas, quelles que soient les menaces avérées dont doit se protéger le pays. Celles-ci sont telles, et la politique de défense décidée unanimement par les vingt-sept membres de l’Union européenne si historique, qu’en fait c’est toute l’équation présidentielle pour 2027 qui est bouleversée.
La paix des capitulards
Dans une présidentielle, la politique étrangère n’est jamais vraiment un facteur premier de choix d’un candidat ou d’un autre. En 2027, c’en sera un. Car, sauf à rompre radicalement avec ses vingt-six partenaires et le Royaume-Uni, le nouveau président devra poursuivre avec ses collègues ce que Macron s’emploie à mettre en place aujourd’hui.
Créer des filières d’armement, instituer une préférence communautaire, s’entendre sur les matériels, construire une architecture politique de l’ensemble, s’accorder sur une chaîne militaire de commandement, tout ceci se fera sur plusieurs années. Il y faudra des efforts, des sacrifices sans doute, et de la constance.
Pour ce faire, deux candidats sont à l’évidence disqualifiés : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui, tous deux, se démarquent de pareille politique. Une menace russe ? quelle menace russe ? Elle n’existe que dans la tête d’un Macron qui veut faire oublier la vraie menace islamiste, dit l’une, s’en prendre à la politique sociale, dit l’autre.
Eux veulent la paix, comme Poutine veut la paix, comme Trump veut la paix, en l’occurrence la paix des capitulards. Seul Macron est un va-t-en-guerre. Macron qui trouve intérêt à créer de la peur, Macron dont Marine Le Pen fait semblant de croire qu’il serait prêt à abandonner à d’autres le pouvoir de déclencher le feu nucléaire.
Qu’importe que les autres pays européens partagent l’analyse du président français au point de prendre des décisions budgétaires et militaires sans précédent. Qu’importe que Poutine lui-même publie ses objectifs multipliant ses armements terrestres, aériens, humains, qui n’ont rien de rassurant. Mélenchon et Le Pen, dirait-on, n’y voient qu’un moyen légitime de se défendre contre des Européens bellicistes.
Éternels candidats à la présidentielle, les deux leaders ont toujours fait valoir des positions tranchantes. Dans le nouveau contexte, elles seraient sécessionnistes : par rapport à l’histoire française, par rapport à la solidarité européenne, doublement attaquée dans ce qu’elle a de meilleur et doublement requinquée.
Leur déni incroyable, leurs complaisances coupables d’aujourd’hui les disqualifient pour demain. Enfin, non, devraient les disqualifier. Mais la France, qui n’est pas la Russie, est encore un pays où ils seront libres de concourir et les électeurs libres de voter, et même de faire des bêtises.
Le Point, 6 mars
Le « manifeste libéral » de David Lisnard pour 2027
EXCLUSIF. Le maire de Cannes, qui vient de rallier Bruno Retailleau dans la bataille de LR, retrace dans son dernier livre, très cash, ses pistes pour redresser le pays.
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Son objectif : « construire une alternative ». « Je prépare pour cela un projet radical, c’est-à-dire complet et qui va à la racine des choses », écrit sans fard David Lisnard dans son nouvel ouvrage, Ainsi va la France, aux éditions de l’Observatoire, en librairie le 12 mars. Compilation de ses tribunes parues dans la presse, essentiellement chez nos confrères de L’Opinion, agrémentées de réflexions nouvelles, ce « manifeste libéral » se veut un remède de cheval pour une France en « déclassement rapide et vertigineux ». Finalement, une ébauche de programme qui ne dit pas son nom. Car l’Élysée en 2027, le héraut du libéralisme y songe visiblement très fort, lui qui plaide pour une large primaire de la droite et du centre, allant de Gabriel Attal à Éric Zemmour.
On retrouvera dans ces pages les marottes du patron de Nouvelle Énergie sur « l’Absurdistan » bureaucratique et l’« État nounou » devenu « obèse », ainsi que ses propositions fétiches : « ramener les dépenses publiques sous les 50 % du PIB en dix ans » pour générer 200 milliards d’économies… par an ; une « réduction drastique de l’immigration » pour s’adapter « aux besoins économiques » et « une véritable politique assimilationniste » ; un alignement progressif du statut des fonctionnaires sur celui du privé ; une « économie écologique de marché » qui ne cède pas « aux nouveaux fascistes verts », comme l’a fait, selon lui, Emmanuel Macron en fermant Fessenheim.
On se délectera aussi de ses piques sur ces députés « dont l’insoumission aux règles de respect des autres est proportionnelle à la vacuité de la pensée » et « qui pensent que pour être près du peuple […], il faudrait être débraillé et grossier ». Le patron de l’Association des maires de France (AMF), qui s’est engagé auprès du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dans la bataille pour la présidence des Républicains, renonçant à se porter lui-même candidat, achève son livre sur ces mots empruntés à Alexis de Tocqueville le 27 janvier 1848 : « La classe qui gouvernait alors était devenue, par son indifférence, par son égoïsme, par ses vices, incapable et indigne de gouverner. » Cinglant. Extraits exclusifs pour Le Point.
La folle dissolution
« Quelle mouche a donc piqué le président de la République lorsqu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale ? Et de décréter la durée de campagne législative la plus courte possible ? Rien, mais vraiment rien, ne l’imposait, et il fallait ne rien comprendre, mais vraiment rien, au pays, ne rien ressentir de l’état d’esprit général, pour penser que ce scrutin verrait émerger une nouvelle majorité présidentielle ou même une majorité tout court. Les élections européennes ont très souvent vu le camp majoritaire s’effondrer, les grands partis à la peine (Nicolas Sarkozy en 1999, non sans panache, s’en souvient encore), la victoire de partis de contestation – soit le Front national, soit les écologistes – et après un pareil scrutin, le président continue de présider, le gouvernement de gouverner et le Parlement de voter des lois […]. La grenade dégoupillée lancée par le président est retombée à ses pieds comme dans un cartoon de Tex Avery. Hélas, l’état de la France, de ses finances publiques, de son enseignement, de sa sécurité, de son industrie, de son système de santé, de son agriculture continue de s’enfoncer de façon dramatique. Et même nos si précieuses institutions de la Ve République en arrivent à être remises en cause par ceux dont l’incompétence et l’accumulation de mauvaises décisions les affaiblissent. Le président de la République aura finalement réussi à faire tomber la France dans le régime de technocrates et le régime des partis. En même temps… »
Le nécessaire réveil européen
« Oui, notre démocratie est attaquée de l’extérieur par des régimes illibéraux, souvent dictatoriaux qui, tels l’Empire russe, l’Empire perse devenu en partie l’Iran, l’Empire ottoman devenu la Turquie, l’empire du Milieu c’est-à-dire la Chine, ont retrouvé leur réalité reptilienne donc leur visée expansionniste. Ils ont comme ciment commun des intérêts commerciaux et géostratégiques ainsi qu’un discours portant à la fois une vision dégradante des démocraties libérales, présentées comme dégénérées et décadentes, et le ressentiment d’une grande partie de la planète à l’égard d’un Occident qui domine le monde depuis la Renaissance. Nous sommes à un basculement. Il faut l’analyser et projeter une nouvelle ambition pour les démocraties, à la fois ferme, claire et respectueuse de chaque continent, de chaque nation, de chaque peuple ; et des nouveaux rapports de force géopolitiques. Dans ce monde de moins en moins organisé autour de principes et du droit, l’Europe doit se réveiller et raisonner en levier de puissance, et non en simple régulateur. L’évolution des États-Unis d’Amérique doit également nous y inciter vigoureusement. La faiblesse ne sera pas respectée. »
L’« ensauvagement » des mineurs
« Il faut changer de braquet et de paradigme : l’âge ne peut plus être un bouclier contre la responsabilité de ceux qui brisent des vies et font régner la terreur dans leurs établissements scolaires ou dans leurs quartiers. Aussi, abaisser l’âge de la majorité pénale à 16 ans n’est plus une option. C’est devenu une impérieuse nécessité ainsi qu’une mesure de justice équitable, dès lors que l’acuité du discernement commande de répondre pleinement de ses actes. […] Cet abaissement de la majorité pénale doit être au cœur de la nécessaire évolution du Code de la justice pénale des mineurs pour l’adapter à la réalité. Mais cette mesure ne saurait être la seule. En plus de celle-ci, la levée de l’excuse de minorité dès l’âge de 13 ans dans les cas les plus graves, la réduction de l’excuse de minorité à 20 % de la peine encourue, la demande de justification du maintien de l’excuse de minorité par les juges, l’instauration et l’effectivité de très courtes peines de prison dès la première infraction, l’accélération des procédures, mais aussi la création d’internats disciplinaires pour continuer d’accompagner les jeunes dans leur parcours éducatif, dans un cadre approprié, nous paraissent être des mesures essentielles. »
Une part de retraite par capitalisation
« Ne rien faire serait accepter que le niveau de vie des futurs retraités soit déprécié, comme l’analyse le COR [Conseil d’orientation des retraites, NDLR] qui estime que le taux de remplacement moyen va aller en diminuant, passant de 50 % aujourd’hui à 45 % en 2040, jusqu’à moins de 40 % à partir de 2055 […]. Agir pour les jeunes générations, c’est faire en sorte que celles-ci aient confiance en l’avenir et que la parole de l’État soit fiable. C’est pourquoi, au-delà des ajustements paramétriques, il est temps de changer d’approche et d’instaurer un étage de retraite par capitalisation, tout en conservant un premier étage par répartition qui garantisse un socle minimal de pension autour de 1 200 euros mensuels. Le financement serait vertueux et de plus en plus léger pour l’État. La part de capitalisation serait abondée par le transfert d’une part des cotisations salariales et patronales. La transition pour parvenir à un système deux tiers de répartition et un tiers de capitalisation se ferait par tranches avec en amorçage un investissement public temporaire et décroissant […]. C’est ce type de capitalisation collective qui doit servir de modèle et être généralisé au secteur privé. Par ailleurs, notre croissance, tout comme notre indépendance dans des secteurs clés de l’économie du futur, passe par le développement de fonds propres. Grâce au développement de fonds de pension français, il serait possible de financer la transition écologique et la transition numérique dont la France doit et pourrait ainsi devenir un acteur majeur et souverain. »
L’IA oui, mais « maîtrisée »
« Les possibilités de fabrication immédiate et accessible à tous d’images fictives de personnes célèbres sont aussi distrayantes que potentiellement dangereuses pour la démocratie. L’utilisation de Grok sur le réseau social X en témoigne. Vous pouvez partager une image de Trump allant à la pêche avec le pape ou d’une attaque militaire de n’importe quelle ville. Or, il n’y a pas de liberté collective sans respect du réel admis comme vérité factuelle et non comme “ressenti”. Cette vérité doit être partagée par une majorité de concitoyens pour produire un minimum de “contrat social”. Il ne s’agit surtout pas d’interdire X ou de restreindre la liberté d’expression par la censure que proposent les faibles et les sectaires ; au contraire, il s’agit de défendre le pluralisme des médias et des réseaux sociaux, et parallèlement de renforcer l’esprit critique et scientifique. L’IA, inarrêtable et très souhaitable pour le progrès scientifique, pour trouver des solutions aux défis écologiques, lutter contre les maladies graves, améliorer la logistique urbaine, mieux travailler, nous faciliter nombre de tâches quotidiennes etc, doit impérativement être maîtrisée. La meilleure façon pour cela est d’une part de savoir la produire, donc pour la France et l’Europe de porter cette ambition scientifique et industrielle sans plus longtemps accepter d’être la colonie numérique des États-Unis et de la Chine. »
Le Point, 4 mars
Ukraine, défense européenne… L’Assemblée nationale plus que jamais divisée
Le débat au Parlement sur l’Ukraine a ravivé les clivages des forces politiques sur la défense européenne. François Bayrou a plaidé pour que l’Europe assure elle-même la sécurité de ses territoires.
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L’Assemblée nationale se divise sur une défense européenne. Un débat, sans vote, sur l’Ukraine et la sécurité en Europe s’est tenu lundi 3 mars au sein de l’hémicycle, en présence de l’ambassadeur ukrainien en France. Si les députés ont montré leur soutien à Kiev à l’unisson, ils ont néanmoins exprimé leurs divergences stratégiques. L’extrême droite et les Insoumis se sont notamment démarqués par leur refus de soutenir une défense européenne commune.
À la tribune, en ouverture des débats, François Bayrou a dénoncé la « brutalité » avec laquelle Donald Trump a traité Volodymyr Zelensky vendredi à Washington. Le Premier ministre a évoqué une « une scène sidérante, marquée de brutalité, de volonté d’humiliation » du président ukrainien. Lequel « n’a pas plié » et dont « l’honneur » mérite « reconnaissance », a-t-il ajouté, applaudi par les députés, à l’exception du Rassemblement national et du groupe d’Éric Ciotti.
Avec le revirement américain, « c’est à nous, Européens, de garantir la sécurité et la défense de l’Europe », a-t-il lancé. « Nos forces armées continentales additionnées à celles du Royaume-Uni, c’est plus de 2 millions et demi de soldats professionnels, 25 % de plus que les forces russes », a-t-il souligné. Sur le Vieux Continent, « nous sommes forts et nous ne le savons pas. Et nous nous comportons comme si nous étions faibles », a ajouté le chef du gouvernement. « La France peut jouer dans l’édification de ce nouveau monde, de ce nouvel équilibre, un rôle central, mais elle ne le fera que si elle recouvre sa confiance et son unité », a conclu François Bayrou. « L’Union européenne est pour nous le seul chemin et la seule stratégie possible. »
Le Pen contre la « chimérique défense européenne »
La position du Premier ministre a été réfutée par l’extrême droite parlementaire. À la tribune, Marine Le Pen a salué l’« héroïsme » de la résistance ukrainienne face à « l’indéfendable agression russe », avant de regretter « l’intransigeance occidentale vis-à-vis de la Russie ». La patronne des députés du Rassemblement national a déclaré qu’elle ne pourrait « jamais soutenir une chimérique défense européenne », notamment en raison de la dissuasion nucléaire, dont seule la France dispose au sein de l’UE. La « partager, c’est l’abolir », a affirmé Marine Le Pen, jugeant le feu nucléaire « indissociable d’une légitimité nationale et populaire ».
Elle a appelé à « soutenir » Kiev avec « réalisme ». « Nous ne pouvons pas promettre à l’Ukraine une adhésion à l’Otan », et une adhésion à l’Union européenne « va incontestablement à l’encontre de nos intérêts », a ajouté la cheffe de file du parti d’extrême droite. Elle estime également qu’envoyer des troupes françaises en Ukraine serait « une folie ». Son allié Éric Ciotti a chargé, lui, « l’effacement de l’Europe » dans le conflit et la politique du « en même temps diplomatique » d’Emmanuel Macron qui « nous a affaiblis ».
« L’Ukraine brûle et, encore, vous regardez ailleurs »
« L’Ukraine brûle et, encore, vous regardez ailleurs », a rétorqué l’ex-Premier ministre Gabriel Attal. « Derrière l’Ukraine, c’est l’Europe qui est en danger », a prévenu le patron de Renaissance et de ses députés. « L’appétit du Kremlin est insatiable », a-t-il martelé, demandant à « accélérer le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ». La « seule solution », selon lui, pour « faire front ». Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, en conclusion du débat, s’est dit de son côté opposé à toute accélération, jugeant qu’il n’y avait « pas de raccourci possible » dans ce long processus.
Gabriel Attal a appelé à revoir « la position de la France sur les avoirs russes gelés », et à les utiliser « pour aider l’Ukraine ». Le président des députés socialistes Boris Vallaud a aussi demandé de saisir ces « 200 milliards » gelés dans les banques européennes. Le PS a également prôné « un grand emprunt commun de 500 milliards » d’euros en Europe, avec des règles budgétaires « revues », et demandé, en France que la loi de programmation militaire soit « actualisée ». « Nous n’avons pas d’autre choix que d’investir plus encore dans l’Otan », a jugé Boris Vallaud.
« Dépendance » envers les États-Unis
Michel Herbillon (Droite républicaine) a approuvé l’objectif de porter l’effort de dépenses pour la défense à 3,5 % « si jamais les États-Unis venaient à se désengager de notre protection collective ». Les Insoumis, eux, par la voie d’Aurélien Saintoul, ont de nouveau exprimé leur opposition à une défense européenne commune. « Ces discussions de chiffres [sur la part de PIB consacré à la défense, NDLR] pris abstraitement sont absurdes », a estimé l’orateur LFI. Le député des Hauts-de-Seine a déploré « une situation de dépendance à l’égard des États-Unis ».
Paris « doit refuser l’embrigadement » et œuvrer « à faire reculer sur la planète les logiques de compétition et de prédation », a poursuivi le député LFI, estimant que le droit international commande d’apporter le « même soutien au peuple palestinien », une idée également soutenue par la cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain. Cette dernière a aussi plaidé pour un « engagement militaire renforcé […] la fourniture d’équipements de défense avancée, la formation des forces ukrainiennes et le renforcement des troupes européennes dans les pays frontaliers de l’Ukraine ».
L’Express, 18 février
L’appel d’Alain Minc à Emmanuel Macron sur l’Ukraine : “La France doit abattre son atout nucléaire”
Tribune. Le président de la République, s’il suit une méthode aux antipodes de l’arrogance française, a l’occasion de rappeler que nous ne sommes pas une puissance militaire conventionnelle.
Extraits:
Munich est un nom maudit pour les démocraties européennes. Après la capitulation de 1938, voilà le diktat de 2025, énoncé par le vice-président Vance, exégète des pulsions trumpiennes, reformatées suivant les canons de Yale. C’est à nouveau le moment de vérité pour les Européens, et en particulier pour les Français. Pourquoi y a-t-il dans ce contexte une spécificité française?
Nous nous comportons, en apparence, à l’instar des autres grands pays européens : Allemagne, Pologne, Italie et même s’il n’appartient pas à l’Union européenne, le Royaume-Uni. Nous décomptons nos faibles forces militaires, les additionnons et mesurons que, sans participation américaine, nous sommes hors d’état de donner une garantie crédible à l’Ukraine.
Mais la France n’est pas une puissance militaire conventionnelle; c’est la seule puissance nucléaire de l’Union et, qui plus est, totalement autonome vis-à-vis des Etats-Unis. Indépendamment du fait, secondaire en matière stratégique, que le Royaume-Uni n’appartient pas à l’UE, celui-ci dispose certes, lui aussi, d’une force de dissuasion, mais celle-ci, depuis l’époque d’Harold Macmillan, est soumise à une double clé américaine. Nous sommes, donc, sur le plan nucléaire, uniques. Depuis qu’elle existe, notre arme nucléaire est supposée couvrir nos “intérêts vitaux”. Du temps du général de Gaulle, ceux-ci se limitaient à notre territoire national. Au fil du temps, ses successeurs ont rendu plus floue la notion des “intérêts vitaux” et ont progressivement affirmé que ceux-ci incorporaient une “dimension européenne” et Emmanuel Macron a été le dernier en date à l’affirmer avec une extrême clarté.
Mais où est la frontière, aujourd’hui, des intérêts vitaux? On peut présumer que Berlin y figure; Varsovie, c’est moins sûr, et Vilnius moins encore. Aussi longtemps que la garantie nucléaire américaine se maintenait peu ou prou sur l’Europe, il était difficile pour la France d’être plus explicite et nos partenaires n’auraient guère apprécié de recevoir, comme un don unilatéral, notre propre garantie.
Dans le monde d’après le 22 janvier, si clairement assumé les 14 et 15 février à Munich, la partie n’est plus la même. Soit la France ne change rien publiquement à sa doctrine nucléaire et son poids sera celui d’une puissance conventionnelle, avec une armée encore construite pour des opérations outre-mer, minée par notre calamiteuse situation budgétaire et donc aux moyens limités. Soit le président de la République abat l’atout nucléaire. J’entends les cris d’orfraie des officiers d’état-major, des Norpois innombrables, des conseillers effrayés à l’idée d’abandonner la douillette doctrine d’emploi conçue du temps de la guerre froide. Mais pour la première fois, la question, si complexe soit-elle, est légitime. S’agit-il de dire que la France sanctuarise le territoire entier de l’Union européenne? Voire d’ajouter que cette garantie s’applique, post cessez-le-feu, à l’Ukraine, avec, ce qui serait idéal, une garantie parallèle des Britanniques pour autant que Washington les y autorise? Faut-il se contenter de sortir de l’ambiguïté que comporte l’expression “dimension européenne” et, sans aller jusqu’à une garantie explicite, laisser entendre qu’il existe une forte présomption que même Vilnius en bénéficie, ce qui rend évident que Varsovie en profite à quasi 100 % et Berlin plus encore?
Nous sommes, nous Français, face à une question abyssale. Loin de moi l’idée de penser que la réponse est évidente et surtout que la France peut décider de façon unilatérale, jupitérienne ou napoléonienne, d’octroyer sa garantie à nos partenaires sans les avoir consultés. Une telle proposition provoquera dans un premier temps des réactions hostiles. Réticences de ceux qui ne voudront pas reconnaître la fin de la garantie américaine, réflexes primaires des écologistes allemands, hostilité de principe à l’ascendant de la “Grande Nation”, incapacité de reconnaître la naissance d’un nouveau monde : autant d’oppositions à vaincre une à une, humblement, laborieusement, modestement, c’est-à-dire en suivant une méthode aux antipodes de l’arrogance française. Mais l’Histoire sonne à notre porte. Pour Emmanuel Macron, qui cherche de façon inlassable à laisser sa trace, voilà l’opportunité d’y parvenir et d’effacer ses innombrables pas de clerc au profit d’une initiative historique.
Le Figaro, 13 février
«Elle donne des gages aux Insoumis»: comment Marine Tondelier tente d’enrayer la perte de vitesse des Écologistes
DÉCRYPTAGE – Après avoir été la troisième force politique du pays il y a quelques années, les Verts sont relégués aux seconds rôles, collant de plus en plus à LFI.
Extraits:
Qu’il semble loin le temps où l’urgence écologique déplaçait les foules. L’époque des marches pour le climat, à Paris, New York, Londres, Berlin ou Bruxelles ; l’époque des tribunes dans les journaux, signées par une foultitude d’experts, d’artistes, de responsables politiques, qui alertaient de concert sur « le plus grand défi de l’histoire de l’humanité » en une des journaux ; l’époque de la militante Greta Thunberg sacrée personnalité de l’année par Time Magazine . Ainsi s’était terminée la décennie 2010, par cette « prise de conscience » qui paraissait irréversible.
La marée verte avait déferlé jusque dans les urnes, aux élections européennes de 2019 puis aux municipales, en France, l’année suivante. Le parti qui s’appelait encore Europe Écologie-Les Verts (renommé Les Écologistes en 2023) était porté au pinacle par les électeurs : 13,5 % pour la candidature de Yannick Jadot aux européennes. Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Poitiers, Marseille, toutes tombées dans l’escarcelle du parti. Les Verts étaient la troisième force du pays et lorgnaient l’élection présidentielle. (…)
Au mitan de la décennie 2020, force est de constater que la vague a reflué. En témoignent, là encore, les résultats des Écologistes dans les urnes. Aux mêmes européennes, cinq ans après 2019, la candidate Marie Toussaint a à peine dépassé les 5 % des suffrages, enregistrant le score le plus faible du parti depuis trente ans. « Un échec » et « un rendez-vous manqué », avait reconnu la secrétaire nationale du parti, Marine Tondelier. Cette dernière est cependant parvenue à éluder la crise interne qui se profilait en se jetant à corps perdu dans la campagne des législatives anticipées, après la dissolution annoncée par le président de la République le soir des européennes. « Macron l’a sauvée, elle lui doit tout », raille un cadre écologiste.
En nouant presto un accord électoral avec La France insoumise, bientôt rejoints par les socialistes et les communistes, les écologistes ont conservé leur contingent à l’Assemblée nationale. Un résultat en trompe-l’œil, qui tient davantage à l’union de la gauche et au contexte brûlant. (…)
Au niveau national, elle poursuit sa campagne à tous crins, multipliant les interventions dans les médias et les déplacements sur le terrain. Elle ne se départit plus de sa veste vert pomme et de sa spontanéité caractéristiques. « C’est un peu la bonne copine de gauche », relate un haut gradé socialiste. Reste qu’après avoir bondi cet été, sa cote d’avenir dévisse depuis l’automne : elle était passée de 6 % à 16 % en juillet selon le baromètre politique du Figaro Magazine, pour atterrir aujourd’hui à 12 %, derrière Yannick Jadot, qui dispose pourtant d’une cote d’avenir modeste de 15 % (après 26 % en 2019).
Certains voient dans ce désamour la conséquence du choix des écologistes de censurer le gouvernement – malgré une participation en demi-teinte aux négociations –, tandis que 89 % de leurs sympathisants se déclaraient en faveur d’un terrain d’entente. (…)
Dans cette même interview, dimanche, elle a annoncé son souhait de voir un référendum organisé autour de la mise en place d’une « constituante ». Un terme répété par les mélenchonistes depuis de nombreuses années. « C’est la première revendication du nouveau programme de LFI comme depuis 3 présidentielles », s’est enthousiasmé Jean-Luc Mélenchon sur X. « Reprendre un tel marqueur de LFI, c’est une honte et nous sommes nombreux à le penser », se renfrogne un opposant interne, qui évoque une « LFIsation ». « Elle donne des gages aux Insoumis dans la perspective des municipales », analyse un autre.
Face au « greenlash » (contraction de « green », vert en anglais, et de « backlash », qui signifie « retour de bâton ») qui sévit dans le monde, l’écologiste n’a pas trouvé bon de proposer un vote sur les questions climatiques. « Demander de parler davantage d’écologie et moins de sociétal constitue un grand interdit dans le parti, c’est risquer un procès en écologisme de droite », confie un ancien adhérent de premier plan, qui déclare que « le gauchisme a gagné ». Marine Tondelier plaide pour sa part la gravité de la crise démocratique et le besoin de « gestes forts » pour y répondre. Quasi certaine d’être reconduite à son poste lors d’un congrès du parti en avril, la chef de file n’a pas de raison de faire grand cas de cette modeste opposition interne.
New York Times, February 11
Guest Essay : France Is in a Deep, Deep Hole
Article intégral : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/11-fevrier-2.pdf
Link : https://www.nytimes.com/2025/02/11/opinion/france-budget-macron.html
Le Point, 7 février, article payant
Étienne Gernelle : « Qui récuse Gerhard Schröder récolte Javier Milei… »
ÉDITO. Pourquoi l’expérience politique et économique de Javier Milei en Argentine est instructive pour une France percluse de dette publique et de déficits.
Article intégral : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/02/7-fevrier-1.pdf
Le Point, 6 février, libre accès
Colère à gauche après la diffusion par LFI d’une affiche alliant le RN et le PS
Publiée par le groupe des députés LFI, elle met dos à dos le RN et le PS face au refus des socialistes de censurer François Bayrou.
Article intégral :
Un clou supplémentaire dans le cercueil du Nouveau Front populaire (NFP). La France insoumise vient de porter une nouvelle estocade à l’alliance de gauche, de plus en plus fragile : ce mercredi 5 février, le groupe des députés Insoumis a publié un post sur X (supprimé depuis) qui évoquait le rejet des deux motions de censure défendues par LFI, contre le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale.
Sur son visuel, le parti de Jean-Luc Mélenchon met dos à dos Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, et Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, surplombé par un Emmanuel Macron à l’air menaçant. Rappelant que les deux motions de censure n’ont été votées ni par le PS, forcé de se démarquer, ni par le RN, les députés Insoumis présentent ainsi ce qu’ils qualifient de « nouvelle alliance » entre le Parti de gauche et celui d’extrême droite.
Un visuel qui a choqué une grande partie des personnalités de gauche. Olivier Faure le premier, directement affiché sur l’image : « Viendra sans doute le moment des excuses », a rappelé le socialiste, qui a souligné dans la soirée que « le Nouveau Front populaire continuera à exister tant que [la menace de l’extrême droite] persistera ».
L’ancien bras droit de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, a, lui, fustigé une affiche « totalement dingue politiquement ». Lui qui a pourtant voté la censure y voit « un délire qui banalise l’extrême droite et [les] mène à la défaite ». « Jamais, depuis 1945, […] jamais une organisation de gauche n’a fabriqué un visuel mettant sur le même plan un fasciste et le chef du PS », s’est-il insurgé. Son alliée du mouvement L’Après, Clémentine Autain, a dénoncé « l’amalgame, le lynchage, le brouillage des repères » et « une faute morale ».
À BFMTV, une source a affirmé que ce visuel non validé a été posté par erreur. Pourtant, le compte officiel de La France insoumise a ensuite persisté puisqu’un autre tweet évoquait conjointement PS et RN comme les « nouveaux membres de la majorité ». Un communiqué du mouvement, publié dans la soirée, faisait état de « l’interruption par le Parti socialiste du Nouveau Front populaire » et proposait « une réunion de tous les parlementaires de gauche qui ont voté la censure ».
« Ce visuel acte une évidence : il n’y aura plus jamais d’alliance entre le PS et LFI », a ainsi annoncé le député socialiste Jérôme Guedj. Un nouveau coup porté à l’alliance de gauche alors que se profile à l’horizon la motion de censure spontanée, qui devrait être déposée à l’issue des débats budgétaires, soit la semaine prochaine, par le Parti socialiste.
Le Figaro, 3 février, article payant
Samuel Fitoussi : «Oui, l’immigration est une chance… pour les socialistes»
CHRONIQUE – Chaque semaine, pour Le Figaro, notre chroniqueur pose son regard ironique sur l’actualité. Aujourd’hui, il imagine le communiqué du Parti socialiste pour défendre les bienfaits de l’immigration.
Article intégral :
La semaine dernière, notre premier ministre d’extrême droite François Bayrou a parlé de « submersion migratoire ». Rappelons-le une bonne fois pour toutes : l’immigration est une chance pour la France.
Tout d’abord, reconnaissons que certains individus étrangers, ou d’origine immigrée, posent problème. Boualem Sansal, Mathieu Bock-Côté, Sonia Mabrouk, Kamel Daoud, Sophia Aram, la liste est longue. Mais ne cédons pas aux amalgames. Les discours toxiques d’une petite minorité ne sont en rien représentatifs des valeurs de la majorité. La plupart des immigrés se tiennent éloignés des plateaux de CNews et adhèrent aux valeurs de la République ! La plupart des immigrés ne blessent pas le sentiment national algérien !
Attachés aux valeurs progressistes, à l’égalité homme-femme, à la retraite à 62 ans et à la lutte contre les discriminations LGBTQIA+, les habitants de la Seine-Saint-Denis, par exemple, votent massivement pour le Nouveau Front populaire ! C’est pourquoi la tolérance croît et l’homophobie disparaît. Aujourd’hui, des Gay Pride ne pourraient pas encore se tenir dans le 7e arrondissement de Paris (les fanatiques de la Manif pour tous y restent trop nombreux), mais elles le pourraient sans problème à Roubaix et à Trappes. Quant à l’antisémitisme, il est résiduel depuis la mort de Jean-Marie Le Pen. Quel dommage que les Juifs, par islamophobie, aient massivement quitté Sarcelles !
À l’école, grâce à l’immigration, les choses vont de mieux en mieux. Férus d’histoire, les élèves se passionnent pour la colonisation. Férus de géopolitique, ils discutent sans cesse du conflit israélo-palestinien. Férus de physique-chimie, ils fabriquent des lance-flammes avec des déodorants. Férus de théologie, ils discutent du sort que doit réserver l’islam aux apostats. Il est vrai que parce qu’ils sont sensibles et fragiles émotionnellement (les stéréotypes ont été déconstruits et les garçons n’hésitent plus à pleurer), ils ne supportent pas d’entendre parler de la Shoah, surtout à l’heure où Marine Le Pen est aux portes du pouvoir et où Elon Musk possède Twitter. Et puis la laïcité, malgré certaines dérives inacceptables (des fèves en forme de Roi mage dans une galette des rois à la cantine) est respectée. L’école est devenue cet asile où les bruits du monde extérieur (hormis quelques abayas) ne pénètrent pas.
Certes, les étrangers représentent 8 % de la population contre un quart de la population carcérale, mais c’est à cause du racisme des juges et de la cupidité de Bernard Arnault
Quant au lien entre immigration et insécurité, il est démenti par les travaux de nos plus grands chercheurs (sociologues spécialisés en criminologie décoloniale et en épistémologie queer). Certes, les étrangers représentent 8 % de la population contre un quart de la population carcérale, mais c’est à cause du racisme des juges et de la cupidité de Bernard Arnault. À terme, une ambitieuse politique de construction de 680 millions de logements sociaux (nécessaire pour avoir la place d’accueillir les réfugiés climatiques) permettra de combattre les inégalités sociales et d’atteindre une représentation équitable de tous les groupes identitaires dans les statistiques de délinquance.
De toute façon, les Français ne s’y trompent pas. Beaucoup d’habitants de Versailles tentent de contourner la carte scolaire pour scolariser leurs enfants à Aubervilliers ou à Aulnay-sous-Bois. À Lyon, les habitants se battent pour aller vivre à la Guillotière. Partout en France, nombreux sont les salariés qui supplient leur employeur d’être mutés à La Courneuve, Sevran, Mantes-la-Jolie ou à Montauban.
Dans ces villes, les halls d’immeuble grouillent d’entrepreneurs écologistes qui cultivent et vendent des plantes, les rues sont illuminées par des spectacles pyrotechniques, les rodéos urbains permettent l’expression de la vitalité de la jeunesse, et chacun renoue avec la spiritualité et la tradition, loin du matérialisme déshumanisant de la bourgeoisie blanche. Globalement, seul un idéologue d’extrême droite peut nier que la Seine-Saint Denis et les quartiers nord de Marseille ont connu une évolution très positive en quelques décennies.
L’idée que l’immigration serait le terreau du terrorisme islamiste est absurde. Il y a toujours eu du terrorisme. La France s’est construite par vagues successives de terrorisme
Notons, enfin, que l’idée que l’immigration serait le terreau du terrorisme islamiste est absurde. Il y a toujours eu du terrorisme. La France s’est construite par vagues successives de terrorisme. De nos jours, Robespierre (qu’il repose en paix) n’aurait-il pas été fiché S ? Et puis sans terrorisme, la série Bureau des Légendes existerait-elle ? Applaudissons l’hypocrisie de la droite, qui critique le terrorisme, mais regarde le Bureau des légendes… Tartufes.
Bref. Nous ne censurerons pas le gouvernement Bayrou car nous souhaitons avoir des postes et de l’importance, mais sachez, chers Français, que nous sommes très remontés.
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/oui-l-immigration-est-une-chance-pour-les-socialistes-20250203
Le Figaro, 3 février, article payant
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers : «Un budget palliatif»
Enfumage, bidouillage, bricolage, tout l’arsenal politicien a été mis à contribution pour un résultat qui ne satisfait au fond personne, ni les élus, ni les citoyens.
Extraits:
Sur le moment politique que nous vivons, mélange poussif de tractations d’arrière-boutique, d’arrangements avec les comptes publics, de camouflages fiscaux, de compromissions avec les socialistes, la lucidité oblige à poser le mot, terne et déprimant, de médiocrité. Après une discussion entamée il y a plus de cent jours sur un exercice qui en exige moitié moins, la France pourrait dans quelques jours avoir enfin un budget. Texte bancal, coûteux, fragile, mais qui, dans l’urgence, peut faire l’affaire. Enfumage, bidouillage, bricolage, tout l’arsenal politicien a été mis à contribution pour un résultat qui ne satisfait au fond personne, ni les élus, ni les citoyens. Il y aurait pourtant autant de ridicule à s’acharner à le censurer qu’à célébrer, si le gouvernement franchit l’obstacle, l’avènement d’une nouvelle ère, celle de la maturité démocratique, de la manière scandinave de la coalition. Ce n’est pas une naissance politique à laquelle nous devrions assister, mais au souffle de plus en plus faible d’un système en fin de vie, un budget palliatif.
Ce que François Bayrou, non sans habileté, veut obtenir, c’est un sursis pour une Assemblée nationale qui tient sur pilotis et, plus largement, pour un personnel politique, celui du bloc central, menacé de s’effondrer sur lui-même. (…) Depuis, le pays assiste, horrifié, au dévoilement de la terrible vérité financière, économique, industrielle, migratoire, sécuritaire, scolaire. La colère des plus humbles rejoint celle des grands patrons, la folie des normes n’épargne désormais ni les maisons ni les voitures. Kafka a les pleins pouvoirs.
Comme le reconnaît le premier ministre, l’Himalaya des urgences se dresse devant nous, mais l’on peut craindre que tout reste encalminé dans des négociations interminables entre sous-groupes pour déterminer l’emplacement équitable et réglementaire des tentes sur le camp de base.
IREF, 3 février, libre accès
Aide médicale d’État : la générosité sans limites, jusqu’à quand ?
Article intégral :
Le compromis trouvé le 31 janvier sur la baisse des crédits de l’Aide médicale d’État (AME) révèle une fois de plus l’incapacité de nos représentants à corriger les dérives de notre système de protection sociale. La commission mixte paritaire a refusé de modifier les critères d’accès à l’AME et a décidé de maintenir l’enveloppe budgétaire au même niveau qu’en 2024.
Depuis sa création, le coût de l’AME n’a cessé d’augmenter. En 2000, son budget s’élevait à 139 millions d’euros. Dix ans plus tard, il atteignait déjà 661 millions, et en 2020, il frôlait les 920 millions d’euros. Une hausse vertigineuse qui témoigne de l’expansion incontrôlée du dispositif et de l’absence de volonté politique pour en limiter les abus.
Véronique Prudhomme, ancienne directrice financière d’un hôpital public d’Île-de-France, a dénoncé ces dérives dans son livre La Vérité sur l’AME, publié en 2019. Elle décrit un véritable système de fraude à grande échelle dont bénéficient des étrangers de tous les coins de la planète, y compris en provenance des pays du Golfe. Certains arrivent avec un visa touristique, attendent l’expiration de leur séjour légal pour basculer dans l’irrégularité et ainsi bénéficier de l’AME. D’autres profitent de la présence de réseaux organisés avec des interprètes qui connaissent parfaitement les rouages du système. Résultat : dans certains hôpitaux, près d’un tiers des lits de rééducation seraient occupés par des patients étrangers alors qu’ils n’ont jamais contribué au financement de la Sécurité sociale.
Au vu de l’état de nos finances publiques, on aurait pu s’attendre à un sursaut politique, ne serait-ce que pour conditionner certaines prestations non urgentes à un accord préalable de l’Assurance maladie. Mais cette proposition du Sénat a été balayée sous la pression d’une partie de la gauche et du gouvernement.
D’autres pays gèrent bien mieux la prise en charge médicale des étrangers en situation irrégulière. En Suisse par exemple, les sans-papiers doivent souscrire une assurance-maladie de base, couvrant les soins essentiels moyennant des primes mensuelles, une franchise annuelle et un ticket modérateur. En cas d’urgence, l’article 12 de la Constitution garantit des soins vitaux, financés par les cantons, les communes ou les hôpitaux, mais un signalement peut entraîner une expulsion. Certains cantons et villes offrent une aide complémentaire via des fonds sociaux ou des structures dédiées, mais aucune prise en charge systématique n’existe.
Le Point, 31 janvier, article payant
Bayrou et la censure : gare à l’excès de confiance !
LA LETTRE DU PALAIS. Le Premier ministre se retrouve prisonnier du jeu trouble des socialistes et de la menace du Rassemblement national. De quoi mettre son assurance à rude épreuve.
Extraits:
François Bayrou est assis sur un château de cartes. La moindre pichenette sur l’une d’entre elles, et c’est tout l’édifice qui le maintient en vie à Matignon qui risque de s’effondrer. La semaine qui s’achève vient d’en livrer la démonstration. Il aura suffi d’une phrase, d’un mot même, prononcé sur LCI lundi soir pour faire vaciller tout le travail de séduction des socialistes entamé depuis début janvier par le Premier ministre. En évoquant un « sentiment de submersion » migratoire, le Béarnais a envoyé un signal aux Républicains comme au Rassemblement national (RN), sciemment ou non, qui a ulcéré à gauche… et jusque dans son propre gouvernement. Preuve que le grand écart est impossible.
Dès le lendemain de cette déclaration, plusieurs ténors socialistes, la maire de Nantes Johanna Rolland en tête, montaient au créneau. Quelques heures plus tard, alors que François Bayrou, questionné par Boris Vallaud, maintenait à l’Assemblée nationale ses propos, les socialistes décidaient de suspendre les discussions en cours sur le budget. (…)
De quoi raviver chez les socialistes les velléités de censure, au moment où Marine Le Pen et ses troupes durcissent le ton. « Les déclarations de Bayrou ont crispé énormément de monde au groupe », témoigne une cadre socialiste. (…)
« Si on perd les socialistes, c’est la cata. On n’était pas loin du tout, c’est tellement dommage, soupire un ministre tendance social-démocrate. Le Premier ministre donne des arguments à la gauche bien pensante qui veut la censure. » Au sein du « socle commun », on a fait les comptes, fébriles : en additionnant les voix du RN, de LFI, des écologistes, des communistes, il ne manquerait qu’une petite vingtaine de suffrages socialistes pour faire tomber le locataire de Matignon. Sachant qu’ils étaient déjà huit, lors du vote de la première censure, à avoir franchi le pas…
Devant l’incendie, François Bayrou a bien tenté mercredi de mettre de l’eau dans son vin (…)
La preuve que la clémence des socialistes dans la foulée de la déclaration de politique générale (DPG) repose sur un équilibre bien précaire. (…) « En réalité, tout est fragile. Le moindre fait générateur extérieur peut venir perturber le système. Est-ce qu’on revote à l’été avec une nouvelle dissolution ? Qui y a intérêt ? Pas le PS mais quid du RN ? Tous ces paramètres comptent », s’inquiète à voix haute un ministre de premier plan. (…)
Sous le feu des attaques des Insoumis, les roses ne veulent surtout pas donner le sentiment d’avaliser la politique du gouvernement de François Bayrou, et encore moins sur une thématique aussi clivante que l’immigration. (…)
À l’inverse, certains des opposants historiques d’Olivier Faure, incarnations d’une aile « réformiste », appellent à la prudence. « Nous avons ressenti comme révoltants les mots de François Bayrou, admet le sénateur Rachid Temal. Mais faut-il le censurer pour autant ? Au Sénat, il a fait marche arrière. Il ne faut pas tout mélanger. Si on le fait tomber pour cette raison, que dit-on à nos élus locaux qui attendent un budget ? » Dans Le Parisien, c’est le maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane qui, non sans arrière-pensée à propos du congrès à venir, a estimé qu’« à ce stade, rien ne justifie que le PS censure ». Et voilà l’avenir de François Bayrou conditionné à l’évolution des rapports de force entre courants internes du PS…
Au sein du socle commun, une crainte commence à monter : que les socialistes comme le RN ne renversent pas le gouvernement après le projet de loi de finances (PLF), histoire de conserver le totem de la « responsabilité », mais passent à l’acte lors du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS). Car une petite musique revient ces derniers temps dans la bouche des députés : « Les Français veulent qu’on fasse adopter un budget de l’État, mais quant à celui de la Sécurité sociale, c’est moins déterminant. » Si bien qu’on entend au Palais-Bourbon que « le jour où le budget passe, Bayrou est mort ». Comme une victoire à la Pyrrhus qui ne donnerait que quelques semaines de répit au Premier ministre. Lequel est condamné, quel que soit le scénario, à voir les flèches de ses adversaires, ou même de son propre camp, s’abattre sur lui les unes après les autres.
The Economist, January 27, pay wall
Rebuilding the Socialists : François Hollande hopes to make the French left electable again
The former president moves away from the radicals
Extraits:
THREE YEARS ago the French Socialist Party was crushed into irrelevance. The party that supplied two modern presidents—François Mitterrand (1981-95) and François Hollande (2012-17)—and nine prime ministers, became as invisible in parliament as in public debate. Its presidential candidate in 2022, Anne Hidalgo, was beaten into a dismal tenth place, scraping together less than 2% of the vote. Its contingent in the National Assembly was swallowed up into a left-wing alliance dominated by the hard left’s firebrand leader, Jean-Luc Mélenchon. He engineered the downfall of the previous French government, under Michel Barnier, in December.
Now, for the first time, cracks are appearing in that alliance. Tentatively, the Socialists—who voted last month to topple the Barnier government—are freeing themselves from Mr Mélenchon’s grip. If they succeed, it could mark the return of the party from the fringes of radical folly to the realm of electable politics.
The first evidence of a shift came on January 16th, when Mr Mélenchon’s party, Unsubmissive France (LFI), tabled a no-confidence motion in the new government under François Bayrou, a veteran centrist. All the alliance’s members, he ordered, should vote for it. Three of its four parties—LFI, the Greens and the Communists—did so. To Mr Mélenchon’s consternation, however, only eight Socialists obeyed; 58 of them, including the party leader, Olivier Faure, refused. (…) Mr Mélenchon called it a “stinking deal” and declared that the Socialists were “no longer partners”.
With a fresh spring in his step, Mr Faure is now looking for further concessions ahead of a parliamentary vote on the budget, due in early February. His success so far in squeezing them from Mr Bayrou has propelled his party to the centre of political attention. The Socialist Party has “quit the spiral of radicality, which it never believed in”, argued Zaki Laïdi, a political scientist, and Daniel Cohn-Bendit, a former Green politician, in Le Monde. Now it “is back in the political game”. (…)
Mr Faure is not the only party figure to have distanced himself from the hard left. Behind these latest manoeuvres lies a more wily Socialist leader: Mr Hollande. (…) “The Socialists have taken a major decision,” he told La Tribune Dimanche newspaper. “They have rejected the posture of LFI, whose only objective is to block institutional life and provoke a presidential election.” Those around Mr Hollande suggest that he hopes to run again for the presidency in 2027, when the incumbent and his former adviser, Emmanuel Macron, is barred by the constitution from a third consecutive bid.
Not all Socialists like the party’s fresh stance. Younger radicals, fed up with the Hollande generation, still seek to bring down the government. Mr Faure’s leadership is fragile and his job is on the line at a party congress this summer; he cannot afford to upset too many of them. Nor are the Socialists about to become active supporters of the Bayrou government; they could yet even try to vote it down. Indeed Chloé Morin, a political scientist close to the left, argues that it would be a mistake to see all this as an emancipation from the alliance altogether. It is rather, she says, a duel between the Socialists and LFI, and between Mr Hollande and Mr Mélenchon, designed to show left-wing voters who has the greater political clout.
The French left has a long history of division. Those on the Socialist Party’s moderate social-democratic wing, embodied by such prime ministers as Michel Rocard in 1988-91 and more recently Manuel Valls, have struggled to impose pragmatic centre-left politics on a party perpetually drawn to anti-capitalist thinking. Moreover, a “union of the left”, which reaches out to the hard left, remains a potent electoral force, particularly faced with the rise of Marine Le Pen’s hard right. As he seeks to put himself back in the game, Mr Hollande may find that he is up against a hard choice between restoring respectability among voters at the political centre and keeping open the possibility of linking up in future with the Unsubmissives.■
Le Figaro, 24 janvier, article payant
À gauche toute ! L’inquiétant rapprochement entre François Bayrou et les socialistes
DÉCRYPTAGE – En ne votant pas la motion de censure déposée par leurs alliés insoumis, les socialistes ont changé la donne et permis à François Bayrou d’envisager une stabilité à Matignon. Au prix d’un virage à gauche, politique et économique.
Extraits:
Si le signe que la gauche sociale-démocrate est de retour aux affaires pouvait se lire sur le visage de François Hollande, la satisfaction affichée par l’ancien président de la République depuis jeudi dernier montrerait à l’évidence que les socialistes se sont replacés au centre du jeu politique. Jeudi 16 janvier 2025 marque incontestablement un tournant dans la vie politique française. Les députés socialistes conduits par le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, et le président du groupe à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, ont décidé de ne pas voter la motion de censure présentée par leurs collègues de La France insoumise. (…)
Jeudi 16 janvier, les socialistes ont donc franchi le Rubicon en provoquant la rupture à gauche. Mais comme le disait André Malraux, « on ne franchit pas le Rubicon pour y pêcher à la ligne ». Toute la question reste de savoir ce qu’ils vont en faire. Dit autrement, les socialistes seront-ils capables de résister aux pressions de leurs camarades insoumis, notamment électorales ? (…)
« En réalité, depuis jeudi, il n’y a plus de censure possible », décrypte un élu socialiste, qui s’appuie également sur les déclarations de François Hollande.
L’ancien président de la République a expliqué dans un entretien à La Tribune Dimanche que « le PS peut à la fois assurer le présent et préparer l’avenir. Les socialistes constituent désormais le pôle central au sein de l’Assemblée nationale puisque rien ne peut se faire sans eux ni contre eux. Ils ont la clé jusqu’en 2027. » En fixant la prochaine présidentielle comme date butoir, François Hollande confirme que les députés socialistes ne renverseront pas le gouvernement de François Bayrou en votant d’autres motions de censure.
Autour de François Bayrou, l’analyse est identique. « Les socialistes voteraient une motion de censure sur le budget pendant que la CFDT serait en train de négocier avec les autres syndicats sur la question des retraites », feint de s’inquiéter un proche du premier ministre. (…)
Les socialistes tenaient absolument à ce que le mot « suspension » soit prononcé par François Bayrou au sujet de la réforme des retraites. Le chef du gouvernement n’a jamais voulu accéder à cette demande et le confirmera le lundi soir aux dirigeants du PS, à la veille seulement de son discours de politique générale.
En revanche, il accède à toutes les autres exigences, comme le délai de trois mois donné aux syndicats et au patronat pour rediscuter de la réforme des retraites, le maintien de tous les postes d’enseignants dans l’Éducation nationale, la fin du déremboursement des médicaments… Le chef du gouvernement consigne ses concessions dans une lettre que les socialistes peuvent brandir comme un étendard, preuve de leur victoire. (…)
Ce coup de barre à gauche a un coût économique autant que politique. En cédant aux exigences des socialistes, qui ne manqueront sûrement pas de saler l’addition à chaque étape des discussions, François Bayrou prend le risque d’abîmer son image de premier homme politique à avoir mis en garde contre les risques d’une dette trop élevée. Déjà, il a assuré que le déficit budgétaire cette année ne pourrait pas être à 5% du PIB comme l’avait prévu le gouvernement de Michel Barnier, mais plutôt à 5,4%. À l’évocation de ce chiffre, les membres de la majorité laissent entendre qu’il est sous-estimé pour des raisons politiques et sera plus élevé à la fin de l’année. (…)
Au sein du gouvernement, certains avaient tiré la sonnette d’alarme au moment des négociations entre le patron de Bercy, Éric Lombard, et Olivier Faure. « J’ai commencé à m’inquiéter quand j’ai entendu qu’on disait à chaque fois : “Ça se regarde !” », avoue une ministre, préoccupée par le coût des concessions accordées. Le paradoxe étant de voir que les positions étaient inversées : c’est à Bercy que l’on trouvait les plus dépensiers ! Un comble quand on sait que c’est d’habitude le ministère du Travail qui a cette réputation, et Bercy celle de serrer les cordons de la bourse.
Pour autant, à Matignon, on fait valoir que François Bayrou n’a pas changé. « Le premier ministre ne fait pas plusieurs minutes de son discours de politique générale sur l’endettement du pays pour lâcher sur le budget, explique un de ses proches. Il y aura des choix politiques. » L’argument qui revient le plus est celui du coût relatif. Certes les discussions avec le PS ont un prix (entre 2 et 3 milliards d’euros), mais le coût de la chute du gouvernement, si les socialistes votaient une motion de censure (et que le RN joignait ses voix aux leurs), serait bien plus élevé. À condition de ne pas dévier de sa route. Et garder en tête cet avertissement de Georges Pompidou : « Quand on fait la politique de ses adversaires au détriment de celle de ses électeurs, on perd ses électeurs. On les encourage dans leur hostilité en leur donnant des preuves de faiblesse. »
Le Figaro, 22 janvier, article payant
L’éditorial de Gaëtan de Capèle : «Budget 2025, le mystère des 30 milliards d’économies»
Pour les réformes de structure, seules susceptibles de produire des résultats durables, il faudra encore prendre son mal en patience.
Extraits:
(…) Résumons : confronté à un déficit record représentant 6,1 % du PIB (160 milliards d’euros), qui piétine allègrement tous les engagements européens de la France, le gouvernement s’est engagé à trouver 50 milliards d’euros, dont 30 milliards sous forme d’économies. C’est ici que les ennuis commencent, car, pour se soustraire au risque de censure, il a choisi de faire alliance avec le PS, dont ce n’est pas exactement la tasse de thé. L’honnêteté oblige d’ailleurs à dire que ce n’est la tasse de thé de personne chez nous, puisque nous baignons dans les déficits depuis un demi-siècle, quelle que soit la couleur du gouvernement.
Sous la pression de ses nouveaux amis, le gouvernement a donc entamé son marathon budgétaire en concédant des hausses d’impôts sur les entreprises, sur les particuliers, et pourquoi pas sur les retraités. Mais aussi, curieusement, par une série de dépenses concernant, entre autres, la santé ou la fonction publique. Les économies, quant à elles, sont proclamées, tambourinées même, sans être jamais documentées. De ce que l’on comprend, le ministère des Finances va demander à tous les autres de faire des efforts en utilisant la bonne vieille technique du rabot. On coupe un peu ici, on taille un peu là, on écrête modérément ailleurs, sans jamais toucher à l’existant. Pour les réformes de structure (réorganisation des administrations, réduction d’effectifs dans la fonction publique, suppression de « machins » inutiles, révision des prestations sociales…), seules susceptibles de produire des résultats durables, il faudra encore prendre son mal en patience. En attendant, on a beau compter et recompter, les 30 milliards restent à ce jour introuvables.
Le Point, 21 janvier, article payant
Retraites et dette publique : Bayrou face à l’impasse française
François Bayrou a finalement écarté une « suspension » de la réforme des retraites, mais a accepté de rouvrir ce dossier explosif.
Extraits:
Malgré le rythme endiablé auquel se succèdent les Premiers ministres et les déclarations de politique générale, celle de François Bayrou était particulièrement attendue, avec un suspense digne d’un thriller sur le sort qui serait réservé à la réforme des retraites. Que l’hypothèse d’une suspension ait pu être sérieusement envisagée, avant que le Premier ministre finalement y renonce, suffit à mesurer l’impéritie économique mortifère de la classe politique française.
À commencer par celle d’Emmanuel Macron et l’infinie maladresse avec laquelle il a, depuis son arrivée à l’Élysée, géré ce dossier décisif pour l’avenir économique et financier du pays. Alors que tous les économistes s’accordent pour dire que de grandes réformes structurelles doivent être impérativement menées en tout début de mandat afin de profiter de l’élan de l’élection, c’est à l’issue d’interminables concertations qu’un projet de régime à points extrêmement complexe avait fini par être élaboré. (…)
Le refus massif de partir à la retraite plus tardivement illustre malheureusement aussi et surtout un déni collectif de la réalité, qu’elle soit démographique, économique ou financière. Réalité économique, d’abord, avec l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement de la population, le maintien dans un régime de répartition du niveau des pensions sans toucher à l’âge de départ est rendu arithmétiquement impossible. Une évidence mathématique ignorée par le RN et le NFP qui, dans leurs délires démagogiques et nostalgiques, proposent même de revenir à l’époque bénie de la retraite à 60 ans. Avec en outre cette pointe de fierté adolescente et imbécile que procure le sentiment d’être d’irréductibles Gaulois allant à contre-courant de leurs voisins européens, qui ont tous, ces dernières années, repoussé courageusement l’âge de la retraite. Jusqu’à 67 ans par exemple au Danemark et aux Pays-Bas, qui ne sont pourtant pas réputés être des enfers sociaux.
Réalité économique, ensuite, avec l’enjeu décisif pour la croissance et le niveau de vie du taux d’emploi des seniors. Il est en France de seulement 58 % chez les 55-64 ans, soit 16 points de moins qu’en Allemagne et 20 points de moins qu’en Suède. Reporter l’âge de départ à la retraite, c’est augmenter ce taux d’emploi de façon automatique. C’est contribuer à combler le déficit global de quantité de travail fournie en France, duquel découle aussi mécaniquement un déficit de production de richesses et de PIB par habitant. Comme le souligne l’économiste Gilbert Cette dans Les Échos, « allonger l’âge d’ouverture des droits à la retraite élève à moyen et à long terme le niveau de l’emploi, et donc de l’activité économique globale, et en conséquence les recettes fiscales et sociales bien au-delà des seules cotisations retraite ». Selon une étude de France Stratégie, l’alignement du taux d’emploi français sur le taux allemand se traduirait, en matière de seule protection sociale, par une hausse de 15 milliards d’euros des recettes et par une baisse des dépenses de 5 milliards d’euros, soit un gain total de 20 milliards d’euros.
Faire machine arrière sur la réforme des retraites, comme le réclament les trois quarts des Français mais aussi une grande majorité de députés, apparaît enfin et surtout comme un déni de la situation chaque jour plus calamiteuse de nos finances publiques, avec un déficit de 6,1 % du PIB l’année dernière, soit un niveau deux fois plus élevé que la moyenne observée dans le reste de l’Union européenne, avec une dette qui atteignait, à la fin du troisième trimestre 2024, le montant vertigineux de 3 303 milliards d’euros, en hausse de 206 milliards sur un an. (…)
Au moment où François Bayrou prononçait son discours de politique générale, le taux de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) à dix ans s’inscrivait à 3,45 %, contre 2,85 % il y a un mois à peine. Soit aussi un écart de 0,86 % avec le Bund allemand de même durée, un niveau inédit depuis plus de douze ans. La peur des marchés financiers est bonne conseillère §
Neue Zürcher Zeitung, 20 janvier, article payant
Im «tiefen Frankreich» hat Macron keine Freunde mehr
Schuldenrekord, Reformstau, politische Blockade: Frankreich im neuen Jahr verzagt an sich selbst. Vor allem auf dem Land sind die Menschen enttäuscht von ihrem Präsidenten und hoffen auf Le Pen.
Extraits:
In der alten Mühle von Donzy, am ruhigen Flüsschen Nohain, geht es sehr gemächlich zu. Gedämpftes Winterlicht dringt durch die staubigen Fenster. Es fällt auf einen grossen Mahlstein in der Mitte des Raumes. Frédéric Coudray setzt die wuchtige, zwei Tonnen schwere Scheibe in Bewegung, und ein erdiger Geruch verteilt sich im Raum. Walnüsse und Haselnüsse werden in der traditionsreichen Huilerie du Moulin de l’Île erst zerkleinert, dann in einem Bottich geröstet und schliesslich zu feinem Öl gepresst.
«Manche Leute, die mir ihre Nüsse zur Verarbeitung bringen, setzen sich auf eine Bank und schauen einfach zu, wie die Mühle arbeitet. Das ist wie Meditation», sagt Coudray. «Diese Leute gehen nicht ins Internet. Die wollen nichts wissen von Kryptowährungen, die suchen auch keine Pokémons.» (…)
Willkommen in Donzy, dem «Schlussstein von Frankreich». Frédéric Coudray, ein 56-jähriger Unternehmer, Philosoph, Produzent von Nussöl und Stopfleber, hat sich den Begriff ausgedacht. «Wir sind wie der letzte Stein im Gewölbe», erklärt er. «Wenn Sie ihn entfernen, stürzt das Gebäude ein.» (…)
Tiefes Frankreich, «la France profonde», das ist eine Bezeichnung, die Coudray für seinen Wohnort akzeptieren kann, wenn er die Schönheit des Hinterlandes und nicht das angebliche Hinterwäldlertum seiner Bewohner beschreibt.
Über Jahrzehnte stand sein Dorf in der Region Bourgogne-Franche-Comté, zweieinhalb Autostunden südlich von Paris, im Ruf, bei Präsidentschaftswahlen genau so abzustimmen wie das ganze Land. Politische Beobachter reisten deswegen aus aller Welt in den 1600-Einwohner-Ort, wo die Wahlergebnisse oft bis aufs Hundertstelprozent den nationalen Ergebnissen glichen. (…)
Mittlerweile habe der Wind jedoch eindeutig nach rechts gedreht, berichtet der Mühlenbesitzer. Bei den letzten Parlamentswahlen im Juli 2024 habe der Kandidat des RN hier fast 61 Prozent der Stimmen geholt. Und heute, so Coudray, sei der Macronismus in Donzy ganz am Ende. «Meine Angestellten würden heute alle für Le Pen stimmen. Es wäre völlig sinnlos, sie vom Gegenteil zu überzeugen, ich habe aufgegeben, mit ihnen darüber zu diskutieren.» Er selbst, sagt er, habe früher auch den Präsidenten unterstützt, aber das sei ein Fehler gewesen. Emmanuel Macron habe bewiesen, dass ihn die ländlichen Regionen nicht wirklich interessierten und dass er am Ende eben doch ein Präsident der Reichen sei.
Für den wachsenden Zuspruch, den die Nationalisten in seinem Dorf erfahren, macht Coudray den Verlust des Vertrauens in die Politik in Paris und den allgemeinen Pessimismus verantwortlich: «Wir sind ein Département im Niedergang, mit vielen alten Menschen, die der Vergangenheit nachtrauern. Die Metallindustrie ist verschwunden. Auch in der Landwirtschaft gibt es immer weniger Arbeit, da hat man sich für grosse Betriebe mit wenig Personalbedarf entschieden.» (…)
Anfang Januar ist das Vertrauen der Franzosen in ihre Führung auf einem historischen Tiefstand. Nur noch 18 Prozent, so heisst es in einer Umfrage der Wirtschaftszeitung «Les Échos», hielten zum Präsidenten. 84 Prozent seien ausserdem überzeugt, dass die Bayrou-Regierung das Jahr nicht überlebe. Für Le Pen sind das gute Vorzeichen , doch freuen kann sich die Galionsfigur der Rechten noch lange nicht. Ihr drohen eine Haftstrafe und einige Jahre Nichtwählbarkeit im Zusammenhang mit dem Prozess um die Veruntreuung von EU-Geldern. Das könnte ihren Traum vom Einzug in den Élysée-Palast zerstören.
Le Point, 20 janvier, article payant
Selon Jean-Luc Mélenchon, le PS « n’est plus un partenaire » de LFI
Invité du « Grand Jury » (RTL, Public Sénat, « Le Figaro », M6) dimanche 19 janvier, le fondateur de La France insoumise (LFI) s’en est une nouvelle fois pris au Parti socialiste (PS).
Extraits:
Le PS n’est « plus un partenaire », fulmine Jean-Luc Mélenchon dimanche sur le plateau de Public Sénat, sans préciser si ce partenariat concerne le groupe LFI-Nouveau Front populaire (NFP) à l’Assemblée, présidé par Mathilde Panot.
Mercredi dernier, le leader Insoumis s’en était déjà pris au parti d’Olivier Faure, menaçant « tous ceux qui ne votent pas la censure » de sortir de « l’accord du NFP » et d’investir des candidats LFI sur les circonscriptions concernées.
Après que le PS n’a pas voté en faveur de la première motion de censure de LFI censée faire tomber le gouvernement Bayrou jeudi dernier, et que François Hollande a déclaré que les socialistes avaient « la clé jusqu’en 2027 » dans une interview à La Tribune dimanche samedi, Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé à la première personne du pluriel au micro du Grand Jury. « Nous nous sentons trahis, meurtris », a-t-il notamment déclaré.
Leader de la gauche ?
« Je n’ai jamais prétendu être le leader de la gauche », a entamé le député de la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône. « Il y a une coalition […] et les responsables des différents partis se regroupent régulièrement », a-t-il poursuivi, évoquant ensuite les pourparlers du PS avec Matignon avant le discours de politique générale de François Bayrou.
« Nous sommes censés être alliés et partenaires ; l’un des partenaires engage une discussion surprise avec le gouvernement et nous n’en sommes tenus informés d’aucune manière », s’est -il indigné. « Les socialistes, personne n’y comprend rien », s’est hérissé Jean-Luc Mélenchon. « Ils ne votent pas les censures, mais ils sont dans l’opposition », a-t-il ajouté.
Quid de l’avenir des relations LFI-PS ? Du côté du député Insoumis, la réponse est claire : « Ne croyez pas que nous allons passer l’éponge comme ça, ce n’est pas possible, affirme-t-il également au nom du groupe LFI-NFP. Nous faisons élire des députés socialistes qui, ensuite, ne votent pas la censure. »
Le Point, 18 janvier, article payant
Naïma Moutchou : « Mélenchon martèle toute la journée que la France est raciste »
ÇA RESTE ENTRE NOUS. La vice-présidente Horizons de l’Assemblée nationale s’inquiète que la réforme des retraites soit replacée en haut de la pile des priorités et répond à ses détracteurs de LFI.
Lire tout l’article : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2025/01/18-janvier.pdf
Le Figaro, 18 janvier, article payant
L’éditorial de Gaëtan de Capèle: «Très cher PS»
Soucieux de ne pas voir les socialistes s’associer à une motion de censure, François Bayrou a ouvert en grand le carnet de chèques de l’État. Pour le Dry January des finances publiques, on repassera !
Extraits :
Dans son discours de politique générale, François Bayrou n’a pas pris de gants pour décrire la situation périlleuse dans laquelle se trouve la France. En commençant par l’essentiel : à ce point criblée de dettes, elle hypothèque non seulement sa prospérité immédiate, mais surtout l’avenir de ses enfants, une « faute morale » impardonnable. (…)
La pratique du centrisme en politique est, comme chacun sait, un art en soi. Au bout de cinquante ans de carrière, le premier ministre le maîtrise mieux que quiconque. On cherche pourtant en vain ce qu’il a gagné au terme de cette séquence improbable de discussions en catimini et de portes qui claquent. Les socialistes, nous dit-on, sont enfin redevenus raisonnables et se comportent à nouveau comme un parti de gouvernement. Lorsque, dans notre situation, ils exigent une suspension de la réforme des retraites, une pluie d’impôts et une orgie de dépenses, cela ne saute pas aux yeux. Rien ne dit d’ailleurs qu’ils ne censureront pas le gouvernement plus tard si c’est leur intérêt. (…)
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/l-editorial-de-gaetan-de-capele-tres-cher-ps-20250117
The Economist, 17 janvier, article payant
The new French government : France’s new prime minister is trying to court the left
François Bayrou gambles with Emmanuel Macron’s economic legacy
Extraits :
There are two ways to look at the new French government run by François Bayrou, the 73-year-old centrist prime minister who took office last month and laid out his plans to parliament on January 14th. One is that the minority government is constructively seeking compromise among the three rival blocs that make up the deadlocked National Assembly, with particular attention to the left. The other is that it is opening the way to unravelling President Emmanuel Macron’s economic policies, including his flagship second-term reform, an increase in the pension age.
The centrepiece of Mr Bayrou’s speech was a decision to reopen talks “without taboo” on the pension reform. (…)
With this offer, Mr Bayrou is hoping to secure at least the tacit support of the Socialist Party, and to peel its deputies away from the radical wing of parliament’s four-party left-wing alliance. The prime minister runs a minority government, composed of ministers ranging from ex-Socialists to conservatives, which is not based on any formal coalition pact. Faced with the same problem, his conservative predecessor, Michel Barnier, was toppled by a no-confidence vote in December after just three months in office. He was brought down by an unholy alliance of the left and Marine Le Pen’s hard-right National Rally (RN).
This time, Mr Bayrou is hoping he can use pension talks to buy time and get a revamped 2025 budget drafted and through parliament, without courting the RN. In a nod to the left, his fiscal plans are already less ambitious than Mr Barnier’s, which were designed to curb the budget deficit from 6.1% of GDP in 2024 to 5% this year. Despite devoting a big chunk of his speech to France’s dismal history of excessive public debt, Mr Bayrou promises a more modest deficit reduction in 2025 to 5.4%—far above the European Union’s 3% limit. This would mean some €50bn ($52bn) of budget savings and tax increases, probably on the rich and on big firms. (…)
France remains under surveillance. On January 13th the spread of French ten-year sovereign bonds over Germany’s ten-year benchmark bond widened to 0.88 percentage points, the same level it reached last month amid worries over the previous budget. The new pension talks may fail. But there is a real risk that the price of passing a new budget could be the undermining of the business-friendly policies that have hitherto defined Mr Macron’s presidency. “People in government aren’t worried so much about his legacy,” says one centrist figure, “as about their own survival.” ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/16/frances-new-prime-minister-is-trying-to-court-the-left
Le Point, 17 janvier, libre accès
« La proportionnelle serait un coup de poignard porté à notre Constitution »
TRIBUNE. Vent debout contre la proportionnelle promise par François Bayrou, le sénateur LR propose un big-bang électoral pour sortir du « chaos politique ».
*Stéphane Le Rudulier est sénateur Les Républicains des Bouches-du-Rhône.
Extraits :
(…) 2024 restera comme l’annus horribilis de la Ve République. Quatre Premiers ministres, une majorité (relative) effacée par une dissolution brutale, qui a laissé la France avec une chambre introuvable divisée en trois blocs. (…)
La Ve République, telle qu’elle a été pensée, reste pertinente, mais elle doit changer pour survivre. Le mode de scrutin législatif, en particulier, doit être entièrement revu pour satisfaire une légitime soif d’équité et de représentativité démocratique mais aussi, et surtout, pour empêcher les blocages institutionnels que la Constitution de Michel Debré entendait à tout prix éviter. Alors que les enjeux contemporains exigent des gouvernements solides et des majorités parlementaires cohérentes, notre mode de scrutin à deux tours perpétue les fractures et favorise les compromis faibles.
Il est temps d’envisager une réforme ambitieuse : l’adoption du scrutin uninominal à un tour, sur le modèle britannique, système le plus juste et le plus efficace. Le mirage de la proportionnelle serait un coup de poignard porté à notre Constitution, car il marquerait le retour en force des failles de la IVe République – le régime des partis – et conduirait à un déracinement délétère des parlementaires. Au regard de toutes les projections, il n’apporterait pas la stabilité nécessaire à une sortie de crise politique.
Le système électoral britannique, fondé sur un scrutin majoritaire uninominal à un tour, permet en effet de désigner clairement et simplement des représentants. Il a pour principal avantage de produire des majorités parlementaires nettes, en évitant les situations de blocage ou de cohabitation, et en offrant aux gouvernements l’assise nécessaire pour mener leurs politiques. Contrairement au système français à deux tours, qui fragmente les alliances et oblige à des recompositions artificielles entre les deux tours de scrutin, le système britannique favorise une clarification immédiate de l’offre politique. (…)
Le scrutin à un tour présente l’avantage d’être clair et direct : chaque électeur dispose d’une voix unique pour choisir son député, sans avoir à composer avec des équilibres changeants entre le premier et le second tour. Il responsabilise les partis, qui doivent présenter des candidats capables de rallier une majorité relative dès le premier vote, sans s’appuyer sur des accords d’arrière-cuisine indigestes. Ce modèle nous montre qu’il est tout à fait possible pour des partis émergents ou alternatifs de prospérer dans des circonscriptions où ils disposent d’une base électorale solide. Rappelons toutefois que la finalité première d’un scrutin législatif n’est pas de représenter chaque sensibilité à la proportionnelle, mais de permettre la formation d’une majorité claire, capable de gouverner efficacement.
Le scrutin à un tour oblige chaque citoyen à effectuer un choix net, sans se reposer sur un « vote utile » ou une stratégie à deux étapes. Il limite l’abstention massive souvent constatée entre les deux tours, qui affaiblit la légitimité des élus. Enfin, il contribue à raffermir le lien entre les élus et leur circonscription. Les députés sont élus directement par une majorité de leurs concitoyens, renforçant leur ancrage local. Ils ne doivent leur élection à aucun désistement d’appareil.
Adopter ce scrutin uninominal à un tour en France ne relèverait pas simplement d’une réforme technique. Il s’agirait d’une nécessaire refondation pour répondre aux impasses de notre système, restaurer la lisibilité de notre démocratie et redonner toute sa place au Parlement. Ce serait un choix de clarté, de responsabilité et d’efficacité, qui garantirait des institutions fortes et une stabilité politique. Nous ferions un pas décisif vers une France démocratique plus mature, moderne, mieux gouvernée et pleinement à même de relever les défis de son époque. Les démocraties sont mortelles, y compris la patrie des droits de l’homme et de la Révolution française. Pour que rien ne change, il faut que tout change.
Le Point, 16 janvier, article payant
Le grand écart du Parti socialiste
CHRONIQUE. Le PS se veut un parti de gouvernement responsable, détaché de LFI, mais continue de réclamer des mesures coûteuses et de s’aveugler sur les retraites.
Extraits :
Les socialistes n’en finissent pas de ne pas choisir. En réclamant à François Bayrou la suspension de la réforme des retraites, ils espéraient gagner sur les deux tableaux : enterrer la loi Borne tout en s’affranchissant de Jean-Luc Mélenchon. Mais, avec des demandes qui fleuraient encore trop le fumet du NFP, ils se sont condamnés à être déçus. Du coup, ils apparaissent ni vraiment efficaces ni dégagés de l’emprise idéologique des Insoumis.
Malgré les derniers gestes accordés au compte-gouttes par le Premier ministre, les socialistes se sont retrouvés réduits à choisir entre deux maux : renoncer à la censure en subissant les quolibets de leurs partenaires de gauche, le gouvernement n’ayant pas cédé sur l’essentiel, ou joindre leurs voix à celles des autres élus du NFP en effectuant un piteux « retour à la maison ». L’excursion vers la logique du compromis, faute de reposer sur une vraie évolution de fond, débouche sur une conclusion sans gloire.
Comment le PS en est-il arrivé là ? Il s’est sans doute fait un peu balader par le madré béarnais et les mirages des séances avec leur « ami » Éric Lombard. (…) La suspension de la réforme des retraites paraissait acquise. L’argent, magique. Un rêve.
Réveil brutal face aux réalités. Le Premier ministre n’a jamais voulu lâcher sur ce qui menace de creuser encore une dette qu’il dénonce sur tous les tons. L’abandon de la loi Borne sans garantie d’atterrissage sur un équilibre financier était impossible. Déclarer que la borne d’âge de 64 ans n’était plus taboue était déjà une « concession remarquable ». Alors que chacun sait bien que reculer le moment de départ en retraite est le meilleur, voire le seul moyen de rééquilibrer les comptes rapidement.
Pourquoi les socialistes refusent-ils d’admettre cette réalité ? (…) Travailler plus longtemps est la seule solution si on veut éviter d’augmenter les cotisations ou de baisser les pensions. Tous nos voisins européens ont déjà emprunté cette voie.
Le PS croit-il aux miracles ? La France pourrait-elle échapper à l’implacable évolution démographique ? En refusant de reconnaître des données incontournables, les socialistes soit s’aveuglent, soit font semblant de ne pas voir. Dans les deux cas, ils se mettent hors du cercle de la raison. Certes, on comprend leur souci de ne pas décevoir le peuple de gauche, très hostile à l’idée de travailler plus longtemps. Mais, au lieu d’entretenir des illusions, les sociaux-démocrates devraient faire œuvre de pédagogie.
Ils pourraient, par exemple, expliquer que jamais l’espérance de vie en bonne santé n’a été aussi grande. (…) Ce qui laisserait une marge pour profiter de la vie en partant à la retraite à 64 ans. Serait également utile à rappeler l’évolution du ratio actifs/inactifs. Il n’est plus que de 1,7, et même de 1,4 pour le régime général. Cela va continuer à se dégrader. Comment ne pas en tirer une conclusion ?
François Bayrou a appelé le pays à se ressaisir. Les socialistes devraient en faire autant pour leur parti. Tous leurs homologues européens ont fait leur mue sur les retraites. Pourquoi pas les Français ? Quitte à se faire insulter par Jean-Luc Mélenchon, autant aller jusqu’au bout d’une évolution vers plus de réalisme. Et donc s’affranchir vraiment de sa tutelle, autant en actes qu’en pensée.
https://www.lepoint.fr/politique/le-grand-ecart-du-parti-socialiste-16-01-2025-2580079_20.php
Le Figaro, 16 janvier, article payant
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers : «Bayrou et le PS, bienvenue dans la post-réalité»
La France du macronisme épuisé patauge dans la post-réalité.
Extraits :
Qu’avons-nous fait pour mériter une telle épreuve ? La politique française concentrée depuis une semaine sur l’herméneutique de la réforme de la réforme des retraites !
Spectacle irréel d’un pays où les vieux se multiplient et où les enfants sont plus rares, un pays surendetté, mais en proie à deux obsessions maladives : savoir comment travailler moins et taxer plus encore ceux qui s’obstinent à travailler avec ardeur.
Quel lien entre la réalité quotidienne des citoyens – incertitude économique, harcèlement normatif, insécurité galopante, immigration déstabilisante, inquiétude climatique – et les négociations de non-censure entre le premier ministre et le Parti socialiste ? Aucun. Disons-le franchement : hors le personnel politique concerné et le commentariat salarié, ce spectacle a déjà vidé la salle. Comment en serait-il autrement ? Le premier ministre est à la tête d’un groupe de 36 députés, Olivier Faure en compte 66. Son parti a fait moins de 2 % à la dernière élection présidentielle : cette négociation, c’est Bayrou et les Minimoys.
« Mais détacher le socialisme raisonnable des braillards de La France insoumise ne peut être qu’une bonne nouvelle ! », veulent croire les membres du club des indécrottables optimistes. Ils oublient que Raphaël Glucksmann, malgré sa victoire sur LFI aux européennes, a été digéré en vingt-quatre heures par Jean-Luc Mélenchon. Ils ne comprennent pas qu’au prochain scrutin, « contre l’extrême droite », l’alliance électorale du Nouveau Front populaire renaîtra en quelques heures. À gauche, quand reviennent les élections, tous les chemins mènent à Mélenchon.
La France de droite assiste impuissante à ce spectacle. Naïvement, elle pensait que la libération de Boualem Sansal, la lutte contre les influenceurs algériens, la libéralisation du travail, le redressement de l’école, le rétablissement de l’ordre étaient des priorités brûlantes. Mais, pour le centre et la gauche, l’urgence est tout autre : un conclave social pour démantibuler la réforme des retraites. On s’inquiète du basculement de l’Amérique de Trump dans la post-vérité, mais la France du macronisme épuisé patauge déjà dans la post-réalité.
L’Opinion, 15 janvier, article payant
Crise de l’esprit : notre élite politique est-elle nulle ? – par Erwan Le Noan
« Ne sachant souvent à quelle doctrine se référer, les décideurs se forgent une conviction sur le moment, valable pour l’instant »
Extraits :
«Ce qui est certain, c’est qu’en France, tous les chefs de parti que j’ai rencontrés de mon temps m’ont paru à peu près également indignes de commander, les uns par leur défaut de caractère ou de vraies lumières, la plupart par leur défaut de vertus quelconques ». Cette appréciation d’Alexis de Tocqueville dans ses Souvenirs est sévère. André Suarès, qui écrivait que « ceux qui nous gouvernent n’ont pas l’énergie de penser » (1935) ne l’aurait pas contesté. Pas plus, probablement, que beaucoup de Français aujourd’hui, illustrant la persistance d’une critique que la mise en perspective historique affaiblit mais dont, dans le même temps, le renouvellement confirme régulièrement l’actualité.
Il serait tentant d’expliquer cette frustration comme un trait propre au « peuple » démocratique, sans cesse insatisfait, envieux de son aristocratie élective et jalouse, car complice, de la distinction de certains de ses semblables.
Il y a plus : l’insuffisance des élites est probablement consubstantielle à la société moderne. Inscrite dans un mouvement d’extension continue du marché, cette dernière est profondément instable. La « dynamique du capitalisme » (Braudel) est un renouvellement permanent de ses structures, marqué par la « destruction créatrice » (Schumpeter) qui anime la production, et l’accélération de la circulation de l’information, des capitaux, des biens et des hommes. Dès lors, la société s’en retrouve continuellement « en transition ». « De là, écrivait Paul Valéry, cette impression générale d’impuissance et d’incohérence qui domine dans nos esprits, qui les dresse, et les met dans cet état anxieux auquel nous ne pouvons ni nous accoutumer, ni prévoir un terme ». Il n’en ressort toutefois pas qu’il faudrait exonérer notre temps de toute responsabilité. Au contraire, l’effort de compréhension devrait être toujours plus grand et le travail d’explication toujours plus exigeant. Or, les élites politiques pèchent en la matière.
Des discours semblent bien rarement ressortir une analyse du monde – et encore moins un projet pour l’époque. (…) Ne sachant souvent à quelle doctrine se référer, les décideurs se forgent une conviction sur le moment, valable pour l’instant. Règnent le commentaire et l’immédiateté. Domine le premier qui interprète l’incompréhensible, offrant une prime aux tribuns extrémistes qui éclairent la complexité par une culpabilité unique, les riches ou les immigrés.
La France est particulièrement exposée à cette « crise de l’esprit » par le rôle que l’Etat y occupe et le poids que l’administration y a pris. La centralité de l’un et l’omnipotence de l’autre ont réduit la production intellectuelle privée et écarté les entrepreneurs. Aujourd’hui, les graves défaillances de l’action publique, entravée par une lourdeur asphyxiante, en repoussent les talents. L’expertise publique s’atrophie. Le champ des analyses est vide.
Celui des projets, déserté. La voie est ouverte aux populistes. Les conspuer est au mieux une facilité, au pire l’expression d’une panique désemparée. S’il n’y a « pas de défaite pour l’esprit libre » (Zweig), son absence promet la déroute, accentue le déclin. Nous y sommes.
👎 Le Monde, édito, 15 janvier, article payant
« Pour le PS, la jauge du compromis reste la réforme des retraites, sur laquelle il exige un geste “remarquable” »
L’adoption du budget est prioritaire, mais c’est la réforme des retraites, déjà votée, qui domine les discussions autour d’un pacte de non-censure. Avant d’avancer, la gauche a besoin d’obtenir réparation sur un sujet totémique qui symbolise le litige démocratique du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Extraits :
Avant même d’avoir prononcé sa déclaration de politique générale, mardi 14 janvier, François Bayrou sait à quoi s’attendre. Le premier ministre sera d’abord jugé sur le prix de sa concession à la gauche, le terme qu’il utilisera pour qualifier l’avenir qu’il réserve à la réforme des retraites : gel, suspension, renégociation ? Au moment où le pays est désespérément à la recherche d’un budget, pris à la gorge par l’ampleur des déficits et la remontée des taux d’intérêt, il paraît assez iconoclaste de voir que le dernier psychodrame politique ne se joue pas autour du projet de loi de finances pour 2025 qui aurait déjà dû être voté depuis un mois et dont tout commande qu’il le soit rapidement.
Il se noue autour de la retraite à 64 ans, une loi qui a déjà plus d’un an et demi d’âge mais qui est si mal née qu’elle est devenue un objet politique à part entière, le symbole du litige démocratique qui affecte depuis son démarrage le second quinquennat d’Emmanuel Macron. Avant de faire un pas vers le compromis, la gauche a besoin d’obtenir réparation. (…)
A entendre les protagonistes, tout est sur la table ou presque : le nombre de suppressions d’emplois à l’éducation nationale, que la gauche entend voir revu à la baisse, le taux du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus de l’épargne (flat tax), qu’elle souhaite voir relever, et même la fiscalité sur les gros patrimoines, qui faisait jusqu’à présent figure de tabou.
Mais la jauge du compromis reste bel et bien la réforme des retraites, sur laquelle le PS exige un geste « remarquable » pour ne pas être accusé d’avoir trahi son camp. C’est « une question totémique »,a fait valoir Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat. (…)
La voie a beau être étroite, une petite marge de renégociation existe, car personne n’est franchement à l’aise avec la réforme qui a non seulement déclenché une vive contestation sociale, fait l’union syndicale contre elle, mais a mis en évidence, à l’aube du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’incapacité des forces politiques à fonctionner de façon satisfaisante en situation de majorité relative. (…)
La droite s’est reniée en refusant de voter la réforme, alors qu’elle avait défendu pendant toute la campagne présidentielle la retraite à 65 ans ; la gauche s’est radicalisée en contestant bille en tête l’existence d’un déficit et l’idée qu’il fallait travailler plus ; Emmanuel Macron s’est doublement abîmé en recourant au 49.3 pour faire adopter une réforme paramétrique qui était en rupture avec le « deal » initial conclu avec la CFDT de faire advenir, comme un projet de société émancipateur, un système de retraite par points.
Si une renégociation s’ouvre, ce sont les partenaires sociaux qui hériteront du dossier. Les faits sont têtus : en raison de l’évolution démographique, le système des retraites français reste profondément déséquilibré.
François Bayrou, qui se montre aujourd’hui ouvert à la discussion, est le même qui, à la tête du haut-commissariat au plan, avait tiré la sonnette d’alarme fin 2022. Il pointait un déficit masqué, les 30 milliards d’euros de subventions nécessaires chaque année aux caisses qui subissent les effets d’une démographie défavorable, celles de la fonction publique de l’Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics, des régimes spéciaux d’entreprises publiques et du régime des exploitants agricoles. Sera-t-il possible, aujourd’hui mieux qu’hier, de faire émerger un consensus autour de cette réalité ? Quelques mois suffiront à le dire.
The Economist, 11 janvier, article payant
How extremist politics became mainstream in France
Jean-Marie Le Pen paved the way for his daughter, Marine

Extraits :
(…) In two respects in particular, Mr Le Pen was also a precursor for today’s nationalist-populist right. In the 1950s he was first drawn into politics by Pierre Poujade, a proto-populist whose movement represented shopkeepers, tradesmen, artisans and “the little people”. His was the politics of the “downtrodden” against the elite, which finds a wide echo today. As co-founder of the National Front in 1972, Mr Le Pen was also a proponent of “great replacement” thinking, long before it became a fashionable theory for the far right. From his study in the mansion above Paris, filled with nautical memorabilia, it was almost as if he imagined himself to be single-handedly commanding the country’s maritime defences. There, beside brass-mounted binoculars and model frigates, Mr Le Pen once held forth to this columnist about the upcoming “submersion” of France by an “invasion” of “all the miserable populations of the world”. “We lived through German military occupation, but afterwards they left,” he roared at her; “immigrant populations have no intention of leaving.”
Ultimately, Mr Le Pen’s unfiltered approach was too much even for his own daughter, Marine Le Pen, who took over the party in 2011. Four years later she expelled her father, and then changed its name, to the National Rally. It was a seminal political moment, and a brutal, humiliating personal disavowal. Ambition triumphed over affection; rivalry overrode filial duty. All his life, Mr Le Pen thrived on conflict; Ms Le Pen sought to appear respectable. He swaggered about on the untouchable fringes of polite society; she dines coolly at upscale Parisian restaurants. He never really sought political power; she wants to govern France.
The trace that Mr Le Pen left on French politics was noxious and incremental, but not as linear as it appears in some telling—and not all of his own making. The political cynicism of his adversaries also played a part. The lepénisation of French minds, or the spread of his core discourse, began to take hold in the 1980s. But it was François Mitterrand, then the Socialist president, who changed the electoral rules to favour small parties, in an attempt to split the right. In 1986 Mr Le Pen and his group of assorted extremists, nativists and colonial apologists secured a record 35 parliamentary seats, before losing all but one when the rules changed again two years later. Indeed the very toxicity of Mr Le Pen’s extremism served the left, prompting an anti-racism movement that bred a new generation of politicians and helped Mitterrand to win re-election. A serene debate about controlled immigration in France has been difficult ever since.
For Ms Le Pen the moment has never seemed so favourable. The best Mr Le Pen ever managed in his five runs for the presidency was 18% in 2002, when he shocked France by making it into the second round against Jacques Chirac. Twenty years later, in the run-off against the centrist Emmanuel Macron, Ms Le Pen scored 41.5%. The judges may yet keep her from running for office, when they decide on March 31st whether to rule her ineligible in a trial over the misuse of public funds. Barring this, she looks better placed than ever. Mr Macron, who has twice kept her from power at the ballot box, cannot run again at the next presidential election, due in 2027; no clear successor has yet emerged. If he calls fresh parliamentary elections this summer, Ms Le Pen’s party could enter government earlier still.
In the end, Mr Le Pen’s legacy is also hers: the normalisation of anti-immigrant nationalist politics. Mr Le Pen may have belonged to the toxic fringe. But he also laid the foundations for a form of politics which, purged of its extreme imagery and elements, has become mainstream, in France and Europe. Today its champions hold power (Italy, Hungary, Slovakia), or share it, in over half a dozen countries. The lepénisation of minds has spread even to places, such as Germany, once thought immune.
Two decades ago Mr Le Pen’s brand of xenophobic politics was rejected by a majority of French, and European, public opinion. Today Ms Le Pen is one of the most popular politicians in France. Ms Le Pen had to turn on her father to get to where she is today. But she would not be there if he had not come first. ■
https://www.economist.com/europe/2025/01/0
Le Point, 11 janvier, article payant
Censure : le PS va-t-il se racheter ?
LA CHRONIQUE DE MICHEL RICHARD. Olivier Faure n’a pas que le sort de Bayrou entre ses mains, mais celui du pays, de son budget et de Mélenchon. Qui l’eût cru ?
vExtraits :
(…) Cette nouvelle configuration du NFP sans LFI, si elle advenait, serait de la seule faute de Mélenchon, de son intransigeance et de son obsession présidentielle, proteste un Faure qui ne veut pas porter la casaque d’un social-traître. Ce serait en tout cas le cauchemar de Mélenchon. Sa créature lui échapperait. Son magistère, aussi. À oublier cette nouvelle censure du 16 janvier qu’il pronostiquait ! Compromise surtout cette présidentielle avancée qui le faisait piaffer comme une dernière chance pour lui face à Marine Le Pen.
Le vrai prix du budget, c’est le prix de la stabilité politique ; et le prix de la stabilité politique, c’est le PS se détachant de LFI. Le PS qui détient seul le pouvoir de neutraliser les extrêmes, de les priver de leur pouvoir de nuisance parlementaire. C’était déjà le cas sous Barnier quand la gauche donnait à penser que son gouvernement était aux mains du Rassemblement national alors que c’est le PS, par sa soumission à LFI, qui avait donné ce pouvoir de vie ou de mort à l’extrême droite. C’est encore le cas aujourd’hui. Censure ou pas. Traîtrise par compromission ou retour à la soumission. Suspense.
https://www.lepoint.fr/politique/censure-le-ps-va-t-il-se-racheter-11-01-2025-2579705_20.php
Le Figaro, 27 décembre, article payant
«Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission»
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Malgré un alignement à droite entre la Justice et l’Intérieur qui rejoint une majorité de Français, le gouvernement Bayrou est déjà plus fragile que le précédent, constate le politologue Stéphane Rozès*.
Extraits:
(…) En filigrane, la menace d’une censure ne vise-t-elle pas Emmanuel Macron davantage que François Bayrou ? Tous les regards sont fixés sur 2027, seule échéance à même de résoudre l’impasse politique.
Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission par la situation du pays, les marchés, la classe dirigeante et l’UE. On se dirigera alors vers une présidentielle anticipée avant 2027, avec des élections législatives dans la foulée comme permis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon son ancien secrétaire général, Jean-Eric Schoettl, et nombre de constitutionnalistes. On aurait alors une concordance entre la représentation nationale et le pays. Cette solution permettrait à la France de limiter son affaissement vertigineux.
Car revenons aux fondamentaux. La situation actuelle, issue de la dissolution, découle politiquement du fait que la dernière présidentielle s’est déroulée sous l’empire de la peur : peur de la guerre en Ukraine, peur du Covid. Il n’y eut pas en réalité de contrat entre le peuple et chef de l’Etat réélu, ce qui aurait sans doute abouti pour son camp à une majorité absolue, stable. La déroute de Renaissance aux européennes, puis la dissolution, ne furent que les conséquences en cascade de ce péché originel.
On ne voit guère d’autre option pour sortir de l’ornière que la France redevienne maître de son destin, renoue avec sa souveraineté́. La crise budgétaire dont nous parlions n’est que l’effet d’un empilage de dysfonctionnements. L’ancien patron de la Caisse des Dépôts nommé à Bercy, Eric Lombard, ne pourra faire mieux que d’appliquer les grands choix pris ailleurs.
Le malheur français vient structurellement de ce que depuis trente ans, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils gèrent et communiquent. Les grandes orientations émanent de l’Union européenne, selon une logique contraire à l’imaginaire et à l’intérêt nationaux. Dans notre tradition, les disputes politiques accouchent d’orientations pour lesquelles on met ensuite en place des réformes. Or le sommet de l’État fait l’inverse. Il transpose des politiques et règles économiques qui s’imposent à lui. On ne peut redresser la France sans réorienter dans le même temps l’Union européenne vers une Europe des nations. Les peuples dans la diversité de leurs génies sont depuis toujours les piliers de ce continent et de son rayonnement.
*Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil, analyses et perspectives) et ancien directeur général de l’institut de sondage CSA, enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est l’auteur de Chaos – Essai sur les imaginaires des peuples (Éditions du Cerf, 2023).
Le Point, 24 décembre, article payant
Politique : un conte de Noël qui peut mal finir !
LA CHRONIQUE DE SOPHIE COIGNARD. Difficile de donner de la féerie au récit de la vie politico-économique française. Il existe, pourtant, quelques lueurs d’espoir venues d’ailleurs.
Extraits:
(…) Plus de 3 300 milliards de dette, un déficit surprise de plus de 6 % du PIB, des fermetures d’usines et des défaillances d’entreprises en forte augmentation, et jusqu’alors l’incapacité de l’exécutif à faire voter un budget pour l’année à venir… Pas très joyeux comme Noël !
Cependant, à ce stade, une lueur d’espoir doit illuminer le récit pour ne pas désespérer son public. Ça pourrait être un regard porté sur le Portugal. Ce pays, gouverné jusqu’au printemps dernier par les socialistes, a vu le solde primaire de ses finances publiques passer d’un déficit de 8,5 % du PIB en 2010 à un excédent de plus de 3 % en 2023.
L’année dernière, la dette est repassée sous le seuil des 100 % du PIB, et s’y est maintenue cette année. « La mise en œuvre du PRR (plan pour la reprise et la résilience) ainsi que les baisses d’impôts en faveur des ménages et des entreprises stimuleront la demande intérieure, tandis que des excédents budgétaires persistants ramèneront la dette publique à 89,3 % du PIB en 2026 », estime l’OCDE dans ses dernières « perspectives économiques », publiées il y a quelques jours.
Voilà une histoire inspirante pour les acteurs politiques français qui sont chargés de conduire la politique de la nation ou de représenter le peuple. Si seulement… Si seulement le président de la République cessait de considérer qu’il est encore maître à bord. Si seulement les ingénieurs du chaos mélenchonistes mettaient en sourdine leur stratégie de démolition. Si seulement les socialistes s’émancipaient. Si seulement les membres du « bloc central » cessaient leurs petits caprices. Si seulement le RN renonçait pour quelque temps au chantage.
On peut toujours rêver, mais pas trop quand même… Les contes de Noël ne se terminent pas toujours bien. L’un des plus célèbres, La Petite Fille aux allumettes de Hans Christian Andersen, raconte l’histoire d’une enfant pauvre qui doit vendre des allumettes aux passants dans la rue pour rapporter quelques pièces dans le taudis de ses parents. La veille du Nouvel An, elle n’a rien vendu et renonce à retourner chez elle de peur d’être battue par son père, furieux qu’elle revienne les mains vides.
Elle reste dans le froid et, de désespoir, craque une à une les allumettes, qui provoquent des apparitions réconfortantes : un poêle qui réchauffe, une oie rôtie, un sapin illuminé et, enfin, sa défunte grand-mère, le seul être qui l’ait jamais chérie. Le lendemain matin, des passants la retrouvent morte, le sourire aux lèvres.
😮😕Le Figaro, 24 décembre, article payant
«Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission»
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Malgré un alignement à droite entre la Justice et l’Intérieur qui rejoint une majorité de Français, le gouvernement Bayrou est déjà plus fragile que le précédent, constate le politologue Stéphane Rozès*.
*Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil, analyses et perspectives) et ancien directeur général de l’institut de sondage CSA, enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est l’auteur de Chaos – Essai sur les imaginaires des peuples (Éditions du Cerf, 2023).
Extraits:
(…) Stéphane ROZÈS. – Le gouvernement de François Bayrou s’inscrit dans une situation politique inédite et impossible. Dès que fut connue la physionomie de l’Assemblée nationale en juillet dernier, les analystes avertis savaient la France ingouvernable. La chambre basse résultait d’un «front républicain» anti-RN. Mais sitôt élus, les députés de ce Front ont fait comme s’ils étaient mandataires d’un programme. Les rapports de force aux trois tiers n’ont pas bougé. Le gouvernement Barnier fut censuré parce que son chef n’a pas réussi à trouver le plus petit dénominateur commun sur le budget.
Quant au nouveau gouvernement, il ne bénéficie pas de la mansuétude de l’opinion. Selon un sondage Ifop, 66% des interrogés sont mécontents d’avoir François Bayrou aux manettes. (…)
Le risque de censure n’a en rien été levé par François Bayrou. (…)
L’éternel et inextricable enjeu sera de dégager des recettes tout en réduisant les dépenses. Côté recettes, les classes moyennes et populaires ne peuvent payer davantage d’impôts quand elles ont déjà du mal à boucler les fins de mois. Côté dépenses, les Français ne sont pas prêts à rogner des prestations, notamment en matière de santé, dans un contexte où les services publics sont terriblement affaiblis. Si le gouvernement survit à cette séquence périlleuse, le blocage lui imposera de toute façon une forme d’inactivité législative. Or l’état du pays, pas plus que la conjoncture internationale, n’autorisent la paralysie.
En filigrane, la menace d’une censure ne vise-t-elle pas Emmanuel Macron davantage que François Bayrou ? Tous les regards sont fixés sur 2027, seule échéance à même de résoudre l’impasse politique.
Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission par la situation du pays, les marchés, la classe dirigeante et l’UE. On se dirigera alors vers une présidentielle anticipée avant 2027, avec des élections législatives dans la foulée comme permis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon son ancien secrétaire général, Jean-Eric Schoettl, et nombre de constitutionnalistes. On aurait alors une concordance entre la représentation nationale et le pays. Cette solution permettrait à la France de limiter son affaissement vertigineux. (…)
La crise budgétaire dont nous parlions n’est que l’effet d’un empilage de dysfonctionnements. L’ancien patron de la Caisse des Dépôts nommé à Bercy, Eric Lombard, ne pourra faire mieux que d’appliquer les grands choix pris ailleurs. (…)
Le malheur français vient structurellement de ce que depuis trente ans, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils gèrent et communiquent. Les grandes orientations émanent de l’Union européenne, selon une logique contraire à l’imaginaire et à l’intérêt nationaux. Dans notre tradition, les disputes politiques accouchent d’orientations pour lesquelles on met ensuite en place des réformes. Or le sommet de l’État fait l’inverse. Il transpose des politiques et règles économiques qui s’imposent à lui. On ne peut redresser la France sans réorienter dans le même temps l’Union européenne vers une Europe des nations. Les peuples dans la diversité de leurs génies sont depuis toujours les piliers de ce continent et de son rayonnement.
Le Point, 24 décembre, article payant
Les pires ennemis de François Bayrou ne sont pas où l’on croit
CHRONIQUE. Mélenchon et Le Pen feront tomber le gouvernement dès qu’ils peuvent. Les socialistes sont à deux doigts de faire pareil. Mais les chefs du socle commun sont presque aussi dangereux.
Extraits:
(…) Mais les ennemis se cachent aussi où on les attend le moins. François Bayrou n’a pas embarqué les présidentiables du socle dit commun, notamment Gabriel Attal et Laurent Wauquiez. L’un et l’autre sortent très mécontents du remaniement et se préparent à ruminer leur bûche de Noël. Ils n’étaient déjà pas emballés par la promotion d’un concurrent à Matignon. Mais l’épisode de la composition du gouvernement a achevé de leur donner une indigestion.
Gabriel Attal, qui ne desserre pas les lèvres depuis quelques jours, lui, le grand communicant, est de méchante humeur. Son silence en dit long. Il n’a pas pu peser sur les entrants et les sortants. Sa protégée Anne Genetet a été remplacée – et à quel rang ! – par sa rivale Élisabeth Borne. Autre contrariété, Gérald Darmanin revient en majesté. Il est clairement un de ses concurrents dans la course à la présidentielle. Le gouvernement est dominé par des macronistes, à commencer par Matignon, mais pas par des attalistes.
Idem pour Laurent Wauquiez. Une fois de plus resté au bord de la route d’un changement de gouvernement, il se prive de visibilité. Le nombre des ministres LR a diminué et certains des proches du président de groupe LR ont été éliminés, comme le jeune Alexandre Portier. Surtout, Bruno Retailleau continue de se tailler la part du lion. Certes, il n’y aura pas de grande loi immigration, mais il y en aura plusieurs petites… Sa cote de présidentiable risque de monter. Et Wauquiez de grimacer.
François Bayrou risque donc d’être miné de l’intérieur. Son gouvernement de poids lourds a des pieds d’argile. Le Premier ministre ne compte plus le nombre de ses ennemis. Mais avec des « amis » comme cela, il préférerait sans doute s’en passer et n’avoir à gérer que ses adversaires déclarés.
IREF, 24 décembre, libre accès
Gouvernement Bayrou : le gouvernement Barnier en pire !
Vous avez aimé la composition du gouvernement Barnier ? Vous allez adorer celle du gouvernement Bayrou !
La liste du gouvernement Bayrou a été annoncée le 23 décembre après bien des circonvolutions. La grande nouvelle aura été le retrait au dernier moment de Xavier Bertrand, pressenti pour la Justice, et qui, dans un communiqué acrimonieux et inélégant, a dénoncé la volte-face du Premier ministre et un gouvernement « formé avec l’aval de Marine Le Pen ». Nous n’avons guère pour habitude de saluer le Rassemblement national, mais le fait de ne pas voir le nom d’un antilibéral patenté comme garde des Sceaux ne nous chagrinera pas (même si le représentant de la « droite sociale » qu’est Gérald Darmanin place Vendôme ne nous réjouit pas plus)…
François Bayrou avait annoncé un gouvernement « resserré ». Cela ne se voit pas. Certes, il compte (en tout cas actuellement…) moins de membres que celui de Michel Barnier, mais de peu : 36 contre 41. Il s’agit toujours d’une armée mexicaine avec un nombre considérable de ministres chargés parfois de fonctions improbables (Ville, Egalité et Lutte contre les discriminations, Ruralité…). Mais comme la France est l’État providence le plus dispendieux de l’univers, il faut bien qu’elle comprenne des ministres chargés de toutes les fonctions possibles et imaginables…
C’est aussi un gouvernement qui fleure bon la fin de la IIIe République ou la IVe République :
- avec 4 ministres d’État (dans l’ordre protocolaires Borne, Valls, Darmanin et Retailleau), dont deux anciens Premiers ministres, des anciens socialistes, des centristes de droite, des centristes de gauche, des extrémistes du centre à l’image de François Bayrou, des représentants de la « droite sociale », etc.
- avec également des ministres du précédent gouvernement qui rempilent dans les mêmes fonctions (Sébastien Lecornu aux Armées, Bruno Retailleau à l’Intérieur, Rachida Dati à la Culture, Jean-Noël Barrot à l’Europe et aux Affaires étrangères…) ou qui en changent au bout de quelques semaines seulement, témoignage de leur omniscience (Laurent Saint-Martin par exemple, du Budget au Commerce extérieur).
On notera la stabilité des ministres chargés des fonctions régaliennes (qui devraient être les seules de l’État…), à l’exception de la Justice, c’est-à-dire des ministres en lien direct avec le président de la République.
Et les libéraux, diriez-vous ? Le gouvernement Barnier en comptait au moins deux. Ils ont disparu : Othman Nasrou et surtout Guillaume Kasbarian, ce qui fera bien plaisir aux syndicats de fonctionnaires chargés des grèves et des manifestations…
On peut remercier les extrémistes de droite et de gauche d’avoir fait tomber le gouvernement précédent. Le gouvernement Bayrou, c’est le gouvernement Barnier en pire !
Le Point, 23 décembre, article payant
Quand la politique se fiche des enjeux économiques
L’ÉDITO DE PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS. Gouvernement censuré, budget rejeté, croissance à l’arrêt… En dissolvant l’Assemblée, Emmanuel Macron a consciemment ouvert la porte aux scénarios du pire.
Extraits:
L’année 2024 a apporté une nouvelle confirmation qu’en France la politique l’emporte toujours sur l’économie, avec de tragiques conséquences pour cette dernière. C’est d’abord l’enjeu des élections européennes qui avait poussé Emmanuel Macron, début avril, à rejeter l’idée d’un projet de loi de finances rectificative que réclamait pourtant son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, conscient de l’urgence et de la nécessité d’un tour de vis budgétaire pour stopper la dérive du déficit. Mais le président de la République s’y était opposé, de peur qu’une telle annonce pointe sa responsabilité dans l’envolée de la dette et pèse sur le scrutin. (…)
Et le pire scénario électoral s’est finalement produit, avec un pays devenu ingouvernable, un Premier ministre censuré et un budget rejeté, avec une économie tétanisée où les chefs d’entreprise désorientés n’investissent et n’embauchent plus, et où les consommateurs inquiets ne consomment plus. Les conjoncturistes n’excluent plus, dans ces conditions, une entrée en récession de l’économie française, dont l’origine ne serait pas cette fois imputable à un choc exogène, à un méchant virus venu de Chine, mais à un coup de tête présidentiel. (…)
Ultime preuve de la prééminence des considérations politiques sur les enjeux économiques, la façon dont les « vieux » sont choyés en raison de leur poids électoral, les plus de 65 ans représentant 20 % de la population mais entre 40 % et 55 % des votants, selon les scrutins. La proposition de retarder de six mois l’indexation des retraites avait suscité un tollé général, obligeant le gouvernement à revoir sa copie pour épargner les pensions les plus modestes.
(…) Résultat, le déficit des régimes de retraite devrait dépasser les 10 milliards d’euros en 2025, après 6,5 milliards en 2024 et 2,6 milliards en 2023. Creusant encore une dette que les générations futures auront à rembourser mais qui se trouvent politiquement sacrifiées car n’ayant pas l’âge de voter à la prochaine élection présidentielle.
Entre le coût de la dissolution et celui de la censure, l’addition s’annonce très lourde pour l’économie française et pour les finances publiques, mais il apparaît un peu plus chaque jour, au vu du spectacle pathétique de leurs mariages arrangés et de leurs divorces de complaisance, que c’est bien le cadet des soucis de nos dirigeants politiques.
L’Opinion, édito, 22 décembre, article payant
Bienvenue dans la IVe République
Extraits:
Bienvenue dans les années 1950, au temps de la IVe République, de l’instabilité politique et du « régime des partis », comme le dénonçait le général de Gaulle. Bienvenue dans « la pagaille » (de Gaulle, encore), dans l’improvisation et les marchandages partisans. Bienvenue dans cette époque où, comme aujourd’hui, la crise des finances publiques faisait peser un risque majeur sur l’économie du pays.
A force de rêver de bâtir le futur, François Bayrou est en train de devenir l’homme du passé. Le tout nouveau Premier ministre avait pourtant promis de ne pas se mettre sous la coupe des partis politiques pour arrêter sa feuille de route et former son équipe ministérielle. Il n’avait pas ménagé ses critiques sur la méthode employée par son prédécesseur, Michel Barnier, dans ses négociations avec les parties prenantes à son « socle commun ». Il n’avait pas dissimulé sa certitude qu’il parviendrait, lui, le vieux sage de la vie publique, à former un gouvernement rassemblant large, de la droite à la gauche, comme il le pérore depuis des décennies. Raté, il n’aura pas le Parti socialiste, et Les Républicains hésitent encore. La faute au flou de ses engagements, à l’irrépressible sensation que les ficelles sont un peu grosses. Ainsi de sa promesse de « reprise sans suspension » de la réforme des retraites tout en rouvrant une discussion de plusieurs mois sur son contenu.
Bienvenue dans l’immobilisme, là où toute réforme votée dans la douleur peut être remise en cause. Bienvenue dans la République de Monsieur Queuille, ce président du Conseil au mitan du XXe siècle, qui se rendit célèbre par son inaction dans une France pourtant en danger. « Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre », disait-il. Ça n’avait pas très bien fini.
https://www.lopinion.fr/politique/bienvenue-dans-la-ive-republique
The Economist, 21 décembre, article payant
France’s new prime minister faces a looming mess
François Bayrou has an emergency budget but no government yet
Extraits:
France stumbled into the holiday season with its fourth prime minister this year, no new government and only an emergency rollover budget to get it through the first months of 2025. François Bayrou is a wily veteran, a 73-year-old fellow centrist whom President Emmanuel Macron appointed to form a government on December 13th. He hopes to broaden the coalition formed by Michel Barnier, his conservative predecessor, who was toppled by parliament on December 4th. Even if Mr Bayrou manages to recruit more widely, however, he will struggle to put in place what France really needs: a stable, lasting government that can begin to get its dismal public finances under control.
The circumstances of Mr Bayrou’s appointment were downright bizarre. A tractor-driving part-time farmer from a town at the foot of the Pyrenees, the new prime minister was a centrist decades before Mr Macron transformed centrism into a powerful electoral platform. A three-time presidential candidate, Mr Bayrou stood down in 2017 to allow his junior to carry the centrist banner alone, with astonishing success. Yet their bonds have at times been strained. Mr Macron seems to have had others in mind for the job, including two loyalists, Sébastien Lecornu and Roland Lescure. In the end, says Mr Bayrou’s camp, the older politician forced the president’s hand by threatening to pull out of the centrist alliance, setting up an unconventional power dynamic.
Upon his appointment, Mr Bayrou referred to a “Himalaya” of difficulties ahead, the first being the budget. This was underlined by Moody’s, a ratings agency, which on December 14th downgraded France’s sovereign debt one notch to Aa3. It considers that the country’s public finances “will be substantially weakened over the coming years, because political fragmentation is more likely to impede meaningful fiscal consolidation”. Mr Barnier’s previous budget, which he tried and failed to force through parliament, was designed to curb the budget deficit from over 6% of GDP in 2024 to 5% in 2025. The emergency budget law, passed on December 18th, rolls over current measures, but contains no further effort at fiscal consolidation. Mr Bayrou’s new government will need to start afresh in the new year.
It is unlikely to be any simpler. The parliament remains split into three deadlocked blocs. Fresh elections cannot be called before July 2025. (…)
The hard-right Marine Le Pen, who was pivotal in Mr Barnier’s downfall, has at times sounded warmer towards Mr Bayrou, but now says she is preparing for an early presidential election. Mr Mélenchon has been demanding Mr Macron’s resignation for months. The president retorts that he has no intention of leaving office before the end of his term in 2027. Perhaps Mr Bayrou’s best hope of survival is that, apart from the political extremes, no party has an interest in putting the sort of political pressure on Mr Macron that might, just, bring the presidential vote forward. ■
https://www.economist.com/europe/2024/12/19/frances-new-prime-minister-faces-a-looming-mess
Le Monde, 21 décembre, article payant
François Bayrou face au risque de l’enlisement
Entre la fermeté des socialistes sur le dossier de la réforme des retraites et les revendications de son propre camp, le premier ministre est engagé dans une partie de ping-pong, pour l’instant stérile, avec les formations politiques.
Extraits:
L’opération devait permettre à François Bayrou de trouver une issue pour parvenir à former un gouvernement. Vingt-quatre heures après son « offre publique de participation » faite aux forces politiques, hors Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI), le premier ministre est toujours aussi enlisé.
Alors que le Béarnais espère obtenir un accord de non-censure avec les formations issues de la gauche, le Parti socialiste (PS) a déploré, vendredi 20 décembre, dans une lettre adressée au premier ministre, son « absence de volonté réelle de rompre à ce jour avec ce qui a conduit à l’échec du gouvernement de Michel Barnier ».
Les dirigeants du PS ont certes pris acte que « la question des retraites n’était plus un sujet tabou » pour M. Bayrou. Jeudi, ce dernier avait proposé de rouvrir la discussion sur la réforme, allant jusqu’à remettre en cause l’âge de départ à 64 ans. Mais ce devait être au prix d’une « conférence globale » entre partenaires sociaux et partis et d’un calendrier de « huit à neuf mois ». Un échec de ces pourparlers se solderait alors par la sauvegarde du texte validé après un recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, au printemps 2023. « Nous vous réaffirmons solennellement notre demande de suspension immédiate de la réforme des retraites de 2023 », lui ont répondu les socialistes, qui demandent l’organisation d’un référendum si « aucun consensus ne se dégage » après la tenue d’une « conférence sociale ».
La contre-proposition du PS a déjà reçu une fin de non-recevoir du premier ministre. « Suspendre, c’est acter le principe qu’on laisse creuser le déficit », a répété, vendredi sur Franceinfo, Marc Fesneau, le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, reprenant les arguments de François Bayrou.
Ce ping-pong est d’autant plus stérile que Gabriel Attal, le secrétaire général de Renaissance, n’est pas favorable à rouvrir le dossier des retraites. (…)
Maintenant à Matignon, le président du MoDem essaie de faire des formations politiques la pierre angulaire de son action. Pour se désembourber, il n’écarte pas non plus l’idée de se tourner vers LFI et le RN. « Je trouverai les moyens de les faire participer au travail que nous avons à faire », a-t-il déclaré, jeudi, dans la salle Colbert du 57, rue de Varenne. L’appel du pied est explicité par Matignon. « Est-ce que LFI ou le RN peuvent s’engager sur un pacte de non-censure ?, s’interroge un conseiller de M. Bayrou. C’est à eux de se positionner. »
Cela ne viendra pas des« insoumis ». (…)
Marine Le Pen se montre, elle, toujours aussi conciliante avec le Béarnais. (…)
Désormais, les soutiens de François Bayrou le pressent d’aller au plus vite. « Il doit y arriver avant Noël », insiste la députée (Renaissance) des Yvelines Aurore Bergé. Après des débuts poussifs ponctués de polémiques, chaque jour qui passe sans gouvernement souligne un peu plus l’enlisement du premier ministre.
Le Figaro, 20 décembre, article payant
Jean-Pierre Le Goff: «La déliquescence et l’autodestruction de la politique offrent un spectacle consternant»
GRAND ENTRETIEN – Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, les responsables politiques comme les commentateurs se débattent dans un marasme ne faisant qu’accroître le désarroi des Français.
Voir « Article du Jour » !
*Jean-Pierre Le Goff est sociologue et philosophe. Il est l’auteur de nombreux ouvrages remarqués tels que «Mai 68, l’héritage impossible » (La Découverte, 1998), « La Fin du village. Une histoire française » (Gallimard, 2012), « Malaise dans la démocratie » (Stock, 2016) et « La France d’hier. Récit d’un monde adolescent, des années 1950 à Mai 68 » (Stock, 2018).
Lire l’article intégral: https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/19-decembre.pdf
Frankfurter Allgemeine Zeitung, opinion, 18 décembre, article payant
Krise in Frankreich: Die Agonie der Fünften Republik
Die Vierte Republik galt als „Demokratie ohne Volk“. Nach der Parlamentswahl und dem Scheitern des Kabinetts Barnier steht es um das Land nicht viel besser.
Extraits:
Die Zeiten, in denen eine neue Regierung in Frankreich Hoffnungen auf bessere Zeiten weckte, sind vorbei. Der neue Premierminister François Bayrou sitzt auf einem Schleudersitz, solange sich die Mehrheitsverhältnisse in der Nationalversammlung nicht ändern. Eine breit abgestützte Koalitionsregierung ist nach den ersten Gesprächsrunden mit den Fraktionsführungen aller Parteien nicht zu erwarten. Sozialisten und Grüne lehnen eine Regierungsbeteiligung rundweg ab. Die Republikaner zieren sich und schachern um Posten. Von dem „klaren Kurs“ bis 2027, den sich Präsident Emmanuel Macron jüngst in einer Fernsehansprache gewünscht hat, ist nichts zu spüren. Zu „neuen Kompromissen“, wie Macron sie forderte, sind weder Sozialisten noch Grüne oder Kommunisten bereit. (…)
Doch die Machtbasis des 73 Jahre alten Premierministers ist prekär. Seine Fraktion zählt nur 36 Abgeordnete. Anders als Barnier verfügt er im Senat, der zweiten Kammer, nicht über eine Hausmacht. Im besten Fall kann Bayrou einen Nichtangriffspakt mit den gemäßigten Kräften aushandeln. Sie müssten die Regierung dulden und auf ein Misstrauensvotum verzichten. Im Gegenzug verpflichtete sich Bayrou, Verfassungsartikel 49.3 nicht in Anspruch zu nehmen. 49.3 wurde als Instrument zur Disziplinierung der Abgeordneten angelegt und besagt, dass ein Gesetz als angenommen gilt, wenn nicht innerhalb von 24 Stunden ein Misstrauensvotum gegen die Regierung eine absolute Mehrheit findet.
Bayrous Streben nach einer Minimallösung bedeutet, dass Frankreich in Immobilismus verharrt. Für überfällige strukturelle Einsparungen zur Haushaltssanierung fehlt dem Regierungschef wie schon seinem Vorgänger die Mehrheit. (…)
Das Land befindet sich in einer Krise, die inzwischen die Grundfesten der Fünften Republik erschüttert. Solide Staatsfinanzen, politische Stabilität und ein weit in das ehemalige Kolonialreich ausstrahlender Einfluss: So lautete kurz gefasst das Erbe des Republikgründers Charles de Gaulle. Es entbehrt nicht einer gewissen Tragik, dass der erste nach de Gaulles Tod geborene Präsident die letzten Reste der Erbschaft verspielt. (…)
Frankreichs Gewicht als ständiges Mitglied des UN-Sicherheitsrats gründete maßgeblich auf seinen zahlreichen Verflechtungen mit Afrika. Aus diesem „Hinterhof“ wird Paris systematisch vertrieben. (…) Der erzwungene Rückzug der Armee kratzt am Selbstbewusstsein der Nation. Der Abschied von den letzten Überbleibseln des Kolonialreichs fällt umso schwerer, als Frankreich seit einem halben Jahrhundert über seinen Verhältnissen lebt.
Den letzten ausgeglichenen Haushalt hat eine Regierung 1974 verabschiedet. (…)
Frankreich knüpft an ein Kapitel chronischer Instabilität an, das es mit dem „rationalisierten Parlamentarismus“ der Fünften Republik für immer überwunden glaubte. Anders als die Bundesrepublik brauchte Frankreich nach Ende des Zweiten Weltkriegs zwei Anläufe, um sein Regierungssystem neu zu ordnen. Während der Vierten Republik von 1946 bis 1958 waren die Regierungen Spielball der Machtkämpfe der Parteien. Mit dem Wählerwillen hatten die raschen Regierungswechsel damals so wenig zu tun, dass der Politikwissenschaftler Maurice Duverger die Vierte Republik als „Demokratie ohne Volk“ bezeichnete. Die Ähnlichkeiten mit der heutigen Situation sind auffällig.
IREF, 18 décembre, libre accès
Le Tartuffe François Bayrou en faveur du cumul des mandats
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, dit-on. C’est la raison pour laquelle nous comptons les meilleurs hommes politiques, à commencer par notre nouveau Premier ministre.
En effet, la journée du 16 décembre aura été lunaire. Au lieu de rester à Paris compte tenu de son agenda (composition du gouvernement et graves évènements à Mayotte), François Bayrou n’a rien trouvé de mieux que d’assister en tant que Maire, après un vol en jet privé, au conseil municipal de sa ville de Pau et de plaider en faveur du cumul des mandats. Peut-être un manque d’expérience pour cet homme politique professionnel depuis plus de quatre décennies…
Sans remonter trop loin dans le temps (ne soyons pas trop cruels), voici ce que disait notre extrémiste du centre au sujet du cumul des mandats :
le 30 novembre 2012, il se prononçait en faveur d’une « interdiction drastique » du cumul des mandats (Le Figaro, 30 novembre 2012) ;
le 1er juin 2017, en sa qualité de ministre de la Justice (très éphémère), il présentait un projet de loi de « moralisation de la vie politique » qui prévoyait l’interdiction pour un ministre d’exercer en même temps une « grande fonction exécutive locale » (Le Figaro, 1er juin 2017).
Il semble avoir changé d’avis.
Ce qui est amusant, c’est qu’il n’a pas respecté dans son cursus honorum les interdictions qu’il voulait imposer à autrui. Ainsi a-t-il été ministre et président d’un Conseil général durant plus de quatre années sans connaître un quelconque problème métaphysique… A noter d’ailleurs qu’il entendait en 2017 interdire la possibilité d’effectuer un même mandat plus de trois fois consécutivement… ce qui ne l’a pas empêché d’avoir été six fois de suite député entre 1986 et 2012 (Marianne, 14 juin 2017) !
Mais revenons au fond du sujet. Faut-il ou non interdire le cumul des mandats ? En dernier lieu, la loi organique du 14 février 2014 limite assez largement cette possibilité. François Bayrou a cependant fait valoir le 16 décembre dernier qu’il fallait « ré-enraciner les responsables politiques », car il y avait « rupture entre la base de la société française et les milieux de pouvoir ».
Le ministre démissionnaire chargé des Transports (qui parle en orfèvre s’agissant des mandats locaux…) a abondé dans son sens : « Dans un pays unitaire comme le nôtre, on a besoin de responsables nationaux ayant des attaches locales » (Le Monde, 17 décembre 2024). Effectivement, le problème concerne également l’hypercentralisation de notre pays et l’absence de respect du principe de subsidiarité.
Au-delà du fait qu’un parlementaire peut aujourd’hui encore être membre d’un conseil municipal, départemental ou régional, ce que François Bayrou s’est bien gardé de rappeler, nous lui conseillerons, entre deux vols, de s’intéresser à deux points afin que les élus ne soient pas éloignés des électeurs :
Comment faire en sorte que les ministres et les parlementaires ne soient pas des hommes politiques professionnels (comme François Bayrou), souvent dès leur plus jeune âge (comme François Bayrou), et qu’ils ne soient pas ignorants des réalités du secteur privé (comme François Bayrou) ?
Comment faire en sorte que le mode de scrutin n’éloigne pas les élus des électeurs… comme la représentation proportionnelle que François Bayrou prône pourtant de manière inconséquente pour les élections législatives ?
François Bayrou doit avoir peu de confiance envers le caractère pérenne de ses fonctions de Premier ministre pour ne pas avoir abandonné son mandat de Maire de Pau, acquis, il est vrai, aux forceps en 2014 après plusieurs échecs…
Le Point, 18 décembre, article payant
À défaut de budget, des députés proposent une loi fiscale en urgence
Après l’adoption de la loi spéciale sur le budget, Éric Coquerel et Charles de Courson souhaitent que de nouvelles mesures fiscales soient débattues dès le 13 janvier à l’Assemblée nationale.
Extraits:
Ce sera la priorité dès le début de la nouvelle année. L’Assemblée nationale a adopté à la loi spéciale, autorisant notamment l’exécutif à prélever l’impôt en l’absence de budget, ce lundi 16 décembre. Le texte, déposé en réaction à la censure de Michel Barnier, a été approuvé par l’ensemble des 481 députés votants. Les parlementaires Insoumis se sont néanmoins abstenus, déplorant le rejet de leurs amendements pour indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Ces derniers ont été déclarés irrecevables par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Car si cette béquille constitutionnelle permet à l’État d’assurer la continuité des services publics, les députés de l’opposition proposaient notamment d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, afin d’éviter des hausses pour les contribuables l’an prochain. En l’absence d’indexation, « 380 000 nouveaux foyers » pourraient se retrouver imposables l’an prochain, et « un peu plus de 17 millions d’entre eux » subiraient une augmentation de cet impôt, selon le ministre du Budget démissionnaire Laurent Saint-Martin. (…)
Le tir pourrait être corrigé dans le budget 2025, mais celui-ci risque de ne pas intervenir avant plusieurs mois. Fort de ce constat, le rapporteur général du budget Charles de Courson (Liot) et le président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) ont adressé un courrier à François Bayrou pour qu’il prépare un projet de loi fiscale « dans l’intérêt collectif », intégrant des mesures « urgentes » et faisant « consensus ». En effet, faute de budget, nombre de dispositions fiscales ne pourront pas être reconduites au 1er janvier 2025. (…)
Le Figaro, 15 décembre, article payant
Anne de Guigné: «Le cadeau de Moody’s à François Bayrou»
CHRONIQUE – Il est urgent de réformer la sphère publique pour redresser les finances du pays. Moody’s devrait aider le premier ministre à convaincre les parlementaires de cette nécessité.
Voir « Article du Jour » !
Texte intégral : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/15-decembre.pdf
Link : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/anne-de-guigne-le-cadeau-de-moody-s-a-francois-bayrou-20241214
Le Monde, éditorial, 15 décembre, libre accès
Bayrou premier ministre : se ressaisir face au risque du dégagisme
Avec un président de la République en forte perte de légitimité et des députés jusqu’à présent incapables de chercher des compromis, le nouveau chef du gouvernement est soumis aux mêmes pressions que son prédécesseur.
Extraits:
(…) La France a un nouveau premier ministre, le quatrième en moins d’un an, et pourtant rien ne dit à ce stade qu’il durera plus que les autres et réussira mieux qu’eux. « L’homme de la réconciliation »,comme aime à se décrire François Bayrou, celui qui caresse depuis 2007 le rêve de rassembler les réformistes de gauche, du centre et de droite pour « trouver un chemin », va devoir rapidement passer aux travaux pratiques s’il ne veut pas laisser Marine Le Pen maîtresse du jeu. (…)
A peine nommé, l’ancien haut-commissaire au plan a insisté sur l’enjeu de la dette et des déficits, ce qui était une façon de remettre de la gravité sur la scène politique. Le pays est à l’arrêt depuis des mois, avec un président de la République en forte perte de légitimité et des députés jusqu’à présent incapables de redorer le blason du Parlement, faute d’avoir intégré que l’absence de majorité les incitait au compromis.
Cela se paie d’un double affaiblissement, démocratique et économique. Les Français sont inquiets, certains même exaspérés. Il faut d’urgence que le président et la représentation nationale se ressaisissent, que les partis voient plus loin que le bout de leurs intérêts catégoriels et que les mois qui viennent permettent d’avancer. Dans le cas contraire, le dégagisme trouvera encore matière à prospérer.
Le Monde, 15 décembre, article payant
Thomas Piketty : « L’idée selon laquelle il faudrait gouverner le pays en rassemblant tous les partis dits “raisonnables” est une dangereuse illusion »
La démocratie électorale a besoin d’alternances claires et assumées pour fonctionner correctement, prévient l’économiste dans sa chronique, qui invite à sortir de la tripartition et appelle à l’émergence d’une nouvelle bipolarisation de la vie politique.
Extraits:
Disons-le d’emblée : ce n’est pas en inventant une nouvelle coalition du centre que la France sortira de la crise politique actuelle. L’idée selon laquelle il faudrait gouverner le pays en rassemblant tous les partis dits « raisonnables », du centre-gauche au centre-droit, du Parti socialiste aux Républicains (LR), à l’exclusion des « extrêmes » – La France insoumise (LFI) à gauche et le Rassemblement national (RN) à droite –, est une dangereuse illusion, qui ne fera que mener à de nouvelles déceptions et à renforcer les extrêmes en question. (…)
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Dans le contexte français, la question se pose différemment. La gauche reste bien vivante, mais elle a ici aussi perdu le vote populaire des bourgs et des villages, durement frappés par la libéralisation commerciale, la désindustrialisation et l’absence de services publics.
En 1981, elle faisait quasiment le même score parmi toutes les classes populaires, quelle que soit la taille d’agglomération. Au cours des dernières décennies, un fossé territorial d’une ampleur inédite depuis un siècle s’est formé entre les classes populaires urbaines (qui continuent de voter à gauche) et rurales (qui sont passées au RN).
C’est sur cette fracture territoriale que s’est bâtie la tripartition : un bloc central objectivement très favorisé entend gouverner le pays sur la base des divisions entre les classes populaires urbaines et rurales entre les blocs de gauche et de droite (Une histoire du conflit politique, de Julia Cagé et Thomas Piketty, Seuil, 2023). (…)
Pour sortir de la tripartition, le scrutin présidentiel peut jouer un rôle utile : il pousse à se rassembler pour le second tour et peut accélérer l’avènement d’une nouvelle bipolarisation. Mais cela ne suffira pas : nous avons surtout besoin d’un travail de fond au sein des partis politiques et auprès des citoyens qui les soutiennent.
A gauche, les partis doivent apprendre à délibérer et à trancher démocratiquement leurs différends, d’abord par le vote au sein même du Nouveau Front populaire, par ses députés, puis en faisant participer directement les électeurs de gauche. La priorité doit être de répondre aux aspirations des classes populaires de tous les territoires et de rassembler bien au-delà des bases électorales de chacun. En particulier, LFI devra faire preuve d’humilité et accepter un constat simple : son noyau électoral actuel est réel mais minoritaire dans le pays et ne permet guère d’envisager une victoire au second tour.
A droite, il est temps que LR et les fractions les plus droitières du parti macroniste acceptent l’idée qu’ils doivent former une coalition majoritaire avec le RN. C’est déjà ce qu’ils ont fait pour voter la loi « immigration » et bien d’autres textes (comme la loi « antilocataires »).
Il est temps d’assumer ouvertement l’union des droites, faute de quoi cela sera imposé tôt ou tard par les urnes. C’est aussi ce qui contraindra le RN à sortir des postures faciles et à droitiser son discours économique et budgétaire, contribuant ainsi à l’émergence d’une nouvelle bipolarisation.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas sain de laisser LFI et le RN en dehors du système : ils doivent l’un et l’autre assumer leur place au sein de leurs coalitions respectives et affronter l’épreuve difficile du pouvoir. C’est à ce prix que la démocratie sortira de sa crise actuelle.
Thomas Piketty, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris
Le Figaro, 15 décembre, article payant
Quand Houellebecq prophétisait Bayrou à Matignon et, moqueur, le jugeait «irremplaçable»
Dans Soumission, le romancier imaginait que «ce vieux politicien béarnais» était désigné par un président islamiste, élu en 2022 grâce à une alliance improbable des partis traditionnels avec un «Front musulman».
Extraits:
François Bayrou a déjà été le premier ministre… de Michel Houellebecq. Le 7 janvier 2015, l’auteur que beaucoup qualifient de prophète publiait Soumission , roman de politique-fiction dans lequel il imaginait l’islamisation progressive de la France. En 2022, cette dernière aurait amené au pouvoir un dénommé Ben Abbes, issu du parti de «la fraternité musulmane», porté au pouvoir par une coalition entre les partis traditionnels pour empêcher l’ascension du Rassemblement national. Or la condition de ce soutien de l’arc républicain, alliant la gauche, le centre et la droite, était la nomination d’un premier ministre de leurs rangs : François Bayrou.
Faisant étrangement écho à l’effervescence des derniers jours, Michel Houellebecq brossait dans ses pages l’émoi médiatique suscité par une telle alliance inattendue. «L’information éclata, en effet, peu après quatorze heures : l’UMP, l’UDI et le PS s’étaient entendus pour conclure un accord de gouvernement, un “front républicain élargi”, et se ralliaient au candidat de la Fraternité musulmane. (…)
«Tout cela était parfaitement attendu, prévisible ; ce qui l’était moins, c’était le retour de François Bayrou au premier plan de la scène politique. Il avait en effet accepté un ticket avec Mohammed Ben Abbes : celui-ci s’était engagé à le nommer premier ministre s’il sortait victorieux de l’élection présidentielle», poursuit l’écrivain à la page 150 du roman.
Il brosse ensuite un portrait moqueur de notre actuel premier ministre. «Le vieux politicien béarnais, battu dans pratiquement toutes les élections auxquelles il s’était présenté depuis une trentaine d’années, s’employait à cultiver une image de hauteur, avec la complicité de différents magazines ; c’est-à-dire qu’il se faisait régulièrement photographier, appuyé sur un bâton de berger, vêtu d’une pèlerine à la Justin Bridou, dans un paysage mixte de prairies et de champs cultivés, en général dans le Labourd. L’image qu’il cherchait à promouvoir dans ses multiples interviews était celle, gaullienne, de l’homme qui a dit non.»
[Dans un autre extrait], le protagoniste [du roman], François, professeur de littérature française à la Sorbonne et spécialiste du romancier du XIXe siècle Joris-Karl Huysmans, rencontre Alain Tanneur, agent des renseignements généraux prêt à prendre sa retraite. Ce dernier affirme alors : «Ce qui est extraordinaire chez Bayrou, ce qui le rend irremplaçable c’est qu’il est parfaitement stupide, son projet politique s’est toujours limité à son propre désir d’accéder par n’importe quel moyen à la magistrature suprême, comme on dit ; il n’a jamais eu, ni même feint, d’avoir la moindre idée personnelle ; à ce point, c’est tout de même assez rare. Ça en fait l’homme politique idéal pour incarner la notion d’humanisme, d’autant qu’il se prend pour Henri IV , et pour un grand pacificateur du dialogue interreligieux ; il jouit d’ailleurs d’une excellente cote auprès de l’électorat catholique, que sa bêtise rassure».
Hasard de calendrier, le jour même de la parution du livre en 2015, François Bayrou était l’invité politique de Radio France. Il a alors réagi au «trois ou quatre paragraphes» consacrés «à ma modeste personne et qui me décrit comme un nul pour simplifier». «Le sujet dont nous parlons, c’est une opération commerciale soigneusement montée, chapeau Flammarion !», fustigeait-il. «C’est fait pour vendre à partir d’une recette éprouvée qui est : créons un scandale, une polémique, surfons sur les sujets les plus brûlants, les plus agressifs», avait-il dénoncé.
Quelques heures plus tard à peine, un premier parallèle interprété par beaucoup comme prophétique se réalise. Alors que l’écrivain n’avait pas imaginé d’attentat dans Soumission, la rédaction de Charlie Hebdo, qui avait fait sa Une sur Houellebecq grimé en «mage prophète» vieilli et sans dent, était décimée par les frères Kouachi.
The Guardian, 14 décembre, libre accès
From farmer to premier: who is François Bayrou, the new French prime minister?
Tractor-driving ‘son of the soil’ has run for president three times and maintains solid ties to south-west France where he grew up
L’Express, 13 décembre, libre accès
“Revenir sur la réforme des retraites serait irresponsable” : l’appel d’universitaires économistes
Tribune. Le système de retraite actuel est profondément inégalitaire, en plus de ne pas être viable. Il faut non seulement augmenter la durée d’activité, mais aussi instaurer un régime unique et mieux répartir les efforts entre générations.
Extraits:
Comment appauvrir la population tout en exacerbant les inégalités intra et intergénérationnelles ? C’est l’exploit qu’est en passe de réaliser le système de retraite français. Derrière son apparente solidarité intergénérationnelle se cache une réalité plus sombre, où se conjuguent pauvreté et inégalités.
Le système de retraite français repose sur un modèle par répartition, dans lequel les cotisations des actifs financent directement les pensions des retraités. Chaque mois, environ un quart du salaire brut des actifs est prélevé et redistribué aux retraités. Le rendement de ce système, conditionné par son équilibre financier, dépend de la croissance démographique (ratio actifs/retraités) et économique (productivité). Selon une étude récente du Conseil d’orientation des retraites (COR), le rendement réel du système pour les générations partant actuellement à la retraite est inférieur à 1%. À titre de comparaison, une étude de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) indique que les actions ont offert un rendement réel annuel moyen de 10,4% au cours des 40 dernières années. Ainsi, un Français investissant 500 € par mois en boursependant 40 ans aurait pu accumuler un capital de plus de 3 millions d’euros (en euros constants). Au lieu de cela, le système de retraite lui versera moins de 300 000 euros. En obligeant les travailleurs à contribuer à un système peu rentable, la France entretient donc la pauvreté.
Outre son maigre rendement, ce système est aussi un puissant générateur d’inégalités au sein d’une même génération. En effet, si les cadres ont la possibilité de compléter leur retraite en investissant une partie de leurs revenus dans des actifs plus performants, la majeure partie du revenu disponible des ouvriers est prélevée et investie dans un système peu rentable. Par ailleurs, l’existence de régimes spéciaux, souvent plus avantageux que le régime général, accentue ces disparités. Pour certains de ces régimes, les cotisations ne couvrent qu’un tiers des pensions versées ; le reste est financé par des subventions d’équilibre, c’est-à-dire par l’ensemble des contribuables. Bien que certains régimes spéciaux soient appelés à disparaître d’ici 2025, du moins pour les nouveaux entrants, le régime des fonctionnaires – auquel plusieurs auteurs de cette tribune sont affiliés – est maintenu, malgré un déficit de plus de 50 milliards d’euros en 2023, également pris en charge par les contribuables.
Enfin, ce système engendre de profondes inégalités entre générations. Selon le COR, le taux de rendement interne du système, qui dépassait 2 % pour les générations du baby-boom, tombe à moins de 0,5 % pour celles nées après 1980. Cette baisse de rendement s’explique par les nombreuses réformes mises en œuvre depuis 30 ans pour tenter de préserver l’équilibre financier du système. Le niveau de vie moyen des retraités, comparé à celui de l’ensemble de la population, a fortement augmenté entre 1970 et 2015 (+50%), mais est appelé à diminuer pour les générations futures (-20% à horizon 2050). Les baby-boomers vont donc réussir l’exploit d’avoir un niveau de vie relatif plus élevé que celui de leurs parents, mais aussi plus élevé que celui de leurs enfants et leurs petits-enfants.
Depuis 2017, la dette française a augmenté de près de 1 000 milliards d’euros, dont la moitié est imputable aux retraites. En moyenne, les cotisations perçues ne couvrent que deux tiers des prestations versées. Revenir sur la réforme des retraites de 2023, ou celle de 2014, serait irresponsable. Pour assurer la viabilité du système de retraite, rétablir l’équité intergénérationnelle et éviter de léguer une dette insoutenable à nos enfants, il est essentiel : 1) d’allonger la durée d’activité ; 2) d’encourager le développement de la retraite par capitalisation ; 3) d’instaurer un régime unique de retraite ; 4) de mieux répartir l’effort entre les générations. Cela inclut la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % pour frais professionnels dont bénéficient les retraités actuels et le gel des pensions au-delà des six mois actuellement envisagés.
* Julien Albertini, maître de conférences, Université Lumière Lyon 2. Guillaume Bazot, maître de conférences, Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Xavier Fairise, professeur d’économie, Le Mans Université. Arthur Poirier, maître de conférences, Université Paris Dauphine-PSL. Anthony Terriau, professeur d’économie, Le Mans Université.
Le Point, 13 décembre, article payant
La proportionnelle est-elle la solution à la crise politique ?
CHRONIQUE. Emmanuel Macron n’a pas renoncé à son droit de dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale. Pour favoriser la formation de coalitions, il faut la proportionnelle.
Extraits:
History is again on the move, aimait dire le grand historien britannique Arnold Toynbee quand il observait que l’actualité du moment ramenait sur le devant de la scène de grandes figures décisionnaires affrontant des situations exceptionnelles, dignes de celles qu’il avait étudiées en tant que professionnel du passé. (…)
Mais il reste un endroit de la planète où l’histoire semble faire du surplace, ou peut-être régresser et c’est le nôtre… La crise politique provoquée par l’élection d’une Assemblée nationale sans majorité et dans laquelle coexistent trois groupes politiques d’importance comparable (193 NFP, 213 centre + LR et 142 RN avec Ciotti) et où les deux principaux exigent de former le gouvernement et d’exercer le pouvoir bloque toute capacité d’initiative politique. Alors même que notre pays, plongé dans une crise financière dont la gravité empire chaque jour, aurait besoin de décisions audacieuses et rapides, à la fois douloureuses mais comprises et acceptées par la société.
Le déficit de nos finances publiques et de nos budgets sociaux est insoutenable. L’heure est proche où les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels qui nous prêtent chaque année de quoi combler l’écart croissant entre recettes et dépenses vont comprendre que notre État n’est plus capable de rembourser ses dettes. Méfiants, ils exigent déjà des taux d’intérêt élevés. Demain, nous pourrions bien devoir recourir au FMI pour payer les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite. Comme on sait, cette institution ne sort d’affaire les États faillis qu’au prix de sacrifices extrêmement douloureux pour la partie de la population dont les revenus dépendent de l’État et de la redistribution sociale – et c’est le cas de la majorité de notre population.
Or, nous voilà replongés en pleine IVe République, époque de notre histoire politique où le « régime des partis » (disait de Gaulle) faisait écran à la volonté du peuple et privait de continuité l’action publique. (…)
Certes, la proportionnelle est plus démocratique que le scrutin majoritaire : elle n’accorde aucune sorte de prime à la coalition arrivée en tête. Et elle empêche aussi les accords du type « front républicain » qui, entre les deux tours des élections législatives de l’été dernier, ont permis de limiter sévèrement la poussée du Rassemblement national, aujourd’hui en tête des sondages. Mais ce mode de scrutin présente plusieurs défauts majeurs : il ne pousse pas aux rassemblements qui ont permis, jusqu’à tout récemment, de constituer de solides majorités parlementaires ; il livre aux dirigeants des partis et non aux électeurs le choix des candidats ayant des chances d’être élus ; il pousse à la multiplication des formations, à l’effritement opportuniste des partis existant.
Nos institutions étaient destinées à favoriser un système partisan bipolaire, où toute la droite (moins sa frange populiste) affrontait l’union de toute la gauche. Mais ce système avait dépassé sa date de péremption. (…)
On voit mal cependant comment sortir de l’impasse actuelle sans procéder, dès l’été prochain, à une nouvelle clarification. Pour éviter que la répartition des forces aboutisse au même type de blocage, il existe une solution : le rétablissement provisoire de la représentation proportionnelle.
François Mitterrand a usé de ce subterfuge pour tenter d’éviter une victoire trop écrasante de l’opposition de droite en 1986. Le Front national en avait bénéficié alors et l’actuel Rassemblement national demeure favorable à ce mode de scrutin ; il soutiendrait un gouvernement qui s’engagerait à l’instaurer, même à titre provisoire. Le centre, en perte de vitesse, y a intérêt également. Et la proportionnelle aurait pour mérite de mettre les partis politiques dans l’obligation de se convertir à une culture de la négociation et du compromis qui caractérise la vie politique de la majorité de nos voisins européens, comme l’Allemagne, le Danemark ou les Pays-Bas, gouvernés par des coalitions. Elle permettrait, en outre, aux partis de gauche de cesser d’être les otages de LFI pour obtenir un effectif raisonnable de députés.
Neue Zürcher Zeitung, 11 décembre, article payant
Plötzlich Europas grösstes Sorgenkind
Frankreich hat die Widrigkeiten von Pandemie und Ukraine-Krieg gut gemeistert. Doch nun ist das Land innert weniger Monate in eine historische Krise gerutscht. Wie konnte es so weit kommen?
Extraits:
Das Jahr 2024 ist noch nicht zu Ende, aber es ist klar, dass es in der französischen Geschichtsschreibung besondere Erwähnung finden wird. Im Sommer hat das Land die Olympischen Spiele ausgerichtet – ohne Zwischenfälle und vor allem mit einer spektakulären, weltweit beachteten Eröffnungsfeier. In diesem Sommer ist das Land jedoch auch in eine beispiellose politische Krise gerutscht, die ihren vorläufigen Höhepunkt am 4. Dezember erreichte.
Eine Mehrheit der Parlamentarier hat dem Premierminister das Vertrauen entzogen. Das ist in der fünften Republik erst einmal vorgekommen, 1962. Doch damals fanden umgehend Neuwahlen statt, was diesmal aus Verfassungsgründen nicht möglich ist. Nun hat Frankreich keine Regierung mehr und damit auch kein Budget für das kommende Jahr. Das hoch verschuldete Land wird auf absehbare Zeit nicht sparen. (…)
Emmanuel Macron jedoch steht heute, in der Mitte seiner zweiten Amtszeit, vor den Trümmern seines politischen Projekts. Und vor einem Schuldenberg, der mit 3,2 Billionen Euro so hoch ist wie noch nie. Frankreich ist damit plötzlich das grösste Sorgenkind Europas. Wie hat es so weit kommen können?
Seine Gegner zeigen nun alle mit dem Finger auf den Präsidenten. Doch so mächtig seine Position im französischen System ist, trifft Macron nicht die alleinige Schuld an der Misere. Drei Faktoren haben wesentlich zum Scheitern seines politischen Projekts beigetragen.
Erstens: Die starke Links-rechts-Prägung ist nicht verschwunden. Emmanuel Macron startete 2017 ein Experiment: Er versuchte, Frankreichs über Jahrzehnte festgefahrene Links-rechts-Logik zu brechen. (…)
Macron schaffte eine Alternative, nach der sich das Wahlvolk offenbar sehnte. Seine neu gegründete Bewegung En marche erreichte auf Anhieb eine absolute Mehrheit im Parlament. Doch inzwischen ist klar, dass der Präsident und seine Mitstreiter nicht nachhaltig überzeugt haben.
Einerseits liegt das daran, dass En marche (heute Renaissance) nie eine eigene Dynamik entwickelt hat und immer die «Macron-Partei» geblieben ist. (…) Die öffentliche Meinung tendierte schliesslich zu der Meinung, Macron sei ein «Rechter». Vor allem ehemalige Wähler der Sozialisten kehrten ihm den Rücken.
In der vorgezogenen Neuwahl vom vergangenen Sommer gehörte Macrons Partei zu den Verlierern. Zugelegt haben stattdessen sowohl die extrem linke Bewegung von Jean-Luc Mélenchon als auch das rechtsnationale Rassemblement national von Marine Le Pen. (…)
Zweitens: Aus der Krise findet Frankreich immer nur mit Geld. Die Staatsfinanzen waren schon in einem schlechten Zustand, als Emmanuel Macron das Amt von seinem sozialistischen Vorgänger übernommen hat. Frankreichs Staat gibt seit 1975 mehr aus, als er einnimmt, und seit der Finanzkrise 2008 ist die Schuldenquote auf über 100 Prozent der Wirtschaftsleistung gestiegen.
Frankreichs hohe Verschuldung ist ein strukturelles Problem. Die hohe Anspruchshaltung der Bürger an den Staat hat dazu beigetragen, dass die Schulden immer weiter stiegen. Wird es schwierig, muss der Staat die Bürger unter- und beschützen – Reformen bleiben dagegen meist weit hinter den Erwartungen zurück.
Auch konservative Regierungen haben dieser Logik nachgegeben. (…)
Schwer ins Gewicht fielen auch die Massnahmen gegen die finanziellen Auswirkungen der Pandemie und die Kosten des Ukraine-Konflikts. Frankreichs Regierung federte beides mit im europäischen Vergleich grosszügigen Subventionen ab. Bis heute hält etwa der Staat die Strompreise künstlich tief. Die Regierung hat sich damit den sozialen Frieden erkauft – aber zu einem sehr hohen Preis. Erwähnt werden muss auch, dass Macron sein Versprechen, am Staatsapparat zu sparen, nicht eingelöst hat.
Drittens: Die Persönlichkeit des Präsidenten ist Teil des Problems. Ein Präsident der Reichen, ein «Jupiter» oder ein moderner Monarch, der sich gar nicht für die Bevölkerung interessiert: So reden die Menschen in Frankreich über ihren Präsidenten, dessen Popularitätswerte über die Jahre immer schlechter geworden sind. (…)
Emmanuel Macron trägt eine Mitverantwortung an der gegenwärtigen Krise. Aber die Voraussetzungen dafür waren bereits gegeben. Die Gräben in der französischen Gesellschaft haben sich derart vertieft, dass das politische System, so wie es in den vergangenen 55 Jahren funktioniert hat, an seine Grenzen gerät. Wie auch in anderen europäischen Ländern bringen Wahlen keine eindeutigen Mehrheiten mehr hervor. Koalitionen könnten helfen, aber damit hat man in Frankreich bisher keine Erfahrung. (…)
Und so klagen die Französinnen und Franzosen weiter über die hohe Steuerlast, die grassierende Unsicherheit in manchen Quartieren, die Mühe, ihre Rechnungen zu bezahlen, und über das «widerliche» Spektakel, das die Abgeordneten in den vergangenen Monaten in der Nationalversammlung geboten haben.
Die Hoffnungen in Emmanuel Macron waren nicht nur gross, weil Emmanuel Macron viel versprochen hatte. Sein Erfolg vor bald acht Jahren war auch Ausdruck einer Mehrheit der Wählerinnen und Wähler nach einem grundlegenden Wandel. Sie warten bis heute.
https://www.nzz.ch/international/ploetzlich-europas-groesstes-sorgenkind-ld.1861444
Le Figaro, 11 décembre, article payant
Après la motion de censure, le sondage présidentiel choc
EXCLUSIF – Malgré le vote de la motion de censure, si la présidentielle avait lieu demain, Marine Le Pen verrait son score du premier tour progresser encore et l’écart se creuser face à ses adversaires Édouard Philippe ou Gabriel Attal. La gauche serait toujours absente du second tour.
Extraits:
L’étude réalisée par l’Ifop avec Fiducial pour le Figaro Magazine et Sud Radio montre que Marine Le Pen, loin de souffrir d’une déperdition d’une partie de son électorat à la suite de sa décision de voter la censure portée par le NFP, progresse si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu maintenant. « Elle gagne deux points par rapport à la même enquête de septembre, analyse Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. Elle est quasiment au niveau de François Mitterrand en 1974. » Réalisée à chaud, quelques jours après le vote de la motion de censure, cette étude montre la solidité du vote en faveur d’un candidat RN puisque Jordan Bardella lui aussi tient son rang au premier tour. Il n’y a donc aucun effet négatif des réquisitions au procès de Marine Le Pen, et encore moins du vote de la motion de censure ! Au moins au premier tour.
À gauche, Jean-Luc Mélenchon est toujours aussi dominant. Même quand François Hollande est testé, l’ancien président de la République ne progresse pas face à son rival de la France insoumise. Dans ce cas de figure, le total des voix qui se portent sur la gauche atteint péniblement les 26% ! (…) Les droites réalisent un total des voix historiquement très élevé : entre 47% et 53% selon les hypothèses ! Une addition qui n’inclut pas les suffrages qui se portent sur Édouard Philippe.
https://www.lefigaro.fr/politique/apres-la-motion-de-censure-le-sondage-presidentiel-choc-20241211
Le Figaro, 11 décembre, article payant
Bertille Bayart : «Le coût exorbitant d’une majorité de non-censure»
CHRONIQUE – Paradoxe : la censure votée au nom de la rupture va accoucher d’un nouvel «en même temps» budgétaire, autrement dit d’un «quoi qu’il en coûte».
Voir « Article du Jour »
Le Figaro, 10 décembre, article payant
Nouveau gouvernement : Manuel Bompard appelle ses partenaires de gauche à «ne pas céder aux sirènes d’une grande coalition»
Le coordinateur de la France insoumise, qui n’est pas convié à la réunion à l’Élysée cet après-midi, a estimé qu’il n’y avait aucun terrain d’entente possible entre la gauche, les macronistes et LR.
Extraits:
(…) «Comment pouvez-vous imaginer que vous allez constituer un gouvernement commun ?», a-t-il interrogé, soulignant les divergences entre des partis sur des sujets qu’il juge fondamentaux tels que les retraites, l’impôt sur la fortune ou encore l’augmentation du Smic. Craignant l’explosion du Nouveau Front populaire (NFP), Manuel Bompard a appelé ses partenaires de gauche «à ne pas céder aux sirènes et à la tentation d’un gouvernement d’union nationale ou d’une grande coalition». (…)
Le Figaro, 7 décembre, article payant
Loris Chavanette : «Notre crise parlementaire n’a rien de nouveau, c’est pour cela qu’elle est grave»
FIGAROVOX/TRIBUNE – Passée au prisme du temps long de l’histoire depuis la Révolution française, la censure du gouvernement Barnier traduit notre difficulté à articuler les pouvoirs législatif et exécutif, analyse l’historien Loris Chavanette.
Historien, spécialiste de la Révolution française et du Premier Empire, Loris Chavanette a notamment publié Le 14 Juillet de Mirabeau. La revanche du prisonnier (Tallandier, 2023) et La Tentation du désespoir (Plon, 2024).
Voir « Article du Jour : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/7-decembre-2.pdf
Le Point, 6 décembre, article payant
Nicolas Baverez : L’étrange défaite de la France d’Emmanuel Macron
Économie en berne, explosion des faillites, fuite des investisseurs… Le naufrage de notre pays est le fruit de l’inconséquence de la classe politique, entre querelles d’ego et jeux de pouvoir.
Extraits:
La France, à la suite de la dissolution insensée de juin 2024, solde douloureusement quatre décennies de déclin et de refus de s’adapter au monde du XXIe siècle. Le narcissisme et l’inconséquence d’Emmanuel Macron ont transformé un lent décrochage en crise sans précédent depuis la fin de la IVe République.
Pour avoir accumulé et dilapidé 1 000 milliards d’euros de dette publique supplémentaire en sept ans, la portant à 3 300 milliards, soit 113 % du PIB, notre pays est touché par un violent choc financier. L’activité économique est en panne ; les faillites explosent ; le chômage remonte ; les investisseurs se détournent massivement avec désormais pour mantra « tout sauf la France ».
Les institutions de la Ve République que l’on pensait indestructibles sont paralysées et l’État s’abîme dans l’impuissance, situation inconnue depuis la révolution introuvable de Mai 68. Discréditée et marginalisée en Europe, la France accumule les humiliations, avec pour dernier avatar la rupture des accords de défense et le départ de nos soldats du Sénégal et du Tchad, qui actent définitivement une piteuse sortie d’Afrique.
La brutale accélération de la crise prend sa source dans la perte totale de contrôle des finances publiques à partir de 2023, qui s’est amplifiée en 2024, avec un déficit de 6,2 % du PIB au lieu de 4,4 %. Cet écart n’est pas lié à des erreurs de prévision mais à l’occultation volontaire de la situation financière de l’État, dont la synthèse est effectuée chaque semaine, en raison des élections européennes et des Jeux olympiques de Paris.
La raison profonde de la dissolution, précipitée et aberrante, est à chercher dans cette dégradation cachée des comptes publics. (…)
La France affronte aujourd’hui une situation critique, car elle se trouve prise en étau entre un projet de loi de finances dévastateur pour l’économie et une possible absence de budget doublée de la chute du gouvernement, qui pourrait provoquer une panique financière.
ichel Barnier avait hérité d’une mission impossible, qui consistait à reprendre la maîtrise des finances publiques sans bénéficier ni du soutien du président de la République, ni d’une majorité même relative à l’Assemblée, ni du temps nécessaire à l’élaboration d’un budget qui s’appuie sur une stratégie économique crédible.
L’objectif qu’il s’était fixé, lors de son discours de politique générale du 1er octobre, de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025 et 3 % du PIB en 2029, grâce à un effort inédit de 60 milliards d’euros portant en priorité sur des économies, était raisonnable. Il a malheureusement été dévoyé par la technocratie de Bercy puis par le débat parlementaire, qui l’ont transformé en arme de destruction massive de l’économie. (…)
Face à la montée du risque de censure, Michel Barnier avait concédé la non-indexation des retraites à Laurent Wauquiez, la réduction des allègements de charges à Gabriel Attal, la renonciation à la hausse des taxes sur l’électricité à Marine Le Pen. Au total, le choc fiscal sur les entreprises et les ménages aisés est aggravé ; les dépenses poursuivent leur course folle ; le déficit pour 2025 s’établira entre 6 % et 7 % du PIB. (…)
La France risque de se trouver privée de gouvernement et de budget au plus mauvais moment. Alors que l’économie est à l’arrêt, que le chômage remonte avec la multiplication des plans sociaux, que les capitaux, les entrepreneurs et les investisseurs étrangers fuient, la crise financière a démarré, puisque notre pays emprunte à des taux plus élevés que l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Quelques fonds ont déjà commencé à vendre massivement la dette française et à spéculer sur son défaut. Les conséquences sont immédiates sur sa charge, qui dépassera 55 milliards en 2025, soit l’équivalent du budget de la défense. (…)
Compte tenu de la « dimension systémique » de la France, le choc gagne la zone euro avec une divergence inquiétante des primes de risque entre les États membres et le recul de la monnaie unique face au dollar, dopé par l’élection de Donald Trump. (…)
Or la chute de Michel Barnier transformera la crise politique en crise de régime. Contrairement à l’Italie de la coalition des populistes, au Royaume-Uni sous Liz Truss ou à l’Allemagne d’Olaf Scholz, qui pourrait céder le pouvoir à Friedrich Merz, il n’existe pas aujourd’hui d’alternative crédible en France. (…)
Le naufrage de la France n’est pas imputable aux Français, mais à l’irresponsabilité sans limite de la classe politique, qui poursuit ses querelles d’ego et ses jeux de pouvoir en parfaite déconnexion des réalités économique, sociale et géopolitique. (…)
La France d’Emmanuel Macron renoue ainsi avec l’« étrange défaite » des années 1930, dont Marc Bloch fut l’historien et l’analyste : « Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n’était pas, je crois, incapable en lui-même de choisir les voies droites, qu’avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n’est possible ? Rien en vérité. Telle fut, certainement, la grande faiblesse de notre système prétendument démocratique, tel, le pire crime de nos prétendus démocrates. » (…)
Il est encore temps de désarmer la machine infernale de la panique financière, qui implique à terme la mise sous tutelle de la France par le FMI, l’Union européenne et la BCE. Il est encore temps de conjurer la tentation d’une expérience autoritaire. (…)
Mais il faut pour cela casser l’institutionnalisation du mensonge et l’irresponsabilité des dirigeants, qui ont fait basculer les Français dans la colère, les passions collectives et l’irrationalité. (…) Travaillons surtout à un projet de redressement de la France qui passe par le départ d’Emmanuel Macron, par une rupture effective avec le malthusianisme et la démagogie, par le retour au principe de réalité et à une morale de la responsabilité.
Wall Street Journal, Editorial Board, 7 décembre, article payant
The Resurrection of Notre Dame Cathedral
The French welcome the world to the reopening of the great Gothic church.
Extraits:
This weekend the great cathedral of Notre Dame reopens on the Île de la Cité in Paris. The reopening comes little more than five years after a devastating fire. At the time, the promise to rebuild Notre Dame in five years must have seemed impossible to millions who watched in horror as its famed spire collapsed from the heat.
President Emmanuel Macron deserves credit for this achievement. In the immediate aftermath of the destruction, all sorts of bizarre plans were pitched, including one that called for a swimming pool on the roof and another for a glass spire.
But the people of France made clear they wanted their beloved Notre Dame back “à l’identique”—exactly how it was—and in the end Mr. Macron wisely obliged. With political frustration running hot in Paris amid the ouster of a Prime Minister this week, the French public deserves the boost to national pride that the reopening will provide. (…)
Notre Dame’s reopening begins Saturday, with the first Mass scheduled for Sunday. It speaks to continuity: A cathedral whose construction began in 1163, centuries later, still serves its original purpose of worshipping God. To believers and nonbelievers alike, that itself might seem a miracle.
Eurotopics, 6 décembre, article payant
Where does France stand after government collapse?
Extraits:
Neue Zürcher Zeitung (CH) / 05 December 2024
Time for a technocratic government
In view of the prevailing majority situation, the Neue Zürcher Zeitung considers a non-partisan cabinet to be the best solution:
“A head of government and a cabinet whose members are not party-affiliated or are at least respected beyond party boundaries. What has already been done several times in Italy would be an experiment for France. But right now it seems to be the best solution. After all, the last few months have shown that the dominant parties in the National Assembly are not prepared to come together and reach a compromise in the interests of the country – not even when it comes to something as fundamental as a budget. A technocratic government could provide stability for a while because it represents a consensus, albeit a small one.”
Dnevnik (SI) / 06 December 2024
Le Pen is taking a big risk
Dnevnik examines Marine Le Pen’s role of in the collapse of the French government:
“Le Pen is said to have decided to bring down Barnier’s government because she hopes that the resulting political destabilisation will prompt Macron to resign, paving the way for her to win the early presidential election. In other words, before 31 March, when she could be banned by a court from holding public office for using money intended to pay the salaries of her MEPs’ assistants to finance her party in France. However, Le Pen could become the main culprit in the worsening financial and economic crisis, which is being exacerbated by the political crisis and the vote of no confidence against the government.”
Le Figaro (FR) / 05 December 2024
The French must revolutionise themselves
Macron’s resignation won’t solve the crisis, explains Jean-Eric Schoettl, former secretary general of the French Constitutional Council, in Le Figaro:
“We are witnessing the breakdown of the belief system that gave our political life a bipolar structure. This had many repercussions in elections: the impossibility of finding majorities, more votes against than in favour. If the political crisis is coupled with an institutional crisis, it is not because the institutions are failing but because they are struggling to keep up with the multipolarisation of opinion. … How do we get out of this? Not through institutional tricks such as the resignation of the president, proportional representation or participatory democracy, but through a revolution in each and every one of us: rediscovering a sense of belonging to the nation; placing the general interest above our quarrels.”
De Telegraaf (NL) / 06 December 2024
Reduce the debt now
De Telegraaf urges France to solve its budget problems:
“The interests of the Eurozone are at stake here. If France becomes the new Greece, the economic catastrophe cannot be overlooked. … French politics will need time to break the deadlock. But the message from Brussels will have to be consistent. The government has collapsed over the budget, but the country cannot avoid the task of putting its finances in order. … Our monetary union is only credible if all countries honour the agreements.”
Wall Street Journal, 6 décembre, article payant
French Government’s Collapse Lands Macron in a Minefield
Calls for French president to step down come from left and right
Extraits:
PARIS—The collapse of France’s government is amplifying questions about whether the country’s divisive and at times impetuous leader, President Emmanuel Macron, is suited to resolve the country’s political crisis.
The critique from lawmakers—many of whom voted to oust Michel Barnier as prime minister in a no-confidence vote on Wednesday—is rooted in the idea that the current crisis is largely of Macron’s own making. It was Macron who opportunistically called snap parliamentary elections last summer, only to see France saddled with a hung National Assembly that is now struggling to pass a 2025 budget and stave off a panic among investors.
The calls for Macron’s resignation are mainly coming from the furthest ends of the political spectrum, but they are likely to grow louder the longer Macron takes to bring an end to the crisis.
Macron delivered a national TV address on Thursday that charted a course forward. (…) The president also sought to silence any chatter on a matter once considered unquestionable: his willingness to remain in office. (…)
Investors are jittery. French stocks have fallen sharply in recent weeks and the premium investors demand to hold the government’s long-term debt has risen to its highest level since the eurozone debt crisis of 2012. On Thursday, France’s borrowing rate briefly eclipsed that of Greece. (…)
“There is a strong possibility that a prime minister appointed this week will last an even shorter time than Barnier,” said Mujtaba Rahman, managing director for Europe for the Eurasia Group consulting firm. (…)
A fresh presidential election wouldn’t necessarily help solve the current political crisis. A new president wouldn’t be able to call for new parliamentary elections until July under French law that only allows a dissolution of parliament once every 12 months, said Dominique Rousseau, a professor of constitutional law at the Panthéon-Sorbonne University in Paris. A newly elected leader would still have to wrangle a National Assembly divided between Macron pro-business allies, Le Pen’s ranks and the New Popular Front.
“The political impasse we’re in doesn’t hinge on Emmanuel Macron,” said Rousseau. (…)
Le Figaro, 6 décembre, article payant
Édouard Tétreau : «Et si la France, exsangue, avait tout intérêt à s’inspirer des méthodes d’Elon Musk?»
TRIBUNE – Le nouveau codirecteur du département de l’Efficacité gouvernementale a promis de réduire le budget fédéral américain de 2000 milliards de dollars. S’il n’est pas sûr qu’il y parvienne, il est en revanche certain que la France, dont l’État est à la dérive, a besoin d’un électrochoc similaire, pointe l’essayiste.
Dernier ouvrage paru : Les États généraux en 2022 (Éditions de L’Observatoire, 2020).
Extraits:
In Musk we trust ? Alors que la France démarre une crise politique majeure, par la seule responsabilité du président de la République et sa dissolution imbécile, l’Amérique de Donald Trump propose, sinon un exemple, en tout cas un chemin possible. Celui que va emprunter Elon Musk, nommé codirecteur du DOGE – le département de l’Efficacité gouvernementale. Mission Impossible 9 : réduire le budget fédéral de 2000 milliards de dollars (sur 7000 milliards). Moins 29 % d’ici au 4 juillet 2026, pour les 250 ans de l’indépendance américaine. « Ce sera plus facile d’aller sur Mars », ironisait Mick Mulvaney, l’ancien directeur de cabinet de Donald Trump.
Dans une longue tribune au Wall Street Journal la semaine dernière, Musk présente les principes de son action massive à venir (…). L’exposé est étrangement familier pour un lecteur français en 2024. Il commence par fustiger la prise en otage de la démocratie américaine par une cohorte de fonctionnaires non élus s’attribuant des pouvoirs effectifs très au-delà de ce que leur confient la loi et le Parlement – et totalement antagonistes avec l’esprit et la lettre de la Constitution américaine. « The Land of the Free », le pays des hommes libres, serait devenu le pays de l’asservissement à un monstre bureaucratique. Aux armes, citoyens. Les coupes proposées par Elon Musk et le codirecteur du DOGE, Vivek Ramaswamy, se feront par décrets. (…) On peut prendre au sérieux les recommandations d’un homme qui a licencié 80 % des effectifs de Twitter après avoir racheté l’entreprise 44 milliards de dollars. (…)
Vue de Paris, cette liste peut faire rire les uns, effrayer les autres. Ou nous inspirer. Si l’Amérique de Trump se sent contrainte par des normes pléthoriques qui étouffent le pays, une administration pantagruélique qui a pris le pouvoir au peuple et aux élus, alors que sa dépense publique représente à peine un quart de son PIB, que dire de notre asphyxie, avec une dépense publique représentant plus du double (58 % de notre PIB) ? Une armée de fonctionnaires d’État aussi nombreuse que les fonctionnaires fédéraux aux États-Unis (plus de 2,5 millions), pour une population cinq fois plus petite ? (…) Une machine à fabriquer de la dépense publique, devenue totalement folle et hors de tout contrôle : l’indépassable erreur de calcul à 40 milliards (!) pour le budget 2024 en est la preuve. Elle révèle un État que plus rien ni personne ne dirige ou ne contrôle, à l’Élysée, à Matignon, à Bercy ou au Parlement.
S’il n’est pas sûr que Musk réussisse aux États-Unis, il est en revanche certain que nous avons besoin en France d’un électrochoc similaire, mais à la française. (…)
L’affaire n’est pas sans risque, et ne se fera pas sans douleur : le code civil est venu après la Révolution, et la Constitution de la Ve République après une crise de régime. La période que nous vivons, avec un président chaque jour plus incapable de présider (…) et un Parlement sans majorité pour légiférer, annonce peut-être une « tempête » financière, économique et sociale. Mais très certainement des changements radicaux, et vitaux, pour la nation. Il s’agira alors, à l’image de l’Amérique, de choisir le risque de la vie, de la liberté. Choisir le risque de la démocratie, et donc celui de l’échec ou du succès, plutôt que la certitude de la mort lente par asphyxie. « Il faut accepter de tout perdre. Sinon, quoi ? Le risque non plus ne se divise pas. » Ce n’est pas du Elon Musk, mais du de Gaulle (Mémoires de guerre).
The Economist, 6 décembre, article payant
Barnier’s exit : Emmanuel Macron loses another prime minister
Michel Barnier’s fall accelerates the unravelling of the French centre
Extraits:
Emmanuel Macron, France’s president, had barely landed from Saudi Arabia when he lost another prime minister, his third this year. In a no-confidence vote on December 4th, an unholy alliance of the left and Marine Le Pen’s hard-right National Rally (RN) brought down Michel Barnier, a conservative with whom Mr Macron has shared power since September, by a total of 331 deputies, 43 more than was needed. The vote followed Mr Barnier’s use of a special provision to force his budget through parliament. It marks the first time deputies have toppled a government since 1962. With Mr Barnier, the budget falls too, plunging France into yet more political instability. Mr Macron’s great centrist project is unravelling fast. (…)
Mr Macron seems to want to appoint a successor swiftly. A new team, or the old one, could use special measures to roll over this year’s budget provisions, without inflation adjustments, into 2025. Various veteran centrists or conservatives could be stop-gap options. Some centrists are pushing the president to name a figure from the moderate left, in an attempt to split the left-wing alliance. Whoever takes over, however, the underlying problem remains: a deadlocked lower house split into three blocs and a chronic inability to forge cross-party compromise. (…)
It is all a long way from the great hope the Macronist centre once represented. When Americans first put Donald Trump in the White House, Mr Macron was transforming soggy centrism into a powerful pro-European post-partisan platform. Twice he kept Ms Le Pen from the presidency. Borrowing ideas from left and right, Mr Macron built the centre into a force for consensus and stable government.
Thread by thread, this achievement is unravelling. (…)
The unravelling, or détricotage, of Mr Macron’s power at home has been abrupt. The president still runs defence and foreign affairs. But under Mr Barnier domestic policymaking swung firmly to the prime minister. (…)
Power-sharing has had two other consequences. First, it reinforced Mr Macron’s isolation. (…)
Second, it rearmed parliament, creating a “triangular power relationship”, notes Roland Lescure, a centrist deputy and ex-minister. The prime minister’s ousting is the starkest evidence yet of parliament’s new clout, and Ms Le Pen the greatest beneficiary, although she may hesitate before trying it again. (…)
In shorter supply are ideas. Mr Macron’s central insight was that on big issues—Europe, climate change, technology—moderates from left and right are closer to each other than to their sides’ extremes. A post-partisan movement, he argued, could forge a different majority and “unblock” France. Once in office, however, Mr Macron bequeathed less a party than a “residual fan club”, says an insider. Now in charge, Mr Attal “understands that he needs to build an army, not just operate a small commando”, says a fellow deputy. But he inherits few activists or members. The party neither produces serious policy papers nor organises many conferences or debates. It is not too late to “renew its software”, argues Clément Beaune, a former minister and senior party figure. But individual ambitions and structural weakness will make collective work difficult. (…)
Mr Trump’s re-election underlines a third condition: the need to understand and respect those who vote for populists. The complex policy trade-offs that shape centrist politics do not lend themselves to simple messages. Nor, as Mr Macron has learned, is it enough to create more jobs, lure investors or keep inflation low if people do not feel you are fighting for them.
Post-partisan centrism may survive. “It remains 100% pertinent,” argues Mr Le Maire: “The left-right divide is totally inefficient in dealing with the big challenges of our day.” Or it could turn out to be a parenthesis, replaced by the party system it overthrew, or far worse. This week’s drama is a sobering reminder of the centre’s fragility and its eroding capacity to bring about the stability that France needs. ■
https://www.economist.com/europe/2024/12/04/emmanuel-macron-loses-another-prime-minister
Le Point, Opinion, 6 décembre, article payant
PS : le guet-apens de la motion de censure
LE QUARTIER LIBRE DE SERGE RAFFY. Quoi qu’ils disent, les dirigeants socialistes sont désormais associés à Marine Le Pen par leur vote commun sur la censure du gouvernement Barnier. Une marque indélébile ?
Extraits:
Ils n’ont donc pas tremblé. Ils ont appuyé sur le bouton comme un seul homme. Ils ont participé au délitement des institutions de la Ve République. En jouant les fiers-à-bras, prêts à toutes les concertations dans le cadre du Front républicain, déjà obsolète, en prenant le ton d’imprécateurs populistes, revendiquant la suprématie de l’Assemblée nationale sur l’exécutif, tel Boris Vallaud, leur tribun de circonstance.
Les députés socialistes ont donc plongé le parti de Léon Blum, de François Mitterrand et de Michel Rocard dans le choix vertigineux de se lier historiquement à un vote du Rassemblement national, parti qu’ils honnissaient pourtant jusqu’à la nausée. Ils pourront chercher toutes les explications à leur vote, ils seront, pour toujours, objectivement liés à Marine Le Pen par cette motion de censure sur le projet de budget de la Sécurité sociale.
Ce n’est, bien sûr, pas une alliance, ni même un mariage forcé, mais un fait, un simple constat. Ils ont laissé leurs noms au bas d’un parchemin, avec l’ennemi juré. (…)
La tartufferie est tellement énorme qu’elle a tout de même bien du mal à passer. Curieusement, ce saut dans l’inconnu ne dérange pas les 66 députés PS outre-mesure. À l’exception de l’élue de Lozère Sophie Pantel, seule à se lever contre tous, telle Jeanne d’Arc, la seule à évoquer l’intérêt supérieur du pays, il n’y a donc pas eu le sursaut de dernière minute que beaucoup attendaient de la part des représentants français de la social-démocratie.
Pour sauver les meubles et se donner bonne conscience, ils évoquent aujourd’hui la signature d’un pacte de non-censure à l’Assemblée nationale avec le prochain gouvernement, au cas où Emmanuel Macron appellerait l’un d’eux à Matignon. Autre tartufferie. Que deviendrait, en effet, la coalition du Nouveau Front populaire dans cette hypothèse, sachant que Jean-Luc Mélenchon veut en finir avec ce tunnel de cohabitation en toc, provoquer une forme d’insurrection à la mode bolchevique dans une France sans tête, et avant tout de faire tomber Emmanuel Macron au plus vite ?
Autre point pas vraiment clarifié : le PS se sortirait-il enfin des griffes du mouvement mélenchoniste, pour reprendre sa liberté de manœuvre ? Interrogés sur toutes les antennes, les malheureux dirigeants socialistes bottent en touche, procrastinent piteusement, n’assumant pas les critiques qu’ils profèrent à voix basse contre les Insoumis. Qu’attendent-ils pour sortir de la nasse dans laquelle ils se sont englués ?
Quoi qu’ils fassent désormais, il leur faudra assumer leur choix, celui de ce mercredi 4 décembre 2024, où ils ont joué avec le feu, en s’associant au couple Mélenchon-Le Pen. Pour les livres d’histoire, ils seront associés aux 87 députés SFIO qui ont voté, en 1940, les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Contre Léon Blum et une poignée de ses proches. L’Histoire est souvent impitoyable, mais il n’est jamais inutile de ne jamais l’oublier.
Wall Street Journal, Editorial, 6 décembre, article payant
Marine Le Pen to the Markets: Drop Dead
The right-wing leader brings down the French government.
Extraits:
Who’s afraid of Marine Le Pen? Everyone in the European establishment, after her National Rally party on Wednesday toppled the French government. She took down the Prime Minister of the European Union’s second-largest economy with the help of the French left.
The context is France’s economic fever, which has now deteriorated into political delirium. Financial markets are worried about France’s fiscal woes after its projected deficit for 2024 came in at 6.1% of GDP, more than double the eurozone’s maximum standard. (…)
Blame President Emmanuel Macron for bringing this mess on himself and France. (…)
Delulu, as the kids say. (After snap elections this summer) Mr. Barnier had to manage a parliament split among three factions. National Rally and the leftists have only three things in common: animus for Mr. Macron, loathing for each other, and a refusal to cut French social spending.
The good news for markets is that parliament can provisionally extend revenues and expenditures on the lines of the last budget. (…)
Neither National Rally nor the leftist New Popular Front has an idea for reviving France’s lethargic economy. Generous unemployment benefits encourage too many work-capable French to remain jobless. About half of French businesses face a heavy regulatory burden, compared to a third of their counterparts elsewhere in the eurozone, the European Commission reported this year.
The French political stasis will continue until a financial crisis breaks out or the voters give one party a clear mandate. Ms. Le Pen might consult Prime Minister Kyriakos Mitsotakis about how he revived Greece. Then she might be able to put a government together rather than merely take it down.
The Economist, Leader, 5 décembre, article payant
Into the unknown : France’s parliament fires the prime minister
The country now has no budget and no government
Extraits:
ON DECEMBER 7th, 50 heads of state and government will take their places to celebrate the reopening of Notre Dame, Paris’s 12th-century Gothic cathedral, gutted by fire five years ago but now restored with astonishing speed and loving skill. Donald Trump will be there (Joe Biden, only the second Catholic president of America, sadly will not) to witness France at its best. It has pulled off, on time and to budget, a feat of craftsmanship and renewal that surely no other country could have managed.
Yet that same magnificent France is also mired in a deep political crisis. The government was sacked by parliament on December 4th. Its prime minister, Michel Barnier, had tried to force through his budget for 2025 two days earlier, but met the brutal reality of life without a majority and became the shortest-serving prime minister of the Fifth Republic. In a grubby political compact Marine Le Pen, boss of the hard-right National Rally (RN) party, joined forces with a left-wing alliance dominated by a former Trotskyite, Jean-Luc Mélenchon, to squeeze the life out of France’s centrists.
France’s plight holds lessons. The country’s traditional parties of centre-left and centre-right have fragmented. In its recent presidential elections, half of voters have opted for extremists in the first round. President after president has failed to get the budget under control. An ageing population and growing threats to national security mean that the fiscal burden will grow. The country’s crass and obstructive political discourse only accelerates the drift to the extremes—and thereby makes solutions harder. In one way or another, much of Europe is caught in the same wretched trap.
The result, in France at least, is gridlock. (…)
The underlying problem is that most French voters are unwilling to face economic reality. Like other ageing European countries facing competition from America and Asia, France is spending unsustainably. This year its budget deficit is forecast to exceed 6% of GDP. Mr Barnier, at Mr Macron’s behest, was trying to fix that. His package of €40bn ($42bn) in spending cuts and €20bn in tax rises would have brought the shortfall down, though only by a percentage point or so. Even that was too much for the irresponsible right and left, which would rather chase power by fanning popular discontent.
It is hard to see how this can be resolved. Until voters rediscover the merits of frugality, they will go on voting for the fantasies peddled by the extremes. Sensible, ie painful, budgets will not be passed. Economic growth would make all that easier, but France is growing by barely 1% a year—not too bad for the euro zone, but not nearly enough to make a dent in the budgetary problem. France’s debt stock is an alarming 110% of GDP. Northern Europeans used to mock the PIGS—Portugal, Italy, Greece and Spain—for their profligate ways. France has now turned porcine, while the PIGS have largely reformed.
So far, the financial markets have remained calm. (…)
Across the continent the demands on government spending are increasing. Defence is a good example. France, like Germany, only just meets the target set in 2014 of 2% of GDP to be spent on defence, and that is plainly not enough in a world where Vladimir Putin menaces his neighbours. At the same time, Mr Trump rightly complains that European members of nato are free riders on American defence spending. Either because Mr Trump demands it or because he starts to withdraw from NATO, European countries will need to find a lot more money to spend on security.
Unfortunately, Europe’s governing politicians are unable to generate a consensus on how to pay for existing and future spending. (…)
In the past, voters’ discontent would have led to a healthy change of government. However, France is also a stark warning of where the politics of disappointment leads today. When voters have tired of centrist coalitions or weak minority governments, the only other choice before them is the political extremes. There is a real possibility of an RN-led government in France next year, or even a Le Pen presidency in 2027 when the next election must be called. If Mr Macron stuns France by deciding that his presidency has become so unbearable that he resigns, it might come even sooner. ■
https://www.economist.com/leaders/2024/12/04/frances-parliament-fires-the-prime-minister
😮 Le Monde, éditorial, 5 décembre, article payant
Censure du gouvernement : le risque d’une crise institutionnelle
L’échec du gouvernement Barnier reflète la difficulté de la France à basculer dans une culture de compromis. D’ici au mois de juin 2025, date à laquelle s’ouvrira la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, deux dangers sont à conjurer : le blocage, conjugué à l’emprise croissante de l’extrême droite.
Extraits:
Décidée lundi 2 décembre par Marine Le Pen, acquise deux jours plus tard à une confortable majorité de 331 voix, la chute du gouvernement Barnier est un nouveau symptôme de la profonde crise que traverse le pays. En choisissant, sans la moindre vergogne, de mêler ses voix à celles de la gauche en réaction au déclenchement de l’article 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la cheffe du groupe parlementaire Rassemblement national (RN) a démontré qu’elle avait pouvoir de vie et de mort sur un gouvernement qui avait été laborieusement constitué à peine trois mois plus tôt pour tenter de remettre de l’ordre dans les comptes publics. (…)
L’échec du gouvernement Barnier reflète la difficulté du pays à basculer dans une culture de compromis, alors que l’Assemblée nationale est figée dans ses équilibres actuels au moins jusqu’en juin, date à laquelle s’ouvrira la possibilité d’une nouvelle dissolution. D’ici là, deux dangers sont à conjurer : le blocage, conjugué à l’emprise croissante de l’extrême droite.
La facilité avec laquelle Marine Le Pen a eu raison du « socle commun » composé de partis rivaux et mal arrimés, Les Républicains (LR) d’un côté, l’archipel du centre de l’autre, est la démonstration implacable que tant que la gauche, dans sa totalité, se situera ou sera maintenue dans l’opposition, le RN sera assuré de mener la danse. (…)
Une coalition n’a de chance de tenir que si un accord préalable entre les parties est conclu. Plus elles sont nombreuses, plus s’accorder est délicat. Cela demanderait du temps alors que le pays n’a plus le luxe d’attendre. A gauche, au centre, à droite, chacun est mis au pied du mur, sans possibilité de défausse.
Eurotopics, 5 décembre, libre accès
The government in France has been ousted.
The right-wing populist Rassemblement National (RN) voted in favour of a motion of no confidence tabled by the left-wing opposition parties, securing a majority of MPs against the government of Prime Minister Michel Barnier. Commentators discuss what comes next for France and President Emmanuel Macron.
Wall Street Journal, Guest Essay, 5 décembre, article payant
Emmanuel Macron’s Wager Pays Off for Marine Le Pen
The government’s collapse leaves the right-wing populist with her best shot at the French presidency.
Extraits:
Michel Barnier gained the ignominious title Wednesday of the shortest-serving prime minister in the history of France’s Fifth Republic. Yet he may be breathing a sigh of relief. It’s President Emmanuel Macron who is really on the ropes. The government’s collapse is largely his doing, and the resulting chaos leaves a pressing question only he can answer: Will the president finish out his full, final term through 2027?
Mr. Macron was elected in 2017 as a youthful, optimistic insurgent who upended the longstanding French duopoly of Socialists and center-right Republicans. Time and again he has shattered the high hopes surrounding his presidency, culminating this week in the first time a French government has lost a no-confidence vote in over six decades.
This political mess originated in the huge, failed gamble Mr. Macron made in June, when he dissolved Parliament much earlier than the law required. He bet voters would back his centrist coalition. (…)
This immediate line of causation shows that France’s crisis is primarily political, not economic. To be sure, the country’s economic outlook is ugly too. (…) ut the current chaos has more to do with the political weakness of Mr. Macron. The trigger for Mr. Barnier’s removal was his budget proposals to try to reduce France’s huge fiscal deficit, which has grown under Mr. Macron’s presidency despite first-term reforms. Attempts to address this, however, have met with huge political opposition from the left and far right. (…)
But that doesn’t make Paris’s problems easy to resolve. No immediate solution presents itself. (…)
This is perhaps the worst time for France to have a meltdown. The European Union will face one of its most challenging years in 2025, not least because of the possibility of new trade conflict with Donald Trump. But its two largest economies, France and Germany, are likely too consumed with political infighting to be much help. It’s not so unusual for either Berlin or Paris to fall into domestic squabbles, but it’s rare for such pressing political challenges to occur in both at the same time. (…)
By far the most likely scenario remains that Mr. Macron will limp along until 2027, possibly in a period of so-called cohabitation with a government not of his political colors. But there is also a possibility he will resign before 2027, as Charles de Gaulle did in 1969 amid growing unpopularity.
When Mr. Barnier served as the EU’s chief Brexit negotiator, he was fond of reminding London that “the clock is ticking.” Now that phrase may cut a bit too close to home for him and his government partners, especially Mr. Macron.
Mr. Hammond is an associate at LSE Ideas at the London School of Economics.
L’Express, Opinion, 5 décembre, article payant
Le prochain Premier ministre devra enfin faire preuve de courage, par Pierre Bentata
Idées. Ayant refusé les réformes qui s’imposent, tous les partis sont responsables de la crise actuelle, au même titre que l’ensemble des citoyens français. Un véritable travail d’équipe, cingle l’économiste.
Extraits:
La France défaille. L’Etat est paralysé, embourbé dans une crise institutionnelle qui ne se résorbera pas de sitôt. Blocage politique qui annonce un tangage économique, car l’absence de réformes d’ampleur va inquiéter, à juste titre, les créanciers d’une nation cigale incapable d’équilibrer ses comptes. C’était inévitable. Sur ce point au moins, il y a consensus. Même si les avis divergent quant à l’identité du responsable.
Les alliés du gouvernement Barnier blâmeront les extrêmes. LFI d’un côté, qui n’a plus que le chaos pour espérer accéder au pouvoir, le RN de l’autre, qui voit dans la censure un moyen de détourner l’attention de ses déboires judiciaires. Et ces deux partis d’opposition – le NFP n’étant que le faux-nez du premier – auront beau jeu d’accuser le gouvernement de s’être refusé à l’exercice des grandes coalitions. D’autres y verront l’échec de la dissolution. La faute à Macron!
Et tous ont sans doute en partie raison. Les grandes crises sont toujours multifactorielles. Pour briser la mécanique démocratique, il faut s’y mettre à plusieurs. Ils ont réussi. Félicitations. Quant aux citoyens qui paieront l’addition, ils n’en sont pas moins coupables. Refusant les réformes qui s’imposent partout ailleurs et choisissant les pires représentants, ils ont joué la partition de la crise avec brio. Un véritable travail d’équipe. (…)
Par manque de caractère, tous ont failli. Le PS est devenu le bureau d’enregistrement de LFI; l’extrême droite a entériné son incapacité à gouverner; les citoyens ont fait la démonstration de leur irresponsabilité, préférant laisser à d’autres le soin de décider pour mieux les critiquer. (…)
Si les Français sont prêts à tout entendre et tout accepter du dirigeant qui n’a pas peur de tout oser, ils refuseront le moindre effort quémandé par un chef timoré. D’où une voie qui se dessine. Sortir du marasme actuel, c’est arrêter de louvoyer. Au-dehors : le président devrait cesser de s’excuser. Ses génuflexions en Algérie, sa crainte d’humilier Poutine et son silence devant l’emprisonnement de Boualem Sansal affectent sa popularité bien davantage que l’endettement public et les tensions économiques. Au dedans: le prochain Premier ministre aura tout intérêt à choisir un cap et à s’y tenir, à oser dire “non!” aux partis d’opposition, et à lier par voie référendaire son destin à celui de la France pour dire aux citoyens : “Regardez comment dirige un ministre de France! Votez!”
Les Français n’attendent rien d’autre. De Napoléon à Emmanuel Macron, ils n’ont voulu qu’une chose: le panache. Et si les professionnels de la politique s’en trouvent dépourvus, il émergera une figure prête à les venger d’un Etat qui les déçoit. Un révolutionnaire ou un réactionnaire. Armé d’une faucille et d’un marteau ou bien d’une tronçonneuse. A ce moment-là, il n’y aura vraiment plus de choix.
*Pierre Bentata est maître de conférences en économie à la faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille.
New York Times, Guest Essay, 5 décembre, article payant
France Is Being Held Hostage
Extraits:
France’s government has fallen.
In dramatic scenes at the National Assembly on Wednesday, the government — led by Prime Minister Michel Barnier — lost a no-confidence vote, effectively ending it. Not since 1962 has a French government been forced out this way. (…)
Nobody knows what comes next. What’s certain, however, is the strength and power of the far right in France today. Its ambitions and aspirations already dominate the country; now it’s shown it can take down a government. France is being held hostage, with no end in sight. (…)
From the outset, Mr. Barnier’s administration depended on the support of the National Rally, which won the most votes in the summer. Ms. Le Pen’s party reveled in it. Jordan Bardella, the party’s candidate for prime minister, said that Mr. Barnier would be under “surveillance.” (…)
(…) it’s true that Mr. Macron’s options are limited. Constitutionally barred from holding another parliamentary election until next summer, he could attempt to cobble together a new government — though both left and right are now sworn to reject prime minister candidates not from their flock. Alternatively, a caretaker government could stagger on until the summer, carrying out the most limited functions of the state. For France, dogged by serious financial problems and never far from social unrest, the lack of a proper government could be disastrous.
Mr. Macron’s authority, whatever he does next, is severely diminished. As for Ms. Le Pen and her allies, they are clearly no longer content just to push French political life to the right: Now they want power. It might not be too long before they get it.
https://www.nytimes.com/2024/12/05/opinion/france-marine-le-pen.html
Neue Zürcher Zeitung, 5 décembre, article payant
Frankreich in der Krise: Jetzt braucht Macron den Mut für eine Expertenregierung
Er hat sich in den letzten Wochen auffallend zurückgehalten. Aber nach dem Scheitern der Regierung Barnier ist Emmanuel Macron wieder am Zug. Die Wahl der Person, die eine neue Regierung anführen soll, ist entscheidend für Frankreich – und auch für Macron selbst.
Extraits:
Als Michel Barnier in den vergangenen Tagen um sein politisches Überleben kämpfte, war Emmanuel Macron in Saudiarabien auf Staatsbesuch. Bestimmt war diese dreitägige Reise schon lange geplant gewesen – und doch war die Symbolik so passend.
Frankreichs Präsident hatte sich in den letzten Wochen demonstrativ von dem Regierungschef distanziert und sich auch kaum mehr zur Innenpolitik geäussert. (…)
Doch nun ist Barnier weg, und der Präsident ist gefordert. Es ist seine Aufgabe, einen neuen Regierungschef oder eine neue Regierungschefin zu ernennen. Aus seinem Umfeld heisst es, Macron werde dies wohl sehr rasch tun. (…)
Es stellt sich daher die Frage, welche Optionen Macron angesichts der herrschenden Mehrheitsverhältnisse bleiben. In der Nationalversammlung gibt es seit Sommer drei grössere Blöcke. Keiner hat eine Mehrheit, und alle schliessen die Zusammenarbeit mit den jeweils anderen aus. Aber Neuwahlen sind bis im kommenden Sommer – zwölf Monate nach der letzten Wahl – von der Verfassung ausgeschlossen. (…)
Dennoch ist Le Pens Partei jene, die aus eigener Kraft am meisten Abgeordnete in der Assemblée stellt. An den Mehrheitsverhältnissen gemessen wäre es also nicht abwegig, den Rechtsnationalisten den Auftrag zur Regierungsbildung zu geben. Zudem hätte dies den Nebeneffekt, dass Macron seine jahrelange Konkurrentin Marine Le Pen vorführen könnte. Ihre Partei wäre dort, wo sie seit Jahren hinwill: an der Macht. Aber sie könnte nicht viel ausrichten. Denn die anderen Parteien würden den Rechtsnationalisten aus Prinzip die Mehrheiten verweigern, die sie für die Umsetzung von Gesetzesvorlagen brauchten. Bei der ersten Gelegenheit würde sie gestürzt. Die Blockade und ein weiterer Leerlauf wären absehbar.
Als dritte Option böte sich an, der vereinigten Linken eine Chance zu geben. Die Wahlallianz Nouveau Front populaire (NFP) ist ohnehin der Meinung, dass sie die eigentliche Gewinnerin der letzten Parlamentswahl sei. Allerdings haben die vier linken Parteien seither mehr als einmal gezeigt, wie es um die gemeinsame Position steht – nämlich nicht gut. Für eine Mehrheit im Parlament müsste der NFP zudem einen Teil der Mitteparteien auf seine Seite ziehen. Viele dieser Abgeordneten würden aber zur Bedingung machen, dass sich die moderaten Linken von den Extremen um Jean-Luc Mélenchon distanzieren. Dafür gibt es immer wieder einmal vereinzelte Anzeichen. Rechnerisch würde es aber eng. Eine Mitte-links-Regierung wäre eine sehr wackelige Angelegenheit. (…)
Als vierte Möglichkeit könnte Macron eine Technokratenregierung ernennen. Einen Regierungschef und ein Kabinett also, dessen Mitglieder nicht parteigebunden sind oder zumindest über Parteigrenzen hinaus Respekt geniessen. Was in Italien schon mehrmals vorkam, wäre für Frankreich ein Experiment. Aber es scheint derzeit die beste Lösung zu sein. (…)
ine Expertenregierung könnte eine Zeitlang für Stabilität sorgen, weil sie für einen – wenn auch kleinen – Konsens steht. Im Idealfall könnte sie ein paar Geschäfte verabschieden und dafür sorgen, dass die Staatsschulden nicht noch weiter steigen.
Das muss Macrons Priorität sein – zumindest bis im kommenden Sommer, wenn Neuwahlen wieder eine Option werden. Frankreich muss sparen und funktionieren, nicht nur für seine Bürgerinnen und Bürger, sondern auch für Europa.
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Editorial, 5 décembre, article payant
Frankreich in der Krise: Deutschland kann aus dem Sturz Barniers einiges lernen
Marine Le Pen hat längst ihren Frieden mit der Europäischen Union und dem Euro gemacht, die AfD ist hiervon weit entfernt. Das sollten diejenigen bedenken, die über eine angebliche bürgerliche Mehrheit aus Union und AfD (und eventuell FDP) fabulieren.
Extraits:
Aus den Vorgängen in der französischen Nationalversammlung ließe sich in Deutschland einiges lernen. In Paris hat ein Bündnis aus Rechts- und Linksextremen eine aus Zentristen und Rechtsbürgerlichen gebildete Minderheitsregierung gestürzt, obgleich die Extremen selbst auch nicht über eine Mehrheit in der Nationalversammlung verfügen. Der Sturz der Regierung Barnier kam zustande, weil die gemäßigte Linke mit der extremen Linken stimmte. (…)
Diese politische Konstruktion setzte jedoch mangels einer eigenen Mehrheit in der Nationalversammlung eine Tolerierung der Regierung Barnier durch das rechtsextreme Rassemblement National voraus. Marine Le Pen besitzt jedoch kein Interesse an einer gedeihlichen Tolerierung einer gemäßigten Regierung. Sie will die ganze Macht – und sei es im Zweifel durch ein vorübergehendes Paktieren mit der extremen Linken. So sieht das politische Hufeisen in der Praxis aus.
Das von der Regierung Barnier befürchtete Chaos an den Finanzmärkten blieb bisher aus. Solange in Frankreich kein Haushalt für 2025 verabschiedet wird, gilt der Haushalt von 2024 weiterhin. Zum anderen gilt es als wahrscheinlich, dass Präsident Macron bald einen neuen Premierminister ernennt. Im Prinzip existierte in der Nationalversammlung eine Mehrheit gemäßigter Kräfte. Sie müssten nur zusammenfinden.
Eine Krise an den Finanzmärkten bleibt dennoch möglich. Angesichts seiner öffentlichen Verschuldung braucht Frankeich bald einen finanzpolitischen Kurswechsel, der allerdings nicht populär wäre. Sollte ihn eine gemäßigte Regierung einleiten, könnten die extremen Parteien auf der Rechten wie auf der Linken davon profitieren. Den Haushalt selbst konsolidieren wollen sie natürlich nicht.
Die Lehren aus dem französischen Exempel sind offensichtlich: Auch in Deutschland hätten gemäßigte Parteien von Verbindungen mit Extremen nichts Gutes zu erwarten; dies umso mehr, als das heutige Rassemblement National im Vergleich zur AfD zumindest ein wenig geläutert erscheint. (…)
Und während Le Pen längst ihren Frieden mit der Europäischen Union und dem Euro gemacht hat, ist die AfD hiervon weit entfernt. Die angebliche bürgerliche Mehrheit aus Union und AfD (und eventuell FDP), über die Rechtsaußen fabuliert wird, existiert aus einer konstruktiven politischen Warte nicht. Wer im Morast trüber Tümpel feststeckt, kann kein Land voranbringen.
The Guardian, 5 décembre, libre accès
French PM to resign after government falls while Macron seeks solution to crisis
Michel Barnier to present resignation to president after being ousted in record time by vote of no confidence
Le Point, 5 décembre, article payant
Poltronneries de notre temps
L’ÉDITO D’ÉTIENNE GERNELLE. La politique nationale donne le spectacle épouvantable du mépris de l’intérêt général. Dire la vérité demande-t-il tant de courage ?
Extraits:
Rien n’est plus cruel que de relire les propos que les hommes ont tenu du temps de leur splendeur. Et celui-ci, reconnaissons-le, nous le ressassons : « Nous devons renouer avec l’héroïsme politique »… C’est ce qu’avait proclamé au Point un Emmanuel Macron triomphant en août 2017. C’était sa première interview de président, et il l’a longtemps vue comme une sorte de manifeste.
Sept ans plus tard, le résultat de cette incantation n’est pas piteux, il est misérable. La politique nationale donne actuellement le spectacle épouvantable des égoïsmes, du court-termisme, des calculs médiocres et du mépris de l’intérêt général, tout le monde étant persuadé – non sans raison – que, si la catastrophe financière se produit, c’est d’abord Emmanuel Macron qui en portera la responsabilité.
La réalité est qu’il y a peu d’innocents dans l’affaire. Les forces politiques ont prolongé et amplifié la dérive d’un président qui a cru – en vain – préserver un peu plus longtemps sa popularité en sacrifiant la vérité. (…)
Il n’y aurait, en réalité, aucun héroïsme à dompter nos finances publiques, comme l’ont fait avant nous Suédois, Allemands, Espagnols, Portugais et Grecs. Ce ne serait pas un exploit puisque tout le monde y est parvenu, sauf nous. Voici peut-être ce qu’il y a de plus choquant dans la situation actuelle : le courage nécessaire pour conjurer le pire ne serait pas si grand. Le chemin est balisé, les méthodes disponibles, les experts à disposition. Le risque ? Perdre les élections. Est-ce si grave ?
Manifestement, oui. Il faut croire que la poltronnerie a gagné la bataille. (…)
Rien ne fut dit, donc, avec la clarté qui eût permis, au moins, de donner sa chance à la sagesse. Nos dirigeants se sont enivrés de leurs certitudes selon lesquelles on ne peut pas dire la vérité. Et ont ainsi donné l’exemple : les pires ivrogneries budgétaires sont désormais la norme. Au point où l’on en est de la séparation d’avec le réel, il est difficile de voir comment il sera possible d’éviter une sanction des marchés financiers.
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/poltronneries-de-notre-temps-05-12-2024-2577163_32.php
Le Figaro, 5 décembre, article payant
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers: «La France à la renverse»
Cette journée de censure nous a fait voir dans une unité de temps, de lieu et d’action, la tragédie d’une vie politique qui s’effondre sur elle-même.
Extraits:
(…) Au bord du gouffre financier, du déclassement économique, notre pays est traversé par une délinquance aveugle et galopante, frappé par une déstabilisation migratoire qui amplifie toutes ses difficultés. La France est à la renverse, mais la politique se confine dans des négociations catégorielles et des combinaisons lilliputiennes. Le menton se dresse, la voix porte haut, les mots claquent, mais tout sonne faux. Les réalités quotidiennes des citoyens n’apparaissent qu’en rhétorique, les défis qui s’annoncent nourrissent les tentatives d’éloquence, mais l’astre parlementaire n’éclaire plus. L’Assemblée tourne à vide. Elle ne peut être dissoute. C’est donc à l’Élysée de trouver le moyen d’équilibrer un peu ce qui est instable. (…)
Le pays est évidemment à droite, il ne faut surtout pas un premier ministre venant de la gauche. Quand tout est flou, enfin, il est sage de protéger les lignes claires. Celle de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur a convaincu l’opinion en quelques semaines. Il serait judicieux de ne pas l’effacer.
Dans cette configuration, on peut ralentir l’autodestruction, mais on ne l’arrêtera pas. Entre confusion et médiocrité, cette journée de censure nous a fait voir dans une unité de temps, de lieu et d’action, la tragédie d’une vie politique qui s’effondre sur elle-même.
Libé, 5 décembre, article payant
L’édito d’Alexandra Schwartzbrod : Michel Barnier, Premier ministre idéal de Marine Le Pen censuré par Marine Le Pen
En dialoguant avec l’extrême droite dans l’espoir d’y trouver son compte, le chef du gouvernement a commis une erreur fatale. Mais la stratégie du chaos risque fort de se retourner contre son inspiratrice.
Extraits:
Et si elle s’était trompée ? Et si cette décision de censurer le gouvernement Barnier, prise «en quelques dizaines de minutes», rapportons-nous, était une des plus mauvaises décisions politiques arrêtées par Marine Le Pen ? Objectivement, Michel Barnier était pour elle le Premier ministre idéal : il assurait le sale boulot, elle levait le pouce ou l’abaissait, faisant et défaisant à sa guise la feuille de route qu’il s’était fixée. (…)
En votant la censure, la cheffe du Rassemblement national revient à ses premières amours antisystème et risque de perdre ces électeurs-là.
Dans un contexte international déjà extrêmement préoccupant, précipiter à la veille des fêtes de fin d’année le pays dans une nouvelle période d’incertitudes politique, économique et financière, risque aussi d’être très impopulaire. Et de laisser des traces.
L’Opinion, édito, 5 décembre, article payant
Censure de Michel Barnier: tous perdants!
Le gouvernement de Michel Barnier a été censuré par 331 voix.
Extraits:
Ne croyez ni les cris de victoire, ni les mots de confiance : avec la chute de Michel Barnier, la France s’enfonce dans une crise dont personne ne maîtrise l’issue. Et surtout pas les professionnels de l’abandon qui prétendent nous diriger. A vrai dire, tous les acteurs, coupables de cet effondrement annoncé, sortent perdants après des mois d’irresponsabilité qui marqueront l’histoire.
Perdant, le président de la République, dont la dissolution aura précipité la décomposition politique quand il promettait une clarification censée relancer le pays. Perdant, le Premier ministre, tout sauf providentiel, prisonnier d’une méthode de dialogue et de respect obsolète par temps de passions tristes. Perdantes, les composantes du « socle commun », salies par leur cynisme, leurs lâchetés et leur fausse union dans l’intérêt supérieur. Perdant, le Nouveau Front populaire : La France insoumise s’est discréditée par son obsession du chaos ; ses complices socialistes, écologistes et communistes se sont déshonorés par un asservissement aux relents de calculs électoraux minables. Perdant, le Rassemblement national, redevenu au grand jour un parti populiste du désordre, du double langage et de la démagogie décomplexée.
Sans majorité de substitution, sans alternative crédible pour Matignon, qui croira qu’une solution pérenne ? (…) Pas les Français, désormais sans illusion aucune sur leur classe politique, incapables ni d’espérer, ni de se battre. Et poussés, par ce spectacle aussi médiocre que désolant, au renoncement plutôt qu’au sursaut.
https://www.lopinion.fr/politique/censure-de-michel-barnier-tous-perdants
Der Spiegel, 5 décembre, article payant
Regierungskrise in FrankreichLe Pens nächstes Ziel: Emmanuel Macron
Die ultrarechte Marine Le Pen stürzt die Regierung um Premier Barnier, die Schulden steigen ungebremst: Frankreich versinkt in einer schweren politischen Krise. Kann sich Präsident Macron halten?
Extraits:
Zumindest in diesem einen Punkt sind sich Marine Le Pen und Michel Barnier einig. »Wir sind am Moment der Wahrheit angekommen«, sagen beide in ihren Reden vor der Pariser Nationalversammlung.
Die Fraktionschefin des rechtsradikalen Rassemblement National (RN) genießt diesen Moment sichtlich, wenige Stunden bevor sie ihre ganze Macht ausspielen wird. Der Premierminister nutzt ihn, um die Abgeordneten noch einmal zu beschwören. Er spricht von ihrer Verantwortung und davon, dass Frankreichs Haushaltsprobleme nicht verschwinden, nur wenn er verschwinde. Manchmal stockt Barniers Stimme.
Es hilft nichts. Am Mittwochabend, 20.30 Uhr, betätigt Le Pen im Verbund mit den sonst so von ihr verhassten Linken das politische Fallbeil. (…)
Deutschlands wichtigster EU-Partner versinkt in einer politisch-finanziellen Doppelkrise: Frankreich hat keine Regierung mehr und steuert ohne Haushalt, dafür mit ungebremst steigender Neuverschuldung, auf das Jahr 2025 zu. Die Krise der Unregierbarkeit, so wirkt es am Mittwochabend in Paris, erfasst die gesamte französische Politik wie ein lähmendes Gift. (…)
Macron war seit seinem Amtsantritt 2017 nie so unbeliebt wie heute, nur 21 Prozent der Bürger vertrauen ihm, so eine Umfrage des Instituts Elabe. Die Wähler machen Macron für die Krise verantwortlich, auch für die finanzpolitische, zumal sich das Defizit erst unter seiner Führung so hoch aufgetürmt hat.
Jetzt muss der Präsident sich in Zeiten maximaler Instabilität als Stabilitätsanker beweisen. Um Mélenchons und Le Pens Kalkül zu widerlegen, dürfte Macron so schnell wie möglich einen neuen Premier ernennen. Der oder die muss besser mit der Dreiteilung des Parlaments zurechtkommen als Barnier. (…)
👎 😮 Le Figaro, 4 décembre, article payant
Yannick Jadot : «Nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre le NFP et le bloc central»
ENTRETIEN – L’ancien candidat écologiste à la présidentielle appelle à la constitution d’un gouvernement de front républicain qui pourrait inclure des ministres issus du bloc central.
Extraits:
LE FIGARO.- Si le gouvernement tombe mercredi , que doit proposer la gauche ?
Yannick JADOT.- Si le gouvernement tombe, c’est qu’il l’a bien cherché. Cela prouve aussi que cette tentative d’une alliance macronie-LR, qui a dérivé en axe Wauquiez-Barnier-Le Pen, n’avait pas d’avenir. Il faut revenir à l’origine du vote du second tour des élections législatives de juillet, c’est-à-dire le front républicain contre le Rassemblement national. Dans ce cadre-là, il y a deux grands groupes : le Nouveau Front populaire, évidemment, et le bloc central. Puisqu’il faut sortir du chaos créé par le président et que le pays doit être gouverné jusqu’à la prochaine échéance électorale, nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre ces deux blocs, avec un accord de non-censure, autour d’un socle restreint de mesures indispensables pour les Français. Je parle bien d’un pacte transitoire, qui se déclinera d’abord au Parlement. Pas d’une coalition de gouvernement, selon moi impossible à bâtir aujourd’hui au regard des divergences profondes qui existent entre ces blocs et qui devront être tranchées par les prochaines élections.
Cela doit-il passer par un gouvernement commun ?
Le président de la République doit revenir à la jurisprudence parlementaire et confier au Nouveau Front populaire la constitution du gouvernement puisque notre coalition est arrivée en tête aux législatives. (…)
Le Figaro, 3 décembre, article payant
Jean-Thomas Lesueur: «Budget 2025, en finir avec le socialisme mental»
TRIBUNE – La crise politique engendrée par les discussions autour du budget 2025 montre que les responsables politiques refusent d’envisager autre chose que la préservation d’un « modèle français » en bout de course, estime le directeur général de l’Institut Thomas More.
* Directeur général de l’Institut Thomas More, Jean-Thomas Lesueur est coauteur de la note intitulée « La grande parade continue. Socialisme mental et extension sans fin du domaine de l’État ».
Lire le texte intégral ici : https://kinzler.org/wp-content/uploads/2024/12/4-decembre.pdf
Le Point, 4 décembre, article payant
L’avenir en suspens de l’aide médicale d’État pour les étrangers
La réforme en cours de l’AME continue de susciter des tensions. En dehors des cas d’urgence, les étrangers pourraient devoir se faire soigner dans leur pays d’origine.
Extraits:
Aide médicale d’État, attention, retour du sujet explosif. Le Premier ministre Michel Barnier a annoncé qu’il envisageait une diminution « sensible » du panier de soins pris en charge par l’État pour les bénéficiaires de l’AME, « pour éviter les abus et les détournements », après avoir déjà déclaré qu’il n’avait « ni totem ni tabou » sur ce sujet.
Cette décision fait partie du budget 2025, et des lois de sécurité sociale, pour laquelle le Premier ministre a déclenché ce lundi 2 décembre l’article 49.3 de la Constitution. Le RN a toutefois déclaré qu’il voterait la censure du gouvernement. Difficile pour l’instant de savoir ce qu’il adviendra de ces mesures, en raison des incertitudes politiques, mais, quoi qu’il en soit, l’AME est un sujet d’actualité.
S’agit-il d’une concession accordée au RN et à une partie de la droite, qui réclament depuis longtemps la transformation de cette AME en une simple aide médicale d’urgence ? (…)
Actuellement, il est vrai que notre système de l’AME est généreux, plus que dans la plupart des pays européens. Il permet à tout étranger en situation irrégulière, ainsi qu’à sa famille, d’accéder sans frais à quasiment tous les soins proposés par la médecine française. À l’inverse, de nombreux pays proposent une simple « aide d’urgence » et ne prennent en charge gratuitement que les cas les plus aigus. En France, toutefois, de nombreux médecins ont souvent fait remarquer qu’une remise en cause de l’AME aurait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages, notamment parce qu’elle risquerait de faire exploser les pathologies.
Dans le détail, il faut regarder de près ce que signifierait cette remise en cause de l’AME. Le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de « baisser de 200 millions d’euros les crédits de l’aide médicale d’État », alors que l’an dernier le montant consacré était de 1,3 milliard d’euros (soit 0,5 % seulement du budget de l’Assurance maladie). (…)
En réalité, cette décision pourrait entraîner un vrai bouleversement dans la prise en charge des soins des étrangers. Le projet de loi de sécurité sociale, à la suite d’un amendement sénatorial, « invite le gouvernement à modifier le panier de soins proposé par l’AME ». Bien que les choses ne soient pas écrites si clairement, il pourrait s’agir de ne plus prendre en charge les soins chroniques, lourds, comme les suites des dialyses, des diabètes, les suivis post-opératoires des cancers, dont la proportion est en forte hausse dans le budget de l’aide médicale d’État. (…)
En effet, si l’AME est supprimée, on peut supposer que beaucoup d’étrangers viendront tout de même se faire soigner, notamment à l’hôpital, et que les médecins les traiteront, conformément au serment d’Hippocrate. En revanche, les factures de ces personnes, qui ne pourront plus être prises en charge par l’État, seront alors adressées… aux hôpitaux, qui n’auront pas d’autres solution que de les intégrer dans leur budget, provoquant pour eux une dépense supplémentaire. (…)
D’autres pistes sont également envisagées par le gouvernement pour diminuer le coût de l’AME. Il s’agirait de réserver ce droit au seul demandeur, et à ses enfants mineurs, mais de l’exclure pour ses autres proches, majeurs, comme c’est le cas actuellement. D’autre part, certaines pathologies ne seraient plus automatiquement prises en charge, mais devraient d’abord avoir reçu les autorisations préalables de la caisse d’assurance maladie pour que cela soit validé. Que le budget soit voté ou non, l’aide médicale d’État va rester un sujet d’actualité.
Législatives : les dangers cachés d’un retour à la proportionnelle
Le scrutin proportionnel, présenté comme la solution miracle pour s’extraire du marasme politique actuel, ne va pas sans inconvénients. (Le Point, 14 août, opinion, entretien, article payant)
Extraits:
(…) Les avantages de la proportionnelle, qui est largement pratiquée chez nos voisins européens, sont connus : elle permet notamment de tenir compte de la diversité des courants politiques et favorise la parité, rendant, en principe, la constitution de coalitions plus facile. Prenons les législatives de 1986. François Mitterrand, par calcul – le président de la République voulait affaiblir la droite en la divisant –, avait instauré la proportionnelle intégrale et permis l’élection de 35 députés du Front national.
Pour la première fois, le courant de Jean-Marie Le Pen est représenté au Palais-Bourbon. Le pari démocratique de la représentativité des courants politiques était respecté, au grand dam de Jacques Chirac, qui s’empressera de rétablir, via l’article 49.3, le scrutin majoritaire. Le Premier ministre dénonçait alors les effets pervers du scrutin proportionnel « dont les appareils politiques ont la part belle ». « Ils élaborent les majorités, déterminent les actions à conduire, choisissent les candidats et décident par avance de la victoire ou de leur défaite », tançait-il.
C’est là le principal danger d’un retour à la proportionnelle. Cela favoriserait le retour au « régime des partis » qu’abhorrait de Gaulle. Un retour à la IVe République, en somme. Les sièges sont attribués en proportion du nombre de voix obtenues par chaque formation politique. Il s’agit donc moins de voter pour un homme ou une femme que de voter pour un parti ou un programme. (…)
« Le scrutin majoritaire, c’est l’individualisme appliqué sur la base d’un contrat d’homme à homme ; le scrutin proportionnel, c’est la prédominance absolue des partis », résumait en 2022 l’historien et essayiste Jacques Julliard dans une chronique pour Le Figaro. Et alors que l’Assemblée est déjà fragmentée en onze groupes, le risque serait de se retrouver avec une somme de petits groupes ; un accord programmatique et la constitution d’une majorité absolue apparaîtraient encore plus hypothétiques qu’aujourd’hui.
« On entrerait dans l’ère de la démocratie minoritaire. Les boutiques partisanes seraient obligées, pour exister, de s’adresser à leurs clientèles », pointe Stéphane Fournier, doctorant en sciences politiques et directeur d’étude à l’institut Cluster 17. Ce serait par ailleurs donner un poids institutionnel considérable à des partis qui n’ont jamais été aussi faibles. Chaque personnalité politique serait ainsi tentée de monter son propre parti pour exister à l’Assemblée.
« On se retrouverait avec 35 listes, comme aux européennes. Je ne suis pas certain que ça favoriserait la clarté du débat public », relève un député PS. Un garde-fou est néanmoins prévu : les sièges sont répartis entre les partis ayant obtenu au moins 5 % des suffrages. (…)
Cet effet pervers pourrait en entraîner un autre : il réduirait l’ancrage territorial des députés, déjà affaibli par la suppression du cumul des mandats. Le scrutin proportionnel étant un scrutin de liste, il renforce le poids des partis et les « stars » de ces formations seraient systématiquement placées en tête, sans renouvellement. Le risque, pointent les détracteurs de la proportionnelle, est qu’un élu doive sa réélection davantage à sa place au sein de l’appareil politique qu’à sa connaissance d’une circonscription et de ses électeurs.
« On aurait des candidats qui n’auraient même pas besoin de faire campagne. On ne voterait plus pour un élu qui nous représente à l’Assemblée nationale et fait remonter les problématiques locales mais pour un nom attaché à un parti », souligne ce même député PS, qui estime par ailleurs que ce débat est anachronique : « On pouvait s’interroger sur la proportionnelle en 2017, lorsque le FN puis le RN n’avait presque pas de députés alors que sa candidate se qualifiait au second tour mais on n’est plus dans cette configuration ! D’un point de vue démocratique, personne n’a à se plaindre. Le bloc de gauche, par exemple, incarne 30 % de l’électorat depuis des années et occupe aujourd’hui environ 30 % des sièges de l’hémicycle. » (…)
Législatives : les dangers cachés d’un retour à la proportionnelle (lepoint.fr)
Alain Minc: «La situation politique inédite laisse la France sans solution… ou presque»
ENTRETIEN – Vote de confiance à l’Assemblée nationale, recours à l’article 16, déchéance du président : l’ancien conseiller politique et essayiste présente quelques pistes pour sortir de l’impasse dans laquelle la dissolution de l’Assemblée nationale a conduit le pays. (Le Figaro, 14 août, entretien, article payant)
Extraits:
(…) L’hypothèse d’un gouvernement technique est-elle à exclure ?
Remplacer le ministre des Affaires étrangères par la secrétaire générale du Quai d’Orsay fonctionnerait. Mais la directrice du budget ne peut pas édicter le budget de la France : le Parlement doit le voter. Si un projet de budget est déposé par un gouvernement, quel qu’il soit, il est à la merci d’une motion de censure. Seule l’abstention des socialistes éviterait le vote d’une motion de censure. Cependant, comment obtenir l’abstention des socialistes sans lever l’hypothèque de départ, le « déni de démocratie », par un vote de confiance refusé au gouvernement du Nouveau Front populaire ? (…)
Peut-on trouver un homme providentiel ?
Quand bien même la France dénicherait un homme comme Mario Draghi, c’est-à-dire un personnage mondialement reconnu, il serait confronté au même problème. Un Mario Draghi français ne pourrait faire adopter un projet de loi de finances sans l’abstention du camp socialiste. Or, Emmanuel Macron a écarté leur candidate d’un revers de la main. Lucie Castets semble en effet avoir été choisie à l’initiative du Parti socialiste.
Il faut d’abord prouver qu’un gouvernement Castets ne fonctionne pas, pour donner ensuite une chance à un gouvernement technique ou à une personnalité de centre droit. La situation est inédite et laisse la France sans solution, sauf en cas d’abstention d’un pan important de l’Assemblée lors du vote du budget, ce qui laisserait entrevoir un espace pour un gouvernement capable de faire adopter un budget. (…)
👎 Macron has to stop hiding behind the Olympics – and name a prime minister
By refusing to confirm the election-winning leftwing coalition’s candidate, the president is looking more and more autocratic (The Guardian, 31 juillet, opinion, libre accès)
Extrait:
When one political bloc ranks first in the vote… that bloc has won. That’s the logic, that’s the tradition. Macron must name as prime minister the pick of the Nouveau Front Populaire (NFP). The fact that he has already refused to do so is a negation of democracy.”
That is conservative politician Charles de Courson calling on president Macron to respect French political tradition and name the newly selected NFP candidate, Lucie Castets, as prime minister. When even politicians on the French right are coming to the aid of a leftwing alliance and criticising the president’s disdain for parliamentary procedure, you know a line has been crossed. (…)
Many on the left have condemned his manoeuvring as dangerous and autocratic: he is effectively denying the NFP its parliamentary victory, however small the margin of its success. (…)
Speaking to the French press on Sunday, Lucie Castets said: “The president of the republic must put an end to the unprecedented paralysis our country is going through. He must take the results of the parliamentary elections seriously and let the bloc that led these results rule the country.” It is time for Macron to stop sulking and do the right thing.
Thierry Chopin, politiste : « Le rejet permanent de toute forme de coalition n’est plus tenable »
Le Parlement doit urgemment renouer avec la culture du compromis, si la France veut éviter la paralysie juge le professeur (Le Monde, 29 juillet, tribune)
Excerpt:
Les résultats des élections législatives des 30 juin et 7 juillet en France dessinent un paysage politique très fragmenté en dépit de la formation de trois blocs : la gauche, le centre et l’extrême droite. Cette fragmentation inscrit la vie politique française dans le droit fil des dynamiques à l’œuvre en Europe tant au niveau national qu’à l’échelle de l’Union. Mais son degré est inédit pour la Ve République et les formations politiques françaises y sont mal préparées du fait de l’absence de culture du compromis et de la brutalisation de la vie politique hexagonale.
La principale conséquence de cette situation est évidente : l’absence de majorité stable. La France sera difficilement gouvernable au-delà des affaires courantes et urgentes. (…)
La voie d’une grande coalition semble ainsi d’emblée avoir été exclue, plusieurs partis l’ayant rejetée dès le soir des résultats. En outre, tout gouvernement minoritaire risquerait de faire l’objet d’une motion de censure et aurait beaucoup de difficultés à mettre en œuvre son programme, renforçant à terme le Rassemblement national. Comment sortir de cette impasse politique et de la crise institutionnelle qui en découle ? (…)
Le rejet permanent de toute forme de coalition n’est plus tenable. Rendre de futures coalitions possibles suppose la réémergence d’un centre gauche et d’un centre droit autonomes, faisant campagne sur leurs thèmes respectifs au moment de l’élection. Le tout en n’excluant pas a priori la possibilité de travailler ensemble si les résultats électoraux le rendent nécessaires, comme dans la plupart des pays européens.
Il est notable que les groupes politiques qui ont soutenu la réélection d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne – verts, sociaux-démocrates, centristes et centre droit – auraient une majorité absolue très nette à l’Assemblée nationale (environ 350 députés). (…)
La France doit sortir de la crise institutionnelle où elle est plongée si elle veut éviter la paralysie dans un contexte économique, social et international qui ne l’autorise pas. Renouer le fil de la culture du dialogue et du compromis en constitue la condition indispensable.